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23/04/1986 | FRANCE | N°49505

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 23 avril 1986, 49505


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 mars 1983 et 19 juillet 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Office public d'habitations à loyer modéré de Reims, dont le siège est ... à REIMS 51100 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 1er février 1983 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant à ce que la Société générale d'entreprises soit condamnée à lui verser une indemnité de 94 466,19 F en réparation du préjudice résultant pour

lui des dégrèvements des loyers accordés aux locataires du bâtiment F du group...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 mars 1983 et 19 juillet 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Office public d'habitations à loyer modéré de Reims, dont le siège est ... à REIMS 51100 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 1er février 1983 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant à ce que la Société générale d'entreprises soit condamnée à lui verser une indemnité de 94 466,19 F en réparation du préjudice résultant pour lui des dégrèvements des loyers accordés aux locataires du bâtiment F du groupe d'immeubles construit par la Société générale d'entreprises à Reims, Val de Musigny ;
2° condamne la Société générale d'entreprises à lui verser la somme de 94 166,19 F, avec les intérêts de droit et les intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Lambron, Auditeur,
- les observations de Me Boullez, avocat de l'Office public d'habitations à loyer modéré de Reims, de la SCP Roger et de Me Choucroy avocats de la "Société Générale d'Entreprises" S.G.E. ,
- les conclusions de M. Dominique Latournerie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la Société générale d'entreprises a été chargée par l'Office public d'habitations à loyer modéré de Reims , en vertu d'un marché en date du 22 novembre 1973, de construire un groupe d'immeubles dans cette ville ; qu'après la réception définitive des travaux des désordres de nature à engager la responsabilité décennale de l'entrepreneur sont apparus, certains balcons s'étant effondrés en mars 1976 ; qu'une expertise ayant révélé un mauvais positionnement des fers dans l'ensemble des balcons, il a été convenu entre l'entreprise et l'office que seraient exécutés à la diligence de l'entreprise des travaux de renforcement consistant à mettre en place des fers supplémentaires scellés dans le plancher, après perforation d'une saignée dans la dalle, en vue de les incorporer à tous les balcons, en commençant par le bâtiment E ;
Considérant que les travaux de réparation ont entraîné des nuisances, notamment en raison du bruit qui en résultait ; qu'à la suite de plaintes des locataires du bâtiment E, l'office a consenti une réduction de 40% de leurs loyers pour la période correspondant à la durée des travaux, dégrèvement qui a entraîné pour l'office un moins-perçu de loyers d'un montant total de 94 466,19 F dont il demande à être indemnisé par la Société générale d'entreprises ;
Considérant, d'une part, que si les nuisances ainsi survenues ont été occasionnées par les travaux de réparation, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été correctementexécutés, il résulte de l'instruction qu'une telle réparation a été rendue nécessaire par la malfaçon résultant des travaux primitifs ; qu'ainsi, les troubles de jouissance dont se sont plaints les locataires trouvent leur origine dans ces malfaçons, et en constituent une conséquence dommageable ; qu'il en est de même du préjudice qui est résulté pour l'office des réductions de loyer qu'il a consenties en raison des troubles de jouissance auxquels les locataires du bâtiment A ont été exposés pendant les travaux ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les troubles de jouissance occasionnés aux locataires par l'exécution des travaux justifiaient qu'un dégrèvement partiel de loyer leur soit consenti ; que l'office avait d'ailleurs été saisi préalablement à la décision de dégrèvement qu'il a prise de demandes des locataires sollicitant des réductions de loyers à raison des troubles de jouissance subis et n'a pas contrairement à ce que soutient la société, en demandant aux locataires de la tenir au courant des gênes subies, pris l'initiative de la réduction des loyers ;
Considérant que si la gêne causée par l'exécution des travaux affectait à un moment donné de façon inégale les différents locataires et n'atteignait sa pleine intensité que pour les locataires des appartements voisins du balcon où le travail était effectué, la réparation successive de l'ensemble des balcons a finalement entraîné pour la totalité des locataires des troubles comparables ; que la Société générale d'entreprises n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'en accordant à l'ensemble des locataires un dégrèvement correspondant à la même fraction du loyer l'office aurait procédé de façon arbitraire ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort du dossier et notamment du constat d'huissier effectué le 16 décembre 1980 à la requête de l'office, qu'en accordant aux locataires du bâtiment E pour toute la période d'exécution des travaux de réparation une réduction de 40 % de leurs loyers, l'office a fait une évaluation exagérée des troubles de jouissance subis par eux ; qu'il n'est dans ces conditions pas fondé à demander à la Société générale d'entreprises de lui rembourser la totalité des dégrèvements de loyers qu'il a consentis ; qu'il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par l'office en condamnant la Société générale d'entreprises à lui verser une somme égale à la moitié des réductions de loyers en cause, soit 47 233 F ;
Sur les intérêts :

Considérant que l'Office public d'habitations à loyer modéré de Reims a droit aux intérêts de la somme susmentionnée de 47 233 F à compter du jour de l'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne, le 23 juillet 1981 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 23 mars 1983 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 1er février 1983 est annulé.

Article 2 : La Société générale d'entreprises est condamnée à verser à l'Office public d'habitations à loyer modéré de Reims la somme de 47 233 F avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet1981. Les intérêts échus le 23 mars 1983 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Office public d'habitations à loyer modéré de Reims est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Office publicd'habitations à loyer modéré de Reims, à la Société générale d'entreprises et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.


Sens de l'arrêt : Annulation totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-03-02 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE DIRECT DU PREJUDICE - EXISTENCE -Réductions de loyers consenties par un office public d'H.L.M. à ses locataires, après que ceux ci se sont plaints des nuisances résultant des travaux de réparation de leur immeuble - Préjudice résultant directement des fautes du constructeur, les réparations ayant été rendues nécessaires pour remédier aux désordres apparus en raison de la mauvaise exécution des travaux de construction.

60-04-01-03-02 Nuisances, dues notamment au bruit, occasionnées par les travaux de réparation d'un immeuble dont certains balcons s'étaient effondrés - Une telle réparation a été rendue nécessaire par la malfaçon résultant des travaux primitifs de construction des immeubles en cause. Ainsi les troubles de jouissance dont se sont plaints les locataires trouvent leur origine dans ces malfaçons et en constituent une conséquence dommageable. Il en est de même du préjudice qui est résulté pour l'office public d'habitations à loyer modéré propriétaire de l'immeuble des réductions de loyer qu'il a consenties en raison des troubles de jouissance auxquels les locataires du bâtiment ont été exposés pendant les travaux.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 23 avr. 1986, n° 49505
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Gazier
Rapporteur ?: M. Lambron
Rapporteur public ?: M. Latournerie

Origine de la décision
Formation : 3 / 5 ssr
Date de la décision : 23/04/1986
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 49505
Numéro NOR : CETATEXT000007703336 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1986-04-23;49505 ?
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