Vu la requ^ete sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er avril 1982 et 1er juin 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert Y..., demeurant ..., "Le Lapérouse", à Cannes (06400), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 2 février 1982 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'imp^ot sur le revenu et de majoration exceptionnelle auxquels il a été assujetti dans les r^oles de la ville de Cannes respectivement au titre des années 1970, 1971, 1972 et 1973 et au titre de l'année 1973 ; °2) lui accorde la décharge des impositions contestées, Vu le code des tribunaux administratifs ; Vu le code général des imp^ots ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 et la loi °n 83-1179 du 29 décembre 1983 ; Après avoir entendu :
- le rapport de M. Magniny, Conseiller d'Etat, - les observations de la S.C.P. Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de M. Robert Y..., - les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ; En ce qui concerne la régularité de la procédure devant le tribunal administratif :
Considérant, d'une part, que si M. Y... soutient que la procédure devant le tribunal administratif est irrégulière du fait qu'un des mémoires de l'administration, accompagné de cinq annexes, ne lui a pas été communiqué, il ressort de l'examen des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué comporte une erreur matérielle quant à la date d'enregistrement du mémoire dont s'agit mais que celui-ci, avec ses annexes, a bien été communiqué par le greffe au conseil du requérant ; qu'ainsi le caractère contradictoire de la procédure a été respecté ; Considérant, d'autre part, que, si M. Y... se plaint de n'avoir pas été convoqué à l'audience, il ressort des mentions du jugement, confirmé par l'enqu^ete diligentée par le Conseil d'Etat, qu'un avis d'audience a été régulièrement envoyé au conseil du requérant et que ce dernier n'a jamais déclaré avoir renoncé à ^etre représenté par ledit conseil ; qu'ainsi M. Y... doit ^etre regardé comme ayant été régulièrement convoqué à l'audience ; En ce qui concerne la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article 1975 du code général des imp^ots, applicable en l'espèce : "Les prescriptions sont interrompues par des notifications de redressements ..." ; qu'aux termes de l'article 1649 quinquies A, dans la rédaction également applicable : "2. l'administration fait conna^itre au redevable la nature et le motif du redressement ..." ; Considérant qu'il résulte de l'examen des notifications de redressements, régulièrement adressées à M. Y..., respectivement, les 24 janvier 1975, 15 décembre 1975 et 29 juillet 1976, que ces documents, qui désignaient l'imp^ot sur le revenu, les années et les bases d'imposition, nonçaient suffisamment les motifs des redressements envisagés ; qu'elles ont, dès lors, interrompu le délai de répétition prévu à l'article 1966 du code, délai qui n'était pas expiré lorsque les impositions contestées ont été mises en recouvrement le 30 septembre 1977 ; En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :
Sur la compétence de l'agent qui est intervenu dans la procédure d'imposition :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 376 de l'annexe II au code général des imp^ots : " ... seuls les fonctionnaires titulaires ou stagiaires appartenant à des corps A et B peuvent, dans le ressort du service auquel ils sont affectés, ... fixer des bases d'imposition ou notifier des redressements" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les déclarations de revenu global souscrites par M. Y... au titre des années 1970, 1971, 1972 et 1973 au centre des imp^ots de Cannes, où il avait sa résidence au cours des années d'imposition, ont été vérifiées par un inspecteur titulaire, appartenant à un corps de catégorie A affecté à la direction régionale des imp^ots de Marseille, direction dont dépend le secteur de Cannes ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'inspecteur dont s'agit n'avait pas compétence pour vérifier ses déclarations et lui notifier les redressements ; Sur la régularité des opérations de vérification :
Considérant qu'avant la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 4 de la loi °n 77-1453 du 29 décembre 1977, l'administration pouvait procéder à la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble d'un contribuable sans ^etre obligée de lui envoyer au préalable un avis mentionnant qu'il pouvait se faire assister d'un conseil et sans avoir à préciser les années soumises à vérification ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure qui a conduit aux impositions litigieuses, mises en recouvrement, comme il a été dit, le 30 septembre 1977, est irrégulière faute d'avoir été précédée d'un avis de vérification et des informations susrappelées ; Sur la régularité de la taxation d'office :
