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13/05/2011 | CANADA | N°2011_CSC_25

Canada | Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25 (13 mai 2011)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, [2011] 2 R.C.S. 306

Date : 20110513

Dossiers : 33300, 33299, 33296, 33297

Entre :

Commissaire à l’information du Canada

Appelant

et

Ministre de la Défense nationale

Intimé

- et -

Association canadienne des libertés civiles, Association canadienne des journaux,

Ad IDEM/Canadian Media Lawyers Association et Association canadienne des journalistes

Intervenantes
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Commissaire à l’information du Canada

Appelant

et

Premier ministre du Canada

Intimé

- et -

Association canadienne des libertés...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, [2011] 2 R.C.S. 306

Date : 20110513

Dossiers : 33300, 33299, 33296, 33297

Entre :

Commissaire à l’information du Canada

Appelant

et

Ministre de la Défense nationale

Intimé

- et -

Association canadienne des libertés civiles, Association canadienne des journaux,

Ad IDEM/Canadian Media Lawyers Association et Association canadienne des journalistes

Intervenantes

Entre :

Commissaire à l’information du Canada

Appelant

et

Premier ministre du Canada

Intimé

- et -

Association canadienne des libertés civiles, Association canadienne des journaux,

Ad IDEM/Canadian Media Lawyers Association et Association canadienne des journalistes

Intervenantes

Entre :

Commissaire à l’information du Canada

Appelant

et

Ministre des Transports du Canada

Intimé

- et -

Association canadienne des libertés civiles, Association canadienne des journaux,

Ad IDEM/Canadian Media Lawyers Association et Association canadienne des journalistes

Intervenantes

Entre :

Commissaire à l’information du Canada

Appelant

et

Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada

Intimé

- et -

Association canadienne des libertés civiles, Association canadienne des journaux,

Ad IDEM/Canadian Media Lawyers Association et Association canadienne des journalistes

Intervenantes

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell

Motifs de jugement :

(par. 1 à 75)

Motifs concordants :

(par. 76 à 112)

La juge Charron (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein et Cromwell)

Le juge LeBel

Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, [2011] 2 R.C.S. 306

Commissaire à l’information du Canada Appelant

c.

Ministre de la Défense nationale Intimé

et

Association canadienne des libertés civiles, Association

canadienne des journaux, Ad IDEM/Canadian Media

Lawyers Association et Association canadienne des

journalistes Intervenantes

‑ et ‑

Commissaire à l’information du Canada Appelant

c.

Premier ministre du Canada Intimé

et

Association canadienne des libertés civiles, Association

canadienne des journaux, Ad IDEM/Canadian Media

Lawyers Association et Association canadienne des

journalistes Intervenantes

‑ et ‑

Commissaire à l’information du Canada Appelant

c.

Ministre des Transports du Canada Intimé

et

Association canadienne des libertés civiles, Association

canadienne des journaux, Ad IDEM/Canadian Media

Lawyers Association et Association canadienne des

journalistes Intervenantes

‑ et ‑

Commissaire à l’information du Canada Appelant

c.

Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada Intimé

et

Association canadienne des libertés civiles, Association

canadienne des journaux, Ad IDEM/Canadian Media

Lawyers Association et Association canadienne des

journalistes Intervenantes

Répertorié : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale)

2011 CSC 25

No du greffe : 33300, 33299, 33296, 33297.

2010 : 7 octobre; 2011 : 13 mai.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell.

en appel de la cour d’appel fédérale

POURVOIS contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (le juge en chef Richard et les juges Sexton et Sharlow), 2009 CAF 175, 393 N.R. 51, [2009] A.C.F. no 692 (QL), 2009 CarswellNat 4766, qui a confirmé en partie un jugement du juge Kelen, 2008 CF 766, [2009] 2 R.C.F. 86, 326 F.T.R. 237, 87 Admin. L.R. (4th) 1, [2008] A.C.F. no 939 (QL), 2008 CarswellNat 3718. Pourvois rejetés.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (le juge en chef Richard et les juges Sexton et Sharlow), 2009 CAF 181, 393 N.R. 54, 310 D.L.R. (4th) 748, [2009] A.C.F. no 693 (QL), 2009 CarswellNat 5640, qui a infirmé en partie un jugement du juge Kelen, 2008 CF 766, [2009] 2 R.C.F. 86, 326 F.T.R. 237, 87 Admin. L.R. (4th) 1, [2008] A.C.F. no 939 (QL), 2008 CarswellNat 3718. Pourvoi rejeté.

Jessica R. Orkin, Marlys A. Edwardh, Laurence Kearley et Diane Therrien, pour l’appelant.

Christopher Rupar, Jeffrey G. Johnston et Mandy Moore, pour les intimés.

Ryder Gilliland, pour l’intervenante l’Association canadienne des libertés civiles.

Paul Schabas, pour les intervenantes l’Association canadienne des journaux, Ad IDEM/Canadian Media Lawyers Association et l’Association canadienne des journalistes.

Version française du jugement de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell rendu par

La juge Charron —

1. Aperçu général

[1] Les présents pourvois regroupent quatre demandes présentées par la Commissaire à l’information du Canada en vue d’obtenir la révision judiciaire d’un refus de communiquer certains documents à la personne qui les avait réclamés en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1. Les documents en question, qui ont été demandés il y a une dizaine d’années, consistent de façon générale en des agendas, des notes et des courriels se rapportant aux activités du premier ministre de l’époque, Jean Chrétien, du ministre de la Défense de l’époque, Art Eggleton, et du ministre des Transports de l’époque, David Collenette.

[2] Les trois premières demandes concernent le refus de communiquer des documents qui se trouvaient respectivement au cabinet du premier ministre, au cabinet du ministre de la Défense nationale et au cabinet du ministre des Transports. Les détenteurs des documents, appelés collectivement « le gouvernement » dans les présents pourvois, soutiennent tous que leur cabinet respectif n’est pas assujetti à la Loi sur l’accès à l’information. La quatrième demande concerne le refus de communiquer les pages de l’agenda du premier ministre qui se trouvent en la possession de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») et du Bureau du Conseil privé (« BCP »). Dans cette demande, tout en admettant qu’ils sont assujettis à la Loi, les détenteurs des documents affirment toutefois que les renseignements contenus dans les documents demandés sont soustraits à la communication par application du par. 19(1) de la Loi sur l’accès à l’information, étant donné qu’ils constituent des « renseignements personnels » au sens de l’art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P‑21.

[3] En vertu de l’art. 4 de la Loi sur l’accès à l’information, l’auteur de la demande a droit à l’accès « aux documents relevant d’une institution fédérale ». Dans le cas des trois premières demandes, il est acquis aux débats que, par définition, le Bureau du Conseil privé, le ministère de la Défense nationale et le ministère des Transports sont des « institutions fédérales ». La question qui se pose est de savoir si le cabinet du ministre responsable de chacune de ces institutions fédérales fait lui aussi partie de cette institution fédérale. En d’autres termes, le cabinet du premier ministre (« CPM ») fait‑il partie du BCP? Le cabinet du ministre de la Défense nationale fait‑il partie du ministère de la Défense nationale? Et le cabinet du ministre des Transports fait‑il partie du ministère des Transports?

[4] Au terme d’une analyse fouillée, le juge Kelen de la Cour fédérale du Canada a répondu par la négative à chacune de ces questions, estimant que les entités en cause étaient distinctes (2008 CF 766, [2009] 2 R.C.F. 86). À son avis, cette conclusion ressortait à l’évidence des termes de la Loi, lorsqu’on les interprète en tenant compte du contexte de la Loi et suivant le sens ordinaire qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi et avec l’intention du législateur. Les témoignages des experts entendus au sujet des rouages du gouvernement appuyaient également cette interprétation. Il a conclu « qu’aucune considération contextuelle n’autorise la Cour à dire que le législateur voulait que le CPM soit considéré comme une partie intégrante du BCP aux fins de la Loi. Il en va de même pour les cabinets des ministres, qui ne font pas partie des institutions fédérales concernées » (par. 77). Dans un bref jugement prononcé à l’audience, la juge Sharlow, qui s’exprimait au nom de la Cour d’appel fédérale, a confirmé sur ce point l’interprétation que le juge Kelen avait faite de la Loi (2009 CAF 175 (CanLII) (« décision 1 »)), et de nouveau à 2009 CAF 181 (CanLII) (« décision 2 »).

[5] Comme les entités ministérielles ont été considérées comme distinctes, une autre question s’est posée, à savoir si les documents demandés « relevaient » de l’institution fédérale concernée au sens de l’art. 4 de la Loi sur l’accès à l’information malgré le fait qu’ils se trouvaient matériellement au cabinet du premier ministre ou à celui du ministre de la Défense nationale ou du ministre des Transports.

[6] Le juge Kelen a passé en revue la jurisprudence et a conclu qu’aucun facteur n’était à lui seul déterminant pour répondre à la question de savoir si un document relevait ou non d’une institution fédérale. Il a toutefois estimé que les facteurs pertinents pouvaient être utilement ramenés à un seul critère en deux volets, à savoir : (1) le contenu du document se rapporte‑t‑il à une affaire ministérielle? (2) L’institution fédérale en cause pourrait‑elle raisonnablement s’attendre à obtenir une copie du document sur demande? Si la réponse à ces deux questions était affirmative, le document relevait selon lui de l’institution fédérale. Le juge Kelen a tenu compte du contenu des documents et des circonstances dans lesquelles ils ont été créés et a conclu qu’aucun des documents demandés ne relevait de l’institution fédérale concernée. La Cour d’appel fédérale a accepté le critère proposé par le juge Kelen pour déterminer si un document relevait ou non d’une institution fédérale. Elle a également confirmé la décision du juge Kelen en ce qui a trait aux documents réclamés, estimant qu’il était loisible au juge Kelen d’en arriver à cette conclusion « en tirant des inférences raisonnables à partir des éléments de preuve dont il était saisi, ce qu’il a fait d’ailleurs » (décision 1, par. 9).

