SAISINE DEPUTES :
Les députés soussignés à Monsieur le président, Madame et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, 2, rue Montpensier, 75001 Paris.
Monsieur le président,
Madame et Messieurs les conseillers,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi relative à la diversité de l'habitat telle qu'elle a été adoptée par le Parlement et tout particulièrement en son article 7.
I : La loi déférée, " relative à la diversité de l'habitat ", est issue d'une proposition de loi dont l'exposé des motifs entend lutter contre des " tendances à une certaine ségrégation spatiale entre les logements sociaux au sens large et les autres catégories d'habitat ", tendances qui selon l'auteur de la proposition " pourraient menacer la cohésion sociale de notre pays ".
Ainsi cette loi concerne-t-elle " l'habitat ", défini ainsi qu'y invite le sens commun comme l'ensemble des " logements ", et est-elle inspirée par le souci de ne pas opposer " les logements sociaux " et " les autres catégories d'habitat ", de lutter contre la " ségrégation " entre les uns et les autres et de faire mieux reconnaître la " diversité de l'habitat " qui résulte de leur coexistence.
C'est au regard de ces objectifs, auxquels l'actualité récente donne un relief et un sens tout particuliers, qu'il convient d'apprécier la cohérence de la loi déférée et la constitutionnalité de ses dispositions, notamment de celles de l'article 7 que les exposants entendent tout particulièrement déférer à la censure du Conseil constitutionnel.
II. : Une occasion des plus opportunes est ainsi fournie par la loi déférée de s'interroger sur les obligations constitutionnelles qui pèsent sur le législateur en matière de logement social.
Aux termes de l'alinéa 10 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, " la nation assure à l'individu et à la famille les conditions de leur développement ". L'alinéa 11 de ce même préambule dispose quant à lui qu'" elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ".
Ces alinéas du préambule de 1946 ont d'ores et déjà nourri une jurisprudence qui fait obligation au législateur " de déterminer, dans le respect des principes proclamés par le onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, les modalités de leur mise en uvre " (Conseil constitutionnel n° 86-225 DC du 23 janvier 1987, considérants 16 et 17, Rec. page 13). Plus précisément, ont été reconnues sur la base du dixième alinéa du préambule la valeur constitutionnelle du droit à une vie familiale normale (Conseil constitutionnel n° 96-325 DC du 13 août 1993, considérants 69 et 70, Rec. page 224) et celle du droit à des moyens convenables d'existence (idem, considérants 12 et 125 ; voir aussi Conseil constitutionnel n° 93-330 DC du 29 décembre 1993, considérants 13 et 14, Rec. page 572).
Or, il est à l'évidence impossible de mener une " vie familiale normale " sans disposer d'un logement décent ; de même, on ne saurait sérieusement contester qu'au nombre des " moyens convenables d'existence " auxquels chacun a constitutionnellement droit figure le logement. Il appartient donc au législateur, en l'état actuel de la jurisprudence constitutionnelle, de déterminer notamment, dans le respect des principes proclamés par les dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, les modalités de la mise en uvre du droit à des conditions minimales de logement (de même qu'il a garanti le droit à un revenu minimum d'insertion).
Il ne saurait bien entendu être question de soutenir que le législateur est ici confronté à une obligation absolue de résultat.
En revanche, conformément à des principes jurisprudentiels bien établis, il ne saurait faire régresser les garanties légales (existantes) de ces droits constitutionnellement protégés sauf si la poursuite d'un objectif constitutionnel l'exige absolument (la jurisprudence relative au " cliquet antiretour ", constamment appliquée aux libertés fondamentales depuis la décision n° 84-165 DC du 20 janvier 1984 [Rec. page 30], ne pouvant que protéger selon la même logique des droits aussi fondamentaux et essentiels à la dignité de la personne humaine).
