Mémoire complémentaire à la saisine du 5 juillet 2000 présentée par plus de soixante députés, en date du 17 juillet 2000 et visé dans la décision no 2000-434 DC
LOI RELATIVE A LA CHASSE
A la suite des observations du Gouvernement en réponse à la saisine par laquelle la constitutionnalité de la loi relative à la chasse, adoptée par l'Assemblée nationale le 28 juin 2000, a été contestée, les requérants soumettent au Conseil constitutionnel le présent mémoire en réplique.
Les requérants maintiennent l'argumentation développée dans leur mémoire initial. Sans la présenter de nouveau dans son ensemble, l'objet de ce mémoire est, d'une part, de développer les moyens soulevés à l'encontre de l'article 24 du texte, qui instaure un jour de non-chasse et, d'autre part, d'appuyer la démonstration de la méconnaissance du droit constitutionnel de propriété en montrant que le paragraphe XI de l'article 14, qui modifie le droit local en Alsace-Moselle, y porte atteinte.
I. - Sur l'article 24 de la loi relative à la chasse
Le dernier alinéa de l'article 24 précité dispose que : « La pratique de la chasse à tir est interdite du mercredi 6 heures au jeudi 6 heures ou à défaut une autre période hebdomadaire de vingt-quatre heures comprise entre 6 heures et 6 heures, fixée au regard des circonstances locales, par l'autorité administrative après avis du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage. »
Les requérants ont déjà soulevé, dans leur mémoire initial, l'inconstitutionnalité de cette mesure au regard du principe constitutionnel du droit de propriété, consacré par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ils souhaitent développer ce moyen, d'une part, en complétant la démonstration de l'absence de « nécessité publique évidente », pourtant requise par l'article 17 de ladite Déclaration pour justifier une atteinte au droit de propriété et, d'autre part, en soulignant le caractère insuffisant de l'encadrement législatif du pouvoir ainsi dévolu à l'autorité administrative au regard de la jurisprudence constitutionnelle.
Sur l'absence de « nécessité publique évidente » justifiant une atteinte au droit de propriété :
L'article 24 de la loi ne contient aucune mention des motifs d'intérêt général justifiant l'instauration d'un jour de non-chasse. Or, si des limitations peuvent être apportées au droit de propriété, la loi doit être explicite quant aux motifs qui les justifient.
En effet, l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 exige de fonder toute atteinte au droit de propriété sur une nécessité publique, non seulement « évidente », mais aussi « légalement constatée ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 81-132 DC du 16 janvier 1982, évoque de plus comme seules limitations constitutionnelles au droit de propriété celles qui sont « imposées par l'intérêt général ».
Dès lors, il apparaît que le jour de non-chasse institué par l'article 24 de la loi, qui n'est fondé sur aucune « nécessité publique évidente légalement constatée », doit être déclaré contraire à la Constitution.
Sur le caractère insuffisant et imprécis de l'encadrement législatif du pouvoir dévolu à l'autorité administrative :
La seule précision encadrant le pouvoir discrétionnaire de l'autorité administrative réside dans la prise en compte des « circonstances locales », qui ne sauraient à elles seules suffire à légitimer le dispositif. Il en résulte que l'autorité administrative départementale sera livrée à elle-même pour fonder la décision d'instaurer un jour de non-chasse. De même, elle aura toute latitude tant pour définir le jour de la semaine concerné que pour motiver ce choix, puisque la rédaction retenue se contente de faire référence au mercredi ou, « à défaut », à une autre période hebdomadaire.
Cette absence d'encadrement législatif précis méconnaît la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aux termes de laquelle « l'administration doit fonder ses décisions, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur des motifs se référant à des fins d'intérêt général définies avec une précision suffisante par la loi » (décision no 85-189 DC du 17 juillet 1985).Or, cette insuffisance de l'encadrement législatif aura des conséquences regrettables sur le contrôle que sera appelée à exercer la juridiction administrative sur les conditions de mise en oeuvre de la loi déférée. Alors que l'application du jour de non-chasse ne manquera pas de susciter un contentieux important, la rédaction insuffisante retenue à l'article 24 ne fournit, en effet, aucun élément au juge administratif pour fonder sa décision.
Ainsi, le jour de non-chasse institué par l'article 24 de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution en ce qu'il repose sur un pouvoir discrétionnaire confié à l'administration sans que la loi définisse précisément les motifs d'intérêt général susceptibles de fonder et d'encadrer ce pouvoir.
II. - Sur l'article 14, paragraphe XI, de la loi relative à la chasse
Le paragraphe XI de l'article 14 de la loi relative à la chasse complète l'article L. 229-5 du code rural en disposant que : « Dans les communes urbaines dont la liste est arrêtée dans les conditions de l'article L. 229-15, le conseil municipal peut, tous les neuf ans, décider de ne pas mettre en location la chasse sur son ban. Cette délibération fixe les conditions de gestion de la faune sauvage et de régulation des espèces susceptibles de causer des dégâts aux cultures, après avis de la commission consultative de la chasse prévue à l'article L. 229-4-1 et du conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage prévu à l'article L. 221-27. Dans ce cas, les articles L. 229-3 et L. 229-4 ne s'appliquent pas. »
Au-delà des conditions contestables dans lesquelles le droit local a ainsi été modifié par voie d'amendement, sans consultation préalable de la commission d'harmonisation du droit local alsacien et mosellan ni concertation avec les instances locales, le contenu même de cette disposition se révèle contraire aux principes constitutionnels, en ce qu'elle porte une atteinte au droit de propriété, qui n'est justifiée par aucune nécessité publique évidente constatée par la loi.En effet, l'article 14, paragraphe XI, ne respecte pas les règles fondamentales régissant le droit constitutionnel de propriété à trois égards.
D'une part, la commune qui décide de ne pas procéder à la location du droit de chasse sur son ban prive les propriétaires de terrains d'une contenance de vingt-cinq hectares au moins d'un seul tenant ou de lacs et étangs d'une superficie de cinq hectares au moins d'une prérogative fondamentale attachée à leur droit subjectif de propriété consistant à pouvoir se réserver l'exercice du droit de chasse sur leurs propriétés en application de l'article L. 229-4 du code rural. Or, cette atteinte au droit de propriété n'est aucunement justifiée par des limitations découlant de la prise en compte de l'intérêt général et n'est accompagnée d'aucun mécanisme d'indemnisation, pourtant exigés par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.D'autre part, l'inapplication de l'article L. 229-3 du code rural dans l'hypothèse où la commune opte pour la non-location du droit de chasse sur son ban a pour conséquence d'interdire la chasse sur les terrains militaires, les emprises de la Société nationale des chemins de fer, les forêts indivises entre l'Etat et d'autres propriétaires et sur les terrains entourés d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les propriétés voisines. Or, la commune n'est pas propriétaire de ces terrains. De ce fait, elle ne saurait légitimement exercer sur ceux-ci le droit de non-chasse en tant que prérogative attachée au droit de propriété, dont elle n'est, en l'occurrence, pas titulaire. Lui confier ce droit revêt donc le caractère d'une atteinte au droit de propriété. Mais, dans la mesure où cette atteinte n'est justifiée par aucun motif d'intérêt général ni accompagnée d'une juste et préalable indemnisation, elle doit être considérée comme contraire à la Constitution, et notamment à l'article 17 de la Déclaration précitée.
Enfin, l'absence de motifs d'intérêt général justifiant l'atteinte au droit de propriété que représente le paragraphe XI de l'article 14 de la loi apparaît confortée par l'absence de définition législative des communes urbaines concernées. En effet, l'article précité se contente de renvoyer à un arrêté ministériel le soin d'établir la liste des communes urbaines, qui ne sont pas plus précisément définies dans la loi.