[7] Ainsi, les réponses que les juridictions inférieures ont données au sujet du sens des expressions « institution fédérale » et « relevant de » ont eu pour effet de trancher les trois premières demandes en faveur du gouvernement.

[8] En ce qui concerne la quatrième demande, il est acquis aux débats que la GRC et le BCP sont des institutions fédérales et que, sous réserve des exceptions prévues par la Loi sur l’accès à l’information, les documents qui relèvent de ces institutions doivent être communiqués. Bien que plusieurs exceptions aient été en litige en première instance, la question qui se pose dans le cadre du présent pourvoi est de savoir si les documents demandés constituent des « renseignements personnels » au sens du par. 19(1) de la Loi sur l’accès à l’information. Cette disposition prévoit que le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication « de documents contenant les renseignements personnels visés à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels », qui définit comme suit les « renseignements personnels » : « renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable ».

[9] Les parties s’entendent pour dire que l’agenda du premier ministre répond à la définition générale des « renseignements personnels ». L’alinéa j) de la définition de « renseignements personnels » figurant à l’art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit toutefois une exception à cette règle en soustrayant à l’application de la protection les renseignements concernant « un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions ». Cette exception semble refléter l’opinion que les cadres et employés fédéraux ont droit à une protection moins étendue lorsque les renseignements demandés concernent leur poste ou les fonctions qu’ils exercent au sein du gouvernement. C’est cette exception qui serait vraisemblablement en jeu dans la quatrième demande. La réponse à la question de la divulgation dépend de celle que l’on donne à la question de savoir si le premier ministre est un « cadre » du BCP au sens de l’al. j) de la définition de « renseignements personnels » figurant à l’art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[10] Le juge Kelen a conclu que le premier ministre était un « cadre » du BCP. Dans un jugement distinct, la Cour d’appel fédérale a infirmé sa décision, estimant que la conclusion tirée dans les appels connexes au sujet du caractère distinct du CPM par rapport au BCP s’appliquait également en l’espèce. La juge Sharlow a conclu « qu’il irait à l’encontre de l’intention du législateur d’interpréter la Loi sur la protection des renseignements personnels de manière à ce que le premier ministre soit visé par l’expression “cadre d’une institution fédérale” telle qu’employée à l’alinéa j) de la définition de “renseignements personnels” figurant à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels » (décision 2, par. 8).

[11] La Commissaire a formé un pourvoi à l’encontre du rejet de chacune des demandes. Elle exhorte la Cour à statuer qu’en tant que « responsables » d’un ministère, le premier ministre et les ministres font partie des « institutions fédérales » en question au sens de la Loi sur l’accès à l’information lorsqu’ils exercent des fonctions ministérielles. Dans le même ordre d’idées, elle plaide que le premier ministre est un « cadre » du BCP. À titre subsidiaire, la Commissaire fait valoir, pour le cas où il serait jugé que les cabinets ministériels constituent des entités distinctes, que tout document se rapportant à une affaire ministérielle est présumé « relever » de l’institution fédérale dont le ministre est responsable, indépendamment de la façon dont le document a été créé ou de l’endroit où il se trouve aux bureaux du ministère en cause. Ce document doit donc être communiqué à moins de faire l’objet d’une exception expressément prévue par la Loi.

[12] Bien que la Commissaire soulève, à l’appui de sa thèse, certaines questions spécifiques au sujet de l’interprétation donnée par les juridictions inférieures, sa thèse repose principalement sur des principes généraux de droit constitutionnel, de théorie politique, de responsabilité démocratique et de responsabilité ministérielle. Je constate, d’entrée de jeu, que ces principes s’inscrivent incontestablement dans le cadre d’application de la Loi sur l’accès à l’information. La thèse de la Commissaire évoque également une politique de gouvernance démocratique que le Parlement pourrait choisir d’adopter. Toutefois, ainsi que le juge Kelen le fait observer à juste titre dans le préambule de son jugement :

La question à laquelle la Cour doit répondre n’est pas de savoir si les documents devraient être accessibles au public au titre du droit canadien de la “liberté d’accès à l’information”, mais de savoir si les documents sont actuellement accessibles au public en vertu du droit canadien existant. La Cour ne légifère pas ni ne modifie le droit; elle interprète le droit existant (par. 3).

[13] À l’instar des juridictions inférieures, j’estime que l’interprétation proposée par la Commissaire au sujet du sens des termes « institution fédérale », « relevant de » et « cadre » ne peut être retenue suivant le libellé actuel des lois en cause. Ainsi que le gouvernement l’affirme à juste titre, une telle interprétation aurait pour effet d’élargir considérablement la portée du régime d’accès à l’information au Canada, ce qui demeure l’apanage du législateur.

[14] Je suis d’avis de rejeter les pourvois.

2. Le régime législatif

[15] Ainsi que la Cour l’a récemment affirmé : « [l]’accès à l’information détenue par les institutions publiques peut accroître la transparence du gouvernement, aider le public à se former une opinion éclairée et favoriser une société ouverte et démocratique. Certains renseignements détenus par ces institutions doivent toutefois être protégés pour empêcher une atteinte à ces mêmes principes et promouvoir une bonne gouvernance » (Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23, [2010] 1 R.C.S. 815 (la juge en chef McLachlin et la juge Abella, par. 1)). Ces principes généraux trouvent un écho dans le régime fédéral d’accès à l’information prévu par la Loi sur l’accès à l’information, dont l’objet est expressément formulé comme suit :

2. (1) La présente loi a pour objet d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

[16] La Loi reconnaît donc explicitement le « droit du public à [la] communication » des renseignements que possèdent les institutions fédérales, tout en assujettissant ce droit à des « exceptions indispensables ». Mais avant d’aborder les dispositions en cause, je tiens à décrire brièvement le régime législatif.

[17] Le droit « à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale » est prévu au par. 4(1). Ce droit général d’accès est expressément reconnu, sous réserve des autres dispositions de la Loi sur l’accès à l’information, mais prime sur « toute autre loi fédérale ». Ce qui constitue une « institution fédérale » au sens de la Loi devient un point capital dans les présents pourvois. La définition de cette expression est énoncée à l’art. 3. Nous nous y attarderons plus longuement plus loin.

[18] La première démarche à accomplir pour obtenir la communication d’un document d’une institution fédérale consiste pour le simple citoyen à en faire la demande par écrit (art. 6). Le responsable de l’institution fédérale à qui est faite la demande est tenu d’aviser par écrit la personne qui a fait la demande de ce qu’il sera donné ou non communication totale ou partielle du document dans un délai raisonnable (art. 7 à 9). En cas de refus de communication, le responsable de l’institution fédérale doit aviser l’auteur de la demande que le document n’existe pas ou préciser la disposition sur laquelle il se fonde pour en refuser la communication (par. 10(1) à (3)). De plus, l’institution fédérale doit informer l’auteur de la demande de son droit « de déposer une plainte auprès du Commissaire à l’information » (par. 10(1)).

[19] Si l’auteur de la demande choisit d’exercer son droit de porter plainte, le Commissaire est habilité à ouvrir une enquête s’il « a des motifs raisonnables de croire qu’une enquête devrait être menée sur une question relative à la demande ou à l’obtention de documents en vertu de la présente loi » (par. 30(3)). Lorsque le Commissaire ouvre une enquête, la Loi sur l’accès à l’information lui confère de vastes pouvoirs d’enquête (art. 36). Dans les cas où il conclut au bien‑fondé de la plainte, le Commissaire adresse au responsable de l’institution fédérale de qui relève le document un rapport dans lequel elle présente les conclusions de son enquête ainsi que les recommandations qu’elle juge indiquées; elle peut également demander au responsable de lui donner avis soit des mesures prises pour la mise en œuvre de ses recommandations, soit des motifs invoqués pour ne pas y donner suite (par. 37(1)).

[20] Si l’institution fédérale choisit de ne pas donner suite aux recommandations du Commissaire, la personne qui s’est vu refuser la communication du document demandé peut exercer un recours en révision de ce refus en vertu de l’art. 41 de la Loi sur l’accès à l’information. Le Commissaire peut aussi exercer lui‑même ce recours en révision avec le consentement de la personne qui avait demandé le document au départ (art. 42). C’est ce qui s’est produit en l’espèce. Le gouvernement a refusé de communiquer les renseignements demandés et l’auteur de la demande a porté plainte devant la Commissaire. À la suite de son enquête, la Commissaire a conclu au bien‑fondé de la plainte et elle a formulé des recommandations en conséquence. Le gouvernement n’a pas donné suite aux recommandations, à la suite de quoi la Commissaire a introduit les quatre présentes demandes de révision judiciaire.

