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17/01/1986 | FRANCE | N°51451

France | France, Conseil d'État, 4 ss, 17 janvier 1986, 51451


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 juin 1983 et 20 octobre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-France X..., demeurant Villa Nisma Longchamp Supérieur, Rue n° 9 à Casablanca Maroc , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule un jugement du 18 février 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre des affaires étrangères rejetant sa réclamation tendant à l'octroi d'une indemnité compensatrice du préju

dice par elle subi à la suite de la cessation de sa mission d'enseigneme...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 juin 1983 et 20 octobre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-France X..., demeurant Villa Nisma Longchamp Supérieur, Rue n° 9 à Casablanca Maroc , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule un jugement du 18 février 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre des affaires étrangères rejetant sa réclamation tendant à l'octroi d'une indemnité compensatrice du préjudice par elle subi à la suite de la cessation de sa mission d'enseignement à la mission universitaire et culturelle française au Maroc,
2° annule la décision rejetant sa réclamation,
3° condamne l'Etat à lui verser une indemnité de 300 000 F à parfaire et à compléter au jour du jugement en réparation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice matériel subis par la requérante à la suite de son licenciement avec intérêts et intérêts des intérêts,
Vu les autres pièces du dossier ; ;
Vu le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 ;
Vu l'arrêté interministériel du 16 mars 1970 pris pour l'application du précédent décret ;
Vu l'arrêté interministériel du 6 octobre 1971 portant extension du champ d'application du précédent décret ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mlle Vestur, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de Mme Marie-France X... et de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde , avocat du Ministre des relations extérieures,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que pour écarter la demande d'indemnité dont l'avait saisi Mme Marie-France X... et qui tendait à la réparation du préjudice résultant pour elle de la décision mettant fin à compter du 16 septembre 1975 à ses fonctions auprès de la mission universitaire et culturelle française au Maroc, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que cette demande était uniquement motivée par l'illégalité de la décision ci-dessus mentionnée que l'intéressé n'avait pas déférée en temps utile au juge de l'excès de pouvoir et que par suite elle était irrecevable ;
Considérant que la décision mettant fin aux fonctions de la requérante dans les cadres des personnels de la mission universitaire et culturelle française au Maroc n'avait pas un objet exclusivement pécuniaire ; que Mme X... était dès lors recevable après l'expiration du délai de recours contentieux à demander, en se prévalant de l'illégalité de cette décision, une indemnité en réparation du préjudice qui en résultait pour elle ;
Considérant qu'il y a lieu dès lors d'annuler le jugement attaqué, d'évoquer et de statuer immédiatemment sur la demande formée par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la recevabilité de la reuête de première instance :
Considérant que si Mme X... avait formé le 9 novembre 1978 un recours administratif contre la décision l'ayant rayée des cadres de la mission universitaire et culturelle française au Maroc et si ce recours a été explicitement rejeté le 1er février 1979, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a saisi le ministre des affaires étrangères d'une demande d'indemnité que par une lettre datée du 15 juillet 1980 ; que par suite le ministre des relations extérieures ne peut utilement soutenir que le rejet implicite de l'indemnité demandée le 15 juillet 1980 avait pour effet de confirmer le rejet du recours du 9 novembre 1978 et que dès lors la requête de Mme X... enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 18 novembre 1981 serait irrecevable ;
Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X... a été détachée par le ministre de l'éducation nationale auprès du ministre des affaires étrangères, lequel l'a mise à la disposition de la mission universitaire et culturelle française au Maroc ; qu'elle a cessé d'être regardée comme appartenant au personnel de cette mission à la fin de l'année scolaire 1974-1975 ; que cette dernière décision était fondée sur les dispositions combinées des circulaires du ministre des affaires étrangères en date des 31 mai 1957 et 2 mai 1974 limitant à six ans, sauf dérogation accordée par le ministre, la durée des missions de professeur à l'étranger ; que ces circulaires, qui édictent de façon générale des règles relatives à la situation des fonctionnaires en mission d'enseignement à l'étranger ont un caractère réglementaire ; qu'aucun texte n'autorisait le ministre des affaires étrangères à exercer le pouvoir réglementaire dans une telle matière ; que par suite la décision contestée, fondée sur un règlement illégal, est elle-même entachée d'excès de pouvoir ; que le chef de la mission universitaire et culturelle française au Maroc a commis, en la prenant, une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur les troubles dans les conditions d'existence :
Considérant que Mme X... ne justifie pas avoir subi soit en raison des circonstances dans lesquelles il a été mis fin à ses fonctions, soit en raison des conditions dans lesquelles elle a poursuivi ses activités au Maroc à compter du 16 septembre 1975 des troubles dans les conditions d'existence susceptibles de lui ouvrir droit à réparation ;
Sur les pertes de revenu :

Considérant que Mme X... demande la condamnation de l'Etat à lui verser une somme égale à la différence entre, d'une part, le montant cumulé des traitements qu'elle aurait perçus si elle avait continué d'être rémunérée par la mission universitaire et culturelle française au Maroc dans les conditions dont elle bénéficiait avant la décision illégale dont elle a été l'objet pendant la période à compter du 16 septembre 1975 et, d'autre part, le montant cumulé des rémunérations qu'elle a en fait perçues au cours de la même période où elle a exercé les mêmes activités sur la base d'un contrat local ;
Considérant qu'eu égard à la précarité de la situation administrative de l'intéressée, le préjudice qui doit être regardé comme directement imputable à la mesure illégale dont elle a été l'objet ne saurait être tenu pour supérieur, dans les circonstances de l'espèce, à la diminution de revenus qu'elle a subie pendant les deux années qui ont suivi son intervention ; que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant de l'indemnité ainsi due à Mme X... ; qu'il y a lieu de renvoyer la requérante devant le ministre des relations extérieures afin qu'il soit procédé sur les bases ci-dessus indiquées à la liquidation de cette indemnité au titre des années 1975-1976 et 1976-1977 ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme X... a droit aux intérêts de la somme dont s'agit à compter du jour de la réception par le ministre des affaires étrangères de sa réclamation initiale en date du 15 juillet 1980 ;
Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 18 novembre 1981, 20 juin 1983 et 21 juin 1985 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêt ; que dès lors conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : Le jugement du 18 février 1983 du tribunal administratif de Paris susvisé est annulé.

Article 2 : La décision implicite du ministre des affaires étrangères rejetant la demande d'indemnité présentée par Mme X... est annulée.

Article 3 : Mme X... est renvoyée devant le ministre des relations extérieures afin qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle elle a droit ainsi qu'il a été dit ci-dessus.

Article 4 : La somme ainsi calculée produira intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par le ministre des affaires étrangères de la réclamation formée par la requérante le 15 juillet 1980.

Article 5 : Les intérêts échus les 18 novembre 1981, 20 juin 1983 et 21 juin 1985 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme France X... et au ministre des relations extérieures.


Synthèse
Formation : 4 ss
Numéro d'arrêt : 51451
Date de la décision : 17/01/1986
Type d'affaire : Administrative

Analyses

46-03 OUTRE-MER - COOPERATION TECHNIQUE


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jan. 1986, n° 51451
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Vestur
Rapporteur public ?: Mme Laroque

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:51451.19860117
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