Le Conseil constitutionnel est saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, qui a été adoptée le 22 octobre 1997 par l'Assemblée nationale. Seul est contesté l'article 2 de ce texte, qui réforme le régime fiscal applicable aux plus ou moins-values à long terme réalisées par les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés. Cet article 2 prévoit que le régime des plus ou moins-values à long terme cesse de s'appliquer aux cessions des éléments de l'actif immobilisé réalisées par ces entreprises au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997. Le régime spécifique des plus-values à long terme demeure toutefois applicable, d'une part, aux cessions d'actions ou de parts de sociétés revêtant le caractère de titres de participations, ainsi que de certaines parts de fonds communs de placement à risque ou de sociétés de capital risque détenues par l'entreprise depuis au moins cinq ans, d'autre part, aux concessions de licences d'exploitation de brevets ou d'éléments brevetables. Désormais, le résultat de la cession des éléments de l'actif immobilisé sera pris en compte dans le résultat imposable dans les conditions et au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés. A l'encontre de cet article, les auteurs de la saisine font valoir plusieurs moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. - Sur le respect d'un principe dit " de sécurité juridique "
A. - Pour contester la réforme opérée par l'article 2 du texte déféré, les requérants se prévalent d'un principe dit " de sécurité juridique ", qui aurait, selon eux, valeur constitutionnelle et aurait été méconnu en l'espèce. Ce principe devrait, selon la saisine, se déduire du droit à la sûreté énoncé par la Déclaration de 1789 et être aujourd'hui rangé au nombre des exigences constitutionnelles. En matière fiscale, il conduirait à faire une distinction entre les règles régissant l'imposition des revenus courants et celles applicables à des revenus ponctuels, tels que ceux constitués notamment par les cessions d'un élément de patrimoine privé ou professionnel, ces dernières étant réalisées en fonction des dispositions fiscales en vigueur au jour de la décision. Selon les requérants, une " rétroactivité aussi brutale " devrait reposer sur une nécessité impérieuse, dont ils estiment qu'elle n'est pas établie en l'espèce. En résumé, les dispositions critiquées remettraient en cause " la confiance que peuvent et doivent avoir les contribuables dans les lois de la République ".
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra faire sienne cette argumentation. 1. La thèse suivant laquelle de telles dispositions se heurteraient à un " principe de sécurité juridique " est dépourvue de fondement juridique.
a) En premier lieu, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le droit à la sûreté énoncé par l'article 2 de la Déclaration de 1789 ne saurait être utilement invoqué pour démontrer l'existence, au plan constitutionnel, d'un tel principe. La sûreté peut être définie, comme le fait le professeur J. Rivero dans son manuel de Libertés publiques, comme " la certitude pour les citoyens qu'ils ne feront pas l'objet, notamment de la part du pouvoir, de mesures arbitraires les privant de leur liberté matérielle telles qu'arrestations ou détentions ". Même s'il a pu être soutenu, en doctrine, que le droit à la sûreté devait recevoir une définition plus large, et notamment servir de support à une consécration constitutionnelle du concept de sécurité juridique, cette thèse n'a jamais été validée par la jurisprudence (cf. par exemple la décision no 89-154 DC du 4 juillet 1989). Le principe est, au contraire, que le pouvoir du législateur de modifier les normes juridiques ne saurait être limité par l'existence de droits acquis sous l'empire de la législation antérieure. Le Conseil constitutionnel l'a affirmé de la manière la plus nette lorsqu'il a eu à statuer sur des dispositions qui ramenaient de vingt-cinq à quinze ans la durée des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties : " Aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdit à la loi de revenir sur une exonération fiscale acquise sous l'empire d'une loi antérieure ou d'en réduire la durée " (décision no 83-164 DC du 29 décembre 1983). Le seul tempérament résulte de la jurisprudence issue de la décision no 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984, qui ne concerne que le cas où le législateur, lorsqu'il organise l'exercice d'une liberté publique, adopte pour l'avenir des règles plus rigoureuses que celles qui étaient auparavant en vigueur. En ce cas, estime le Conseil constitutionnel, la loi nouvelle ne peut remettre en cause les situations existantes que dans l'hypothèse où ces situations auraient été illégalement acquises ainsi que dans celle où leur remise en cause serait réellement nécessaire pour assurer la réalisation de l'objectif constitutionnel poursuivi. Hormis ce cas très particulier, qui est sans rapport avec celui de l'espèce, il est loisible au législateur de modifier les normes qui relèvent de sa compétence, sous réserve naturellement de respecter par ailleurs les principes constitutionnels. S'agissant plus particulièrement de celles qui régissent l'imposition des revenus, les contribuables ne peuvent donc se prévaloir d'aucun droit au maintien de la législation existante. Et de telles modifications législatives ne sauraient davantage se voir opposer un prétendu principe dit de " confiance légitime " qui ne peut se réclamer, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a récemment souligné, d'aucun ancrage constitutionnel (décision no 96-385 DC du 30 décembre 1996).