Pour toutes ces raisons, le paragraphe XI de l'article 14 de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution.La loi relative à la chasse, adoptée le 28 juin 2000, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés. Les requérants estiment que plusieurs dispositions de ce texte ne sont pas conformes à la Constitution. Ils invoquent, à cette fin, six séries de moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. - Sur le respect des règles régissant le droit d'amendement
A. - L'article 3 de la loi déférée a pour objet d'encadrer la réintroduction volontaire de prédateurs en vue de contribuer à la conservation d'une espèce menacée d'extinction. Il impose la réalisation d'une étude, la consultation des collectivités territoriales ainsi que l'organisation d'un débat public. Il comporte également des dispositions tendant à assurer la sécurité des personnes et des biens.
Pour contester cet article, les auteurs de la saisine font valoir qu'il a été adopté en méconnaissance des règles régissant le droit d'amendement. Ils soulignent qu'il avait été adopté en termes identiques par les deux assemblées avant la réunion de la commission mixte paritaire et ne pouvait, dès lors, faire l'objet d'une modification en nouvelle lecture sans méconnaître l'article 108 du règlement de l'Assemblée nationale et les articles 34 et 45 de la Constitution. Les requérants estiment nécessaire de rétablir cet article dans sa rédaction précédemment adoptée en termes identiques.
B. - Ces critiques appellent les deux remarques suivantes.
En premier lieu, on rappellera que le fait de soumettre une disposition législative à la censure du Conseil constitutionnel, en application de l'article 61 de la Constitution, ne peut aboutir, si la critique est fondée, qu'à la disjonction de l'article contesté. Contrairement à ce que semblent souhaiter les requérants, une éventuelle censure ne saurait avoir pour effet de le rétablir dans la version qui était la sienne à un stade antérieur de la procédure parlementaire.
En second lieu, le Gouvernement entend souligner qu'à la date à laquelle il a été présenté, l'amendement en cause était parfaitement conforme aux règles constitutionnelles qui encadraient alors la procédure parlementaire, telles qu'elles résultaient notamment de la décision no 98-402 DC du 25 juin 1998 pour les amendements adoptés après la réunion de la commission mixte paritaire.
Cet amendement était, en effet, en relation directe avec une disposition introduite dans le texte avant cette réunion, puisqu'il s'agissait d'améliorer une rédaction qui, bien qu'adoptée par les deux assemblées, risquait, si elle était maintenue telle quelle, de soulever des difficultés d'application. Tel était le cas, en particulier, de la disposition prévoyant de recueillir le consente- ment des populations concernées par la réintroduction de ces animaux.
Par ailleurs, l'article 45 de la Constitution était jusque-là interprété comme consacrant le droit d'amender un texte en discussion, y compris en affectant des dipositions déjà votées dans les mêmes termes par les deux chambres. Fondée en particulier sur le refus du Conseil constitutionnel, depuis la décision no 78-97 DC du 27 juillet 1978, d'inclure les règlements d'assemblées parmi les normes auxquelles la loi est soumise, cette jurisprudence, marquée notamment par la décision no 86-221 DC du 29 décembre 1986, valait tant en cas d'échec de la commission mixte paritaire que dans l'hypothèse où le texte élaboré par elle est soumis à la discussion des assemblées.
Il se trouve cependant que, par sa décision no 2000-430 DC du 29 juin 2000, le Conseil constitutionnel a décidé de revenir sur l'interprétation qu'il avait jusque-là donnée de l'article 45, et d'interdire désormais que les dispositions adoptées en termes identiques avant la réunion de la commission mixte paritaire soient ensuite modifiées, sauf dans les cas où il s'agirait de mettre la disposition en conformité avec la Constitution, d'assurer la coordination avec d'autres textes en cours d'examen ou de corriger une erreur matérielle.
Le Gouvernement ne peut qu'en prendre acte.
II. - Sur l'exercice, par le Parlement, de sa compétence en matière financière
A. - Deux dispositions de la loi déférée sont visées par des critiques fondées sur une atteinte aux règles régissant la « procédure parlementaire en matière financière », c'est-à-dire, en réalité, à la compétence du législateur en la matière.
La première concerne l'article 17, qui entend unifier les procédures annuelles afférentes au permis de chasser en fusionnant, par l'instauration d'un guichet unique, celles qui portent sur la délivrance du visa et sur sa validation annuelle. Est plus particulièrement en cause le XIII de cet article, qui modifie l'article L. 223-17 du code rural en renvoyant à la loi de finances le soin de fixer le montant et les conditions de recouvrement des redevances cynégétiques. Selon les requérants, cette disposition constitue une injonction méconnaissant l'initiative du Gouvernement en matière de lois de finances.
La seconde critique vise le VI de l'article 31, et plus précisément l'article L. 225-4 du code rural. Les auteurs de la saisine relèvent que le deuxième alinéa de cet article dispose que les taux des taxes de plan de chasse sont fixés par arrêté. Ce faisant, le législateur méconnaîtrait la compétence que lui attribue la Constitution, soit que l'on considère ces taxes comme des impositions, soit que l'on y voie des cotisations relevant des assemblées générales des fédérations de chasseurs.
B. - Ces critiques ne sont pas fondées.
1. S'agissant de l'article 17, le législateur a entendu améliorer le régime juridique des redevances cynégétiques, prévues par l'article L. 223-16 du code rural et perçues lors de la validation du permis de chasser.
Comme le souligne notamment le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat annexé au procès-verbal de la séance du 20 juin 2000, le régime actuel, qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat et à des arrêtés la fixation du montant de ces prélèvements, n'est pas satisfaisant, mais le législateur n'a pas estimé devoir remettre en cause, pour la campagne de chasse 2000-2001, les tarifs qui avaient été fixés sur cette base. Aussi a-t-il été jugé préférable de renvoyer à la loi de finances le soin de fixer le montant de ces redevances et les conditions de leur recouvrement.
Cette disposition ne saurait être interprétée comme une injonction méconnaissant les prérogatives du Gouvernement en la matière. Elle n'a pas non plus pour effet de dessaisir le législateur ordinaire de ses compétences en matière fiscale. Elle témoigne essentiellement de son intention de régler, à l'avenir, la difficulté qui a été mise en évidence au cours des débats, sans remettre en cause immédiatement les tarifs qui avaient été établis pour la prochaine campagne.
2. Quant aux dispositions de l'article 31, modifiant l'article L. 225-4 du code rural, elles sont, par elles-mêmes, sans effet sur celles du deuxième alinéa de cet article relatives à la fixation par arrêté du taux des taxes de plan de chasse.
En effet, le VI de l'article 31 que les auteurs de la saisine entendent faire déclarer contraire à la Constitution se borne, d'une part, à rendre les bénéficiaires d'un plan de chasse au sanglier redevables de cette taxe et à en fixer le plafond à 100 F pour cette catégorie de gibier, d'autre part, à réduire de 300 F à 200 F le plafond applicable à celle qui est due par cerf sika et par chevreuil, enfin à transférer le produit de ces taxes aux fédérations départementales des chasseurs. Ces dispositions ne touchent donc pas à celles du deuxième alinéa de l'article L. 225-4 qui renvoient aux ministres chargés de la chasse et du budget le soin de fixer, par arrêté, les différents tarifs.
En tout état de cause, et en admettant même que l'adoption du VI de l'article 31 puisse ouvrir la possibilité de remettre en cause la validité de l'article L. 225-4, celui-ci n'est pas contraire à la Constitution.
En premier lieu, on rappellera que la compétence que l'article 34 attribue au législateur en matière d'imposition ne lui interdit nullement d'en déléguer une partie à l'autorité administrative, dès lors que cette délégation fait l'objet d'un encadrement suffisant (cf. par exemple la décision no 99-423 DC du 21 décembre 1999). A cet égard, il convient de relever qu'en l'espèce la loi fixe elle-même le plafond de cette taxe pour chaque catégorie de gibier, et elle le fait à un niveau qui ne laisse au pouvoir réglementaire qu'une marge réduite. En outre, la loi définit clairement l'objet de cette taxe qui est, comme le précise le premier alinéa de l'article L. 225-4, « destinée à assurer une indemnisation convenable aux exploitants agricoles dont les cultures ont subi des dégâts importants du fait de ces animaux ». Le montant retenu par arrêté ne peut donc qu'être fonction des besoins de financement découlant de ce mécanisme d'indemnisation.
