Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 octobre 1985 et 24 février 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour MM. B..., X..., A..., Y... ET Z..., faisant élection de domicile, pour les besoins de la procédure, chez Me Guinard, avocat aux Conseils, ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion en date du 17 juillet 1985 en tant qu'il a, à la demande de la société réunionnaise de commerce et de commission (SERCA), annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 19 mai 1984 en tant qu'elle refuse l'autorisation de licencier MM. B..., X..., A... et Y... ;
°2) rejette la demande présentée par la société réunionnaise de commerce et de commission devant le tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Faure, Maître des requêtes,
- les observations de Me Guinard, avocat de M. B... et autres et de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la société réunionnaise de commerce et de commission (SERCA),
- les conclusions de M. Robineau, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, d'une part, que la circonstance que, par son précédent jugement du 19 juin 1985, le tribunal administratif avait annulé une première décision de l'inspecteur du travail du 29 février 1984 refusant d'autoriser le licenciement de M. Z... ne faisait pas obstacle en l'espèce, contrairement à ce qu'il a estimé dans les motifs du jugement attaqué, à ce qu'il se prononce sur la légalité de la décision du 19 mai 1984 par laquelle l'inspecteur du travail, à la suite d'une nouvelle demande d'autorisation de licenciement, a refusé l'autorisation de licencier M. Z... ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions des articles L.425-1 et L.436-1 du code du travail applicables à la date de la décision attaquée, tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement ; que dans leur mémoire en défense présenté en première instance, M. B... et autres ont opposé une exception tirée de ce que la société réunionnaise de commerce et de commission (SERCA) n'avait pas fait précéder sa demande d'autorisation de licenciement des salariés protégés de la consultation du comité d'entreprise conformément aux dispositions des articles L.425-1 et L.436-1 du code du travail précités ; que le tribunal, dans son jugement, n'a pas examiné cette exception qui, si elle était fondée, était de nature à entraîner le maintien de la décision de l'inspecteur du travail du 19 mai 1984 en tant qu'elle refuse d'accorder l'autorisation de licenciement pour MM. B..., X..., A..., Y... et Z... ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que le jugement attaqué doit être annulé dans sa totalité ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société réunionnaise de commerce et de commission (SERCA) devant le tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion ;
Sur l'exception soulevée par M. B... et autres :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le comité d'entreprise régulièrement convoqué par l'employeur n'a pu se réunir en raison d'un important mouvement de grève auquel participaient plusieurs membres de ce comité et qui interdisait l'accès aux locaux de l'entreprise ; qu'ainsi M. B... et autres ne sont pas fondés à soutenir que l'absence de consultation du comité d'entreprise aurait entaché d'irrégularité la demande présentée par la société ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la société :
Considérant que la décision du 19 mai 1984 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement des cinq salariés protégés n'a pas, contrairement aux dispositions des articles R.425-1 et R.436-4 du code du travail, fait l'objet d'une motivation écrite ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, ce refus, intervenu le 19 mai 1984 alors que la demande d'autorisation de licenciement avait été adressée à l'inspecteur du travail le 3 avril 1984, ait présenté un caractère d'urgence absolue au sens de l'article 4 de la loi du 11 juillet 1979 empêchant l'administration de le motiver ; qu'ainsi cette décision est entachée d'irrégularité ; que la société réunionnaise de commerce et de commission est fondée à en demander l'annulation ;
Article ler : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion en date du 17 juillet 1985 et la décision de l'inspecteur du travail de la Réunion du 19 mai 1984, cette dernière en tant qu'elle refuse l'autorisation de licencier MM. Z..., B..., X..., A... et Y..., sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à MM. Z..., B..., X..., A... et Y..., à la société réunionnaise de commerce et de commission (SERCA) et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.