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13/03/1987 | FRANCE | N°55960

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 13 mars 1987, 55960


Vu, 1°, sous le n° 55 960, le recours du ministre de l'éducation nationale, enregistré le 29 décembre 1983, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 9 novembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à la commune de Cérizay la somme de 778 079,60 F en réparation du préjudice subi par elle du fait des désordres qui ont affecté le collège d'enseignement général de Cérizay ;
Vu, 2°, sous le n° 56 100, la requête enregistrée le 6 janvier 1984 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée pour M. X

..., architecte, demeurant ..., à Puiseaux 45390 , et tendant à ce que le C...

Vu, 1°, sous le n° 55 960, le recours du ministre de l'éducation nationale, enregistré le 29 décembre 1983, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule le jugement du 9 novembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à la commune de Cérizay la somme de 778 079,60 F en réparation du préjudice subi par elle du fait des désordres qui ont affecté le collège d'enseignement général de Cérizay ;
Vu, 2°, sous le n° 56 100, la requête enregistrée le 6 janvier 1984 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée pour M. X..., architecte, demeurant ..., à Puiseaux 45390 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 9 novembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Poitiers l'a condamné à verser à la commune de Cérizay une somme de 259 359,85 F en réparation du préjudice subi par elle du fait des désordres qui ont affecté son collège d'enseignement général ;
- condamne la commune à lui verser des intérêts sur les sommes qu'il lui aurait à tort versées à ce titre, ainsi qu'aux fins d'expertise ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le décret n° 62-409 du 27 novembre 1962 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fourré, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Garaud, avocat de la commune de Cérizay, et de Me Boulloche avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours et la requête susvisés présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que, par contrat du 22 juin 1964, le ministre de l'éducation nationale a confié à la société civile "Union d'architectes et d'urbanistes" la conception et la réalisation des bâtiments destinés au collège d'enseignement général de Cérizay ; que cette société a délégué cette opération à M. X..., architecte, et un de ses associés ; que, par convention du 4 mai 1966, la commune de Cérizay a confié à l'Etat la direction et la responsabilité des travaux ;
Considérant que la commune recherchant la réparation du préjudice que lui ont causé distinctement des condensations apparentes avant la réception définitive de l'ouvrage, des "pénétrations d'eau" apparues postérieurement ainsi que diverses détériorations affectant l'ensemble des locaux, a mis en cause, d'une part, l'Etat pour n'avoir pas, malgré les services techniques dont il disposait, pris les dispositions qu'exigeait l'apparition des condensations et pour avoir accepté sans réserve la réception définitive des travaux, ainsi que M. X..., d'autre part, pour avoir manqué à l'obligation d'assister l'Etat, maître de l'ouvrage, lors de cette réception définitive ;
Sur la mise en cause de l'Etat et de M. X... par la commune de Cérizay :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 du décret du 27 novembre 1962 susvisé relatif au financement de l'équipement scolaire du second degré, "les collectivités locales peuvent, par convention, laisser à l'Etat la direction et la responsabilité des travaux de construction des bâtiments scolaires" ; qu'en application de cette disposition la commune de Cérizay a, par convention du 4 mai 1966, confié à l'Etat le choix du maître d'oeuvre, la direction et l'approbation des études, la passation des marchés, le paiement et la réception des travaux de construction de son collège d'enseignement général ; que la commune a refusé de signer le procès-verbal de remise des bâtiments et installations prévu par la convention et qui eût valu quitus pour l'Etat en vertu de celle-ci ; que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat de louage d'ouvrage ainsi conclu sont dès lors susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, d'autre part, que la réception définitive de l'ouvrage par le représentant de l'Etat a eu pour effet d'en transférer la propriété à la commune de Cérizay ; que celle-ci a par suite qualité pour mettre en cause la responsabilité de M. X..., architecte choisi par l'Etat pour la construction de l'ouvrage en cause ;
Sur la responsabilité de l'Etat et de M. X... :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que des condensations abondantes et fréquentes sont apparues dès la première année suivant l'occupation des locaux du collège d'enseignement général de Cérizay à la rentrée scolaire de 1969 ; que ces désordres étaient parfaitement connus des services techniques de l'Etat, responsables des travaux en vertu de la convention susmentionnée ; que du fait de ces désordres la réception définitive n'a été accordée que le 17 avril 1975 alors qu'il n'y avait pas été remédié ; qu'il suit de là que la commune n'est fondée à se prévaloir ni de la faute qu'aurait commise l'architecte en ne s'opposant pas à la réception définitive des travaux et en n'appelant pas l'attention des services de l'Etat sur la nécessité de formuler des réserves, ni de l'obligation de garantie incombant à cet homme de l'art sur le fondement de ses obligations contractuelles qui ont pris fin à compter de la réception définitive ;