En second lieu, il convient de souligner que, compte tenu de la nouvelle affectation qui lui est donnée (elle bénéficiera à des personnes morales de droit privé, et non plus à un établissement public administratif), la taxe en cause présente désormais les caractéristiques qui auraient permis l'institution d'une taxe parafiscale, au sens de l'article 4 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Son régime pourrait donc relever entièrement du pouvoir réglementaire en application de ce texte, sous la seule réserve que le Parlement en autorise la reconduction au-delà d'une année. Il serait donc paradoxal de reprocher en l'espèce au législateur de ne pas avoir complété le régime de ce prélèvement, au moment même où sa nouvelle affectation permettrait de s'affranchir de toute obligation au regard de l'article 34 de la Constitution.
III. - Sur les autres moyens mettant en cause
l'exercice de sa compétence par le législateur
A. - L'article 23 de la loi insère, dans le code rural, deux nouveaux articles relatifs aux règles de sécurité : l'article L. 224-13 entend prescrire l'observation de règles garantissant la sécurité des chasseurs et des tiers dans le déroulement de toute action de chasse ou de destruction d'animaux nuisibles, particulièrement lorsqu'il est recouru au tir à balles ; l'article L. 224-14 confie à un décret en Conseil d'Etat le soin d'en préciser les modalités.
Par ailleurs, l'article 32 crée un nouvel article L. 225-5 suivant lequel l'autorité administrative peut, après avis de la fédération nationale ou départementale des chasseurs et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, fixer le nombre maximal d'animaux qu'un chasseur est autorisé à capturer dans une période déterminée sur un territoire donné.
Selon les députés, auteurs du recours, le législateur serait demeuré en deçà de la compétence que lui assigne l'article 34 de la Constitution en donnant au Gouvernement, sur la base de dispositions imprécises, une habilitation excessive.
B. - Le Gouvernement estime, au contraire, que l'article 34 n'a pas été méconnu.
Il convient en effet de rappeler que le grief d'« incompétence négative » ne peut être utilement invoqué, et déboucher le cas échéant sur une censure, que lorsque le législateur est véritablement resté en deçà de la compétence que l'article 34 de la Constitution lui fait obligation d'exercer : c'est dire qu'un tel moyen est inopérant lorsque les dispositions en cause ne sont pas au nombre de celles que la Constitution range dans le domaine de la loi.
Or on est ici en présence de mesures de police, et le législateur n'est pas tenu d'énoncer les précisions qui, selon les requérants, font défaut. Il résulte en effet d'une jurisprudence traditionnelle que la mission constitutionnelle d'exécution des lois comporte le maintien de l'ordre, et en particulier de la sécurité. Issue de la décision du Conseil d'Etat du 8 août 1919, Labonne, cette thèse a été consacrée, sous la Ve République, par la décision no 87-149 L du 20 février 1987 rendue par le Conseil constitutionnel à propos, précisément, des dispositions du code rural relatives à la chasse. Cette décision met en évidence la distinction entre la police générale, qui appartient au Premier ministre sur l'ensemble du territoire et qu'il peut exercer sans aucune habilitation législative particulière, et la police spéciale, en particulier celle de la chasse, dont le principe doit être prévu par le législateur, dans la mesure où elle touche au droit de propriété.
C'est à chacune de ces deux catégories de polices que se rattachent les dispositions critiquées.
1. C'est, en effet, de la police générale que relève l'édiction de règles protégeant les personnes, qu'il s'agisse des chasseurs ou des tiers, dont la sécurité est susceptible d'être affectée par une activité dangereuse telle que le tir à balles. Suivant qu'elles concernent une commune, un département ou l'ensemble du territoire, ces règles peuvent, d'ores et déjà, être définies par arrêtés du maire, du préfet ou par décret du Premier ministre.
En adoptant l'article 23, le législateur a entendu marquer la nécessité d'une telle réglementation et prévoir, comme il lui était loisible de le faire, qu'en ce domaine le Premier ministre exercerait son pouvoir réglementaire par voie de décret en Conseil d'Etat. S'agissant de police générale, la Constitution ne lui faisait pas obligation d'en dire plus.
Le cadre constitutionnel dans lequel s'inscrit l'article 32 est un peu différent, dans la mesure où il s'agit ici de la police spéciale de la chasse, laquelle poursuit une finalité particulière de conservation du gibier.
C'est à ce titre que la loi prévoit déjà l'existence de plans de chasse, dont l'actuel article L. 225-1 du code rural dispose qu'ils fixent le prélèvement autorisé sur un territoire donné pendant une campagne de chasse en fonction de l'abondance du gibier. Pour les espèces soumises à ce régime, le tir des animaux n'est possible qu'en conformité avec le plan, et dans ses limites.
En faisant grief à la loi de donner au Gouvernement, sur la base de dispositions imprécises, une habilitation excessive, les requérants se fondent sur une argumentation quelque peu paradoxale, dans la mesure où, en réalité, les dispositions critiquées ont pour objet et pour effet de renforcer l'encadrement, par le législateur, de l'exercice de la police de la chasse par l'autorité administrative.
La loi consacre expressément la possibilité de fixer des prélèvements maximaux autorisés, ce qui se déduisait en tout état de cause de la finalité de cette police. Il est d'autant plus paradoxal de contester l'article 32 sur le terrain de l'incompétence négative que le nouvel article L. 225-5 prévoit, non seulement l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat - qui pourra, par exemple, prévoir une contravention en cas de non-respect du prélèvement maximal autorisé - mais aussi un avis de la fédération nationale ou départementale des chasseurs et de l'Office national de la chasse. En outre, le législateur précise que les dispositions prises à ce titre devront prendre en compte les orientations du schéma départemental de gestion cynégétique.
C'est donc en vain qu'il est fait grief au législateur d'être resté en deçà de la compétence.
IV. - Sur le respect, par le législateur, des principes constitutionnels relatifs au droit de propriété et à la liberté des individus
A. - Selon les requérants, quatre dispositions mettent en cause ces principes.
Ils critiquent d'abord la formulation adoptée, à l'article 2 du texte déféré, pour énoncer les principes généraux relatifs à la pratique de la chasse. Selon eux, la troisième phrase du troisième alinéa du nouvel article L. 220-1, aux termes de laquelle la chasse s'exerce « dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature, dans le respect du droit de propriété », porte en réalité atteinte à ce droit. Ils estiment que les usages ainsi visés sont eux-mêmes l'un des éléments du droit de propriété. Il s'agirait donc d'une atteinte contraire à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, faute de nécessité publique et d'indemnisation juste et préalable.
Les requérants contestent ensuite, sur le même fondement, ainsi que sur celui des articles 2, 4 et 5 de la Déclaration, les dispositions du IV de l'article 14 qui définissent les conséquences de l'exercice du droit d'opposition ouvert par le 5o nouveau de l'article L. 222-10. Ils estiment que le législateur ne pouvait, sans porter une atteinte excessive à ces principes, prévoir, comme le fait le nouvel article L. 222-13-1, que cette opposition n'est recevable que si elle porte sur l'ensemble des terrains appartenant aux propriétaires ou copropriétaires en cause.
C'est également une atteinte excessive au droit de propriété qui résulterait, selon la saisine, de l'article 24 de la loi qui interdit la pratique de la chasse à tir un jour par semaine. Ce faisant, le législateur priverait le propriétaire de son droit de faire un libre usage de ses biens. De plus, les requérants estiment qu'aucune nécessité publique évidente ne justifie une telle mesure et relèvent qu'aucun mécanisme assurant une juste et préalable indemnité n'est prévu.
Enfin, le droit de propriété serait méconnu par l'article 28 de la loi, dont le cinquième alinéa prévoit une participation des propriétaires de postes fixes à l'entretien des plans d'eau situés à proximité de ces postes. Cette disposition conduirait, selon eux, le propriétaire visé par l'obligation ainsi instituée, s'il n'est pas également propriétaire des plans d'eau situés à proximité de son installation, à pénétrer sur des terres sur lesquelles il ne dispose d'aucun droit.
