La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/1988 | FRANCE | N°61294

France | France, Conseil d'État, 6 /10 ssr, 29 janvier 1988, 61294


Vu 1°) sous le n° 61 294, la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 juillet 1984 et le mémoire complémentaire enregistré le 30 novembre 1984, présentés pour M. X... (Isidore) demeurant ... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 30 mai 1984 annulant partiellement un arrêté du Préfet, Commissaire de la République de Haute-Savoie ordonnant le rétablissement en nature de bois de deux parcelles n° 1011 et 1016 lui appartenant et sises sur le territoire de la commune de

Reignier-Esery (Haute-Savoie), en tant que cette annulation ne porte...

Vu 1°) sous le n° 61 294, la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 juillet 1984 et le mémoire complémentaire enregistré le 30 novembre 1984, présentés pour M. X... (Isidore) demeurant ... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 30 mai 1984 annulant partiellement un arrêté du Préfet, Commissaire de la République de Haute-Savoie ordonnant le rétablissement en nature de bois de deux parcelles n° 1011 et 1016 lui appartenant et sises sur le territoire de la commune de Reignier-Esery (Haute-Savoie), en tant que cette annulation ne porte que sur une superficie de 5 000 m2 ;
2°) annule en totalité l'arrêté préfectoral du 30 mai 1984 ;
Vu 2°) sous le n° 61 500, le recours, enregistré le 6 août 1984 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et le mémoire complémentaire, enregistré le 6 décembre 1984, présentés pour le ministre de l'agriculture et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 30 mai 1984 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a partiellement annulé l'arrêté du préfet, Commissaire de la République de la Haute-Savoie en date du 25 février 1983 ordonnant le rétablissement en nature de bois des parcelles appartenant à M. Isidore X... et situé sur le territoire de la commune de Reignier-Esery ;
2°) rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code forestier ;
Vu la loi d'amnistie du 4 août 1981 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Nauwelaers, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de M. Isidore X... et de Me Delvolvé, avocat du ministre de l'agriculture,
- les conclusions de M. E. Guillaume, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de M. X... et le recours du ministre de l'agriculture sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité de l'arrêté attaqué :
Considérant, en premier lieu, que par un premier arrêté en date du 19 juillet 1982, le préfet de la Haute-Savoie avait prescrit à M. X... de rétablir en nature le bois les parcelles 1011 et 1016, d'une superficie totale de 10 252 m2, situées sur le territoire de la commune de Reignier-Esery ; que ce premier arrêté, qui visait illégalement une condamnation amnistiée, a été rapporté et remplacé par l'arrêté attaqué en date du 25 février 1983, lequel ne mentionne plus cette condamnation ; qu'en visant l'arrêté qu'il rapporte, l'arrêté attaqué ne saurait être regardé comme visant indirectement ladite condamnation, dont seul M. X... fait d'aillurs état ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'arrêté attaqué ne mentionne pas la date précise de l'avis rendu par le directeur départemental de l'agriculture n'a pas eu pour effet de vicier l'arrêté attaqué ;
Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté attaqué, qui se borne à rapporter et à remplacer l'arrêté du 19 juillet 1982, a exactement le même objet et se fonde sur les mêmes faits et actes, notamment sur le procès-verbal d'infraction du 18 juillet 1980 constatant le défrichement irrégulier des parcelles de M. X... ; que, dès lors, le commissaire de la République n'était pas tenu de procéder à une nouvelle instruction de l'affaire avant de prendre l'arrêté attaqué ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Considérant que l'article L.311-1 du code forestier interdit à tout particulier d'arracher ou de défricher ses bois sans avoir préalablement obtenu une autorisation administrative ; qu'aux termes de l'article L.313-1 : "En cas d'infraction aux dispositions de l'article L.311-1, le propriétaire est condamné à une amende calculée à raison de 1 800 F à 8 000 F par hectare de bois défriché. Le propriétaire doit, en outre, s'il en est ainsi ordonné par l'autorité administrative, rétablir les lieux en nature de bois dans le délai que fixe cette autorité. Ce délai ne peut excéder trois années ..." et qu'aux termes de l'article L.313-5, alinéa premier : "L'action ayant pour objet les défrichements effectués en infraction à l'article L.311-1 se prescrit par six ans à compter de l'époque où le défrichement a été consommé ..." ;
Considérant que l'ordre de rétablir les lieux en nature de bois prévu au deuxième alinéa de l'article L.313-1 du code forestier ne constitue ni une sanction ni une peine annexe de la condamnation prévue au premier alinéa du même article mais une mesure purement administrative ; qu'il n'est donc pas couvert par la prescription d'action de six ans prévue à l'article L.313-5 ; que le ministre de l'agriculture est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a jugé que le défrichement effectué irrégulièrement par M. X... en 1975 ne pouvait donner lieu en 1983 à un ordre de reboisement, en raison de la prescription susmentionnée ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Considérant que, si la loi d'amnistie du 4 août 1981 a amnistié les infractions de la nature de celles commises par l'intéressé, elle n'a pas eu pour effet de l'exonérer de l'obligation de reboisement prescrite par le préfet de la Haute-Savoie en application des dispositions de l'article L.313-1, deuxième alinéa, précitées du code forestier, dès lors que le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains, saisi par l'administration aux fins de poursuites contre M. X..., en application des dispositions du premier alinéa de ce même article, s'est prononcé sur l'infraction commise par celui-ci ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les défrichements effectués par M. X... sans autorisation ont porté sur la totalité des parcelles 1011 et 1016, lesquelles étaient antérieurement boisées et comprises dans un massif boisé de plus de quatre hectares, soit sur une superficie de 10 252 m2 ; que M. X... n'est donc pas fondé à soutenir qu'il n'a défriché que 5 000 m2 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a annulé que partiellement l'arrêté préfectoral du 30 mai 1980 ; que le ministre de l'agriculture est, en revanche, fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 30 mai 1984 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Grenoble et sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de l'agriculture.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

03-06-02-02 AGRICULTURE - BOIS ET FORETS - PROTECTION DES BOIS ET FORETS - AUTORISATION DE DEFRICHEMENT -Infraction aux dispositions de l'article L.311-1 du code forestier - Ordre de rétablir les lieux en nature de bois - Délai de presciption de six ans - Absence.

03-06-02-02 L'ordre de rétablir les lieux en nature de bois prévu au deuxième alinéa de l'article L.313-1 du code forestier ne constitue ni une sanction ni une peine annexe de la condamnation prévue au premier alinéa du même article, mais une mesure purement administrative. Il n'est donc pas couvert pas la prescription d'action de six ans prévue à l'article L.313-5.


Références :

Code forestier L311-1, L313-1 al. 2, L313-5 al. 1
Loi 81-736 du 04 août 1981 amnistie


Publications
Proposition de citation: CE, 29 jan. 1988, n° 61294
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Coudurier
Rapporteur ?: Mme Nauwelaers
Rapporteur public ?: M. E. Guillaume

Origine de la décision
Formation : 6 /10 ssr
Date de la décision : 29/01/1988
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 61294
Numéro NOR : CETATEXT000007724175 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1988-01-29;61294 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award