Vu °1), sous le °n 61 165, la requête enregistrée le 26 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE, dont le siège est ..., agissant poursuites et diligences de ses dirigeants en exercice, tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le décret °n 84-431 du 6 juin 1984 relatif au statut des enseignants chercheurs de l'enseignement supérieur ;
Vu °2) sous le °n 61 472, la requête enregistrée le 6 août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION NATIONALE DES PROFESSEURS D'UNIVERSITE DES DISCIPLINES JURIDIQUES, POLITIQUES, ECONOMIQUES ET DE GESTION, dont le siège est ..., agissant par ses dirigeants en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le décret °n 84-431 du 6 juin 1984 relatif au statut des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi °n 83-634 du 13 janvier 1983 ;
Vu la loi °n 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi °n 68-978 du 12 novembre 1968 ;
Vu la loi °n 84-52 du 26 janvier 1984 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Jean-François Théry, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions communes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la compétence de l'auteur de l'acte :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "Des décrets en Conseil d'Etat portant statuts particuliers précisent, pour les corps de fonctionnaires, les modalités d'application des dispositions de la présente loi" ; qu'aux termes de l'article 10 de cette même loi, ces dispositions sont applicables aux corps enseignants et au personnel de la recherche, dont les statuts particuliers, "pris en la forme indiquée à l'article 8 ci-dessus", peuvent déroger à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres de ces corps ou aux missions que leurs membres sont destinés à assurer ; qu'il suit de là que le statut des professeurs d'université, même s'il déroge à de nombreuses dispositions du statut général des fonctionnaires, ne pouvait être pris qu'en la forme de décret en Conseil d'Etat ; que les dispositions relatives aux professeurs d'université contenues dans la loi du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur et dans la loi du 26 janvier 184 sur l'enseignement supérieur et destinées, notamment, à mettre en oeuvre les garanties d'indépendance reconnues à ces agents par les lois de la République, n'ont eu ni pour objet ni pour effet de donner au législateur compétence pour fixer leur statut particulier ; que, de la même manière, la suppression du concours d'agrégation de pharmacie est une mesure d'ordre statutaire, qui ne porte pas, par elle-même, atteinte à l'indépendance des professeurs et que le gouvernement a pu prendre par décret en Conseil d'Etat ;
Sur la procédure :
Considérant que le comité technique paritaire central des enseignants-chercheurs de statut universitaire ne connaît d'aucune question d'ordre individuel ; que ses attributions, de caractère purement consultatif, concernent exclusivement l'élaboration et la modification des règles statutaires ; qu'eu égard à la mission ainsi définie, le gouvernement a pu légalement, sans méconnaître le principe de l'indépendance des professeurs d'université, décider qu'un collège électoral unique serait institué pour la désignation des représentants du personnel ; que l'avis émis par ce comité technique paritaire sur le décret attaqué n'est dès lors pas entaché d'irrégularité ;
Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de la loi du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur et de la loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur :
Considérant que l'article 33 de la loi °n 68-978 du 12 novembre 1968 dispose que les professeurs, maîtres de conférences et maîtres assistants ont "compétence exclusive" pour effectuer la répartition des fonctions d'enseignement et des activités de recherche au sein d'un même établissement ; qu'aux termes de l'article 55 de la loi du 26 janvier 1984 définissant les fonctions des enseignants-chercheurs : "les professeurs ont la responsabilité principale de la préparation des programmes, de l'orientation des étudiants, de la coordination des équipes pédagogiques. Un décret en Conseil d'Etat précise les droits et obligations des enseignants-chercheurs, notamment les modalités de leur présence dans l'établissement " et qu'aux termes de l'article 57 : "les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions de la présente loi les principes de tolérance et d'objectivité" ; qu'il ressort de ces dispsitions législatives combinées que les modalités de répartition des fonctions d'enseignement dans le respect de l'indépendance des personnels intéressés devaient être fixées dans leur statut par décret en Conseil d'Etat ; que, si l'alinéa 4 de l'article 7 du décret attaqué dipose pour sa part que : "la répartition de services d'enseignement dans un établissement est arrêtée chaque année par le président ou le directeur de celui-ci", la répartition dont s'agit est opérée "sur proposition du conseil d'administration en formation restreinte aux seuls enseignants-chercheurs et assimilés" ; qu'en outre le président ou le directeur de l'établissement n'a pas le pouvoir de modifier la proposition qui lui est ainsi faite par les représentants des enseignants-chercheurs, dont l'indépendance, s'agissant de la répartition des enseignements, est dès lors respectée ;