B. - Pour sa part, le Gouvernement considère qu'aucune de ces dispositions ne méconnaît les principes invoqués.
Il convient à cet égard de souligner que les requérants se méprennent tant sur la portée des principes déduits de l'article 17 de la Déclaration de 1789 que sur la nature exacte des dispositions qu'ils critiquent.
S'agissant des principes, et s'il n'est pas douteux que le droit de propriété a une valeur constitutionnelle, il est tout aussi constant que le législateur peut, sans prévoir une indemnisation préalable ni méconnaître l'article 17 de la Déclaration, en réglementer l'exercice en fonction de considération d'intérêt général (no 84-172 DC du 26 juillet 1984 ; no 85-189 DC du 17 juillet 1985 ; no 98-403 DC du 28 juillet 1998).
Dans toutes ces hypothèses - y compris, comme le souligne la décision no 98-403 en matière de réquisition - on se situe hors du champ des exigences posées par l'article 17 de la Déclaration, notamment en matière d'indemnisation préalable, pour le seul cas de privation du droit de propriété.
Compte tenu de cette jurisprudence, et eu égard à la nature exacte des dispositions contestées, l'argumentation des auteurs de la saisine est largement inopérante.
1. C'est évidemment en vain qu'ils invoquent l'article 17 pour contester la formulation adoptée, à l'article 2 de la loi déférée, pour énoncer les principes généraux relatifs à la pratique de la chasse : il résulte des termes mêmes du troisième alinéa du nouvel article L. 220-1, que si la chasse s'exerce « dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature », c'est aussi « dans le respect du droit de propriété ».
La formulation de ces principes ne saurait donc avoir pour effet de porter au droit de propriété une atteinte contraire à l'article 17 de la Déclaration de 1789.
2. Cet article n'est pas davantage méconnu, non plus que les articles 2, 4 et 5 de la Déclaration, par les dispositions de l'article 14 relatives aux conséquences du droit, ouvert par la loi aux propriétaires dont les terrains sont inclus dans le périmètre d'une association communale de chasse agréée, de s'opposer à l'exercice de cette activité sur leurs terrains.
D'une part, en effet, il n'y a, là encore, aucune privation du droit de propriété, au sens de l'article 17.
D'autre part, et compte tenu des finalités d'intérêt général poursuivies par ces associations, le législateur était fondé à soumettre à des conditions le droit d'opposition. Et dès lors que ce droit, fondé sur une objection de conscience, est ouvert aux personnes qui sont hostiles à la pratique de la chasse, il peut sembler cohérent que l'opposition porte sur l'ensemble des terrains appartenant aux propriétaires en cause.
Au demeurant, on observera qu'il ne résulte pas des termes du nouvel article L. 222-13-1, qui énonce cette règle, que seraient ainsi visées toutes les propriétés qu'une même personne peut posséder dans différentes communes du territoires national. Eu égard à l'objet de cette mesure, qui concerne la délimitation du périmètre d'une association communale déterminée, ainsi qu'à l'économie générale des dispositions dans lesquelles cet article s'insère, il est au contraire logique de l'interpréter comme ne visant que l'ensemble des terrains que les intéressés possèdent dans le ressort de l'association, c'est-à-dire dans la commune.
3. De même est-ce à tort que la saisine fait grief à l'article 24, relatif au jour de non-chasse, de ne pas reposer sur une nécessité publique évidente et de n'avoir prévu aucun mécanisme assurant une juste et préalable indemnité.
Il résulte en effet de la jurisprudence rappelée plus haut qu'une telle disposition n'entre pas dans le champ des exigences posées, à cet égard, par l'article 17 de la Déclaration de 1789.
Par ailleurs, et dans la mesure où les requérants entendent soutenir que la mesure qu'ils contestent porte néanmoins une atteinte excessive au droit de propriété, cette argumentation n'est pas non plus fondée. En adoptant cette disposition, qui ne vise que la chasse à tir, le législateur a entendu tenir compte des risques que cette activité est susceptible de présenter pour les promeneurs, et en particulier pour les enfants. C'est dans ce but, qui correspond à des finalités d'intérêt général, que la loi a prévu de ménager dans la semaine une journée pendant laquelle tout risque est exclu. Ce faisant, le législateur a procédé, comme il lui appartient de le faire, à une conciliation équilibrée des différents intérêts en présence.
4. Enfin, le droit de propriété n'est pas non plus méconnu par les dispositions de l'article 28 de la loi prévoyant une participation des propriétaires de postes fixes à l'entretien des plans d'eau situés à proximité de ces postes.
En contrepartie de l'avantage que les propriétaires de postes fixes de chasse au gibier d'eau retirent de la proximité de plans d'eau, le législateur a entendu logiquement poser le principe de leur participation à leur entretien. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette disposition n'a ni pour objet, ni pour effet de conduire ceux à qui elle s'adresse à violer le droit de propriété d'autrui. En particulier, sa mise en oeuvre peut prendre diverses formes et n'implique pas que les propriétaires de postes fixes soumis à cette obligation pénètrent sur des terres contre la volonté du propriétaire de celles-ci.
V. - Sur la conformité de la loi au principe de la liberté d'association
A. - Dans la ligne des propositions contenues dans le rapport présenté au Premier ministre par M. Patriat, député, le projet de loi comportait un certain nombre de mesures tendant à redéfinir les missions des fédérations départementales des chasseurs. Au cours de la discussion parlementaire, d'autres dispositions allant dans le même sens ont été introduites.
C'est ainsi que les articles 10 et 12 ont prévu la création de fédérations régionales et d'une fédération nationale dont les statuts, comme le prévoit déjà l'article L. 221-4 du code rural pour les fédérations départementales, devront être conformes à un modèle adopté par le ministre chargé de la chasse. L'article 5 insère dans cet article L. 221-4 une disposition précisant les modalités de vote au sein des assemblées générales des fédérations départementales.
Par ailleurs, les paragraphes IV et V de l'article 7 définissent les types de contrôles qui s'exercent sur les fédérations. Il résulte ainsi de la nouvelle rédaction de l'article L. 221-6 du code rural que le représentant de l'Etat dans le département contrôle l'exécution des missions de service public auxquelles participent les fédérations départementales des chasseurs et approuve leurs budgets. L'article L. 221-7 précise qu'elles peuvent être soumises aux contrôles prévus par les articles L. 111-7 et L. 211-6 du code des juridictions financières. Elles sont également soumises au contrôle économique et financier de l'Etat.
Pour contester ces mesures, les auteurs du recours font valoir qu'elles donnent aux fédérations départementales des chasseurs, qui sont des associations, un statut et des modalités de fonctionnement contraires au principe fondamental de la liberté d'association. Ils critiquent, à cet égard, le principe de leur soumission à des statuts types, ainsi que les modalités de délégation de vote retenues par l'article 5.
Ils estiment également que les contrôles administratifs et financiers auxquels la loi soumet ces organismes sont excessifs et mettent en cause leur liberté de fonctionnement en portant une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d'association. Ils reprochent en outre à la loi de ne pas avoir défini les modalités d'exercice de ces contrôles. Ils considèrent que le contrôle économique et financier de l'Etat, mentionné au V de l'article 7 et à l'article 12 de la loi, est dépourvu de base légale et porte gravement atteinte à la liberté d'association. Enfin, ils soutiennent que le contrôle a posteriori des fédérations des chasseurs par les chambres régionales des comptes et la Cour des comptes n'est pas justifié, dès lors que ces fédérations ne disposent pas de fonds publics ni de cotisations légalement obligatoires et ne bénéficient d'aucun avantage financier.
B. - Ces moyens ne sont pas fondés.
Ils reposent en effet sur un postulat erroné, celui suivant lequel la liberté d'association, consacrée en tant que principe constitutionnel par la décision no 71-44 DC du 16 juillet 1971, aurait nécessairement la même portée pour tous les groupements. En réalité, la liberté consacrée par cette jurisprudence revêt essentiellement un double aspect : le droit de constituer librement une association ; l'impossibilité d'instaurer un contrôle préalable à la déclaration de l'association, qui conditionne son accès à la capacité juridique.
