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25/03/1988 | FRANCE | N°56809

France | France, Conseil d'État, 10/ 8 ssr, 25 mars 1988, 56809


Vu °1) sous le °n 56 809 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février 1984 et 6 juin 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule la décision du conseil du contentieux administratif de la Nouvelle Calédonie et Dépendances en date du 4 novembre 1983 condamnant le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES à verser à MM. X... et Y... la somme de 490 000 FP en réparation de divers préjudices qu'ils ont subi

lors des inondations consécutives au cyclone "Cliff" au mois de févri...

Vu °1) sous le °n 56 809 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février 1984 et 6 juin 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule la décision du conseil du contentieux administratif de la Nouvelle Calédonie et Dépendances en date du 4 novembre 1983 condamnant le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES à verser à MM. X... et Y... la somme de 490 000 FP en réparation de divers préjudices qu'ils ont subi lors des inondations consécutives au cyclone "Cliff" au mois de février 1981,
°2) rejette les conclusions présentées par MM. X... et Y... devant le conseil du contentieux administratif de la Nouvelle Calédonie et dépendances, et dirigées contre le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances,

Vu °2) sous le °n 67 196 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 27 mars 1985 et le 29 juillet 1985, présentés pour le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement du 31 décembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Nouméa l'a condamné solidairement avec la commune du Mont-Dore à payer la somme de 755 162,50 FP à M. X... et la somme de 329 500 FP à M. Y... en réparation du préjudice que leur a causé l'impossibilité d'habiter leurs villas, en raison des inondations consécutives au passage du cyclone "Cliff" au mois de février 1981 ;
2- rejette les conclusions présentées par MM. X... et Y... devant le tribunal administratif de Nouméa ;
Vu °3) sous le °n 67 357 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 1er avril 1985 et le 1er août 1985, présentés pour MM. X... et Y... demeurant respectivement B.P. 1499 et B.P. 1453 à Nouméa (Nouvelle Calédonie), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- ordonne la jonction de la présente requête avec la requête °n 56 809 ;
2- réforme le jugement du 31 décembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a condamné le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES et la commune du Mont-Dore à payer à M. X..., respectivement les sommes de 755 162,50 FP et 377 581 FP et à M. Y... respectivement les sommes de 329 500 FP et de 164 700 FP avec intérêts de droit à compter du 1er janvier 1981, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande et mis à leur charge le quart des dépens de l'instance comprenant les frais d'expertise d'un montant de 387 100 FP ;
3- condamne le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES et la commune du Mont-Dore à payer respectivement à M. X... les sommes de 5 244 000 FP et de 1 510 000 FP et à M. Y... les sommes de 3 728 FP et de 659 000 FP avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts ;
4- condamne le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEONIE ET DEPENDANCES et la commune du Mont-Dore à supporter les entiers dépens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Honorat, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat du TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES et de Me Ancel, avocat de MM. X... et Y...,
- les conclusions de M. Massot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées présentées par le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES et par MM. X... et Y... sont relatives à un même préjudice ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Sur la responsabilité :
Considérant que, si la configuration des lieux où était situé le terrain de MM. X... et Y..., auxquels il appartenait de prendre toutes mesures nécessaires pour en assurer la protection, rendait celui-ci inondable en cas de fortes pluies, le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES n'a commis aucune faute en n'interdisant pas, à cet endroit, tout lotissement ou toute construction ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les conséquences dommageables de l'inondation provoquée, en raison de la situation particulière du terrain de MM. X... et Y..., par les pluies qui se sont abattues, le 13 février 1981, sur le territoire de la commune du Mont-Dore lors du passage du cyclone "Cliff" et qui, eu égard à leur caractère prévisible dans une telle région, ne constituaient pas, malgré leur extrême violence, un événement de force majeure, ont été aggravées, de manière indivisible, par la conception inadaptée et l'entretien défectueux du radier situé sur le torrent en amont de la propriété de MM. X... et Y..., et qui, depuis 1977, appartient au domaine public de la commune du Mont-Dore ainsi que par l'insuffisance de débouchés du pont situé sur la rivière "La Coulée" et qui appartient au domaine pubic du territoire ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le territoire, sa responsabilité se trouve engagée sur le terrain du risque du fait de l'ouvrage public dont il est propriétaire et vis-à-vis duquel MM. X... et Y... ont la qualité de tiers ;