Considérant qu'aucune disposition législative ni aucun principe général n'ont donné aux seuls professeurs la "compétence exclusive" pour effectuer la répartition des enseignements ; que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la participation des maîtres de conférence à cette opération, d'ailleurs déjà prévue par l'article 33 de la loi précitée, porterait atteinte à leur indépendance ;
Considérant qu'aux termes de l'alinéa 5 de l'article 41 du décret attaqué, les professeurs d'université "assurent la direction des travaux de recherche menés dans l'établissement concurremment avec les autres enseignants ou chercheurs habilités à diriger ces travaux" ; que les requérants soutiennent que la direction des travaux de recherche, étant "la fonction éminente au sein de l'université", est au nombre des droits et garanties que la loi réserve aux seuls professeurs ;
Mais considérant qu'aucune disposition législative ni aucun principe général ne réserve aux professeurs d'université la direction des travaux de recherche ; que cette prérogative est en réalité attachée à la possession d'un diplôme national (doctorat d'Etat ou habilitation à diriger des recherches) qui est exigé de tout candidat à un concours de recrutement de professeurs d'université, mais qui ne leur est pas réservé ; que les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que l'alinéa 5 de l'article 41 du décret attaqué porterait atteinte aux droits et garanties des professeurs ;
Considérant que les dispositions susanalysées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 n'ont ni pour objet ni pour effet d'exonérer les enseignants-chercheurs de toute obligation d'ordre administratif ayant été instituée dans l'intérêt du service, dès lors que ces obligations ne sont pas de nature à porter atteinte aux libertés et garanties d'ordre intellectuel et scientifique qui sont visées audit article 57 ; que l'obligation de résider au lieu d'exercice de leurs fonctions, instituée par l'article 5 du décret attaqué, et la disposition des articles 33 et 51 qui subordonne les demandes de mutation des enseignants-chercheurs à une durée minimale de 3 ans d'exercice de leurs fonctions dans leur affectation actuelle, sont l'une et l'autre instituées dans l'intérêt du service et ne sauraient porter atteinte à l'indépendance et à la libre expression des intéressés dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de recherche ;
Sur le moyen tiré de la violation du statut général des fonctionnaires :
Considérant que l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires dispose que : "Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspond" ;
Considérant que l'article 7 du décret attaqué fixe la durée du service d'enseignement des enseignants-chercheurs sans opérer de distinction entre les grades des intéressés ou les corps auxquels ils appartiennent ; que l'alinéa 4 de l'article 41 du même décret dispose que les professeurs assurent leur service d'enseignement indifféremment sous forme de cours, travaux dirigés ou travaux pratiques, au même titre que les autres enseignants-chercheurs, sauf à bénéficier d'une "vocation-prioritaire" à assurer ce service sous forme de cours ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'alinéa 5 du même article 41 ne réserve pas davantage la direction des travaux de recherche aux professeurs d'université ; qu'aux yeux des requérants, ces dispositions méconnaissent l'article 12 précité du statut général des fonctionnaires, en ce qu'ils ne réservent pas une catégorie d'emplois déterminée aux agents d'un même grade ;
Mais considérant que les professeurs et les maîtres de conférence n'appartiennent pas à deux grades différents d'un même corps, mais à deux corps distincts de fonctionnaires ;que le statut général des fonctionnaires n'interdit pas que certains emplois puissent être indifféremment occupés par des fonctionnaires appartenant à plusieurs corps ; que les dispositions critiquées ne sont, en tout état de cause, pas contraires aux dispositions législatives invoquées ;
Sur le moyen tiré de la violation du principe d'égalité :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret attaqué "les obligations de service des enseignants-chercheurs sont celles définies par la réglementation applicable à l'ensemble de la fonction publique" et qu'aux termes de l'article 7 du même décret : "ces obligations de service comprennent notamment les services d'enseignement en présence d'étudiants déterminés par rapport à une durée annuelle de référence ... ces obligations d'enseignement peuvent être, avec l'accord des intéressés, diminuées ou augmentées par rapport à la durée de référence en fonction du degré de participation de chaque enseignant-chercheur aux missions autres que d'enseignement définies à l'article 3 ci-dessus ou des responsabilités particulières qu'il assume" ; que les inégalités de la durée du service d'enseignement entre les enseignants-chercheurs qui résultent de l'application de ces dispositions ne sauraient porter atteinte au principe d'égalité des fonctionnaires d'un même corps, dès lors que la durée totale des obligations de service reste la même pour tous, et que les inégalités dans les services d'enseignement ont pour origine la situation particulière de chaque enseignant-chercheur au regard de ses obligations de recherche et des responsabilités qu'il exerce dans les divers domaines constituant sa mission ;