Ces principes ne sont nullement en cause ici. Ils ne font pas obstacle à la définition d'un cadre juridique régissant des groupements qui, tout en étant créés par la loi et soumis à ses dispositions, relèvent à titre subsidiaire de la loi de 1901. De tels organismes sont donc d'une nature différente pouvant justifier, le cas échéant, un contrôle de l'autorité administraive. C'est pourquoi la décision du 16 juillet 1971 réserve expressément le cas des « mesures susceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations ». Au nombre de celles-ci figurent non seulement les associations reconnues d'utilité publique ou les congrégations mais aussi celles qui participent à des missions de service public.
Tel est précisément le cas des fédérations départementales des chasseurs. Elles se sont certes constituées, à l'origine, sous le seul régime de la loi de 1901. Mais ensuite leur rôle a évolué et elles ont fondamentalement changé de caractère à partir du décret du 25 août 1934 pris pour l'application de la loi du 28 février 1934, et surtout avec la loi du 28 juin 1941 qui leur a donné un statut législatif. Depuis ce texte, elles ont de plein droit la personnalité juridique, sans être soumises à la formalité de déclaration prévue par loi de 1901. Elles veillent à la répression du braconnage, à la constitution et à l'aménagement de réserves de chasse, et à la protection et à la reproduction du gibier. Ces associations collaborent ainsi à l'exécution d'un service public, comme le soulignait le Conseil d'Etat dans un arrêt Chevassier du 4 avril 1962, qui relevait également que leur président est nommé par un ministre et que leur activité et leur budget sont soumis au contrôle de l'administration.
Cette collaboration est également soulignée par la décision du Conseil constitutionnel, déjà citée, du 20 février 1987, qui juge en particulier que la fixation des conditions d'âge à remplir par les présidents de ces fédérations relève du pouvoir réglementaire.
Tel est le régime qui s'applique depuis longtemps aux fédérations départementales des chasseurs, et dont la conformité à la Constitution n'a jamais été mise en doute. Contrairement à ce que suggère l'argumentation des requérants, la loi ne change pas fondamentalement la nature de ce régime.
Mais dans la mesure où elle redéfinit leurs missions, notamment en les chargeant de l'indemnisation des dégâts de gibiers et en leur affectant des ressources fiscales, il est logique qu'en contrepartie des contrôles puissent être maintenus, voire renforcés, pour veiller au bon accomplissement des missions d'intérêt général et au bon emploi des fonds publics et cotisations obligatoires correspondants. La jurisprudence ayant déjà admis la possibilité d'un contrôle public de l'emploi des fonds recueillis par une association faisant appel à la générosité publique (no 91-299 DC du 2 août 1991), il doit en aller a fortiori de même pour les fédérations départementales des chasseurs, eu égard à la nature de leurs missions et de leurs ressources.
On relèvera, à cet égard, que la rédaction du nouvel article L. 221-6 marque bien que le contrôle du représentant de l'Etat défini par cet article porte sur « l'exécution des missions de service public auxquelles participent les fédérations départementales des chasseurs ». Il convient aussi d'observer que, dès lors que la loi pose le principe de dépenses obligatoires permettant de faire face à ces missions, un contrôle a priori s'avère particulièrement approprié.
De même est-il normal que - comme c'est traditionnellement le cas pour toutes les « catégories particulières d'associations », au sens de la décision précitée du 16 juillet 1971 - la loi impose que leurs statuts soient conformes à un modèle établi par l'autorité administrative.
S'agissant enfin du contrôle a posteriori exercé par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, il ressort clairement de l'article 7 de la loi déférée qu'il ne peut avoir à jouer que dans la mesure où les conditions fixées par les articles L. 111-7 et L. 211-6 du code des juridictions financières sont remplies. Or il résulte de la nouvelle rédaction que la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 a donnée à l'article L. 111-7 que ce contrôle peut s'exercer dès lors que l'organisme bénéficie du produit d'impositions, ce qui est désormais le cas des fédérations départementales des chasseurs. Quant à l'article L. 211-6 relatif au contrôle exercé par les chambres régionales des comptes, il ne peut trouver à s'appliquer que si les conditions qu'il prévoit, tenant à l'existence de concours financier provenant d'une collectivité territoriale, sont réunies.
VI. - Sur le respect du principe d'égalité
A. - L'article 28 de la loi insère dans le code rural un nouvel article L. 224-4-1 qui a pour objet d'autoriser la chasse de nuit dans un certain nombre de départements dans lesquels cette pratique présente un caractère traditionnel. Le législateur a entendu procéder lui-même à l'énumération des départements qui lui ont paru remplir cette condition, tout en ouvrant à un décret en Conseil d'Etat la possibilité de fixer la liste de cantons appartenant à d'autres départements, et dans lesquels cette pratique est également traditionnelle.
Pour critiquer cet article, les requérants soutiennent que d'autres départements répondent à ce critère, et qu'ainsi il a pour effet de traiter différemment des personnes placées dans la même situation, en méconnaissance de la jurisprudence relative au principe d'égalité.
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra faire sienne cette argumentation.
En dressant lui-même la liste des départements remplissant les conditions fixées par le législateur, celui-ci a exercé le pouvoir d'appréciation qui lui appartient. Il a entendu distinguer, d'une part, les départements dans lesquels il lui a semblé que cette pratique était traditionnelle sur l'ensemble de leur territoire et, d'autre part, des portions du territoire national ne se confondant pas nécessairement avec l'étendue d'un département, et dans lesquelles la même autorisation doit être accordée, dans la mesure où il s'avèrerait que la condition fixée par la loi serait remplie, d'où le renvoi à un décret pour compléter la liste.
Le Conseil constitutionnel, qui rappelle fréquemment dans ses décisions qu'il ne possède pas un pouvoir d'appréciation équivalent à celui du Parlement, peut d'autant moins suivre les requérants dans leur argumentation que celle-ci repose sur de simples affirmations, sans établir le caractère manifestement erroné en fait de la liste dressée par la loi.
En tout état de cause, il appartiendra au pouvoir réglementaire dont l'intervention est prévue de compléter cette liste, conformément au critère prévu par la loi et sous le contrôle du juge, en tenant compte de situations particulières comme celle qui préoccupe les auteurs du recours.
Les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la chasse adoptée par l'Assemblée nationale le 28 juin 2000.
La loi relative à la chasse soulève plusieurs problèmes d'inconstitutionnalité majeurs, tant au regard des conditions dans lesquelles elle a été adoptée qu'au regard de principes fondamentaux de valeur constitutionnelle, fortement affirmés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
La loi comporte en effet des violations manifestes et répétées du cadre constitutionnel qui régit la procédure parlementaire. Peuvent ainsi être relevés une atteinte aux limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement, une méconnaissance de la procédure législative en matière financière et des cas d'incompétence négative du législateur.
Sur le fond, la loi adoptée comporte de graves atteintes à quatre principes de valeur constitutionnelle, dont le caractère fondamental a toujours justifié une attention et une protection toutes particulières de la part du Conseil constitutionnel : le droit de propriété et la liberté individuelle, la liberté d'association et le principe d'égalité.
I. - Sur les violations des règles de valeur constitutionnelle relatives à la procédure parlementaire
1. Une atteinte aux limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement
La rédaction définitive de l'article 3 de la loi résulte de l'adoption, lors de la nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, d'un amendement de rédaction globale du Gouvernement. Cet article avait pourtant été adopté par les deux assemblées dans un texte identique.
L'adoption d'un amendement réécrivant un article dans son ensemble se révèle, à ce stade de la discussion parlementaire, manifestement contraire aux dispositions combinées des articles 39, 42, 44 et 45 de la Constitution.
L'article dont est issu l'article 3 de la loi avait été adopté en des termes identiques par les deux assemblées avant la réunion de la commission mixte paritaire. Le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision no 2000-430 DC du 29 juin 2000 qu'il ressortait des dispositions du deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution que : « des dispositions adoptées en termes identiques avant la réunion de la commission mixte paritaire ne sauraient, en principe, être modifiées après cette réunion ».
