Vu le recours du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE enregistré le 10 janvier 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 octobre 1985 en tant qu'il a annulé la décision du 20 janvier 1984 du directeur régional du travail des Pays-de-Loire en tant que cette décision concerne les dispositions relatives à la procédure d'alerte et de retrait du règlement intérieur de la société Nantaise des engrais dont le siège est ... 44200 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fillioud, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Jousselin, avocat de la Société Nantaise des engrais,
- les conclusions de M. Robineau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu de l'article L.122-34 du code du travail, le règlement intérieur "fixe exclusivement : les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement ; les règles générales et permanentes relatives à la discipline ..." ; qu'aux termes de l'article L.122-35 du même code : "Le règlement intérieur ne peut contenir de clause contraire aux lois et règlements, ainsi qu'aux dispositions des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement. Il ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché" ; qu'en vertu de l'article L.122-37 : "L'inspecteur du travail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L.122-34 et L.122-35" ;
Considérant que l'article 236 du règlement intérieur établi par la Société Nantaise des engrais prévoit que "tout salarié qui aura un motif raisonnable de penser qu'une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé devra en avertir immédiatement la personne désignée à cet effet par note de service et consigner par écrit toutes les informations concernant le danger estimé grave et imminent. Dans l'hypothèse où la situation décrite ci-dessus exigerait le retrait immédiat du poste de travail, la même procédure écrite devra être respectée par le salarié dans le délai le plus bref" ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.231-8 du code du travail : "Le salarié signale immédiatement à l'employeur ou à son représentant toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé", et qu'aux termes de l'article L.231-8-1 : "Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié ou d'un groupe de salariés qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux. Le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur définie à l'article L.468 du code de la sécurité sociale est de droit pour le salarié ou les salariés qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes où un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé" ; que, si ces dispositions impliquent que le salarié est tenu de signaler immédiatement l'existence d'une situation de travail qu'il estime dangereuse et son retrait d'une telle situation, elles ne l'obligent pas à le faire par écrit ; qu'ayant pour effet d'obliger le salarié à faire une déclaration écrite, la disposition précitée du règlement intérieur établi par la Société Nantaise des engrais impose aux salariés de l'entreprise, dans l'exercice de leur droit de retrait, une sujétion qui n'est pas justifiée par les nécessités de la sécurité dans l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du directeur régional du travail et de l'emploi des Pays de la Loire en date du 20 janvier 1984 en tant que, par ladite décision, le directeur régional a rejeté le recours hiérarchique formé devant lui par la Société Nantaise des engrais contre la décision de l'inspecteur du travail de la Loire-Atlantique en date du 13 octobre 1983 exigeant le retrait de l'article 236 du règlement intérieur litigieux ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 9 octobre 1985 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par la Société Nantaise des engrais devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision du directeur régional dutravail et de l'emploi des Pays de la Loire en date du 20 janvier 1984 en tant qu'elle confirme la décision de l'inspecteur du travail de la Loire-Atlantique exigeant le retrait de l'article 236 du règlement intérieur de la société sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des affaires sociales et de l'emploi et à la Société Nantaise des engrais.