b) En second lieu, et ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel, " aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s'oppose à ce qu'une disposition fiscale ait un caractère rétroactif " (décision no 84-184 DC du 29 décembre 1984). On sait, en effet, que le principe de la non-rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle qu'en matière répressive (cf. par exemple la décision no 89-268 DC du 29 décembre 1989). Et s'il est exact que la jurisprudence du Conseil constitutionnel encadre dans une certaine mesure la possibilité, pour le législateur, de déroger au principe de non-rétroactivité des lois, c'est seulement dans la mesure où l'on est en présence de dispositions qui ont pour objet, fût-ce de manière implicite, d'opérer des validations législatives. Il faut entendre par là, selon la définition récemment donnée par un commentateur, " toute intervention du législateur qui, par un texte modifiant rétroactivement l'état du droit, met des actes juridiques à l'abri d'un risque de nullité ou de péremption sans avoir à distinguer selon que ces actes relèvent de relations de droit privé ou de rapports de droit public " (O. Schrameck, " Les validations législatives ", AJDA 1996, p. 369).
2. Tout autre est l'objet du texte contesté, qui tend essentiellement à fixer le régime juridique d'impositions non encore établies, et dont le fait générateur ne sera, dans la plupart des cas, pas encore intervenu lors de l'entrée en vigueur de la loi. Il s'agit en effet, pour le législateur, de définir le régime applicable à certains gains réalisés par les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés. Le bénéfice imposable en fin d'exercice étant constitué, suivant le principe énoncé à l'article 38 du code général des impôts, par un solde qui procède d'un flux de produits et de charges, il est logique d'attendre jusqu'au moment où ce solde est constitué pour déterminer l'impôt. Appelé à interpréter des dispositions fiscales qui ne précisent pas leur date d'entrée en vigueur, le Conseil d'Etat fait application des règles classiques d'application de la loi dans le temps qui, en matière fiscale, retiennent le texte en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt. Il résulte ainsi d'une jurisprudence ancienne et constante (CE Ass. 16 mars 1956, Garrigou) que des modifications peuvent être apportées, jusqu'à la fin de l'année, aux règles frappant les bénéfices réalisés au cours de cet exercice, sans que la disposition fiscale en cause puisse être considérée comme rétroactive : l'on ne saurait, en effet, soutenir que l'on impose rétroactivement un solde qui n'est pas encore constitué. Les plus-values ont certes été longtemps soumises à un régime spécifique, et le seront au demeurant encore, dans une certaine mesure. Et il est arrivé que, dans le passé, le législateur retienne d'autres choix, comme le souligne la saisine, s'agissant de la date d'effet des modifications qu'il entend apporter au taux d'imposition. Mais le critère de la date d'ouverture de l'exercice au début de l'année en cours a déjà été adopté, en particulier lors de la dernière réforme du régime des plus-values, opérée par la loi du 29 décembre 1994. En tout état de cause, de tels choix relèvent du seul pouvoir d'appréciation du Parlement, sans être dictés par des exigences constitutionnelles. En l'espèce, et compte tenu de la règle d'annualité des exercices énoncée par l'article 8 du code de commerce, le critère retenu (application du nouveau régime aux cessions réalisées au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997) n'entraînera, dans la plupart des cas, aucune rétroactivité : pour ces exercices, le fait générateur de l'impôt n'interviendra en principe qu'à compter du 31 décembre 1997, soit postérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions contestées. Il est vrai que, dans certains cas très particuliers, une société peut se trouver en situation de clore avant la fin de l'année un exercice qu'elle avait ouvert après le 1er janvier de cette même année. Le législateur ayant entendu soumettre au même régime les plus-values réalisées dans une telle hypothèse, les dispositions du VI de l'article 3 de la loi adoptée ont prévu que ces sociétés devront déposer une déclaration rectificative et procéder à une nouvelle liquidation de l'impôt. Mais il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, même dans la mesure où le texte déféré contient ainsi une part de rétroactivité, celle-ci ne se heurte, en l'espèce, à aucun obstacle constitutionnel.