Considérant que les professeurs d'université et les maîtres de conférence n'appartiennent pas au même corps de fonctionnaires ; que, dès lors, si les dispositions prévues à l'article 40 du décret attaqué pour l'avancement des maîtres de conférence à la 1ère classe sont différentes de celles que prévoit l'article 56 pour l'accès à la 1ère classe du corps des professeurs, ces différences ne portent pas atteinte au principe de l'égalité de situation entre les fonctionnaires d'un même corps ;
Considérant que l'avancement à la 1ère classe du corps des maîtres de conférences est principalement déterminé par l'ancienneté et la manière de servir des candidats ; que la qualification requise d'un maître de conférences de 2ème classe n'est pas différente de celle qui est exigée pour l'accès à la 1ère classe ; que le statut particulier n'était, dès lors, pas tenu de subordonner cet avancement à l'examen de la qualification des intéressés par une instance nationale ; que, d'ailleurs, l'article 56 de la loi du 26 janvier 1984, qui institue cette dernière règle, prévoit expressément que les statuts particuliers pourront y déroger ;
Sur la violation des principes généraux du droit des concours :
Considérant que les dispositions des articles 25 et 46, qui interdisent aux candidats aux emplois de maître de conférences ou de professeur d'université de présenter leur candidature dans plus de quatre établissements par an, ont été prises dans l'intérêt du service ; qu'elles ne créent entre les candidats aucune discrimination illégale et ne portent pas atteinte au principe de l'égal accès des citoyens aux fonctions publiques ;
Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : "chaque concours donne lieu à l'établissement d'une liste classant par ordre de mérite les candidats déclarés aptes par le jury (...) les nominations sont prononcées dans l'ordre d'inscription sur la liste ..." ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il résulte cependant des dispositions de l'article 10 de la même loi que les statuts particuliers des corps enseignants et des personnels de la recherche peuvent déroger à ces dispositions ; qu'en ce qui concerne les corps d'enseignants-chercheurs, le statut particulier doit notamment combiner les principes du droit des concours, les dispositions précitées de l'article 56 de la loi du 26 janvier 1984 et les principes d'autonomie des établissements d'enseignememnt supérieur ; qu'en disposant que les candidats aux concours ouverts par établissement pour le recrutement des maîtres de conférence et des professeurs d'université verraient, en premier lieu, reconnaître leur qualification, sur titres et travaux, par un jury national qui n'établit pas de liste de classement mais propose une liste de trois à cinq noms par emploi mis au concours et qu'en second lieu, le choix des candidats déclarés reçus serait effectué par la commission de spécialité et d'établissement après audition des intéressés, l'article 27 du décret attaqué n'a pas méconnu les principes du droit des concours ni les dispositions législatives invoquées ;
Considérant que si l'article 27 prévoit également que le conseil d'administration de l'établissement, en formation restreinte aux seuls enseignants, peut, en transmettant au ministre avec un avis défavorable la proposition de la commission de spécialité et d'établissement, empêcher quue soit pourvu le poste mis au concours, cette disposition n'est pas contraire aux principes du droit des concours dès lors que le conseil d'administration n'a pas le pouvoir de modifier les propositions de la commission ; que d'autre part l'autorité administrative n'est jamais tenue de pourvoir les postes mis au concours une fois proclamés les résultats de celui-ci ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que les organisations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret du 6 juin 1984 portant statut particulier des enseignants-chercheurs, ni des dispositions de ce décret qu'elles critiquent ;
Article 1er : Les requêtes de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE ASSOCIATION NATIONALE DES PROFESSEURS D'UNIVERSITE DES DISCIPLINES JURIDIQUES, POLITIQUES, ECONOMIQUES ET DE GESTION sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS AUTONOMES DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE ASSOCIATION NATIONALE DES PROFESSEURS D'UNIVERSITE DES DISCIPLINES JURIDIQUES, POLITIQUES, ECONOMIQUES ET DE GESTION, au ministre délégué auprès du ministre de l'éducation nationale, chargé de la recherche et de l'enseignement supérieur, et au Premier ministre.