Par ailleurs, il ne saurait retenir des modalités manifestement inappropriées aux objectifs qu'il s'est lui-même assignés (Conseil constitutionnel n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, considérant 26, Rec.
page 84) sans encourir la censure pour erreur manifeste d'appréciation, c'est-à-dire ici pour défaut manifeste de cohérence avec sa propre appréciation (sur le contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation, voir notamment Conseil constitutionnel n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, considérants 16 et 17, Rec. page 63, et aussi les décisions : n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, considérant 13, Rec. page 15 ; n° 82-132 DC du 16 janvier 1982, Rec.
page 18 ; n° 84-179 DC du 12 septembre 1984, considérants 11 et 13, Rec. page 73 ; n° 85-192 DC du 25 juillet 1985, considérant 10, Rec.
page 56 ; n° 85-196 DC du 8 août 1985, considérants 16 et 17, Rec.
page 63 ; n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986, considérant 55, Rec.
page 61 : n° 86-218 DC du 18 novembre 1986, considérant 8, Rec.
page 167 ; n° 87-227 DC du 7 juillet 1987, considérant 6, Rec.
page 41 ; n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, considérants 25 et 27, Rec. page 119).
Le contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation est ainsi parfaitement acclimaté en son principe. Il convient de relever, à partir de l'analyse de la décision n° 82-132 DC précitée, que ce contrôle porte notamment sur la question de savoir si un critère retenu par le législateur (il s'agissait alors du seuil au-dessous duquel une banque échappait à la nationalisation) est ou non en rapport avec l'objet de la mesure qu'il avait retenue (c'est-à-dire alors avec les objectifs de la nationalisation du crédit).
III. : Ainsi, s'agissant de logement social, le législateur ne saurait-il ni faire régresser les droits des bénéficiaires sans nécessité impérieuse au regard de la poursuite d'un objectif constitutionnel, ni manquer manifestement de cohérence dans la définition des critères retenus : notamment en ce qui concerne les types d'actions imposées ou encouragées : au regard de ses propres objectifs.
En l'espèce, les objectifs définis par le législateur en 1991 lors de l'adoption de la " loi d'orientation pour la ville (loi n° 91-662 du 13 juillet 1991) " n'ont nullement été désavoués par l'auteur de la proposition ayant donné naissance à la loi déférée. Le législateur continue à souhaiter que soit accentué l'effort de construction de logements sociaux, tout en mettant désormais l'accent sur la nécessité de prendre en compte la " diversité de l'habitat " : les objectifs législatifs sont diversifiés, voire dans une certaine mesure infléchis, mais non abandonnés.
Or, le code de la construction et de l'habitation, tel qu'il a été enrichi par la loi du 13 juillet 1991 précitée, prévoit en son article L 302-6 que les communes tenues à un effort particulier en faveur du logement social en raison du retard par elles pris en cette matière doivent prendre " les mesures propres à permettre l'acquisition de terrains ou de locaux nécessaires à la réalisation de logements à usage locatif au sens du 3° de l'article L 351-2 " et qu'elles " s'acquittent de l'obligation prévue au présent article soit en versant la contribution prévue à l'article L 302-7, soit en engageant, dans les conditions fixées à l'article L 302-8, des actions foncières adaptées à cette fin ".
La contribution dont l'article L 302-7 détermine ensuite le montant et qui bénéficie à des organismes habilités à réaliser des acquisitions foncières ou à construire des logements sociaux est donc l'équivalent financier des actions foncières adaptées à l'objectif que constitue " la réalisation de logements à usage locatif ", les communes pouvant à leur gré s'acquitter de leur obligation sous cette forme financière au lieu de contribuer directement " en nature " au développement du logement social.
IV. : C'est ce dispositif qui est modifié par l'article 7 de la loi déférée, lequel élargit le champ des activités au financement desquelles peut servir la contribution prévue par les articles L 302-6 et L 302-7 du code de la construction et de l'habitation. Les communes pourront en effet par ce moyen, au lieu de construire des logements sociaux, financer non seulement des acquisitions foncières destinées à la construction de tels logements ou des opérations de construction de ceux-ci, mais aussi désormais la réalisation " des locaux d'hébergement réalisés dans le cadre du plan pour l'hébergement d'urgence des personnes sans abri prévu par l'article 21 de la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 " ou même, compte tenu d'un amendement proposé par la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat en première lecture, " des terrains d'accueil réalisés dans le cadre du schéma départemental prévu par l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 ".
