Recours des ministres du budget et des transports tendant à :
1° l'annulation du jugement du 2 octobre 1980 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, statuant sur un recours en interprétation de la compagnie des salins du midi et des salines de l'est, agissant en exécution d'un jugement du tribunal de grande instance de Narbonne du 5 février 1976, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Montpellier, a déclaré qu'il résulte du procès-verbal d'adjudication du 16 mars 1791 que la consistance du bien rendu l'île Sainte-Lucie s'étendait jusqu'aux limites naturelles de la mer sans tenir compte de l'action du flot des plus hautes mers et que les limites du domaine public maritime doivent être entendues comme coïncidant avec les limites naturelles de la mer ;
2° ce que le Conseil d'Etat déclare que l'adjudication du 16 mars 1791 a eu pour effet d'exclure de la vente les terrains en bordure de la mer et faisant partie du domaine public maritime ;
Vu le code des tribunaux administratifs ; les édits de Moulins de février 1566 ; l'ordonnance de la marine d'août 1681 ; la Constitution du 22 frimaire an VIII et la charte constitutionnelle du 4 juin 1814 ; la loi du 28 pluviôse an VIII ; le décret-loi du 21 février 1852 ; le code du domaine de l'Etat ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant ... jonction ; . .
Cons. que la compagnie des salins du midi et des salines de l'est, qui revendiquait la propriété des parcelles de terrains dans la commune de Port-la-Nouvelle Aude entre le chenal d'accès au port et le Grau de Vieille Nouvelle, avait saisi du litige l'opposant à l'Etat le tribunal de grande instance de Narbonne ; que celui-ci, par un jugement du 5 février 1976, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Montpellier en date du 7 octobre 1976, s'est déclaré incompétent pour interpréter un acte d'adjudication de biens nationaux du 16 mars 1791 portant sur l'île Cauquenne ou de Sainte-Lucie antérieurement attachée à l'évêché de Narbonne ainsi que " pour reconnaître et déclarer l'étendue et les limites du domaine public maritime " et a renvoyé les parties à se pourvoir devant la juridiction administrative compétente ;
Cons. que ni les actes émanés de l'autorité souveraine dans l'exercice de son pouvoir administratif, savoir la charte de Charles Y... de 844 faisant interdiction aux fonctionnaires royaux de pénétrer sur les terres de l'abbaye de Saint-Laurent, et la charte de Carloman de 881 concédant à l'église de Narbonne " l'abbaye de Saint-Laurent avec toutes ses annexes, domaines et limites, avec l'intégralité des lieux, comme il est contenu dans les diplômes octroyés aux moines par les très pieux rois nos prédécesseurs ", ni le procès-verbal d'adjudication des biens nationaux du 16 mars 1791 attribuant à M. X..., auteur de la compagnie des salins du midi " l'île de Cauquenne ou de Sainte-Lucie ... avec ses domaines et terres y enclavées, cultes et incultes et en quoi que le tout consiste ou puisse consister ", n'établissent, en l'absence de toute précision sur la contenance et les limites de cette propriété, que celle-ci s'étende à des parcelles recouvertes par la mer ; que si, par un arrêté du 17 août 1807 le conseil de préfecture statuant dans un litige opposant la commune de Gruissan au propriétaire de l'île a décidé que " le domaine de l'isle Sainte-Lucie, vendu par la nation le 16 mars 1791, se compose de tous les terrains bordés par les étangs ou lagunes de Gruissan et de Sigean, le chenal de la Nouvelle et la mer, conformément au plan de ladite isle ci-annexé ", cette décision juridictionnelle qui d'ailleurs n'a pas à l'égard de l'Etat autorité de chose jugée, n'établit pas davantage, du fait de l'imprécision du plan qui y est annexé, la propriété privée de parcelles qui, en application de l'ordonnance sur la marine d'août 1681 font partie du domaine public maritime ; qu'il suit de là que la compagnie des salins du midi n'est fondée à se prévaloir ni de titres de propriété antérieurs à l'ordonnance de Moulins de 1566 ni de l'inviolabilité des droits résultant des ventes de biens nationaux instituée par l'article 94 de la Constitution du 22 frimaire an VIII et par l'article 9 de la charte constitutionnelle du 4 juin 1814 pour contester l'étendue du domaine public maritime ;
Cons. qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a estimé que la consistance du bien national vendu le 16 mars 1791 et, partant, la propriété de la compagnie des salins du midi s'étendait jusqu'aux limites naturelles de la mer sans tenir compte de l'action du flot des plus hautes mers et que les limites du domaine public maritime devaient être entendues comme coïncidant avec les limites naturelles de la mer ;
annulation du jugement et il est déclaré que les biens vendus par adjudication le 16 mars 1791 ne comprennent pas les parcelles de terrains recouvertes par les plus hautes mers en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles, parcelles qui font partie du domaine public maritime .