II. - Sur le respect du droit de propriété
A. - Selon les requérants, l'article 2 de la loi déférée porterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété en doublant le taux d'imposition des plus-values de cessions d'éléments d'actifs, sans que la valeur d'origine des biens ne soit actualisée au regard de l'évolution monétaire. Ils exposent que le choix d'un taux réduit permettait de n'imposer que la plus-value économique, sans avoir à corriger la valeur d'origine. Le passage au taux ordinaire aboutirait ainsi à taxer une plus-value purement nominale. Les auteurs de la saisine invitent en outre le Conseil constitutionnel à assortir une déclaration de conformité de la loi d'une réserve d'interprétation, en vue d'exclure que la majoration de taux qui résulte de la réforme puisse s'appliquer aux plus-values neutralisées ou en différé d'imposition à la suite de restructurations ou de cessions à l'intérieur d'un groupe fiscal.
B. - Cette argumentation ne peut être accueillie. Il est exact que le Conseil constitutionnel a souligné, dans la décision déjà citée du 29 décembre 1989, que " si la suppression d'une exonération fiscale a pour conséquence d'entraîner pour certaines catégories de contribuables une majoration d'imposition, il n'en résulte pas, au cas présent, une atteinte au droit de propriété qui serait contraire à la Constitution ". Une décision no 91-298 DC du 24 juillet 1991 souligne en outre que " des dispositions rétroactives ne sauraient avoir pour conséquences, par leurs effets sur le patrimoine des contribuables, de porter atteinte au droit de propriété ". Mais, comme le relève un commentateur (B. Genevois, RFDA 1990, p. 154), le Conseil constitutionnel a seulement entendu réserver l'hypothèse où une mesure d'ordre fiscal, en raison de l'ampleur considérable des sommes exigées, porterait une atteinte au droit de propriété qui serait contraire à la Constitution. Tel n'est évidemment pas le cas du texte déféré, qui se borne à soumettre au même régime d'imposition les différents éléments du bénéfice imposable, en mettant fin, dans les limites précisées plus haut, au régime plus favorable dont bénéficiaient certaines plus-values. Et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le législateur n'a pas entendu laisser l'interprétation du texte à la discrétion de l'administration, s'agissant de l'application des nouveaux taux à des opérations réalisées avant 1997 qui auraient été neutralisées ou différées et qui seraient seulement dénouées à compter du 1er janvier 1997. D'une part, en effet, la loi ne comporte à cet égard aucune difficulté d'interprétation : comme il a été rappelé plus haut, l'article 2 fixe le régime fiscal applicable aux résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997 ; ce faisant, il concerne nécessairement toutes les plus-values, y compris celles réalisées au cours d'un exercice antérieur, mais qui ont été placées sous un régime de sursis d'imposition et sont, du fait du choix de l'entreprise, soumises au régime d'imposition en vigueur au titre de l'exercice auquel elles seront ainsi rattachées. D'autre part, il convient de rappeler que l'administration n'appliquera le texte que sous le contrôle du juge de l'impôt, auquel il n'est nul besoin de fixer des directives d'interprétation, dès lors que la question ainsi soulevée ne met en cause aucun principe constitutionnel.