En termes concrets, la contribution jusqu'à présent affectée exclusivement au financement du logement social peut désormais servir en partie, voire en totalité, à la construction de baraquements du type " Algéco " et même à l'aménagement de terrains destinés à l'accueil des " gens du voyage " ainsi assimilés à des opérations de construction de logements sociaux.
A la vérité, des dispositions identiques figuraient à l'article 8 de la loi déférée, ce qui permettait aux communes de prétendre que leurs actions de construction de tels baraquements et d'aménagement de tels terrains d'accueil constituaient des opérations de construction de " logements sociaux " ; ce paragraphe de l'article 8 était même considéré par le rapporteur de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale en première lecture comme ayant un " caractère essentiel car il élargi[ssai]t considérablement les catégories de logements pris en compte dans le dispositif "diversité de l'habitat" " (document n° 1647, page 23).
Mais la commission mixte paritaire, sans doute sensible à la fois à un souci de décence : compte tenu d'une actualité brûlante : et à un risque fort d'inconstitutionnalité : a fait disparaître ce paragraphe particulièrement provocateur.
Le but de cette opération " cosmétique " ne saurait pourtant être atteint. Compte tenu du libre choix dont continuent à disposer les communes entre la réalisation directe de programmes de contruction de logements sociaux et le versement de la contribution libératoire de toute obligation " en nature ", le fait que la contribution puisse désormais indifféremment financer la construction de véritables logements sociaux ou l'installation de baraques d'hébergement de fortune, voire l'équipement d'un terrain vague de prises d'eau et d'électricité, permet aux communes assujetties à l'obligation édictée par le code de la construction et de l'habitation de se libérer de tout effort de construction de logements sociaux en finançant tout autre chose.
V : En d'autres termes, même limitée à l'article 7 de la loi déférée, l'introduction des " locaux d'hébergement " et des " terrains d'accueil " dans la catégorie des " logements à usage locatif " dont la construction continue à être le but assigné par l'article L 302-6 du code au versement de la contribution n'en constitue pas moins une incontestable erreur manifeste d'appréciation de la notion de " logement social " au sens dudit code. Un " local " de fortune, et a fortiori un " terrrain " ne sauraient sans qu'une telle erreur soit caractérisée être assimilés à des " logements à usage locatif " Le critère du " logement social " retenu par l'article 7 de la loi déférée est manifestement inapproprié au but que le législateur s'est assigné, qui reste l'encouragement à la construction desdits " logements à usage locatif ".
Il est en outre tout aussi patent que l'effet, et même l'objet, de la disposition ainsi introduite dans le code de la construction et de l'habitation seront nécessairement de permettre aux communes qui souhaitent échapper à l'obligation de construire plus de logements sociaux d'imputer sur la contribution dont elles sont débitrices toute action d'hébergement, même temporaire, de " sans-abri " et même toute action d'accueil de nomades, à la seule condition de faire réaliser cette action par un organisme habilité désormais à bénéficier de cette contribution. Le législateur organise ainsi non le développement, mais la régression de l'effort de construction de logements sociaux, c'est-à-dire le recul des garanties légales du droit, constitutionnellement protégé, à des conditions minimales (sinon " convenables ") de logement.
Toute autre interprétation de la notion de " logement social " défie au même degré la bonne foi et le sens même du mot " logement ".
L'inconstitutionnalité de l'article 7 de la loi déférée est certaine.
Le caractère déterminant de cet article aux yeux de l'auteur de la proposition de loi et de tous les intervenants de la majorité qui l'a votée suffit à établir son inséparabilité de l'ensemble de la loi déférée.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que les députés soussignés ont l'honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de déclarer non conforme à celle-ci la loi qui vous est déférée et tout particulièrement son article 7.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le président, Madame et Messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.
OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT EN REPONSE A LA SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL EN DATE DU 28 DECEMBRE 1994 PAR SOIXANTE DEPUTES.
LOI RELATIVE À LA DIVERSITÉ DE L'HABITAT
Soixante députés ont déféré au Conseil constitutionnel la loi relative à la diversité de l'habitat.
L'entrée en vigueur des dispositions des articles L 302-5 et suivants du code de la construction et de l'habitation, issues de la loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991, a été repoussée à deux reprises en juillet 1992, puis en février 1994. Ces dispositions souffraient de multiples imperfections techniques que la loi relative à la diversité de l'habitat a corrigées.
La loi déférée permet la mise en uvre de ces dispositions dans des conditions raisonnables pour ceux qui auront à les appliquer, tout en conservant le principe de la diversité de l'habitat et l'ossature générale du dispositif créé par la loi d'orientation pour la ville.
Ce dispositif est le suivant :
Dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants, les communes ayant peu de logements sociaux ou de bénéficiaires d'aides personnelles au logement doivent soit s'engager à réaliser ou faire réaliser des logements sociaux, soit verser une contribution financière utilisée sous le contrôle du préfet à la réalisation de logements sociaux.
La loi relative à la diversité de l'habitat étend le domaine d'utilisation de la contribution financière :
: aux locaux d'hébergement réalisés dans le cadre du plan pour l'hébergement d'urgence des personnes sans abri prévu par l'article 21 de la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat ;
: aux terrains d'accueil réalisés dans le cadre du schéma départemental prévu par l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en uvre du droit au logement.
A cet égard, il convient de rectifier d'emblée une erreur commise par les requérants quant à l'objet de la loi déférée. Celle-ci ne traite pas du droit au logement, mais est relative à la diversité de l'habitat. On y chercherait vainement des dispositions relatives à l'accès au logement (modalités d'attribution des logements sociaux, conditions requises des intéressés pour pouvoir accéder à un logement locatif HLM, aides personnelles au logement). Le fait que la contribution financière communale, initialement destinée à apporter un financement complémentaire de celui de l'Etat à la réalisation de logements sociaux, puisse également financer, sous le contrôle du préfet, des locaux d'hébergement ou des terrains d'accueil pour les gens du voyage ne relève pas au sens strict du terme du droit au logement.
I : Sur le grief tiré d'une régression des garanties légales d'un droit au logement constitutionnellement protégé :
1. La jurisprudence dite de " l'effet cliquet " n'a pas la portée que lui prêtent les requérants.
La jurisprudence dite de l'effet " cliquet " concerne essentiellement la protection des libertés fondamentales. Elle n'est appliquée que de manière limitée et prudente dans le domaine économique et social (décision n° 93-330 DC du 29 décembre 1993 à propos des conditions d'octroi de l'allocation pour adultes handicapés).
A fortiori est-il contestable de transposer le raisonnement du " cliquet " à un " droit au logement " qui n'est pas expressément consacré par les textes constitutionnels et qui, tout au plus, pourrait être indirectement déduit des principes du Préambule de 1946 (droit à la sécurité matérielle, droit à une vie familiale normale). Il n'est pas possible d'en inférer une quelconque obligation de résultat en matière de logement qui s'imposerait au législateur.
L'interprétation donnée par les requérants de la jurisprudence du " cliquet " est erronée. Elle aboutirait, si elle était retenue, à " constitutionnaliser " des dispositions législatives à caractère technique. En réalité, il est toujours loisible au législateur " d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et qui peuvent comporter la modification et la suppression de dispositions qu'il estime excessives ou inutiles " (décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 sur la liberté de communication audiovisuelle).
2. En tout état de cause, le grief manque en fait.
Selon le principe posé par l'article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en uvre du droit au logement, " toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence, a droit à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent ou s'y maintenir ".