Considérant que, compte tenu de l'origine naturelle des dommages subis par MM. X... et Y... et du rôle prépondérant joué par le radier dans l'aggravation du dommage, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en ramenant de 50 % à 25 % la part de responsabilité du territoire, en maintenant à 25 % la part qui revient à la commune et en portant de 25 % à 50 % la part des dommages laissés à la charge de MM. X... et Y... ; que, par suite, les conclusions incidentes par lesquelles MM. X... et Y... demandent à être déchargés de toute responsabilité et les conclusions de leur appel provoqué par lesquelles ils demandent que la commune du Mont-Dore soit condamnée à supporter la part de responsabilité supplémentaire qui serait éventuellement mise à leur charge en appel doivent être rejetées ;
Considérant cependant que, les dommages étant imputables d'une manière indivisible à la commune et au territoire, il y a lieu de faire droit aux conclusions de l'appel incident et de l'appel provoqué de MM. X... et Y... en ce qui concerne la solidarité et de condamner solidairement le territoire et la commune à réparer les dommages dont la présente décision les reconnaît responsables ;
Sur le montant du préjudice :
Considérant que si MM. X... et Y... demandent, par la voie de l'appel incident, que le montant des sommes qui leur sont dues au titre des pertes de loyers soit porté à 300 000 FP et que le montant des sommes dues au titre de la perte de leurs biens mobiliers soit porté à 1 million de FP, ils n'apportent à l'appui de leurs allégations aucun élément de nature à en justifier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE et MM. X... et Y... dans leurs requêtes enregistrées respectivement sous les °ns 67 196 et 67 357, les premiers juges, dont la décision n'est pas entachée d'une contradiction de motifs, n'ont pas, en reprenant les conclusions du rapport d'expertise, fait en l'espèce une évaluation inexacte du coût de la remise en état des maisons d'habitation de MM.
X...
et
Y...
; qu'en outre, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de MM. X... et Y... tendant à ce que soient indemnisés les désordres consécutifs à l'inondation qui serait survenue dans la nuit du 3 au 4 juin 1981 et qui constituent un préjudice distinct de celui dont ils avaient demandé réparation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'il y a lieu de condamner conjointement et solidairement le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES et la commune du Mont-Dore à verser, en ce qui concerne M. X..., une somme de 1 245 162,50 FP et, en ce qui concerne M. Y..., une somme de 819 500 FP, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 1981 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que MM. X... et Y... ont demandé, le 1er avril 1985, la capitalisation des intérêts afférant aux indemnités que le tribunal administratif de Nouméa leur a accordé par son jugement en date du 31 décembre 1984 en raison du préjudice que leur a causé l'impossibilité d'occuper leur villa ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, dans la mesure du montant des indemnités mises à la charge du Territoire et de la commune au titre de ce chef de préjudice par la présente décision, soit 755 162,50 FP en ce qui concerne M. X... et 377 581 FP en ce qui concerne M. Y... ;
Sur les frais d'expertise :

Considérant que si MM. X... et Y... demandent que les frais d'expertise soient mis intégralement à la charge du TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES et de la commune du Mont-Dore, il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de rejeter leur demande sur ce point ;
Article 1er : Le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES et la commune du Mont-Dore sont condamnés conjointement et solidairement à payer une somme de 1 245 162,50 FP en ce qui concerne M. X... et une somme de 819 500 FP en ce qui concerne M. Y....
Article 2 : Les sommes que le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES a été condamné à verser par la décision du conseil du contentieux administratif de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en date du 4 novembre 1983 et le jugement du tribunal administratif de Nouméa en date du 31 décembre 1984 sont ramenées à 622 581,25 F en ce qui concerne M. X... à 409 750 F en ce qui concerne M. Y.... Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 1981.
Article 3 : Les sommes que la commune du Mont-Dore a été condamnée à verser par la décision du conseil du contentieux administratif de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en date du 4 novembre 1983 et le jugement du tribunal administratif de Nouméa en date du 31 décembre 1984 sont ramenées à 622 581,25 F en ce qui concerne M. X... et à 409 750 F en ce qui concerne M. Y.... Cessommes porteront intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 1981.
Article 4 : Les intérêts afférents aux indemnités que le TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES et la commune du Mont-Dore sont condamnés à verser à MM. X... et Y... en réparation du préjudice que leur a causé l'impossibilité d'occuper leurs villas dans la mesure où elles sont maintenues par la présente décision et échus au 1er avril 1985 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 5 : Le surplus des requêtes °n 56 809, 67 196 et 67 357, ainsi que des conclusions d'appel présentées sous le °n 56 809 est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au TERRITOIRE DE LA NOUVELLE CALEDONIE ET DEPENDANCES, à MM. X... et Y..., à la commune du Mont-Dore et au ministre des départements et territoires d'outre-mer.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE ENCOURUE DU FAIT DE L'EXECUTION - DE L'EXISTENCE OU DU FONCTIONNEMENT DE TRAVAUX OU D'OUVRAGES PUBLICS - VICTIMES AUTRES QUE LES USAGERS DE L'OUVRAGE PUBLIC - TIERS - Fonctionnement de l'ouvrage - Radier - Inondation - Conception inadaptée et entretien défectueux de l'ouvrage.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - QUALITE DE TIERS - Par rapport à l'ouvrage.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - CAUSES D'EXONERATION - FORCE MAJEURE - ABSENCE - Pluies cycloniques.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - CONDITIONS DE FONCTIONNEMENT DE L'OUVRAGE - Radier - Inondation.


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation: CE, 25 mar. 1988, n° 56809
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Honorat
Rapporteur public ?: Massot

Origine de la décision
Formation : 10/ 8 ssr
Date de la décision : 25/03/1988
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 56809
Numéro NOR : CETATEXT000007729361 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1988-03-25;56809 ?
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