Considérant qu'aux termes de l'article 176 du code général des imp^ots, applicable aux dispositions en litige : "En vue de l'établissement de l'imp^ot sur le revenu, l'administration vérifie les déclarations de revenu global prévues à l'article 170. Elle peut demander au contribuable des éclaircissements ... elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de la déclaration ... les demandes d'éclaircissements et de justifications doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et assigner au contribuable pour fournir sa réponse un délai qui ne peut ^etre inférieur à trente jours" ; qu'aux termes de l'article 179 du m^eme code, également dans la rédaction applicable : "Est taxé d'office à l'imp^ot sur le revenu tout contribuable qui n'a pas souscrit dans le délai légal la déclaration de son revenu global prévu à l'article 170. -Il en est de m^eme, sous réserve des dispositions particulières relatives au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux ... lorsque le contribuable s'est abstenu de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications de l'administration" ; Considérant qu'il ressort des dispositions précitées que le contribuable qui répond à une demande de justifications après l'expiration du délai qui lui avait été imparti pour ce faire doit ^etre regardé comme s'étant abstenu de répondre et que l'administration est alors en droit de le taxer d'office ; qu'il en est de m^eme lorsque la réponse fournie en temps utile contient des informations invérifiables ou qui, par leur imprécision, équivalent à un défaut de réponse ;
Considérant qu'à la suite de la vérification de la situation de M. Y... au regard de l'imp^ot sur le revenu au titre des années 1970, 1971, 1972 et 1973, un écart très important a été constaté entre, d'une part, les revenus bruts qu'il avait déclarés et, d'autre part, son train de vie, les versements en espèces qu'il avait opérés sur ses comptes bancaires et les dépenses qu'il avait effectuées ; que l'administration était, dès lors, en droit, sur le fondement des dispositions de l'article 176 précité, de lui demander, comme elle l'a fait, des justifications sur l'origine des fonds ayant permis de faire face aux versements et dépenses que l'administration avait constatés ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contribuable s'est, pour certaines des questions qui lui étaient posées, abstenu de répondre à cette demande ; que, pour d'autres, il a répondu hors du délai qui lui était imparti ; que, pour d'autres enfin, il a indiqué que les sommes dont il avait disposé provenaient de gains au jeu sans assortir ses affirmations de commencements de justifications ; qu'en raison de son imprécision, cette dernière réponse équivalait, en l'état, à un défaut de réponse ; que, par suite, l'administration était fondée, en vertu de l'article 179 précité, à taxer d'office, comme elle l'a fait, l'ensemble des sommes dont l'origine était injustifiée ; Considérant que le contribuable, régulièrement taxé d'office, ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction de la cotisation qui lui a été assignée qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ; En ce qui concerne les bases d'imposition :
Considérant que, pour apporter la preuve qui lui incombe, M. Y... a produit devant le Conseil d'Etat divers documents, notamment des attestations relatives aux gains de jeu qu'il aurait réalisés au cours des années d'imposition, une balance des gains et pertes de jeux établie par un comptable agréé à partir de relevés manuscrits, une analyse des mouvements de ses comptes bancaires établie par un expert comptable et de nombreux carnets récapitulatifs tenus au jour le jour ; que ces divers documents permettent des recoupements propres à établir la réalité des gains au jeu dont M. Y... se prévaut ; Considérant que les montants des gains nets de jeux ressortant de ces documents, dont la consistance et la précision permettent d'admettre l'authenticité, sont, en ce qui concerne le casino de Charbonnière, corroborés par les renseignements communiqués par le ministère de l'intérieur en réponse à une demande formulée par la sous-section chargée de l'instruction de l'affaire ; que, par les attestations et cartes d'entrée qu'il a produites, M. Y... établit également qu'il a joué, de manière assidue, au cours des quatre années d'imposition, dans d'autres établissements de jeux pour lesquels il a, de la m^eme façon, fourni, en les appuyant de justifications comparables, les montants détaillés de ses gains nets, lesquels doivent ainsi ^etre regardés comme justifiés ; que, pour les années 1970, 1971 et 1973, les montants des gains nets au jeu, excédent les redressements des bases imposables ; que, pour l'année 1972, en revanche, les gains nets justifiés sont inférieurs de 29 000 F au redressement opéré, lequel doit donc ^etre maintenu à due concurrence, soit une base imposable de 65 000 F ; Sur les pénalités :
Considérant que l'administration n'établit pas la mauvaise foi du contribuable ; qu'il y a lieu, par suite, de substituer, pour l'imposition supplémentaire maintenue au titre de 1972, les intér^ets de retard prévus à l'article 1728 du code général des imp^ots à la majoration appliquée par l'administration, sans que lesdits intér^ets puissent excéder le montant des pénalités réclamées ;
Article ler : M. Y... est déchargé des impositions supplémentaires à l'imp^ot sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles il a été assujetti, respectivement, au titre des années 1970, 1971 et 1973 et au titre de l'année 1973.
Article 2 : Pour le calcul de l'imp^ot sur le revenu d^u par M. X... au titre de l'année 1972, le revenu imposable est ramené à 65600 F.
Article 3 : M. Y... est déchargé de la différence entre le montant de l'imp^ot sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1972 et le montant qui résulte de la base fixée à l'article 3 ci-dessus, les intér^ets de retard étant seuls appliqués à l'imposition maintenue sans qu'ils puissent excéder le montant des pénalités réclamées.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 2 février 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requ^ete de M. Y... e de sa demande au tribunal administratif est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.