Vu la requête enregistrée le 7 août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION NATIONALE DES ASSISTANTS, dont le siège est 176 rue du Collège à Roubaix (59100), et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule :
°1) le décret °n 84-431 du 6 juin 1984 relatif au statut des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur ;
°2) par voie de conséquence, le décret °n 83-287 du 8 avril 1983 portant statut particulier du corps des assistants des disciplines juridiques, politiques, économiques et de gestion et des disciplines littéraires et de sciences humaines ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi °n 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi °n 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi °n 84-52 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret °n 79-683 du 9 août 1979 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Jean-François Théry, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre le décret du 8 avril 1983 :
Considérant que l'association requérante demande, d'une part, l'annulation du décret du 6 juin 1984 portant statut des enseignants-chercheurs, et d'autre part, par voie de conséquence, l'annulation du décret du 8 avril 1983 portant statut particulier du corps des assistants des disciplines juridiques, politiques, économiques et de gestion, qui aurait été rendu illégal par la survenance d'une situation juridique nouvelle ;
Considérant que la requête a été enregistrée le 7 août 1984 ; que le décret du 8 avril 1983 a été publié au Journal officiel du 10 avril 1983 ; que, dès lors, les conclusions à fin d'annulation de ce décret, présentées après l'expiration du délai de recours contentieux, sont irrecevables comme tardives ; que si l'association requérante estime que ces dispositions réglementaires sont devenues illégales et doivent être abrogées, il lui appartient de saisir d'une demande ayant cet objet le Premier ministre et le ministre de l'éducation nationale, seuls compétents pour procéder à l'abrogation de ces dispositions ;
Sur les conclusions dirigées contre l'ensemble du décret du 6 juin 1984 :
Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires communes aux fonctionnaires de l'Etat : "Les fonctionnaires appartiennent à des corps qui comprennent un ou plusieurs grades et sont classés, selon leur niveau de recrutement, en catégories. Ces corps groupent les fonctionnaires soumis aux mêmes grades ..." ; qu'aux yeux des requérants, les enseignants-chercheurs, qui appartiennent tous à la catégorie A, seraient recrutés au même niveau, auraient vocation aux mêmes grades et seraient soumis au même statut particulier, ne pourraient alors constituer qu'un seul corps au sens des dispositions précitées du statut général ; que le décret attaqué srait donc illégal en tant qu'il répartit les enseignants-chercheurs en deux corps distincts de maîtres de conférence et de professeurs d'université ;
Considérant que rien ne s'oppose à ce que les fonctionnaires de catégorie A d'un même ministère ou d'un même service soient répartis entre plusieurs corps ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le niveau minimum de formation exigé pour se présenter aux concours de recrutement des différents corps d'enseignants-chercheurs n'est pas identique, et que chacun de ces corps comprend deux grades auxquels les membres du corps ont seuls vocation ; que le décret du 6 juin 1984 fixe deux statuts particuliers distincts pour les corps de maîtres de conférence et de professeurs des universités ; qu'en toute hypothèse, la création, la suppression, la modification de corps de fonctionnaires et la répartition de fonctionnaires entre eux dans l'intérêt du service est une question de pure opportunité qui n'est pas susceptible d'être discutée au contentieux ;
Sur les conclusions dirigées contre certaines dispositions du décret attaqué :
Sur les dispositions transitoires :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret attaqué : "Les enseignants-chercheurs titulaires sont répartis entre le corps des maîtres de conférence et le corps des professeurs d'université, sous réserve des dispositions prévues aux articles 59 et 61 ci-après" ; que l'article 59, du même décret dispose notamment que : "Les maîtres-assistants qui n'ont pas sollicité leur intégration dans le corps des maîtres de conférence sont maintenus dans le corps des maîtres-assistants qui est mis en extinction", et qu'aux termes de l'article 61 : "par dérogation aux dispositions de l'article 2 ci-dessus, les assistants qui ont la qualité de titulaires restent régis par les dispositions statutaires en vigueur" ; que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des dispositions précitées en tant qu'elles seraient contradictoires entre elles ;
Considérant, en second lieu, que les fonctionnaires sont dans une situation statutaire et réglementaire et n'ont aucun droit au maintien de leur statut ; qu'ils n'ont pas davantage droit à être intégrés dans les nouveaux corps créés en application d'une réforme statutaire ; que, dès lors, la circonstance que les professeurs d'université régis par le statut particulier établi par le décret °n 79-683 du 9 août 1979 seraient de plein droit intégrés dans le nouveau corps des professeurs d'université, et les membres du corps des maîtres-assistants titulaires intégrés sur leur demande dans le nouveau corps des maîtres de conférence, alors que les membres des corps d'assitants-titulaires ne se verraient offrir, dans les nouveaux corps, aucune possibilité d'intégration directe, est sans influence sur la légalité du décret attaqué ; que le principe de l'égalité des fonctionnaires d'un même corps ou de l'égal accès des citoyens aux fonctions publiques sont sans application en l'espèce ;