Une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel (décisions no 86-221 DC du 29 décembre 1986 et no 89-268 DC du 29 décembre 1989) indique d'ailleurs que si « le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative », l'adoption d'amendements portant sur des dispositions déjà votées dans des termes identiques par les deux assemblées n'est conforme à la Constitution que lorsque ceux-ci n'ont pour objet que d'« affecter » ces dispositions. Le Conseil constitutionnel précise que : « les adjonctions ou modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa I, et 44, alinéa I, de la Constitution ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique ».
En l'espèce, la substitution d'une nouvelle rédaction globale à celle adoptée en des termes identiques par les deux assemblées a pour effet non simplement d'affecter celle-ci, mais bien d'en modifier les caractères essentiels. La modification apportée au texte en cours de discussion excède donc manifestement les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement à ce stade de la procédure.
La mise en discussion d'un amendement réécrivant dans son ensemble un article adopté par les deux assemblées dans un texte identique constitue en outre, comme il a été indiqué en séance publique, une violation flagrante de l'article 108 du règlement de l'Assemblée nationale. Celui-ci dispose en effet qu'au cours des deuxièmes lectures et des lectures ultérieures, « la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique » et qu'en conséquence « les articles votés par l'une et l'autre assemblée dans un texte identique ne peuvent faire l'objet d'amendements qui remettraient en cause, soit directement, soit par des additions incompatibles, les dispositions adoptées ». Le dernier alinéa de l'article 108 précise qu'il ne peut être fait exception à ces règles qu'en vue « d'assurer la coordination des dispositions adoptées ou de procéder à une rectification matérielle », ce qui n'était manifestement pas l'objectif de la rédaction proposée par l'amendement du Gouvernement.
Si le règlement de l'Assemblée nationale n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle, les trois derniers alinéas de son article 108 constituent le prolongement nécessaire des dispositions du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution. C'est en effet grâce à la réduction progressive des dispositions restant en discussion que permet l'article 108 du règlement de l'Assemblée nationale que les deux assemblées peuvent parvenir, au terme de l'examen d'un projet ou d'une proposition de loi, à l'adoption d'un texte identique. Cette violation du règlement, qui relève d'un détournement de procédure dans sa lettre comme dans son esprit, porte ainsi atteinte au cadre constitutionnel du bicamérisme législatif défini à la fois par l'article 34, alinéa premier, de la Constitution, qui dispose que c'est le Parlement, et non l'Assemblée nationale seule qui vote la loi, ainsi que par son article 45, qui précise les conditions dans lesquelles un texte de loi peut être adopté après l'échec d'une commission mixte paritaire.
L'adoption de l'amendement dont est issue la rédaction définitive de l'article 3 de la loi étant non conforme à la Constitution, il apparaît nécessaire de rétablir cet article dans la rédaction adoptée en des termes identiques par les deux assemblées.
2. Des atteintes aux règles constitutionnelles régissant la procédure parlementaire en matière financière
Les prélèvements obligatoires liés à l'activité cynégétique tels qu'ils sont prévus par la loi relative à la chasse méconnaissent des règles constitutionnelles.
Le paragraphe XIII de l'article 17 de la loi dispose que le montant et les conditions de recouvrement des redevances cynégétiques sont fixés annuellement par la loi de finances. Cette disposition constitue une injonction méconnaissant le droit d'initiative réservé au Gouvernement, en matière de lois de finances, par les dispositions des articles 39, 40 et 47 de la Constitution.
Le paragraphe VI de l'article 31 de la loi modifie, par ailleurs, l'article L. 225-4 du code rural. Le deuxième alinéa de cet article dispose que les taux des taxes de plan de chasse sont fixés par arrêté.
Or, les taxes de plan de chasse doivent être regardées soit comme des impositions de toute nature, pour lesquelles l'article 34 de la Constitution impose la compétence exclusive du législateur pour fixer les règles concernant leur assiette, leurs taux, leurs modalités de recouvrement, soit comme des cotisations relevant, pour leur fixation, des assemblées générales des fédérations et non du pouvoir réglementaire.
En renvoyant à un arrêté la fixation des taux d'une imposition de toute nature, alors que la seule règle encadrant le pouvoir d'appréciation de l'autorité administrative est l'existence d'un plafond fixé par la loi, le législateur méconnaît ainsi manifestement la compétence qui est la sienne en vertu de l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 34 de la Constitution.
3. Des cas d'incompétence négative du législateur
Sur deux points, la loi relative à la chasse méconnaît le domaine constitutionnellement réservé au législateur par l'article 34 de la Constitution, que la jurisprudence constitutionnelle s'est toujours attachée à préserver.
Tout d'abord, l'imprécision des dispositions de l'article L. 224-13 du code rural créé par l'article 23 de la loi, combinée avec l'habilitation très large donnée au Gouvernement par l'article L. 224-14 du même code créé par le même article, méconnaît la compétence réservée au législateur par l'article 34 de la Constitution.
De même, l'imprécision des dispositions de l'article L. 225-5 du code rural dans sa rédaction issue de l'article 32 de la loi conduit à donner au Gouvernement une habilitation excessive. Le Gouvernement pourrait en effet par la fixation d'un prélèvement maximal remettre en cause l'exercice du droit de chasse qui est l'une des composantes du droit de propriété.
En conséquence, ces deux dispositions doivent être annulées pour incompétence négative du législateur.
II. - Sur les atteintes au droit de propriété et à la liberté individuelle
Au nombre des principes de valeur constitutionnelle figure le droit de propriété.
L'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence, l'intégrant ainsi au bloc de constitutionnalité, proclame en effet que : « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'opposition ». Son article 17 vient conforter cette reconnaissance du droit de propriété, érigé en « un droit inviolable et sacré » dont « nul ne peut (...) être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 81-132 DC du 16 janvier 1982, relative à la nationalisation, a déjà eu l'occasion de réaffirmer avec force le caractère constitutionnel de ce droit : « ... si postérieurement à 1789 et jusqu'à nos jours, les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée à la fois par une notable extension de son champ d'application à des domaines individuels nouveaux et par des limitations imposées par l'intérêt général, les principes mêmes énoncés par la Déclaration des droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété, dont la conservation constitue l'un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique ».
Or, le présent texte porte atteinte au droit de propriété, dont la valeur constitutionnelle a ainsi été fortement affirmée, sur quatre points essentiels.
1. Les contours juridiques incertains des « usages non appropriatifs de la nature »
A l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la chasse, le débat sur la partage des usages de la nature s'est posé avec acuité. Les dispositions relatives à la compatibilité entre l'exercice de la chasse et les usages non appropriatifs de la nature l'illustrent tout particulièrement et traduisent plus largement l'evolution du rôle joué par l'espace rural.
Depuis plusieurs années, le développement des nouvelles utilisations de l'espace rural, au travers notamment de la pratique des sports de pleine nature, a des incidences directes pour les propriétaires privés, qui se trouvent être les premiers concernés par ces nouvelles activités exercées sur leurs terrains.
La dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 2 de la loi relative à la chasse apparaît à cet égard particulièrement contestable. Elle dispose en effet que : « la chasse s'exerce dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature, dans le respect du droit de propriété ».
Or, la notion des usages non appropriatifs de la nature se révèle aussi imprécise que contradictoire en elle-même. D'une part, les implications juridiques d'un tel dispositif sont plus qu'incertaines, d'autre part, la notion constitue en réalité une atteinte indéniable au droit de propriété.
Ce dernier, selon une analyse juridique constante, recouvre en effet trois attributs essentiels : le fructus, l'usus et l'abusus. Or, ce qui est présenté comme des « usages non appropriatifs de la nature », dont aucune liste précise n'est donnée par le texte mais qui a été illustré, au cours des débats, par l'exemple du droit de se promener, de pratiquer le vélo tout terrain ou de ramasser des champignons, relève en fait du droit d'usus, constitutif du droit de propriété. De plus, le droit de chasse est, par essence, attaché au droit de propriété. Les chasseurs exercent, en effet, cette activité en étant, à un titre ou un autre, titulaires d'un droit d'usage sur le territoire sur lequel ils se trouvent : ils peuvent être propriétaires du terrain, membres d'une association de chasse, ou encore titulaires d'un bail de chasse.
