Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 octobre 1981 et 15 février 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE IMMOBILIERE VERNOIS, dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° réforme le jugement du 15 juin 1981 par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui payer une indemnité qu'elle estime insuffisante en réparation du préjudice subi du fait du refus du concours de la force publique à l'effet d'exécuter une décision de justice prescrivant l'expulsion de Mlle Hélène Y..., sa locataire, d'un immeuble sis ..., dont la société est propriétaire,
2° lui alloue une indemnité mensuelle de 10 000 F avec les intérêts dus et capitalisation des intérêts,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code des communes ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. E. Guillaume, Auditeur,
- les observations de Me Defrenois, avocat de la SOCIETE IMMOBILIERE VERNOIS,
- les conclusions de M. Jeanneney, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par une décision en date du 4 octobre 1978, le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, confirmant le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 décembre 1976, a condamné l'Etat à payer à la SOCIETE IMMOBILIERE VERNOIS à la suite du refus qu'il a opposé à cette dernière de prêter le concours de la force publique pour l'exécution de l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 15 janvier 1972 ordonnant l'expulsion de Mlle Y..., une indemnité mensuelle de 1 000 F pour la période comprise entre le 1er septembre 1972 et le 13 décembre 1976 ; que par le jugement attaqué, en date du 15 juin 1981, le tribunal administratif de Paris, sur la demande de la société, a porté cette indemnité mensuelle à 1 200 F pour la période allant du 13 décembre 1976 jusqu'au jour de son jugement ;
Considérant que le concours de la force publique n'ayant toujours pas été accordé à la société requérante, cette dernière est fondée à demander que l'Etat l'indemnise et des pertes de loyers qu'elle a subies du 13 décembre 1976 au 15 juin 1981 comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, et de celles qu'elle a continué de subir du 15 juin 1981 au jour de la présente décision ; que toutefois il y a lieu de déduire de ces montants les versements faits par Mlle Y... au titre des loyers qu'elle a acquittés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert X... désigné par le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 15 octobre 1982, que l'évaluation de l'indemnité due à la société requérante doit être fixée à 1 756,85 F pour la période du 13 décembre 1976 au 31 décembre 1976, 37 907,04 F pour l'année 1977, 43 047,26 F pour l'année 1978, 47 398,77 F pour l'année 1979, 52 883,28 F pour l'anne 1980, 58 897,69 F pour l'année 1981, 66 432,56 F pour l'année 1982, 69 800 F pour l'année 1983 et à la somme trimestrielle de 17 449,98 F réévaluée en fonction des augmentations successives de l'indice du coût de la construction tel que fixé par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques à partir du 1er janvier 1984 ; qu'il résulte, dès lors, de ce qui précède que la SOCIETE IMMOBILIERE VERNOIS est fondée à demander la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
Sur les intérêts :
Considérant que la SOCIETE IMMOBILIERE VERNOIS a droit, à compter du 1er mars 1977 date de sa réclamation à l'Etat, aux intérêts des loyers trimestriels échus avant cette date et, pour la période postérieure à cette date, à ceux qui courent à compter de la date d'échéance de chaque loyer trimestriel ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 13 octobre 1981, 15 février 1982 et 5 avril 1984 ; qu'il était dû au moins une année d'intérêts à la première de ces dates pour les loyers échus au 13 octobre 1980, à la seconde de ces dates pour les loyers échus entre cette dernière date et le 15 février 1981 et à la troisième de ces dates pour les loyers échus entre le 15 février 1981 et le 5 avril 1983 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit, dans ces différentes limites, à ces trois demandes ;
Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à la SOCIETE IMMOBILIERE VERNOIS par l'article 1er du jugement en date du 15 juin 1981 du tribunal administratif de Paris est portée à 1 756,85 F pour la période du 13 décembre 1976 au 31 décembre 1976, 37 907,04 F pour l'année 1977, 43 047,26 F pour l'année 1978, 47 398,77 F pour l'année 1979, 52 883,28 F pour l'année 1980, 58 897,69 F pour l'année 1981, 66 432,56 F pour l'année 1982, 69 800 F pour l'année 1983 et 17 449,98 F par trimestre réévaluée en fonction de l'indice du coût de la construction tel que fixé par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, pour la périodeallant du 1er janvier 1984 à la date de la présente décision.
Article 2 : Les loyers trimestriels échus avant le 1er mars 1977 porteront intérêt à compter de cette date ; les loyers trimestriels échus à compter du 1er mars 1977 porteront intérêts à compter de leurs dates respectives d'échéance.
Article 3 : Les intérêts afférents aux loyers échus avant le 13 octobre 1980 seront capitalisés le 13 octobre 1981 pour produire eux-mêmes intérêts ; les intérêts afférents aux loyers échus entre le13 octobre 1980 et le 15 février 1981 seront capitalisés le 15 février 1982 pour produire eux-mêmes intérêts ; les intérêts afférents à des loyers échus entre le 15 février 1981 et le 5 avril 1983 seront capitalisés le 5 avril 1984 pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers endate du 15 juin 1981 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE IMMOBILIERE VERNOIS et au ministre de l'intérieur.