Sur les dispositions de l'article 7 :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret attaqué "Les obligations de service des enseignants-chercheurs sont celles définies par la réglementation applicable à l'ensemble de la fonction publique" et qu'aux termes de l'article 7 du même décret : "ces obligations de service comprennent notamment les services d'enseignement en présence d'étudiants, déterminés par rapport à une durée annuelle de référence ... Ces obligations d'enseignement peuvent être, avec l'accord des intéressés, diminuées ou augmentées par rapport à la durée de référence en fonction du degré de participation de chaque enseignant-chercheur aux missions autres que d'enseignement définies à l'article 3 ci-dessus, ou des responsabilités particulières qu'il assume" ; que les inégalités de la durée du service d'enseignement qui résultent de l'application de ces dispositions ne sauraient porter atteinte au principe d'égalité des fonctionnaires d'un même corps, dès lors que la durée totale des obligations de service reste la même pour tous, et que les inégalités dans les services d'enseignement ont pour origine la situation de chaque enseignant-chercheur au regard de ses obligations de recherche et des responsabilités qu'il exerce dans les divers domaines constituant sa mission ; que ces disparités dans les services d'enseignement ne sont pas davantage contraires au principe de l'indépendance des enseignants-chercheurs, dès lors que la modulation de ces services ne peut être effectuée sans l'accord des intéressés ; que la circonstance, à la supposer établie, que l'accomplissement des services autres que d'enseignement serait difficile à contrôler se rattache à la mise en oeuvre des dispositions réglementaires attaquées et ne saurait entacher leur légalité ;
Sur les dispositions des articles 25 et 46 :
Considérant que les concours de recrutement d'un corps de fonctionnaires peuvent indifféremment être organisés afin de pourvoir l'ensemble des postes vacants, une partie seulement d'entre eux, ou même une seule vacance ; qu'aucune disposition législative n'interdisait au gouvernement de prévoir que les maîtres de conférence et les professeurs des universités seraient normalement recrutés par des concours organisés dans chaque établissement ; que ces concours par établissement ne sont pas liés entre eux ; que, dès lors, les dispositions des articles 25 et 46, qui interdisent aux candidats à ces concours, dans l'intérêt du service, de présenter leur candidature dans plus de quatre établissements par an, ne créent entre les candidats à un même concours aucune discrimination illégale et ne portent pas atteinte au principe de l'égal accès des citoyens aux fonctions publiques ;
Sur les dispositions relatives à la promotion interne et à l'avancement de grade ou d'échelon :
Considérant, d'une part, que l'avancement de la 2ème à la 1ère classe, dont les modalités sont prévues à l'article 40 du décret attaqué pour le corps des maîtres de conférence, et à l'article 56 pour le corps des professeurs d'université, constituent de avancements de grade, et non des avancements d'échelon ; qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires : "Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir un emploi vacant ... est nulle" ; qu'il suit de la que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que les articles 40 et 56 susmentionnés seraient illégaux en tant qu'ils disposent que les avancements de la 2ème à la 1ère classe des corps d'enseignants-chercheurs ne peuvent être réalisés que "dans la limite des emplois vacants" ;
Considérant, d'autre part, qu'en application de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la Fonction publique de l'Etat, les statuts particuliers doivent prévoir, en vue de favoriser la promotion interne, une proportion de postes qui seront pourvus sans concours, après un examen professionnel ou inscription sur une liste d'aptitude dressée après avis de la commission administrative paritaire ; que, si les statuts particuliers des maîtres de conférence et des professeurs d'université ne contiennent aucune disposition correspondant à cette prescription législative, les dispositions de l'article 43 du décret attaqué ouvrent, en contrepartie, aux maîtres de conférence ayant dix années d'ancienneté, l'accès à des concours spéciaux qui leur sont réservés, afin de pourvoir deux neuvièmes des emplois mis au concours dans l'ensemble des disciplines ; que cet article 43, qui a été soumis au Conseil supérieur de la Fonction publique, a pu légalement déroger aux dispositions de l'article 26 de la loi précitée, par application de l'article 10 de la même loi ; qu'une telle dérogation, en maintenant l'exigence d'un concours, répond aux impératifs de qualification propres aux corps d'enseignants-chercheurs tout en offrant aux maîtres de conférence, en dehors des concours normaux de recrutement, une voie spéciale de promotion interne conforme aux intentions du législateur ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 59 du décret attaqué, les maîtres-assistants peuvent, à leur choix, être intégrés dans le corps des maîtres de conférence ou demeurer dans leur corps placé en extinction ; que les intéressés disposent d'un délai de six ans, à compter de la publication du décret attaqué, pour demander leur intégration ; qu'ainsi aucune disposition de promotion interne n'était nécessaire pour l'accès des maîtres-assistants au corps des maîtres de conférence ;
Considérant, enfin, que les dispositions de l'article 61 du décret attaqué maintiennent le corps des assistants, sans qu'aucune disposition statutaire expresse ne réserve une certaine proportion de postes de maîtres de conférence ou de professeurs à la promotion interne des assistants ; mais qu'il ressort des pièces versées au dossier et eu égard à la situation du corps des assistants, que les dispositions qualifiées de transitoires du second alinéa de l'article 61 étaient susceptibles d'organiser cette promotion interne ;
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION NATIONALE DES ASSISTANTS (ANA) est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION NATIONALE DES ASSISTANTS (ANA), au ministre de l'éducation nationale au ministre délégué auprès du ministre de l'éducation nationale, chargé de la recherche et de l'enseignement supérieur et au Premier ministre.