3. Révision judiciaire devant les juridictions inférieures

[21] Les quatre demandes de révision judiciaire ont été réunies et ont été instruites ensemble lors d’une même audience devant la Cour fédérale. Avant d’examiner les documents en cause, le juge Kelen a arrêté la norme de contrôle appropriée conformément aux principes énoncés dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190. Suivant cet arrêt, le tribunal peut utilement vérifier en premier lieu si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, le tribunal entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle (par. 62). Le juge Kelen a mis fin à l’analyse à la première étape, après avoir estimé que l’arrêt de notre Cour dans l’affaire Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), 2003 CSC 8, [2003] 1 R.C.S. 66 (« l’arrêt GRC ») établissait de manière satisfaisante que le tribunal devait, pour l’examen des questions soulevées dans les quatre présentes demandes, appliquer la norme de la « décision correcte » (par. 36).

[22] La norme de révision judiciaire applicable au refus d’une institution fédérale de communiquer un document demandé en vertu de la Loi sur l’accès à l’information n’est pas en cause dans les présents pourvois. Le juge Kelen a conclu à bon droit que notre Cour avait tranché la question de façon péremptoire dans l’arrêt GRC. Pour arrêter la norme de contrôle appropriée, le tribunal doit discerner l’intention du législateur. Il convient en particulier de souligner que le législateur déclare explicitement au par. 2(1) de la Loi sur l’accès à l’information que celle‑ci a notamment pour objet de faire en sorte que « les décisions quant à la communication [soient] susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif ». En outre, dans le cadre de la révision judiciaire, la charge d’établir le bien‑fondé du refus de communiquer le document demandé incombe à l’institution fédérale (art. 48). Si elle conclut que la Loi n’autorise pas le responsable de l’institution fédérale à refuser la communication du document demandé, la cour peut ordonner la communication de ce document aux conditions qu’elle juge indiquées (art. 49).

[23] La décision du juge Kelen peut, à son tour, faire l’objet d’une révision en appel conformément aux principes énoncés dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 8‑9 et 31‑36. La décision du juge Kelen sur les questions d’interprétation législative est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte. Sa décision quant à savoir si les documents demandés relèvent effectivement de l’institution fédérale commande la déférence, sauf si elle est fondée sur un principe juridique erroné et si elle n’est pas entachée d’une erreur manifeste et dominante. Bien que cela ne soit pas déclaré expressément, il ressort à l’évidence des deux décisions de la Cour d’appel fédérale que la juge Sharlow a révisé la décision du juge Kelen en appliquant la bonne norme de révision en appel. Je vais examiner les décisions visées par les présents pourvois en suivant la même méthode.

4. Analyse

4.1 Première question : Les cabinets du premier ministre ou d’un ministre sont‑ils des « institutions fédérales » au sens de la Loi sur l’accès à l’information?

[24] Le paragraphe 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information est ainsi libellé :

4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

a) les citoyens canadiens;

b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[25] L’article 3 de la Loi prévoit la définition suivante :

« institution fédérale »

a) Tout ministère ou département d’État relevant du gouvernement du Canada, ou tout organisme, figurant à l’annexe I;

b) toute société d’État mère ou filiale à cent pour cent d’une telle société, au sens de l’article 83 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

[26] On trouve à l’annexe I de la Loi sur l’accès à l’information une liste des entités qui constituent des institutions fédérales au sens de la Loi. On trouve dans cette liste le BCP, le ministère de la Défense nationale, le ministère des Transports et la GRC. Toutefois, le CPM, le cabinet du ministre de la Défense nationale et le cabinet du ministre des Transports ne figurent pas expressément à l’annexe I. On trouve dans la Loi sur la protection des renseignements personnels une définition similaire de l’expression « institution fédérale ». La question qui se pose est donc de savoir si le législateur voulait que la Loi sur l’accès à l’information s’applique implicitement aux cabinets des ministres.

[27] La méthode qu’il convient d’appliquer lorsqu’il s’agit d’interpréter une loi a été énoncée à de nombreuses reprises et elle est maintenant solidement établie. Il s’agit de rechercher la volonté du législateur en lisant les termes de la disposition dans leur contexte global, en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit et l’objet de la loi. Outre ces indications générales, un tribunal peut compter sur plusieurs règles spécifiques d’interprétation comme points de repère utiles. C’est la démarche qu’a suivie le juge Kelen (par. 43‑49) pour ensuite procéder à l’analyse suivante :

- En premier lieu, le juge Kelen a examiné les témoignages de politologues au sujet des rouages de l’appareil gouvernemental afin de déterminer le sens ordinaire que les experts donnent à l’expression « institution fédérale ». Il a estimé que ces témoignages démontraient que le CPM et les cabinets des ministres concernés ne font pas partie de l’« institution fédérale » dont ils sont responsables (par. 50‑52).

- Deuxièmement, le juge Kelen a fait observer que, suivant l’art. 3 de la Loi, le ministre est le « responsable » de son ministère. Ce fait appuyait l’argument voulant que les cabinets des ministres et le CPM font partie de leurs ministères respectifs. Il a toutefois jugé que le CPM et les ministres exercent maintes autres fonctions sans rapport avec les ministères dont ils sont responsables (par. 53‑56).

- Troisièmement, il a examiné des extraits des Débats de la Chambre des communes de 1981 qui indiquaient clairement que le législateur voulait que la Loi sur l’accès à l’information s’applique à l’information, sous toutes ses formes, détenue par les institutions fédérales nommément désignées. Bien que la Commissaire admette que le législateur fédéral ne voulait pas que la Loi s’applique aux documents politiques, on ne trouve dans la Loi aucune exception ou exclusion en ce qui concerne cette catégorie de documents. Le juge Kelen a par conséquent expliqué qu’interpréter l’expression « institution fédérale » de manière à y inclure le CPM et les cabinets des ministres concernés élargirait considérablement le droit d’accès. Si le législateur avait voulu qu’il en soit ainsi, il aurait employé des mots explicites en ce sens (par. 57‑60).

- Quatrièmement, à la suite de l’adoption de la Loi sur l’accès à l’information, le Commissaire à l’information a déclaré, dans le rapport soumis au Parlement pour 1988‑1989, que les cabinets des ministres n’étaient pas assujettis aux dispositions de la Loi. Le Commissaire a repris ce point de vue en 1991, puis de nouveau en 1997. Ces interprétations initiales confirment que le bureau même du Commissaire déduisait que le législateur entendait ne pas inclure le CPM ou les cabinets des ministres dans les institutions fédérales énumérées à l’annexe I de la Loi (par. 61‑65).

- Cinquièmement, depuis que le Commissaire a invité publiquement le législateur à modifier la Loi pour préciser que le CPM et les cabinets des ministres sont assujettis à la Loi sur l’accès à l’information, le législateur a modifié la Loi à plusieurs reprises, notamment à l’occasion de l’adoption récente de la Loi fédérale sur la responsabilité, L.C. 2006, ch. 9, sans toutefois apporter la précision demandée. Bien qu’on ne puisse pas toujours déduire l’intention du législateur du silence de la loi, le silence du législateur constituait en l’espèce une preuve claire et pertinente de son intention : Société Télé‑Mobile c. Ontario, 2008 CSC 12, [2008] 1 R.C.S. 305, par. 42 (par. 66‑67).

- Sixièmement, la maxime latine d’interprétation des lois expressio unius est exclusio alterius (« la mention de l’un implique l’exclusion de l’autre ») appuie la thèse du gouvernement. Si le législateur avait voulu inclure le CPM et les cabinets des ministres dans l’annexe I, il les aurait mentionnés explicitement (par. 68).

- Septièmement, la preuve présentée au procès démontrait qu’il y avait eu depuis la Confédération de nombreux ministres sans portefeuille. Si l’on avait voulu qu’elle s’applique aux cabinets des ministres, la Loi sur l’accès à l’information ne s’appliquerait pas aux ministres sans portefeuille puisque ceux‑ci ne disposent pas d’une « institution fédérale » correspondante énumérée à l’annexe I, ce qui serait absurde (par. 69).

- Huitièmement, l’économie de la Loi donne également une idée sur la question. Il ressort des al. 21(1)a), b) et (2)b) et de l’art. 26 de la Loi sur l’accès à l’information que le législateur fait une distinction entre « institution fédérale » et « ministre ». Il faut supposer que, lorsqu’il rédige les lois, le législateur fédéral emploie les mots avec précision et avec soin. Le législateur entendait donc attribuer à ces termes des sens différents (par. 70‑73).

- Neuvièmement, la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11, fait aussi une distinction entre un « document ministériel » et un « document fédéral ». La distinction que le législateur établit entre « document fédéral » et « document ministériel » consacre la présomption d’uniformité des expressions en matière d’interprétation des lois (par. 74‑76).

[28] Au terme de son analyse, le juge Kelen affirme qu’il ressort des termes employés au par. 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information que le CPM et les cabinets ministériels en cause ne font pas partie de l’« institution fédérale » dont ils sont responsables. Autrement dit, on ne saurait considérer que le CPM fait partie du BCP, que le cabinet du ministre de la Défense nationale fait partie du ministère de la Défense nationale et que le cabinet du ministre des Transports fait partie du ministère des Transports.

[29] La Commissaire a présenté très peu d’arguments sur l’un ou l’autre des points susmentionnés. Si j’ai bien compris sa thèse, les seuls reproches précis qu’elle adresse au sujet de la méthode retenue par le juge Kelen et confirmée par la Cour d’appel fédérale sont de deux ordres. Elle affirme tout d’abord que le juge de première instance a commis une erreur en se servant des témoignages des experts comme outil d’interprétation. En second lieu, ce qui se rattache quelque peu au premier point, elle soutient que la Cour d’appel fédérale a commis une erreur en se fondant sur une « convention constitutionnelle » inexistante pour établir une distinction entre les divers cabinets ministériels et les ministères gouvernementaux respectifs auxquels ces cabinets correspondent. Je vais donc examiner spécifiquement ces deux moyens.