III. - Sur le respect du principe d'égalité devant la loi Les auteurs de la saisine invoquent un dernier grief, tiré de ce que l'article 2 méconnaîtrait, selon eux sans aucune raison d'intérêt général en rapport direct avec l'objet du texte déféré, le principe constitutionnel d'égalité devant la loi. Ils relèvent que l'application du nouveau régime d'imposition des plus-values est fonction de la date d'ouverture de l'exercice. Ainsi, deux opérations réalisées le 1er février 1997 seront imposées différemment suivant qu'elles l'ont été au cours d'exercices qui ont pu être ouverts, par exemple, le 1er janvier 1997 ou le 1er juillet 1996. Mais il est de la nature même d'une loi nouvelle d'introduire une différence entre les personnes ou les situations selon qu'elles ont été régies par les dispositions antérieures ou qu'elles seront soumises au nouveau régime. Dès lors que le régime fiscal applicable aux différentes opérations qui concourent à la détermination du bénéfice imposable ne dépend pas de la date à laquelle elles ont été réalisées, mais seulement de l'exercice au cours duquel elles l'ont été, l'on ne saurait critiquer utilement la pertinence du choix retenu en l'espèce par le législateur pour fixer l'application dans le temps du nouveau dispositif. Pour l'ensemble de ces motifs, le Gouvernement demande au Conseil constitutionnel de bien vouloir rejeter le recours dont il est saisi.LOI PORTANT MESURES URGENTES A CARACTERE FISCAL ET FINANCIER Paris, le 23 octobre 1997. Les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel l'article 2 de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, adoptée le 22 octobre 1997 par l'Assemblée nationale. Les députés soussignés demandent au Conseil constitutionnel de décider que l'article précédemment cité de ladite loi n'est pas conforme à la Constitution pour les motifs suivants : Le Conseil constitutionnel a, sur le fondement de la déclaration de 1789, et en particulier sur le fondement du droit à la sûreté, cherché à élargir ce droit en dépassant la seule garantie contre les arrestations ou détentions arbitraires. L'Etat de droit en cette fin de siècle doit aussi être un Etat dans lequel les personnes privées ou morales, qui ont établi des relations dans un contexte juridique particulier, ne doivent pas pouvoir le voir totalement remis en cause, de façon rétroactive, soudaine et sans nécessité impérieuse. Certes, le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il était loisible au législateur " de ne pas faire application des prescriptions qu'il avait antérieurement édictées ", mais il a pris soin de préciser, " dès lors qu'il ne prive pas des garanties légales des exigences constitutionnelles ". Le principe de sécurité juridique doit aujourd'hui être rangé dans la catégorie des " exigences constitutionnelles ". En principe, l'Etat de droit exigerait une non-rétroactivité absolue des lois, à l'exception des lois d'interprétation envisagées stricto sensu. En l'occurrence, toutefois, une distinction pourrait être établie. En effet, l'article 2 déféré concerne des revenus que l'on peut qualifier de ponctuels par comparaison avec les revenus de caractère ordinaire que sont les salaires ou traitements perçus par une personne physique ou les bénéfices d'exploitation d'une entreprise. Dans le cas des revenus courants, on peut considérer que la rétroactivité qui s'applique chaque année est, certes, préjudiciable dans son principe. Cependant, limitée dans son ampleur et connue des contribuables, ses effets ne sont pas intolérables. S'agissant, en revanche, des revenus ponctuels constitués notamment par les cessions d'un élément de patrimoine privé ou professionnel, ils sont décidés par la personne physique ou morale et réalisés, pour une bonne part, en fonction des paramètres fiscaux en vigueur au jour de leur décision. A l'inverse des opérations courantes, une opération ponctuelle peut, par nature, être différée, voire abandonnée. Ainsi, une entreprise préférera souscrire un emprunt auprès d'une banque plutôt que de vendre son siège social, si le taux d'imposition du produit de la cession est multiplié par deux. C'est bien le cas envisagé par l'article 