Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 avril 1983 et 11 juillet 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Marcel X..., demeurant "domaine du Grand Clapeau" à Blanquefort et M. Y..., demeurant marais du Petit Condot à Bruges Gironde , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le décret n° 83-145 du 24 février 1983 portant création de la réserve naturelle des marais de Bruges Gironde ,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1978 et le décret n° 77-1298 du 25 novembre 1977 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Lenoir, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du gouvernement ;
Sur les vices de procédure allégués :
Considérant, d'une part, qu'aucun texte n'impose que le décret portant classement d'un territoire comme réserve naturelle intervienne dans un délai déterminé après la clôture de l'enquête publique préalable ; que les requérants ne sauraient à cet égard invoquer les dispositions de l'article 2 du décret susvisé du 25 novembre 1977, qui sont seulement relatives aux formes de l'enquête publique à laquelle est soumis le projet de classement ; que, d'autre part, en l'absence de modifications importantes des données de fait par rapport au projet soumis à enquête la circonstance que l'enquête publique préalable au classement des marais de Bruges en réserve naturelle ait été close plus de trois ans avant l'intervention du décret attaqué portant création de la réserve, est sans influence sur la légalité de ce décret ;
Considérant, en revanche, qu'aux termes de l'article 9 du décret susvisé du 25 novembre 1977, le ministre chargé de la protection de la nature doit recueillir l'accord du ministre de la défense, du ministre chargé de l'aviation civile et du délégué à l'espace aérien lorsque le classement entraîne des contraintes pour le survol du territoire ; que l'article 12 du décret attaqué interdit, sauf certaines exceptions, le survol de la réserve à moins de 300 m. du sol, et qu'ainsi, le projet de classement devait recueillir l'accord du ministre chargé de l'aviation civile ; qu'il résulte de l'instruction que cette formalité n'a pas été accomplie ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que les dispositions de l'article 12 du décret attaqué sont entachées d'illégalité ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi susvisée du 10 juillet 1976 : "Des parties du territoire d'une ou de plusieurs communes peuvent être classées en réserve naturelle lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et, en général, du milieu naturel présente une importance particulière ou qu'il convient de les soustraire à toute intervention atificielle susceptible de les dégrader. Le classement peut affecter le domaine public maritime et les eaux territoriales françaises. Sont prises en considération à ce titre : La préservation d'espèces animales ou végétales et d'habitats en voie de disparition sur tout ou partie du territoire national ou présentant des qualités remarquables ; La reconstitution des populations animales ou végétales ou de leurs habitats .. ; La préservation des biotopes et de formations géologiques, géomorphologiques ou spéléologiques remarquables ; La préservation ou la constitution d'étapes sur les grandes voies de migration de la faune sauvage ... " ;
Considérant que le territoire des marais de Bruges forme, sur une superficie d'environ 50 hectares située en zone péri-urbaine, un biotope remarquable qui abrite des espèces animales et végétales de grand intérêt et dont certaines sont en voie de disparition ; qu'en outre, cette zone constitue une étape sur un axe migratoire important de l'avifaune ; que, dans ces conditions, ce territoire pouvait légalement faire l'objet d'une mesure de classement en réserve naturelle au regard des dispositions précitées ; que les requérants ne sauraient utilement invoquer devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux les inconvénients, notamment d'ordre agricole, que présenterait pour eux ce classement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que seules les dispositions ci-dessus analysées de l'article 12 du décret attaqué sont entachées d'illégalité ; que, ces dispositions ne sont pas indivisibles des autres dispositions du décret attaqué et que leur illégalité n'est par suite pas de nature à entraîner l'annulation de l'ensemble de ce décret ;
Article ler : L'article 12 du décret n° 83.145 du 24 février 1983 portant création de la réserve naturelle des marais de Bruges Gironde est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de MM. X... ET Y... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à MM. X... et Y..., au Premier ministre et au ministre de l'environnement.