4.1.1 Recours à des témoignages d’experts

[30] Après avoir énoncé les principes d’interprétation législative applicables, le juge Kelen s’est brièvement arrêté sur le témoignage donné par des « experts de l’appareil gouvernemental » (par. 50). Il a notamment examiné le témoignage de M. Nicholas d’Ombrain et celui du juge John Gomery, en plus d’examiner les propos de M. Robert Gordon Robertson, greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet de 1963 à 1975, rapportés par M. d’Ombrain. Le juge Kelen résume comme suit l’essentiel de ces témoignages, aux par. 50-51 :

Les deux entités travaillent en étroite collaboration dans certains dossiers, mais le CPM est chargé de nombreuses affaires qui ne concernent pas le BCP. Il en va de même de la relation entre le cabinet d’un ministre et le ministère que dirige ce même ministre.

Par conséquent, la preuve démontre que, selon le sens ordinaire des mots employés au paragraphe 4(1) de la Loi, le CPM et les cabinets des ministres ne font pas partie de l’« institution fédérale » dont ils sont responsables.

[31] La Commissaire affirme qu’en se fondant sur le témoignage de ces experts pour interpréter la Loi sur l’accès à l’information, le juge a commis une erreur de droit. Elle maintient qu’il convenait parfaitement que le Commissariat tienne compte du témoignage de politologues à l’étape de l’enquête, mais qu’un témoignage d’opinion n’est pas admissible en justice pour faire la preuve du sens courant des termes de la loi, [traduction] « étant donné que l’interprétation et l’articulation du droit interne se situent au cœur même de la fonction juridictionnelle » (m.a., par. 110). Elle soutient que cette façon de procéder permet d’affirmer que les deux juridictions inférieures « ont considéré la question centrale de la portée d’une “institution fédérale” comme une question de fait devant être jugée principalement, voire totalement, à la lumière de témoignages d’experts » (par. 112). Elle ajoute que les juridictions inférieures « n’ont jamais cherché à préciser ce que la notion d’“institution fédérale” englobait en droit » et qu’elles se sont plutôt contentées d’accepter « l’assertion qu’un cabinet ministériel est distinct du ministère dont le ministre est responsable » (par. 112).

[32] En réponse, le gouvernement fait tout d’abord observer que la thèse de la Commissaire sur ce point est [traduction] « d’autant plus curieuse » que, pour appuyer ses recommandations, la Commissaire a utilisé abondamment les témoignages d’experts recueillis par le Commissariat à l’information en vue de l’enquête de la Commissaire et qu’elle les a ensuite versés au dossier soumis à la Cour fédérale (m.i., par. 103). En tout état de cause, le gouvernement affirme que l’on peut régulièrement utiliser les témoignages des experts pour faciliter l’interprétation afin de discerner le sens courant des termes employés par le législateur lorsque ces témoignages sont pertinents et fiables : Francis c. Baker, [1999] 3 R.C.S. 250, par. 35; et Bristol‑Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 26, [2005] 1 R.C.S. 533, par. 47. Il ressort par ailleurs des motifs du juge Kelen que les témoignages d’experts ont joué un rôle limité dans son analyse. Contrairement à ce qu’on a affirmé, le juge Kelen ne s’est fondé sur aucune opinion d’expert pour déterminer le sens des termes employés par le législateur, puisque les témoins n’ont formulé aucune opinion en ce sens. Il a plutôt tenu compte de ces témoignages pour situer l’exercice d’interprétation dans son contexte, une méthode que la Cour d’appel fédérale a eu raison de confirmer par la suite.

[33] Je suis d’accord avec le gouvernement. Aucune objection n’a été soulevée au sujet de ces témoignages en première instance, ce qui à mon avis n’a rien d’étonnant, puisqu’il était parfaitement acceptable de tenir compte de ces témoignages d’experts dans le contexte des présentes demandes. Il ressort également de ses motifs que le juge Kelen a simplement recouru aux témoignages d’experts présentés par les deux parties pour mieux comprendre les rouages du gouvernement et pour être en mesure de situer son interprétation de la Loi sur l’accès à l’information dans le bon contexte. Par ailleurs, l’analyse méticuleuse que le juge Kelen a faite des règles de droit infirme tout argument qu’il [traduction] « considér[ait] la question centrale de la portée d’une “institution fédérale” comme une question de fait » (m.a., par. 112). Ses motifs démontrent plutôt qu’il a procédé à une analyse approfondie du texte, en se guidant sur des principes bien établis d’interprétation des lois. L’argument de la Commissaire au sujet du présumé mauvais usage qui a été fait des témoignages d’experts est mal fondé à mon avis.

4.1.2 Présumé recours à une convention constitutionnelle inexistante

[34] Dans le même ordre d’idées, la Commissaire s’oppose à la conclusion de la juge Sharlow selon laquelle la distinction qui existe entre le cabinet d’un ministre et le ministère correspondant repose sur une « convention bien établie » (décision 1, par. 7; décision 2, par. 7). La Commissaire axe une partie importante de son argumentation sur les critères légaux régissant l’existence d’une convention constitutionnelle et elle adopte le point de vue qu’aucun de ces critères n’a été respecté en l’espèce. Elle soutient par conséquent que cette expression démontre que la Cour d’appel fédérale [traduction] « a accordé par erreur une valeur constitutionnelle à un usage contesté, mal défini et qui n’est pas suivi de façon constante » (m.a., par. 116).

[35] Le gouvernement rétorque que la Commissaire n’emploie le terme « convention » dans les documents qu’elle a soumis aux juridictions inférieures que pour évoquer une compréhension du rôle et des attributions des ministres et des institutions fédérales. Le gouvernement ajoute, dans le même ordre d’idées, qu’il ressort clairement du contexte que, lorsqu’elle emploie l’expression « convention bien établie », la juge Sharlow fait simplement allusion aux rouages ou aux « conventions » régissant le fonctionnement du gouvernement.

[36] J’abonde là encore dans le sens du gouvernement. Je ne trouve rien au dossier qui appuie l’idée que la juge Sharlow faisait effectivement allusion à des conventions constitutionnelles au sens juridique de cette expression.

4.1.3 Approche « fonctionnelle » préconisée par la Commissaire à l’information

[37] Hormis les griefs précis déjà mentionnés en ce qui a trait au recours à des témoignages d’experts et à des « conventions » gouvernementales, la thèse de la Commissaire repose principalement sur des principes généraux de droit constitutionnel, de théorie politique, de responsabilité démocratique et de responsabilité ministérielle. La Commissaire disserte longuement sur ces principes et affirme que [traduction] « le législateur entendait que le droit d’accès et le mécanisme créés par [la Loi sur l’accès à l’information] soient intégrés dans ces principes juridiques » et « qu’ils servent de mécanisme supplétif pour assurer que le pouvoir exécutif rende compte de la façon dont il exerce ses pouvoirs » (m.a., par. 102). La Commissaire exhorte par conséquent la Cour à adopter dans son analyse une « approche fonctionnelle » de manière à tracer une ligne de démarcation entre, d’une part, les fonctions ministérielles du ministre et, d’autre part, ses fonctions non ministérielles. Elle explique dans son mémoire qu’[traduction] « il est facile de transposer cette analyse à l’économie » de la Loi sur l’accès à l’information pour ce qui est du cabinet ministériel en litige de la manière suivante (m.a., par. 150) :

[traduction] . . . un document est assujetti à [la Loi sur l’accès à l’information] indépendamment de son aspect physique ou du lieu où il se trouve, s’il a été créé par le ministre ou en son nom pour documenter l’exercice que le ministre fait de ses attributions ministérielles ou pour donner effet à cet exercice, ou s’il s’en remet directement au personnel ministériel pour exercer les attributions du ministre. En revanche, un document échappe à l’application de la [Loi sur l’accès à l’information] s’il est créé par le ministre ou par des membres de son personnel exonéré à des fins non politiques ou non ministérielles. De même, si le ministre ou le personnel exonéré reçoit des renseignements du personnel ministériel et crée ensuite d’autres documents à des fins politiques ou non ministérielles, ces nouveaux renseignements ne sont pas assujettis à [la Loi sur l’accès à l’information].

[38] La Commissaire plaide qu’on pourrait adopter une analyse similaire dans le cas des ministres d’État [traduction] « [d]ans la mesure où un ministre d’État exerce les attributions d’un ministère » de même que « dans le cas des institutions fédérales autres que les ministères qui relèvent des responsabilités rattachées au portefeuille d’un ministre (ou ministre d’État) déterminé » (m.a., par. 152-153).

[39] Le gouvernement affirme que l’approche « fonctionnelle » préconisée par la Commissaire vide à toutes fins utiles de son sens la liste des institutions énumérées à l’annexe I. La Commissaire axe entièrement son approche sur la nature et le contenu du document, confondant ainsi la question de la définition d’« institution fédérale » avec celle de savoir comment on s’y prend pour déterminer de quelle entité « relève » un document précis. Qui plus est, bien que la Commissaire reconnaisse que les documents politiques ou non ministériels échappent à l’obligation de communication prévue par la Loi, cette Loi ne prévoit pas d’exceptions dans le cas de ces documents. La tentative que fait la Commissaire pour combler cette lacune en incorporant conceptuellement dans la Loi une définition fonctionnelle de l’expression « institution fédérale » [traduction] « va bien au‑delà de tout concept d’interprétation des lois reconnu par notre Cour ou par toute autre juridiction » (m.i., par. 129).