2 de la loi précitée : le taux est porté de 20,9 à 41,6 %. La nécessité impérieuse d'une rétroactivité aussi brutale n'est pas établie par le législateur qui aurait pu trouver, par d'autres moyens, les recettes qu'il recherchait. L'intérêt financier recherché n'est donc pas dicté par l'intérêt général. En conséquence, l'adoption de cette mesure remet en cause la confiance que peuvent et doivent avoir les contribuables dans les lois de la République. Il apparaît en outre que cette disposition constitue une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Le taux est doublé sans que la valeur d'origine des biens ne soit actualisée au regard de l'évolution monétaire. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 24 juillet 1991 (DC 298), a considéré que des dispositions rétroactives ne sauraient avoir pour conséquences, par leurs effets sur le patrimoine des contribuables, de porter atteinte au droit de propriété. L'instauration, en 1965, du taux réduit avait eu pour objectif de n'imposer que la plus-value économique, sans devoir corriger la valeur d'origine. Le passage au taux ordinaire sur une plus-value purement nominale rétroagit en réalité au jour de l'entrée du bien dans le patrimoine de la personne morale. Il paraît bien que la disproportion de la majoration résultant des taux modifiés et les assiettes concernées prive de fondement constitutionnel la rétroactivité conférée au texte en rendant impossible la confiance légitime des contribuables. S'agissant de cette confiance légitime à laquelle les contribuables ont droit, il apparaît que, pour le moins, le Conseil constitutionnel devrait se prononcer sur une interprétation extrêmement stricte de la disposition déférée. Le Conseil constitutionnel assure, en effet, par les réserves qu'il émet, un contrôle, que l'on peut qualifier de préventif, de constitutionnalité de l'interprétation de la loi. En l'occurrence, dans l'hypothèse où le Conseil constitutionnel rejetterait le présent recours, il devrait clairement indiquer que la majoration du taux ne s'appliquera qu'aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 1997 et ne s'appliquera pas aux plus-values neutralisées ou en report à la suite de restructuration ou de cession à l'intérieur d'un groupe fiscal. Laisser l'interprétation du texte à la discrétion de l'administration ou des tribunaux risquerait de permettre d'appliquer les nouveaux taux à des opérations réalisées avant 1997 qui auraient été neutralisées ou reportées et qui seraient seulement dénouées à compter du 1er janvier 1997. Au demeurant, le caractère totalement aléatoire de la date d'effet des mesures nouvelles en matière d'imposition des plus-values bat en brèche toute sécurité juridique puisqu'aucun principe ne peut être tiré des précédents en la matière. Alors que la hausse de 15 % à 19 % a porté sur les plus-values réalisées à compter du 20 octobre 1989 (absence de rétroactivité), le taux de 18 % s'est appliqué aux plus-values réalisées au cours des exercices clos à compter du 1er octobre 1991 (rétroactivité partielle). En revanche, la modification la plus récente a comporté une rétroactivité complète puisqu'elle s'est appliquée aux plus-values réalisées au cours d'exercices ouverts à compter du 1er janvier 1994. Le Conseil constitutionnel pourrait préciser, en l'espèce, les contours du principe de sécurité. Enfin, l'article 2 de la loi précitée méconnaît, sans aucune raison d'intérêt général en rapport direct avec l'objet de la loi, le principe constitutionnel d'égalité devant la loi. En effet, la majoration même s'applique indifféremment aux entreprises en fonction de la date d'ouverture de leur exercice. Ainsi, deux opérations réalisées le 1er février 1997 seront imposées pour la société dont l'exercice débute le 1er janvier 1997 au taux de 41,6 % et pour celle dont l'exercice devra débuter le 1er juillet 1996 à 20,9 % et a été clos le 30 juin 1997. Pour ces motifs et d'autres que les soussignés se réservent d'invoquer et de développer, l'article 2 de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier adoptée par l'Assemblée nationale le 22 octobre 1997, doit être déclaré non conforme à la Constitution.