Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 septembre 1981 et 15 janvier 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marcelle X..., épouse Y..., demeurant au lieudit "La Grande-Ramée" à Boitron (61500), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°/ annule le jugement du 21 juillet 1981 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 15 000 F en réparation du préjudice résultant pour elle, jusqu'au 30 septembre 1979, de la décision du 30 septembre 1976 de la commission départementale de réorganisation foncière et de remembrement de l'Orne, annulée par un jugement du tribunal administratif de Caen du 11 avril 1978 confirmé par décision du Conseil d'Etat du 14 mars 1979 ;
2°/ condamne l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F pour la période du 30 septembre 1976 au 30 septembre 1979, ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lambertin, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Foussard, avocat de Mme Y...,
- les conclusions de M. Robineau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un jugement en date du 11 avril 1978, confirmé par une décision du Conseil d'Etat du 14 mars 1979, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision de la commission départementale de réorganisation foncière et de remembrement de l'Orne en date du 30 septembre 1976 qui imposait à Mme Y... l'échange de parcelles lui appartenant dans la commune de Boitron, au motif que lesdites parcelles n'étaient pas de celles qui pouvaient faire légalement l'objet de l'échange obligatoire prévu à l'article 16 de ce code ; qu'en méconnaissant les dispositions du code rural susmentionnées, la Commission départementale a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers Mme Y... ;
Considérant que l'atteinte ainsi portée aux conditions d'exploitation de Mme Y... durant la période du 30 septembre 1976 au 30 septembre 1979, date à laquelle elle était encore privée de ses terres, a causé à l'intéressée un préjudice qui peut être évalué à 9 000 F ; que, dès lors, Mme Y... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a entièrement rejeté sa demande d'indemnité ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que Mme Y... a droit aux intérêts de la somme de 9 000 F à compter du 20 septembre 1979, date à laquelle elle a saisi l'administration de sa demande d'indemnité ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 16 septembre 1981 et 18 novembre 1985 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a leu de faire droit à ces demandes ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts présentée le 15 janvier 1982, date à laquelle une année ne s'était pas écoulée depuis la précédente demande de capitalisation des intérêts ;
Article 1er : Le jugement n° 225-80/311/80 du tribunal administratif de Caen en date du 21 juillet 1981 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme Marcelle Y..., en réparation du préjudice qui lui a été causé jusqu'au 30 septembre 1979 par la décision de la commission départementale de réorganisation foncière et de remembrement de l' Orne du 30 septembre 1976, une indemnité de neuf mille francs. Ladite indemnité portera intérêts à compter du 20 septembre 1979.
Article 3 : Les intérêts de la somme de 9 000 F échus les 16 septembre 1981 et 18 novembre 1985 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Marcelle Y... et au ministre de l'agriculture.