[40] J’abonde dans le sens du gouvernement. Aucun des principes généraux cités par la Commissaire n’est controversé dans les présents pourvois. À mon humble avis, ces principes ne sont pas non plus particulièrement utiles pour trancher les questions d’interprétation des lois en cause. Par exemple, la Commissaire table fortement sur le fait que la Loi sur l’accès à l’information a été qualifiée de loi quasi constitutionnelle (voir l’arrêt Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 R.C.S. 773, dans lequel la Cour a reconnu un statut de loi quasi constitutionnelle à la Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985, ch. 31 (4e suppl.), et à la Loi sur la protection des renseignements personnels (par. 23‑25)). Elle affirme que l’objet de la Loi acquiert de ce fait une importance capitale lorsqu’il s’agit d’interpréter la Loi et que celle‑ci devrait être interprétée d’une manière libérale pour mieux promouvoir les principes de gouvernement responsable et de responsabilité démocratique. Bien que je sois d’accord avec l’appelante pour dire que la Loi sur l’accès à l’information peut être considérée comme une loi de nature quasi constitutionnelle — ce qui fait ressortir l’importance de son objet — , j’estime que cette qualification ne change en rien les principes généraux d’interprétation des lois. Le problème fondamental que comporte la méthode d’interprétation de l’expression « institution fédérale » que préconise la Commissaire réside dans le fait qu’elle évite de citer directement la disposition législative en cause. La Cour ne peut faire fi des termes que le législateur a effectivement employés et récrire le texte de loi en fonction de sa propre opinion sur la façon dont l’objet de la loi pourrait être mieux favorisé.

[41] Il importe de se rappeler qu’à l’art. 2 de la Loi, le législateur reconnaît, dans l’énoncé de l’objet de la Loi, que les exceptions au droit du public à la communication sont « indispensables ». Par exemple, à l’art. 21, le législateur reconnaît le besoin qu’ont les ministres de solliciter et de recevoir des avis confidentiels de sorte que les documents d’une institution fédérale qui contiennent de tels avis sont soustraits à la communication, à la discrétion du responsable de l’institution. Les avis qui sont fournis à un ministre peuvent provenir de diverses sources et peuvent concerner une vaste gamme de questions, notamment des questions se rapportant au ministère dont le ministre est responsable. Certaines de ces questions peuvent revêtir une dimension politique et d’autres, non. Dans la même veine, la raison de principe qui justifie d’exclure complètement le cabinet d’un ministre de la définition d’« institution fédérale » peut résider dans la nécessité de prévoir un espace privé où il est possible de débattre ouvertement et franchement de certaines questions. Comme le soutient à juste titre le gouvernement, [traduction] « ce n’est pas le contenu précis des documents, mais bien le processus permettant de traiter divers types de renseignements, y compris ceux qui comportent des considérations politiques », que le législateur a cherché à protéger en s’abstenant d’élargir le droit d’accès au cabinet d’un ministre (m.i., par. 82). Bien entendu, certains documents se trouvant au cabinet d’un ministre n’échappent pas à la portée de la Loi. Comme nous le verrons, un document « relevant de » l’institution fédérale concernée ou de toute autre institution fédérale est sujet à divulgation même s’il se trouve physiquement à l’intérieur du cabinet d’un ministre.

[42] L’approche fonctionnelle préconisée par la Commissaire crée non seulement le problème déjà évoqué par le juge Kelen, en l’occurrence le fait que certains ministres seraient assujettis à la Loi alors que d’autres ne le seraient pas, mais elle méconnaît aussi les difficultés pratiques engendrées par l’exclusion des renseignements politiques alors que la Loi ne prévoit aucune catégorie de ce genre. Si le cabinet d’un ministre constitue une institution fédérale, tous les documents qui en relèvent devraient être communiqués conformément à la Loi, sauf s’ils sont expressément exemptés ou exclus par la Loi. L’idée d’exclure les documents « politiques » en se fondant sur l’analyse de leur contenu est plus facile à évoquer qu’à réaliser. Ainsi que le gouvernement le signale, [traduction] « les documents qui se trouvent au cabinet du ministre ne sont pas soigneusement classés en piles portant la claire mention “politique”, “électeurs” et “affaires ministérielles”. L’entrelacement de ces questions et de ces faits confère un caractère unique au cabinet du ministre. La solution simpliste consistant à “exclure” les documents politiques n’est pas réaliste » (m.i., par. 88).

[43] Le législateur aurait bien sûr pu opter pour un régime d’accès à l’information différent. Mais ce n’est pas ce qu’il a fait. L’analyse interprétative du juge Kelen n’est entachée d’aucune erreur. Le sens de l’expression « institution fédérale » est clair. À mon avis, c’est à bon droit que les juridictions inférieures ont conclu qu’aucune considération d’ordre contextuel ne justifie la Cour de penser que le législateur voulait que les cabinets ministériels soient inclus dans la définition de l’expression « institution fédérale ». Je ne retiendrais donc pas ce moyen d’appel.

4.2 Deuxième question : Les documents demandés « relèvent »‑ils de l’institution fédérale concernée au sens de l’art. 4 de la Loi sur l’accès à l’information malgré le fait qu’ils se trouvent matériellement dans les cabinets ministériels en question?

[44] Vu ma conclusion sur la première question, il s’agit maintenant de savoir si les documents demandés qui se trouvent dans les cabinets ministériels en question « relèvent » malgré tout de l’institution fédérale concernée au sens du par. 4(1) de la Loi. Le juge Kelen a répondu par la négative à cette question, et la Cour d’appel fédérale a confirmé sa décision. La Commissaire se pourvoit contre cette conclusion.

[45] Aucun des arguments de la Commissaire ne porte sur les conclusions de fait tirées par le juge Kelen au sujet des documents demandés. Le succès du pourvoi de la Commissaire sur ce point dépend plutôt de la réponse à la question de savoir si la Cour accepte le critère qu’elle propose pour déterminer si un document « relève » d’une institution fédérale au sens de la Loi et doit de ce fait être communiqué. Comme je vais l’expliquer, le critère proposé par la Commissaire pour déterminer si un document « relève » d’une institution fédérale est entièrement axé sur la fonction ou le contenu du document et correspond essentiellement au critère qu’elle propose pour définir une « institution fédérale ». En conséquence, en grande partie pour les motifs déjà exposés, l’interprétation que la Commissaire donne de l’expression « relevant de » ne peut être retenue parce qu’elle ne trouve aucun appui dans le libellé de la Loi.

[46] Je vais d’abord examiner le critère adopté par les juridictions inférieures au sujet de la notion véhiculée par l’expression « relevant de ».

[47] L’expression « relevant de » n’est pas définie dans la Loi. Les tribunaux se sont penchés sur sa signification dans plusieurs affaires et le juge Kelen a puisé dans cette jurisprudence pour trouver des pistes de solution. Il a notamment examiné les décisions suivantes : Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 3 C.F. 320 (1re inst.); Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1995] 2 C.F. 110 (C.A.); Canada (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada) c. Canada (Conseil canadien des relations du travail), 2000 CanLII 15487 (C.A.F.); Rubin c. Canada (Ministre des Affaires étrangères et du Commerce international), 2001 CFPI 440 (CanLII); Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l’information), 2001 CAF 25, 268 N.R. 328, et Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2004 CAF 286 (CanLII). Le juge Kelen a dégagé de cette jurisprudence un certain nombre de principes, que je vais paraphraser comme suit.

[48] L’expression « relevant de » n’est pas définie dans la Loi. Il convient donc de lui donner son sens ordinaire ou le plus répandu. Par ailleurs, pour conférer un droit d’accès efficace aux documents de l’administration fédérale, il convient d’interpréter cette expression de façon libérale et généreuse. Le législateur aurait pu, s’il l’avait voulu, limiter cette notion au pouvoir de « disposer » des documents en question, c’est‑à‑dire au pouvoir de s’en débarrasser. Or, il ne l’a pas fait. Pour savoir si des documents « relèvent d’une institution fédérale », les tribunaux se sont demandé s’ils en relèvent de façon « ultime » ou « immédiate », « complète » ou « partielle », « temporaire » ou « permanente » ou encore « de jure » ou « de facto ». L’expression doit être interprétée de la manière la plus large possible, mais elle ne saurait être étendue plus que de raison. Les tribunaux peuvent déterminer le sens d’une expression comme « relevant de » avec l’aide de dictionnaires. Le Grand Robert de la langue française (version électronique) définit « relever de » comme suit : « (Choses). Être du ressort de . . . (ressortir), dépendre de . . . (en parlant d’un fait). » Le Canadian Oxford Dictionary définit comme suit le terme anglais « control » employé dans la version anglaise de la Loi : [traduction] . . . pouvoir de diriger, autorité (relevant de) (2001, p. 307). Dans la présente affaire, l’expression « relevant de » signifie qu’un haut fonctionnaire de l’institution fédérale en cause (autre que le ministre) exerce un certain pouvoir de direction ou une autorité à l’égard d’un document, même si ce n’est qu’un pouvoir « partiel », « temporaire » ou « de facto ». Le contenu des documents et les circonstances dans lesquelles ils ont été établis permettront de dire s’ils relèvent d’une institution fédérale pour les besoins de leur communication aux termes de la Loi (par. 91‑95).