En d'autres termes, il n'existe pas d'autres usages de la nature que des usages appropriatifs. Il n'y a pas, en outre, d'espaces naturels qui n'appartiennent à personne puisqu'ils relèvent soit du domaine privé, soit du domaine public.
En conséquence, la notion même d'usages non appropriatifs de la nature porte en réalité une atteinte au droit de propriété, qui n'est justifiée par aucun nécessité publique évidente et a fortiori qui n'est accompagnée d'aucun mécanisme d'indemnisation juste et préalable, comme l'exige l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Pour toutes ces raisons, les dispositions de l'article 2 qui prévoient que la chasse s'exerce « dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature » doivent être déclarées contraires à la Constitution.
2. Une extension de l'exercice du droit de non-chasse à l'ensemble du territoire national incompatible avec le respect du droit de propriété et de la liberté individuelle
L'article 14 de la loi relative à la chasse réforme le fonctionnement des associations communales de chasse agréées. Le 29 avril 1999, la Cour européenne des droits de l'homme a, en effet, estimé que la loi du 10 juillet 1964, dite loi Verdeille, constituait une atteinte au droit de propriété et à la liberté d'association, en contraignant des propriétaires, opposants éthiques à la chasse, à faire apport de leurs terres et de leurs droits de chasse aux associations communales de chasse agréées.
En application de cet arrêt, l'article 14 reconnaît désormais un droit de non-chasse aux propriétaires de terrains opposés, en raison de convictions personnelles, à l'exercice de la chasse sur leurs biens.
Toutefois, au deuxième alinéa du IV de l'article 14, l'Assemblée nationale a inséré un nouvel article L. 222-13-1 dans le code rural qui prévoit que ce droit d'objection de conscience cynégétique « porte sur l'ensemble des terrains appartenant aux propriétaires ou copropriétaires en cause ».
En conséquence, l'exercice du droit de non-chasse s'imposerait automatiquement, sur tout le territoire national, à l'ensemble des terrains dont le propriétaire a l'usage, et ce quelle que soit leur localisation géographique.
Cette disposition, difficilement applicable, est constitutive d'une atteinte supplémentaire au droit de propriété et limite de manière abusive la liberté individuelle.
Les modalités de mise en oeuvre du droit de non-chasse constituent, pour celui qui l'exerce, une restriction abusive de la libre disposition et du libre usage des différentes propriétés qu'il détient, alors même que le droit de propriété est fortement affirmé par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. La généralisation automatique du droit de non-chasse à l'ensemble du territoire national comporte, en effet, une atteinte indirecte au droit de propriété, puisqu'elle pénalise injustement les propriétaires qui souhaitent ne pas accorder le droit de chasse sur une partie des parcelles dont ils sont propriétaires, mais l'ouvrir dans un autre secteur qui leur appartient.
De plus, le droit d'objection de conscience cynégétique, qui est une déclinaison de la liberté individuelle, ou toute autre motivation dans l'exercice du droit de non-chasse, ne saurait relever que de la seule libre appréciation de celui qui en fait usage. Or, les modalités de son application prévues par le présent texte conduisent paradoxalement à restreindre la liberté individuelle de celui qui l'exerce, en contrariété avec les articles 2, 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
En conséquence, les dispositions qui imposent une extension automatique du droit de non-chasse à l'ensemble des propriétés de celui qui l'exerce, quelle que soit leur localisation sur le territoire national, doivent être déclarés contraires à la Constitution.
3. Une atteinte au droit de propriété
à travers l'instauration d'un jour de non-chasse
Le dernier alinéa de l'article 24 de la loi relative à la chasse prévoit que : « la pratique de la chasse à tir est interdite du mercredi 6 heures au jeudi 6 heures ou à défaut une autre période hebdomadaire de vingt-quatre heures comprise entre 6 heures et 6 heures (...). »
Outre que cette disposition induit des effets pervers s'agissant de l'organisation de la chasse, elle soulève également un motif d'inconstitutionnalité au regard du respect du droit de propriété et des dispositions, précédemment citées, de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
L'institution d'un jour de non-chasse, fixé a priori du mercredi 6 heures au jeudi 6 heures, revient à priver le propriétaire de son droit de faire un libre usage de ses biens. De plus, en cas de location de terre pour exercer le droit de chasse, soit le propriétaire verra la valeur du loyer qu'il pouvait espérer retirer de son bien réduite d'une journée, soit le locataire sera privé de la libre jouissance des baux contractés pendant une journée. Le jour de non-chasse institué apparaît ainsi contraire sur deux points à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
D'une part, aucune nécessité publique évidente, notamment en matière de sécurité publique, ne vient justifier une telle mesure de caractère aussi général. Dès lors, l'atteinte au droit de propriété qu'elle constitue apparaît disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, qui pourrait être atteint par le biais de dispositions moins attentatoires aux libertés fondamentales, à travers des obligations de prudence et de sécurité imposées aux chasseurs.
D'autre part, la mesure doit être considérée comme contraire à la Constitution en ce qu'il n'est prévu aucun mécanisme assurant une juste et préalable indemnité aux propriétaires qui se voient privés de la jouissance de leurs biens et déposséder de leurs droits une journée par semaine.
En conséquence, ces dispositions du dernier alinéa de l'article 24 encourent la censure du Conseil constitutionnel.
4. Une participation des propriétaires de postes fixes à l'entretien des plans d'eau juridiquement contestable
Imposer une participation des propriétaires de postes fixes de chasse à l'entretien des plans d'eau situés à proximité de ces postes et des parcelles humides attenantes, comme le prévoit le cinquième alinéa de l'article 28 de la loi, représente une dernière atteinte au droit de propriété.
En effet, dans l'hypothèse où le propriétaire d'un tel poste fixe ne serait pas également propriétaire des plans d'eau situés à proximité de son installation, ce qui est loin d'être une hypothèse d'école, le respect de cette obligation le contraindrait à porter atteinte au droit de propriété d'autrui, en l'obligeant à pénétrer sur des terres sur lesquelles il ne dispose d'aucun droit. Le respect d'une disposition législative ne pourrait ainsi prendre d'autres voies que celle d'une atteinte à un droit constitutionnellement reconnu, en méconnaissance de la hiérarchie des normes.
Pour toutes ces raisons, le cinquième alinéa de l'article 28 doit être déclaré contraire à la Constitution.
III. - Sur les atteintes à la liberté d'association
Les jurisprudences de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat (CE, 20 octobre 1995) et du Conseil constitutionnel (décision no 87-149 du 20 février 1987) s'accordent sur le caractère d'établissements privés chargés d'une mission de service public des fédérations de chasseurs et précisent, qu'en tant que groupements privés, ce sont des associations régies par la loi de 1901.
Le caractère associatif des fédérations est explicitement affirmé par la loi pour ce qui concerne les fédérations régionales et nationale et il est clair que le législateur n'a pas entendu remettre en cause le caractère associatif des fédérations départementales. Au cours des débats, Mme Dominique Voynet a d'ailleurs clairement déclaré que « les fédérations sont des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 » (Assemblée nationale, première lecture, article 3, discussion de l'amendement no 159, deuxième séance du 29 mars 2000, JO, AN, CR, no 28 du 30 mars 2000, p. 2800).
Or, la liberté d'association constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République ayant valeur constitutionnelle, comme l'a affirmé le conseil dans une décision particulièrement célèbre en ce qu'elle a marqué le début du renforcement de son contrôle matériel sur la constitutionnalité des lois (décision no 71-44 DC du 16 juillet 1971).
En vertu de ce principe, les associations se constituent librement.
Or, le présent texte porte atteinte à cette liberté fondamentale pour le bon fonctionnement de la démocratie, à travers deux dispositifs : un statut et un fonctionnement des fédérations trop restrictifs, et des contrôles excessifs.
