La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/1986 | FRANCE | N°46629

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 10 décembre 1986, 46629


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 novembre 1982 et 4 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 28 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser une indemnité de 1 056 544 F à la société civile d'études du centre commercial de Norroy-le-Veneur, avec les intérêts de droit à compter du 30 juin 1977, en réparation du préjudice que lui a causé l'abandon du projet

d'un centre commercial régional dans l'agglomération de Metz ;
2° reje...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 15 novembre 1982 et 4 mars 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 28 juillet 1982 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser une indemnité de 1 056 544 F à la société civile d'études du centre commercial de Norroy-le-Veneur, avec les intérêts de droit à compter du 30 juin 1977, en réparation du préjudice que lui a causé l'abandon du projet d'un centre commercial régional dans l'agglomération de Metz ;
2° rejette la demande d'indemnité présentée par ladite société devant le tribunal administratif de Strasbourg,

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Durand-Viel, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du DEPARTEMENT DE LA MOSELLE et de la S.C.P. Nicolas, Masse-Dessen, Georges, avocat de la société civile d'études du centre commercial de Norroy le Veneur,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité du DEPARTEMENT DE LA MOSELLE :

Considérant qu'il résulte de l'instructionn que la société Cenco a été retenue le 7 juin 1973 à la suite du concours organisé par le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE en vue de la désignation d'un maître d'ouvrage privé chargé d'étudier et de réaliser un centre commercial régional pour l'agglomération Nord-Métropole Lorraine et ses équipements tertiaires ; que par lettre en date du 19 juin 1973 le préfet de la Moselle a porté à la connaissance de la société Cenco cette désignation et lui a rappelé qu'en application de la notice descriptive jointe au dossier de consultation des entreprises elle était invitée à poursuivre l'étude du projet en concertation avec les services techniques du département en vue de permettre la conclusion de la convention à intervenir entre le département et la société ;
Considérant qu'il résulte de la notice descriptive dont s'agit et de l'échange de lettres entre le préfet représentant le département de la Moselle et la société Cenco à la suite du résultat du concours, documents qui ne mentionnent d'ailleurs à aucun moment la rémunération des études à conduire en vue de la convention ainsi prévue , que le lien contractuel entre les deux parties ne pouvait être formé avant la signature de ladite convention ; que celle-ci n'a pas été conclue ; qu'ainsi le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE est fondé à soutenir que la demande présentée par la société civile d'études du centre commercial de Norroy-le-Veneur, constituée en juin 1974 entre divers établissements financiers et la société Cenco qui lui a cédé ses études et ses droits sur le projet, agissant aux droits de la société Cenco, tendant au paiement d'études ne saurait avor un fondement contractuel ;