[49] Pour appliquer ces principes aux documents en litige, le juge Kelen a articulé le critère suivant, au par. 93 :

Après examen, si le contenu d’un document en la possession du CPM, du cabinet du ministre de la Défense nationale ou du cabinet du ministre des Transports se rapporte à une affaire ministérielle, et si les circonstances dans lesquelles le document a été créé montrent que le sous‑ministre ou les autres hauts fonctionnaires du ministère pourraient demander et obtenir une copie de ce document pour traiter l’affaire, la Cour est d’avis que ce document relève de l’institution fédérale. [Soulignement omis.]

[50] La Cour d’appel fédérale a accepté ce critère en précisant que, dans le contexte des présentes affaires dans lesquelles l’institution n’a pas le document en sa possession matérielle, le document relèvera quand même de l’institution fédérale si l’on répond par l’affirmative aux deux questions suivantes : (1) Le contenu du document se rapporte‑t‑il à une affaire ministérielle? (2) L’institution fédérale pourrait‑elle raisonnablement s’attendre à obtenir une copie du document sur demande? (décision 1, par. 8‑9).

[51] Si je comprends bien ses arguments, la Commissaire ne s’oppose à aucun des principes que le juge Kelen a dégagés de son examen de la jurisprudence pertinente. Elle les fait d’ailleurs essentiellement siens dans son mémoire au par. 168 et c’est à raison qu’elle le fait. Ces principes devraient guider l’analyse. Son grief porte plutôt sur la façon dont ces principes ont été exprimés dans l’analyse en deux étapes décrite précédemment. Elle affirme que les juridictions inférieures ont commis une erreur de droit en réduisant l’analyse juridique de l’expression « relevant de » à deux questions factuelles apparemment simples : celle de savoir si le document se rapporte à une affaire ministérielle, et celle de savoir si des cadres supérieurs du ministère pourraient obtenir copie du document sur demande. Elle soutient que ces indices factuels peuvent être trop aisément manipulés par un représentant du gouvernement pour éviter de communiquer des documents qui devraient valablement l’être aux termes de la Loi. Elle prétend en particulier que le [traduction] « mécanisme de la “demande” hypothétique » prévu par le second volet du critère est faible et inacceptable « parce qu’il repose de façon inadmissible sur des usages du passé et sur des attentes actuelles plutôt que sur les rapports juridiques en cause » (m.a., par. 169). Autrement dit, elle fait valoir que si notre Cour retient le critère de la notion véhiculée par l’expression « relevant de » que les juridictions inférieures ont formulé, le cabinet du ministre peut effectivement devenir une sorte d’« oubliette » permettant la mise au secret de certains documents délicats qui devraient être communiqués sur demande aux termes de la Loi sur l’accès à l’information (m.a., par. 162).

[52] Je suis d’accord avec la Commissaire pour dire que l’on aurait tort d’interpréter l’expression « relevant de » d’une manière qui permettrait aux représentants du gouvernement de transformer le cabinet du ministre en une « oubliette » permettant de mettre à l’abri des documents délicats que l’on devrait autrement communiquer à l’auteur de la demande pour respecter la Loi. Toutefois, ainsi que je vais l’expliquer, je ne suis pas persuadée que les juridictions inférieures ont commis l’erreur que la Commissaire leur reproche. Le grief que la Commissaire articule en ce qui concerne ce moyen d’appel repose essentiellement sur la même critique que celle qu’elle formule à l’appui de son premier moyen relativement à la distinction institutionnelle entre le ministre et le ministère dont il est responsable. Cette similitude ressort à l’évidence du critère qu’elle propose à titre subsidiaire. Pour contrer le problème de l’« oubliette », la Commissaire exhorte la Cour à juger que tout document se trouvant au cabinet d’un ministre relève de l’institution fédérale correspondante dès lors que les deux conditions suivantes sont réunies :

[traduction]

a) le document a été obtenu ou créé par le ministre ou en son nom;

b) le document traite de l’exercice que le ministre fait de ses attributions ministérielles ou donne effet à cet exercice, ou s’en remet directement au personnel ministériel pour exercer les attributions du ministre. [m.a., par. 172]

[53] Ainsi que le gouvernement rétorque à juste titre, le critère que propose la Commissaire au sujet de la notion véhiculée par l’expression « relevant de » a pour effet d’écarter la nécessité de tenir compte de la définition de l’expression « institution fédérale ». Ainsi que le gouvernement l’explique dans son mémoire : [traduction] « Si c’est son rôle ou son contenu qui détermine si un document relève ou non d’une institution fédérale, il est alors indifférent qu’il se trouve dans une institution fédérale ou au cabinet d’un ministre, puisqu’il s’agit de la même entité lorsqu’il s’agit de savoir de qui ce document “relève” » (m.i., par. 179). Je suis du même avis. Une décision sur la question de savoir de qui relève un document qui reposerait presque exclusivement sur le contenu du document aurait pour effet d’élargir la portée de la Loi en y englobant le cabinet des ministres alors que, comme nous l’avons déjà vu, le législateur a choisi de soustraire les cabinets des ministres à l’application de la Loi.

[54] Par ailleurs, l’argument qu’avance la Commissaire au sujet des lacunes que comporterait le critère de la notion véhiculée par l’expression « relevant de » qui a été élaboré par les juridictions inférieures, et notamment par la Cour d’appel fédérale, présuppose que le fait que ce critère a été scindé en deux volets n’est pas censé rendre pleinement compte des principes sur le fondement desquels il a été élaboré. Selon mon interprétation, les jugements des juridictions inférieures n’ont pas cet effet. Ainsi que le juge Kelen l’a bien précisé, l’expression « relevant de » doit être interprétée d’une manière large et libérale pour assurer un droit d’accès efficace aux documents de l’administration fédérale. Bien que la possession matérielle du document joue de toute évidence un rôle important dans chaque cas, elle ne constitue pas un facteur déterminant sur la réponse à la question de savoir de qui ce document relève. Ce n’est donc pas parce que le document demandé se trouve au cabinet du ministre que l’analyse s’arrête là. Le cabinet du ministre ne devient pas l’« oubliette » où les documents sont relégués comme on l’a prétendu. C’est en fait à ce point qu’il convient d’entamer l’analyse en deux étapes. Si l’institution fédérale n’a pas la possession matérielle des documents demandés, l’analyse procède de la façon suivante.

[55] La première étape de ce critère se veut un mécanisme de tamisage utile. À cette étape, on se demande si le document se rapporte à une affaire ministérielle. Si tel n’est pas le cas, on ne pousse pas l’analyse plus loin. La Commissaire reconnaît que la Loi sur l’accès à l’information ne vise pas à englober les affaires non ministérielles se trouvant en la possession des ministres fédéraux. Si le document demandé se rapporte à une affaire ministérielle, l’analyse se poursuit pour déterminer s’il relève ou non de l’institution fédérale.

[56] À la seconde étape, il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents pour déterminer si l’institution fédérale pourrait raisonnablement s’attendre à obtenir une copie du document sur demande. Parmi ces facteurs, mentionnons la teneur réelle du document, les circonstances dans lesquelles il a été créé et les rapports juridiques qu’entretiennent l’institution fédérale et le détenteur du document. La Commissaire a raison de dire qu’on ne peut s’attendre à obtenir une copie du document en se fondant [traduction] « sur des usages du passé et sur des attentes actuelles » sans lien avec la nature et le contenu du document, sur les rapports juridiques qui existent effectivement entre l’institution fédérale et le détenteur du document ou sur des pratiques visant à se dérober à l’application de la Loi sur l’accès à l’information (m.a., par. 169). Le critère de l’attente raisonnable est objectif. Si, compte tenu de tous les facteurs pertinents, le cadre supérieur de l’institution fédérale devrait raisonnablement être en mesure d’obtenir une copie du document, le critère est satisfait et le document doit être communiqué, à moins qu’il ne soit assujetti à une exemption spécifique prévue par la loi. Pour l’application du critère, le mot « pourrait » doit être interprété dans le même sens.

[57] Mon collègue le juge LeBel souscrit à ce critère de la notion véhiculée par l’expression « relevant de », mais il s’inscrit en faux contre le fait de créer « implicitement une présomption qui priverait le public de tout droit d’accès aux documents se trouvant au cabinet d’un ministre » (par. 76). En toute déférence, sa crainte repose sur une mauvaise interprétation des présents motifs. Il n’existe aucune présomption d’inaccessibilité. Comme le fait remarquer à bon droit le juge LeBel au par. 91 :

Bien que les cabinets des ministres soient autonomes et différents des institutions fédérales, cette considération n’empêche pas un document qui ne se trouve pas dans les locaux d’une institution fédérale de relever de cette dernière. Si un document conservé au cabinet d’un ministre relève d’une institution fédérale, la Loi s’applique à ce document. En pareil cas, le responsable doit faciliter l’accès au document conformément à la procédure et aux limites prescrites par la Loi.

[58] Je suis d’accord sur ce point. À l’inverse, un document relevant du cabinet d’un ministre mais non de l’institution fédérale concernée ou de toute autre institution fédérale ne tombe pas sous le coup de la Loi sur l’accès à l’information. Si l’on considère que cette règle crée, dans les faits, une « présomption d’inaccessibilité » ou, subsidiairement, une exemption implicite applicable aux documents politiques, j’estime en toute déférence que cette règle découle inévitablement du fait que les cabinets des ministres ne sont pas des institutions fédérales au sens de la Loi, une conclusion à laquelle souscrit le juge LeBel.