1. Un statut et des modalités de fonctionnement
contraires aux principes constitutionnels
Le premier alinéa de l'article L. 221-4 du code rural, que modifient les articles 5 et 7 de la loi, dispose que « les statuts des fédérations des chasseurs doivent être conformes à un modèle adopté par le ministre chargé de la chasse ». Cette disposition est donc manifestement contraire au principe constitutionnel de liberté d'association, tout comme le dixième aliéna de l'article 12 de la loi relatif à la fédération nationale.
Par ailleurs, le principe de liberté d'association exige que la délégation de vote demeure libre en son sein. Tout membre d'une association doit être susceptible de recevoir une délégation de vote, qui ne saurait être réservée exclusivement au seul président de l'association. Or, la rédaction retenue par l'article 5 de la loi apparaît sur ce point ambiguë.
C'est pourquoi, les dispositions concernées de l'article 5 doivent être considérées comme contraire à la Constitution, à moins qu'une réserve d'interprétation ne vienne préciser qu'elles préservent le droit de tous les adhérents de recevoir des délégations de vote d'autres membres de l'association.
En outre, plus généralement, les dispositions de cet article, en ce qu'il impose des règles d'organisation interne particulièrement détaillées et contraignantes à des organismes de droit privé, méconnaît le principe de liberté d'association.
Pour toutes ces raisons, les dispositions évoquées précédemment doivent être déclarées contraires à la Constitution.
2. Des contrôles administratifs et financiers excessifs
Les rédactions des articles L. 221-6 et L. 221-7 du code rural issues des paragraphes IV et V de l'article 7 de la loi relative à la chasse, ainsi que celle des deux derniers alinéas de l'article L. 221-9 du même code issue de l'article 12 de la loi, se révèlent contraires à la Constitution dans la mesure où elles imposent à des associations des contrôles administratifs et financiers qui mettent en cause leur liberté de fonctionnement, en contrariété avec le principe fondateur de la liberté d'association.
En premier lieu, le contrôle a priori du préfet sur les fédérations départementales et sur les fédérations régionales, organisé par le paragraphe IV de l'article 7 et le dernier alinéa de l'article 10 du présent texte, apparaît totalement dérogatoire aux règles applicables aux associations participant aux missions de service public. Il porte une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d'associations qui font appel à des cotisations librement fixées par les adhérents en assemblée générale. Le préfet est ainsi appelé à donner son approbation concernant le budget des fédérations locales, ce qui représente un droit de regard excessif.
Le même problème se pose concernant la Fédération nationale, dès lors que le neuvième alinéa de l'article L. 221-9 du code rural dans sa rédaction prévue par l'article 12 de la loi soumet son budget à une approbation ministérielle.
Un tel contrôle a priori des budgets des fédérations, sans que les modalités de l'exercice de ce contrôle aient été définies par la loi, se révèle porter une atteinte excessive au principe constitutionnel de la liberté d'association, alors qu'un simple contrôle a posteriori des budgets permettrait d'atteindre l'objectif poursuivi sans remettre en cause une liberté fondamentale.
En second lieu, le contrôle mentionné au dernier alinéa du paragraphe V de l'article 7 du présent texte et au dernier alinéa de l'article L. 221-9 du code rural, dans sa rédaction issue de l'article 12 de la loi, étend aux fédérations de chasseurs un contrôle économique et financier de l'Etat, établi par le décret no 55-733 du 26 mai 1955, qui se révèle dépourvu de base légale. De plus, le contenu des pouvoirs conférés au contrôle économique et financier figurant dans le décret précité porte gravement atteinte à la liberté d'association, en ce qu'ils établissent un contrôle a priori sur les délibérations des fédérations, un pouvoir d'investigation sur pièces et sur place, ainsi qu'un pouvoir de participation à toute réunion, y compris celles de comités techniques.
En troisième lieu, l'extension du contrôle a posteriori exercé par les chambres régionales des comptes et la Cour des comptes aux fédérations de chasse, extension prévue par l'article L. 221-7 du code rural dans sa rédaction issue du paragraphe V de l'article 7 de la loi et par l'avant-dernier alinéa de l'article L. 221-9 du même code dans sa rédaction issue de l'article 12, ne saurait se justifier dès lors que lesdites fédérations ne disposent d'aucun fonds public ni de cotisations légalement obligatoires et ne bénéficient d'aucun avantage financier.
La Cour des comptes peut, en vertu de l'article L. 111-7 du code des juridictions financières, exercer son contrôle sur des organismes qui bénéficient du concours financier de l'Etat, mais tel n'est pas le cas des fédérations. Les chambres régionales des comptes, quant à elles, ne se voient pas reconnaître cette même compétence par l'article L. 221-6 du code des juridictions financières.
Il serait donc contraire à la Constitution de vouloir étendre le contrôle financier sur les fédérations puisque, actuellement, d'une part, la compétence de la Cour des comptes suppose un avantage financier dont l'existence n'est, en l'espèce, pas démontrée, d'autre part, cette même compétence n'apparaît pas fermement établie dans le cadre du contrôle des chambres régionales des comptes.
En conséquence, les dispositions relatives aux contrôles administratifs et financiers mentionnées ci-dessus doivent être déclarées contraires à la Constitution.
IV. - Sur les atteintes au principe d'égalité
Le principe d'égalité, solennellement affirmé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et désormais par l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, a été pour la première fois consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1973 « Taxation d'office ». Depuis, la jurisprudence constitutionnelle s'est toujours montrée très attentive au respect de ce principe. Or, la loi relative à la chasse y porte manifestement atteinte sur un point essentiel.
Une discrimination géographique manifeste dans l'exercice de la chasse de nuit
Le premier alinéa de l'article L. 224-4-1 du code rural créé par l'article 28 de la loi est contraire au principe d'égalité devant la loi. Il n'autorise en effet la chasse de nuit que dans 21 départements dont la sélection repose sur le caractère traditionnel de cette pratique. Or, d'autres départements répondent manifestement à ce critère, ce qui a été reconnu lors des débats à l'Assemblée nationale, en commission et en séance, en particulier par Mme Dominique Voynet au cours de la lecture définitive du projet de loi, le 28 juin 2000, notamment pour ce qui concerne l'Ille-et-Vilaine. Cette disposition a donc pour effet de traiter différemment des personnes placées dans la même situation de fait.
Or, selon le raisonnement tenu par le juge constitutionnel, le principe d'égalité impose que des situations comparables soient traitées de manière identique. Toute différence de traitement doit être en rapport avec l'objet de l'acte qui l'établit et proportionnée par rapport à l'objectif poursuivi et par rapport à la différence de situation.
Si le Conseil constitutionnel admet des dérogations au principe d'égalité, il exerce sur celles-ci un contrôle en deux temps.
Il s'attache, dans un premier temps, à vérifier si une différence de situation au regard de l'objet de la mesure permet de fonder la différence de traitement. En l'occurrence, aucune différence objective de situations n'existe entre les départements dans lesquels le droit de chasser la nuit a été reconnu et ceux dans lesquels il ne l'a pas été, alors que la chasse de nuit y relève des usages traditionnels.
Le Conseil constitutionnel recourt ensuite au critère subsidiaire de l'intérêt général, en exerçant un contrôle poussé des motifs qui pourraient justifier, à ce titre, une différence de traitement non fondée sur une différence de situation. Ainsi, l'intérêt général invoqué doit-il être en rapport avec l'objet de la mesure qui déroge au principe d'égalité. De plus, cette dérogation doit être proportionnée à l'objectif à atteindre et à l'intérêt général en cause. Or, aucun réel motif d'intérêt général ne justifie les restrictions disproportionnées apportées au droit de chasser la nuit dans certains départements où ce droit relève des usages locaux et des pratiques traditionnelles. La baie du mont Saint-Michel, qui s'étend sur les départements de la Manche et d'Ille-et-Vilaine, en est une illustration flagrante puisque la loi prévoit d'y autoriser la chasse de nuit pour le secteur géographique du département de la Manche, mais de l'interdire dans celui d'Ille-et-Vilaine.
Ainsi, l'article 28 du présent projet instaure une inégalité de traitement entre départements qui n'est justifiée ni par une différence de situation ni par un motif d'intérêt général. Pour cette raison, il doit être déclaré contraire à la Constitution.