Considérant, en deuxième lieu, que la réception définitive sans réserve de l'ouvrage en cause par la direction départementale de l'équipement exerçant la fonction de contrôle, bien que cet ouvrage présentât de façon apparente les marques des désordres susmentionnés dont l'administration avait été informée, a constitué une faute dans l'accomplissement des obligations incombant à l'Etat par l'effet de la convention susanalysée du 4 mai 1966 passée avec la commune de Cérizay ; que celle-ci est, par suite, fondée à demander à l'Etat réparation du préjudice subi par elle à raison des condensations qui ont affecté le collège d'enseignement général ; que si la réparation du dommage causé par ces désordres est également recherchée par la commune sur les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil à l'encontre de M. X..., la réception définitive sans réserve accordée dans les conditions ci-dessus décrites fait obstacle à ce que celui-ci soit tenu à réparation pour les condensations en cause ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en demandant la condamnation solidaire de M. X... et de l'Etat, à raison notamment de ces désordres, la commune de Cérizay conclut nécessairement à ce que l'un et l'autre soient tenus responsables pour le tout ; qu'il résulte de ce qui précède que la réparation du dommage causé par les condensations et dont le montant non contesté s'élève à 1 037 439,45 F doit être mis intégralement à la charge de l'Etat ;
Considérant, en quatrième lieu, que, par voie de recours incident, la commune de Cérizay demande l'indemnisation de dommages dus à la détérioration des peintures intérieures, des revêtements de sol et à la corrosion notamment des chassis métalliques et conclut à ce que la remise en état générale du collège soit mise à la charge des appelants ; qu'il résulte de l'instruction que la dégradation de l'ouvrage a résulté à la fois des désordres affectant sa construction et du défaut d'entretien des locaux incombant normalement à la commune ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en laissant à la charge de la commune de Cérizay la moitié du coût de la remise en état générale du bâtiment évaluée à 1 500 000 F par l'expert, soit 750 000 F ;
Considérant, enfin, que les conclusions dirigées contre une entreprise étrangère à l'appel de l'Etat et de M. X... sont irrecevables ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé la capitalisation au 1er septembre 1983 des intérêts produits par les sommes dues à la commune de Cérizay ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été à nouveau demandée le 26 novembre 1984 par la commune de Cérizay dans des conclusions incidentes ; que ces conclusions ne sont recevables qu'à l'égard des sommes dues par l'Etat ; qu'à la date du 26 novembre 1984, il était à nouveau dû une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit, dans cette mesure, à cette demande ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de décharger M. X... de la part des frais d'expertise mis à sa charge et d'augmenter de cette part, soit 25 % la part supportée par l'Etat ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte d'une part que M. X..., architecte, est fondé à demander à être déchargé des condamnations prononcées contre lui par les articles 2, 3 et 5 du jugement attaqué et à ce que soient annulés dans cette mesure lesdits articles, d'autre part que le ministre de l'éducation nationale n'est pas fondé à demander l'annulation dudit jugement en ce qu'il le concerne ;
Article 1er : La somme que l'Etat est condamné à verser à la commune de Cérizay par l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 novembre 1983 est portée à 1 787 439,45 F.

Article 2 : Les intérêts de la somme fixée à l'article 1er de laprésente décision échus au 1er septembre 1983 et au 26 novembre 1984 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Les frais d'expertise seront supportés par l'Etat à raison de 95 %.

Article 4 : Le recours susvisé du ministre de l'éducation nationale est rejeté.

Article 5 : Le surplus des conclusions du recours incident de lacommune de Cérizay est rejeté.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du9 novembre 1983 est annulé en tant que ses articles 2, 3 et 5 portentcondamnation de M. X... à indemniser la commune de Cérizay avec intérêts et intérêts capitalisés et mettent à sa charge une part des frais d'expertise ; il est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 7 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale, à M. X... et à la commune de Cérizay.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 55960
Date de la décision : 13/03/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - ARCHITECTES ET ENTREPRENEURS - RESPONSABILITE CONTRACTUELLE -Responsabilité résultant de l'exécution défectueuse ou de l'inexécution du contrat - Responsabilité de l'Etat à raison de la faute commise par ses services techniques dans l'exécution d'un contrat le liant à une commune.


Références :

Code civile 1792 et 2270


Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 1987, n° 55960
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Fourré
Rapporteur public ?: Mme Laroque

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:55960.19870313
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