[59] En conséquence, une application appropriée du critère articulé par les juridictions inférieures ne conduit pas à une mise au secret générale des documents se trouvant dans les cabinets ministériels. Le critère est plutôt conçu de manière à éviter ce problème. Qui plus est, ainsi que le gouvernement le fait observer avec raison, le législateur a prévu des dispositions d’enquête solides pour éviter toute tentative délibérée d’entraver le droit d’accès des citoyens. Mon collègue passe en revue certains de ces pouvoirs d’enquête. Comme il le souligne, le pouvoir légal du Commissaire de pénétrer dans les locaux d’une « institution fédérale » ne lui permettrait certes pas d’entrer dans le cabinet d’un ministre. Mais là encore, il me semble que cette règle découle inévitablement de la portée limitée du terme « institution fédérale », et qu’on doit présumer que telle était l’intention du législateur. Je ne suis pas d’accord avec mon collègue pour dire que cette restriction des pouvoirs du Commissaire laisse bel et bien le ministre, en qualité de responsable de l’institution fédérale, décider en dernier ressort si un document donné relève de cette institution (par. 109). Le Commissaire dispose de pouvoirs d’enquête considérables, notamment celui d’« assigner et de contraindre des témoins », y compris des ministres, « à comparaître devant lui, à déposer verbalement ou par écrit sous la foi du serment et à produire les pièces qu’il juge indispensables pour instruire et examiner à fond les plaintes dont il est saisi, de la même façon et dans la même mesure qu’une cour supérieure d’archives » : al. 36(1)a). De plus, à titre de garantie supplémentaire, tout refus de communication des documents demandés peut faire l’objet d’un examen judiciaire indépendant selon la norme de la décision correcte.

[60] Je suis donc d’accord avec la Cour d’appel fédérale pour dire que les deux questions posées par le juge Kelen permettaient de déterminer si les documents réclamés dans les trois demandes en litige relevaient d’une institution fédérale. Il ressort également de son analyse détaillée que le juge Kelen a tenu compte de tous les facteurs pertinents de façon objective comme nous l’avons déjà vu. Appliquant ce critère aux documents qui lui étaient soumis, le juge Kelen a conclu qu’aucun des documents demandés ne relevait d’une institution fédérale. En bref, il a tranché les trois premières demandes sur le fondement suivant.

[61] En premier lieu, le juge Kelen a conclu que les agendas du premier ministre ne relevaient pas du BCP. Les agendas avaient été créés par des membres du personnel exonéré du premier ministre et ils demeuraient toujours en la possession du premier ministre ou de son personnel exonéré. Aucune « institution fédérale » n’avait la possession matérielle des documents ou le droit de les obtenir.

[62] Deuxièmement, les copies abrégées ou non abrégées des agendas du ministre des Transports ne relevaient pas d’une institution fédérale. Les agendas originaux demeuraient toujours en la possession du cabinet du ministre et ils n’étaient communiqués ni au sous‑ministre ni à personne d’autre au sein de l’institution fédérale. Les agendas abrégés se trouvaient en la possession de l’institution fédérale pour une période de temps limitée, mais ils n’étaient pas conservés après la date en cause et personne ne s’attendait à ce que le cabinet du ministre communique les agendas une seconde fois.

[63] Troisièmement, les blocs‑notes détenus par le cabinet du ministre de la Défense nationale ne relevaient pas du ministère de la Défense nationale. Ils étaient créés et conservés par le personnel exonéré pour son usage personnel et ils n’auraient pas été communiqués aux fonctionnaires du gouvernement. Même si le ministre comptait sur son personnel exonéré pour prendre des notes lors des rencontres, il ne consultait jamais lui‑même ces notes. Les courriels ne relevaient pas non plus du ministère de la Défense nationale. Ils ne renfermaient pas de renseignements de fond portant sur des affaires ministérielles.

[64] Comme nous l’avons déjà précisé, la Commissaire n’invoque pratiquement aucun argument au sujet des conclusions de fait tirées par le juge Kelen. Je suis d’accord avec la Cour d’appel fédérale pour dire que, compte tenu du dossier, il était loisible au juge Kelen de tirer les conclusions auxquelles il en est arrivé sur la question de savoir si les documents relevaient ou non d’une institution fédérale. J’estime également qu’il y a lieu de faire preuve de déférence envers ces conclusions.

[65] Je ne retiendrais pas le second moyen d’appel en ce qui concerne la question de savoir si les documents relevaient ou non d’une institution fédérale. En conséquence, je suis d’avis de rejeter avec dépens les pourvois formés par la Commissaire sur les trois premières demandes.

[66] Sur la quatrième demande, il est acquis aux débats que les agendas du premier ministre qui se trouvaient en la possession de la GRC et du BCP relevaient d’une « institution fédérale » au sens de la Loi sur l’accès à l’information. Ce qui nous amène donc à la dernière question à trancher.

4.3 Troisième question : Les agendas en cause du premier ministre sont‑ils soustraits à la communication en vertu de l’art. 19 de la Loi sur l’accès à l’information et de l’al. j) de la définition de « renseignements personnels » figurant à l’art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels?

[67] La définition d’« institution fédérale » est la même dans la Loi sur l’accès à l’information et dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. La GRC et le BCP sont expressément nommés à l’annexe I et ils constituent donc des institutions fédérales. Les documents relevant de la GRC et du BCP doivent donc être communiqués, sous réserve de certaines exceptions prévues par la Loi. Le paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès à l’information prévoit que le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents « contenant les renseignements personnels visés à l’article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ». L’alinéa j) de la définition de « renseignements personnels » figurant à l’art. 3 de cette dernière Loi prévoit toutefois une exception en permettant la communication de renseignements personnels qui concernent « un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale » et qui portent « sur son poste ou ses fonctions ». Bref, l’exception prévue à cet alinéa joue si le premier ministre est un « cadre [. . .] d’une institution fédérale », auquel cas les passages de l’agenda du premier ministre qui portent sur son poste doivent être communiqués.

[68] Sous le régime des deux lois en question, le « responsable » d’une institution fédérale comprend « [l]e membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada sous l’autorité duquel est placé un ministère ou un département d’État ». Le premier ministre est le responsable du BCP au sens de cette définition. Le terme « cadre » n’est cependant pas défini. La question qui se pose est celle de savoir si le premier ministre, en tant que « responsable » d’une institution fédérale, est également un « cadre » de cette institution.

[69] Le juge Kelen a répondu par l’affirmative à cette question. Pour en arriver à cette conclusion, il s’est fondé sur la définition de l’expression « fonctionnaire public » que l’on trouve dans la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F‑11, art. 2, en l’occurrence : « Ministre ou toute autre personne employée dans l’administration publique fédérale ». Il s’est également fondé sur la définition de « fonctionnaire public » de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21, art. 2, en l’occurrence : « Agent de l’administration publique fédérale dont les pouvoirs ou obligations sont prévus par un texte » (par. 107).

[70] La Cour d’appel fédérale a infirmé cette conclusion en jugeant que le juge Kelen « a commis une erreur de droit en important dans la Loi sur la protection des renseignements personnels la définition de “fonctionnaire public” de lois portant sur des sujets différents et qui emploient cette expression dans des contextes différents » (décision 2, par. 5). À son avis, « [l]a rédaction de la Loi sur la protection des renseignements personnels aurait été inspirée en partie de cette même compréhension [retenue dans les trois premières demandes] de la fonction du premier ministre au sein du gouvernement » (par. 8). La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il irait à l’encontre de la volonté du législateur d’interpréter la Loi sur la protection des renseignements personnels de manière à assimiler le premier ministre à un cadre d’une institution fédérale.

[71] Je suis d’accord avec la Cour d’appel fédérale pour dire que le juge Kelen a commis une erreur en se fondant sur la définition de l’expression « fonctionnaire public » donnée par deux autres lois. Il est évident que la définition de l’expression « fonctionnaire public » que l’on trouve dans la Loi sur la gestion des finances publiques est une définition large qui porte sur un tout autre objet et qui s’applique dans un contexte différent. On pourrait soutenir que la définition que donne la Loi d’interprétation est pertinente, si l’on tient compte du libellé du par. 3(1) qui dispose : « Sauf indication contraire, la présente loi s’applique à tous les textes, indépendamment de leur date d’édiction. » Je ne vois toutefois rien qui justifierait d’incorporer la définition de « fonctionnaire public » dans ce contexte. En premier lieu, bien que les acceptions du terme « cadre » et de l’expression « fonctionnaire public » puissent se recouper, cette dernière expression, telle qu’elle est employée dans la Loi d’interprétation, n’est tout simplement pas la même que l’expression « cadre [. . .] d’une institution fédérale » que l’on trouve dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. En deuxième lieu, la définition de « fonctionnaire public » se trouve dans la liste des définitions qui sont prévues à l’art. 2 de la Loi d’interprétation, et qui, selon ce que cette Loi précise bien, ne s’appliquent qu’« à la présente loi ». Cette définition n’est pas reprise dans les définitions que l’on trouve à l’art. 35, lequel, à l’inverse, s’applique « à tous les textes ». Enfin, la Loi d’interprétation fait elle‑même une distinction entre un « fonctionnaire public » et un « ministre » (voir, p. ex., l’art. 24). À mon avis, c’est à bon droit que la Cour d’appel fédérale a conclu que le sens de l’expression « cadre d’une institution fédérale » doit être déterminé en le situant dans le contexte qui lui est propre.