Or, même au regard d'une conception extensive du droit au logement, et dans l'esprit du Préambule de 1946, la loi déférée n'entraîne aucune " régression ", bien au contraire, puisqu'elle permet de mettre en uvre de nouveaux moyens en vue d'offrir un hébergement décent aux personnes sans domicile fixe et d'accueillir les gens du voyage dans des conditions convenables. Ceci paraît d'autant plus justifié lorsqu'une loi, comme c'est le cas en l'espèce, vise à rendre effective une législation difficilement applicable et non encore entrée en vigueur.
Le grief manque donc en fait et, à une époque marquée par l'impérieuse nécessité de la lutte contre l'exclusion, il est permis de rester perplexe sur la philosophie qui l'inspire.
II. : Sur le grief relatif à l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation :
En élargissant le domaine d'utilisation de la contribution financière des communes, le législateur n'a pas entendu favoriser, comme l'affirment les requérants de façon péremptoire, " la construction de baraquements du type Algeco " ou " l'installation de baraques d'hébergement de fortune, voire l'équipement d'un terrain vague de prises d'eau et d'électricité ".
En l'espèce, le législateur a fait référence :
: pour les locaux d'hébergement, au plan départemental prévu par l'article 21 de la loi n° 94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat. Ce plan prévoit la réalisation de locaux d'hébergement " présentant des conditions d'hygiène et de confort respectant la dignité humaine ". Il ne peut donc en aucun cas s'agir de baraques de chantiers. Alors qu'il n'existait auparavant aucun mode de financement de tels locaux, une ligne budgétaire de subvention a été créée pour la première fois pendant l'été 1993 par le ministère du logement. En quatorze mois, 3 826 places ont été créées grâce à ce financement ;
: pour les terrains d'accueil des gens du voyage, au schéma départemental prévu par l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en uvre du droit au logement. Qu'il s'agisse de terrains de passage ou d'aires pour séjours prolongés, tous ces terrains sont viabilisés et équipés (routes internes, assainissement, eau, électricité, sanitaires, ramassage des ordures ménagères, etc), de telle sorte que les gens du voyage y trouvent les commodités nécessaires.
En permettant d'utiliser la contribution financière, sous le contrôle du préfet et non à la discrétion de la commune, pour la création de locaux d'hébergement ou de terrains pour les gens du voyage, le législateur répond à un intérêt général évident :
: les personnes sans ressources et les sans-abri ne sont pas ou peu accueillis par les organismes d'HLM dans les logements locatifs sociaux, et il faut bien développer les places d'hébergement pour ne pas laisser ces personnes à la rue ;
: 90 000 personnes en France sont des gens du voyage, itinérants ou semi-sédentaires, utilisant 25 000 caravanes. L'effort d'aménagement à accomplir pour leur permettre un mode de vie décent est considérable car le nombre de terrains d'accueil convenablement équipés n'était en 1994 que d'environ 400, offrant 7 500 places, soit le tiers seulement des besoins, qui sont évalués à 25 000 places.
III. : Sur le grief relatif à l'incohérence de la loi :
A titre liminaire, on émettra des doutes sur la pertinence constitutionnelle d'un tel grief.
Sur le fond, il est reproché à la loi d'avoir assimilé au logement social les locaux d'hébergement et les terrains d'accueil pour les gens du voyage.
Mais il n'existe pas de définition du logement social qui s'imposerait au législateur. C'est à ce dernier qu'il appartient de définir le " logement social " ainsi que les formes d'habitat qui peuvent y être assimilées.
En l'espèce, l'assimilation opérée par la loi relative à la diversité de l'habitat ne heurte ni " la bonne foi " ni " le sens même du mot logement ", comme le prétendent les requérants, pour peu que l'on s'attache à considérer la réalité concrète des situations : les locaux d'hébergement et les terrains d'accueil pour les gens du voyage concourent à donner un " toit " à leurs destinataires. Ils ont une vocation éminemment sociale, car ils sont destinés à des populations particulièrement démunies ou ayant un mode de vie dans lequel le logement est constitué en fait d'une caravane (propriété privée) et d'un terrain d'accueil (dont l'existence relève des collectivités publiques).
Pour ces motifs, le Gouvernement demande au Conseil constitutionnel de rejeter le recours.