Considérant toutefois que si le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE se réservait dans la notice descriptive du concours la faculté de ne pas donner suite à la consultation, il n'avait dans aucun document mentionné la possibilité d'un abandon du projet au cours de la phase d'études s'écoulant entre la désignation du lauréat et la signature de la convention ; que la lettre du préfet de la Moselle en date du 19 juin 1973 invitant la société Cenco à mettre au point le projet faisait ressortir comme certaine, et d'ailleurs urgente, la réalisation du projet ; qu'aux lettres de la société Cenco en date des 12 mars 1974 et 12 avril 1974 sollicitant l'acceptation du projet définitif, le préfet de la Moselle a répondu par une lettre du 2 mai 1974 annonçant son inscription à l'ordre du jour de la session du conseil général s'ouvrant le 10 juin 1974 et faisant connaître à la société Cenco que "dès que l'assemblée départementale se sera prononcée ... l'opération pourra être réalisée" ; qu'enfin il ne ressort pas des pièces du dossier que les services techniques du département qui ont régulièrement suivi l'avancement des études et n'ont fait aucune objection quant aux suites données à leurs recommandations par la société Cenco, aient à aucun moment attiré l'attention de celle-ci sur un possible abandon du projet par le conseil général ; qu'en donnant à la société Cenco de telles assurances quant à la réalisation du projet auquel le conseil général a renoncé, le département de la Moselle a commis des fautes de nature à ouvrir à la société civile d'études du centre commercial de Norroy-le-Veneur, agissant aux droit de la société Cenco, un droit à indemnité ; que dans les circonstances de l'affaire c'est à bon droit que les premiers juges, en l'absence de toute faute de la société, ont mis à la charge du département de la Moselle la totalité du préjudice qu'elle a subi jusqu'au mois de juin 1974 ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que la société Cenco était en mesure de connaître la renonciation du département au projet dès le 18 juin 1974 date de son retrait de l'ordre du jour du conseil général ; que si le préfet de la Moselle a fait connaître à la société Cenco en 1975 que le projet devait être repris par diverses collectivités locales sur le point de constituer à cet effet un syndicat mixte, il n'a à aucun moment fait mention d'un engagement du département ; que, par suite, le département de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a étendu au delà du mois de juin 1974, la période durant laquelle les frais occasionnés à la société pour la mise au point du projet ont eu pour cause les assurances données par le département ;
Sur le préjudice :
Considérant que le préjudice indemnisable doit comprendre, sans que la victime soit tenue de justifier de l'utilité des études pour la collectivité publique, l'ensemble des dépenses qu'elles ont effectivement entrainées, mais que la société civile d'études du centre commercial de Norroy-le-Veneur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Strasbourg a refusé de lui accorder une indemnité à raison du bénéfice qu'elle escomptait de la réalisation du projet et dont elle a été privée ; qu'il résulte de l'instruction notamment du rapport de l'expert désigné par les premiers juges qui s'est fondé sur les documents et pièces comptables de la société, notamment les factures et le compte d'exploitation générale, a apprécié l'importance des moyens consacrés aux études, variables selon les différentes périodes, et tenu compte des autres tâches menées par l'entreprise, que la mise au point du projet du centre commercial a entraîné des dépenses s'élevant à 387 000 F hors taxe en 1973 et à 441 295 F hors taxe du 1er au 30 juin 1974 ; que ces sommes ont été calculées d'après les dépenses effectives correspondant aux études sans tenir compte des stipulations des accords conclus entre les associés lors de la constitution de la société civile d'études du centre commercial de Norroy-le-Veneur ; que les frais financiers s'élevant à une somme de 42 191 F retenue par le tribunal administratif ont été supportés après le 30 juin 1974 et ne font pas partie du préjudice indemnisable ; qu'il suit de là que le montant total de l'indemnité à laquelle a droit la société civile du centre commercial de Norroy-le-Veneur s'élève toutes taxes comprises à 990 833 F ; que, le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE est fondé à demander que la somme mise à sa charge par le tribunal administratif de Strasbourg soit réduite à ce montant ; que les conclusions incidentes présentées par la société civile d'études du centre commercial de Norroy-le-Veneur tendant à la majoration de cette indemnité doivent être rejetées ;
Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la société civile d'études du centre commercial de Norroy-le-Veneur a demandé les 28 septembre 1984, 2 octobre 1985 et 26 octobre 1986 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le tribunal administratif lui a accordée ; qu'à chacune de ces dates au cas où ladite indemnité n'aurait pas encore été payée, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors par application de l'article 1154 du code civil il y a lieu de faire droit à ces demandes ;

Article 1er : La somme mise à la charge du département de la Moselle par l'article 1er du jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg est ramenée de 1 056 544 F à 990 833 F.

Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg en date du 28 juillet 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Les intérêts afférents à la somme de 990 833 F que le DEPARTEMENT DE LA MOSELLE est condamné à verser à la société civile d'études du centre commercial de Norroy-le-Veneur et échus les28 septembre 1984, 2 octobre 1985 et 15 octobre 1986 seront, au cas où l'indemnité n'aurait pas été payée, capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions du département de la Moselle et des conclusions incidentes de la société civile d'études du centre commercial de Norroy-le-Veneur est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DELA MOSELLE, à la société civile d'études du centre commercial de Norroy-le-Veneur et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 46629
Date de la décision : 10/12/1986
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS


Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 1986, n° 46629
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Durand-Viel
Rapporteur public ?: Mme Laroque

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:46629.19861210
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award