[72] En fait, la thèse de la Commissaire sur ce point suit le même raisonnement que celui qui est à la base des arguments qu’elle fait valoir au sujet des autres moyens d’appel. Elle plaide en faveur d’une approche fonctionnelle qui ferait en sorte que l’on interprète le terme « cadre » en considérant un ministre comme un cadre d’une institution fédérale lorsqu’il exerce ses pouvoirs en rapport avec l’institution, et différemment d’un cadre d’une institution fédérale lorsqu’il exerce des pouvoirs qui ne sont pas reliés à l’institution. Le problème que comporte cette approche réside toutefois dans le fait que rien, dans l’une ou l’autre loi, ne permet de penser qu’une personne pourrait être un cadre pour certaines fins et non pour d’autres.

[73] Aucune des deux lois ne permet non plus de conclure qu’un ministre est censé être un « cadre » de l’institution fédérale du simple fait qu’il est le « responsable » de cette institution. En fait, l’art. 73 de la Loi sur l’accès à l’information laisse entrevoir le contraire, compte tenu du fait qu’il prévoit que le « responsable » d’une institution fédérale peut déléguer certaines de ses attributions à « des cadres ou employés » de l’institution. Cette disposition établit donc une distinction entre un « responsable » et un « cadre ». De plus, ainsi que je l’ai déjà signalé en discutant de la définition de l’expression « institution fédérale », l’art. 21 de la Loi sur l’accès à l’information établit également une distinction entre les termes « dirigeant », « employé » et « ministre ».

[74] Enfin, comme notre Cour l’a expliqué dans l’arrêt Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403 (le juge La Forest, dissident, mais pas sur ce point), et l’a répété dans l’arrêt GRC, la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements personnels doivent être considérées ensemble comme s’il s’agissait d’un code homogène. L’interprétation proposée par le juge Kelen et par la Commissaire créerait une dissonance entre ces deux lois. Suivant la Loi sur l’accès à l’information, un ministre ou le premier ministre ne feraient pas partie d’institutions fédérales, tandis que, sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ils seraient considérés comme des « cadres » d’institutions fédérales. J’abonde dans le sens de la Cour d’appel fédérale. Si le législateur fédéral avait voulu que le premier ministre soit assimilé à un « cadre » du BCP pour l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il l’aurait dit explicitement. Appliquant aux passages pertinents de l’agenda du premier ministre relevant de la GRC et du BCP, l’al. j) de la définition de « renseignements personnels » figurant à l’art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, je conclus que ces passages échappent à l’application du régime d’accès à l’information.

[75] Je suis par conséquent d’avis de rejeter avec dépens le pourvoi de la Commissaire en ce qui concerne la quatrième demande.

Version française des motifs rendus par

Le juge LeBel —

1. Aperçu général

[76] Je souscris aux conclusions de la juge Charron et, dans une large mesure, aux propos qu’elle tient dans ses motifs, notamment ses constatations sur la norme de contrôle applicable et sur l’utilisation de la preuve d’expert, ainsi qu’au critère qu’elle propose à l’égard de l’expression « relevant de ». Je partage également l’avis de ma collègue que le cabinet d’un ministre n’est pas une « institution fédérale » pour l’application de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1 (« la Loi »). J’estime néanmoins que cette conclusion ne saurait justifier la création d’une exception implicite au sujet des documents politiques. Les rapports juridiques entre le cabinet d’un ministre et l’institution fédérale dont celui‑ci est responsable peuvent avoir une certaine incidence sur la question de savoir si le document demandé relève de l’institution en cause. Cependant, ces rapports juridiques ne créent pas implicitement une présomption qui priverait le public de tout droit d’accès aux documents se trouvant au cabinet d’un ministre.

[77] Comme ma collègue le souligne au par. 41, l’art. 2 de la Loi indique que les exceptions au droit d’accès du public doivent être « indispensables ». De plus, selon la Loi, ces exceptions doivent être « précises et limitées ». Si la Loi ne prévoit pas explicitement qu’ils sont exemptés, il faut présumer que le droit d’accès s’applique aux documents politiques. Pour les motifs qui suivent, je ne puis convenir avec ma collègue et le gouvernement que cette présomption, clairement exprimée dans la Loi, « aurait pour effet d’élargir considérablement la portée du régime d’accès à l’information au Canada » (voir le par. 13).

2. L’objet de la Loi sur l’accès à l’information : établir un équilibre entre la démocratie et une gouvernance efficace

[78] Comme ma collègue le souligne au par. 15 de ses motifs, notre Cour a récemment affirmé que l’accès aux renseignements gouvernementaux « peut accroître la transparence du gouvernement, aider le public à se former une opinion éclairée et favoriser une société ouverte et démocratique. Certains renseignements détenus par ces institutions doivent toutefois être protégés pour empêcher une atteinte à ces mêmes principes et promouvoir une bonne gouvernance » (Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23, [2010] 1 R.C.S. 815, la juge en chef McLachlin et la juge Abella, par. 1).

[79] La législation en matière d’accès à l’information incarne des valeurs fondamentales pour notre démocratie. La Cour a reconnu dans l’arrêt Criminal Lawyers’ Association que l’accès aux renseignements gouvernementaux a un caractère essentiel et jouit, en tant que droit dérivé, de la garantie de la liberté d’expression accordée par l’al. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés. De plus, les lois protégeant des droits garantis par la Charte ont souvent été qualifiées de quasi constitutionnelles (voir, p. ex., Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 R.C.S. 773, par. 21-23, mais aussi Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84, et Béliveau St‑Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc., [1996] 2 R.C.S. 345). Citons à titre d’exemple la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P‑21, qui, comme on l’a affirmé à maintes reprises, doit être interprétée conjointement avec la Loi sur l’accès à l’information comme un « code homogène » (voir Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), 2003 CSC 8, [2003] 1 R.C.S. 66, par. 22, et Cie H.J. Heinz du Canada ltée c. Canada (Procureur général), 2006 CSC 13, [2006] 1 R.C.S. 441, par. 2).

[80] De plus, la position de notre Cour concorde avec l’opinion que la législation en matière d’accès à l’information établit et protège certaines valeurs — la transparence, la responsabilité et la gouvernance — essentielles au bon fonctionnement de la démocratie (voir M. W. Drapeau et M.-A. Racicot, Federal Access to Information and Privacy Legislation Annotated 2011 (2010), p. v). Avant l’avènement de l’État moderne, les mécanismes qui incarnaient ces valeurs étaient subordonnés au principe de la responsabilité ministérielle, selon lequel les ministres devaient rendre compte de leurs actes devant le Parlement. Seul le Parlement souverain pouvait demander des comptes aux gouvernements (J. F. McEldowney, « Accountability and Governance : Managing Change and Transparency in Democratic Government » (2008), 1 J.P.P.L. 203, p. 203-204).

[81] Comme le fait remarquer McEldowney, la complexité croissante de l’État moderne a donné lieu à une délégation sans précédent des pouvoirs du Parlement aux organes exécutifs du gouvernement. Dans ce contexte, [traduction] « [l]a complexité et la diversité des organismes participant à la prise des décisions a entraîné un décalage dans le régime de responsabilité canadien » (p. 209). La législation canadienne en matière d’accès à l’information a été adoptée en réaction au pouvoir grandissant de l’administration (voir Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, par. 60-61; voir aussi G. J. Levine, The Law of Government Ethics : Federal, Ontario and British Columbia (2007), p. 109-110).

[82] Cela dit, dans le domaine de l’accès à l’information, la Cour a toujours cherché à assurer un certain degré de responsabilité gouvernementale envers les citoyens canadiens, tout en reconnaissant la nécessité de concilier, d’une part, les droits d’accès et les valeurs que ceux‑ci protègent et, d’autre part, les intérêts d’une gouvernance efficace (voir Criminal Lawyers’ Association, par. 1, et Dagg, par. 45-57). La législation en matière d’accès à l’information a réalisé cet équilibre en créant une présomption d’accessibilité de tous les documents, sous réserve des exceptions prévues par la législation — plutôt qu’une présomption selon laquelle l’accès doit être refusé.

[83] Dans Criminal Lawyers’ Association, la Cour a réitéré que le droit d’accès aux documents gouvernementaux n’est pas absolu (par. 35, voir aussi Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1996] 1 R.C.S. 6). La Constitution ne garantit pas un tel droit d’accès. La Loi crée ce droit et le subordonne aux exceptions précises qu’elle prescrit. Ce droit commande une interprétation libérale, mais les exceptions dont il est assorti doivent recevoir une interprétation étroite, comme l’indique l’art. 2 de la Loi, selon lequel les exceptions seront non seulement « précises », mais aussi « limitées ». Il est donc impératif que les exemptions se limitent à celles énumérées aux art. 13 à 26; il faut éviter d’ajouter à la Loi, par interprétation, des termes restrictifs (voir Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1995] 2 C.F. 110 (C.A.)).

3. Protéger la tenue de « débats ouverts et francs » au cabinet d’un ministre sans exclure ce cabinet du champ d’application de la Loi

[84] La Loi ne soustrait pas explicitement les « documents politiques » à la communication. Ces documents concernent les activités du ministre en sa qualité de membre d’un parti politique plutôt que les fonctions qu’il exerce à titre de membre du Cabinet, responsable devant le Parlement de l’administration d’un ministère. Pour rester fidèle à la méthode d’interprétation que la Cour a retenue dans Criminal Lawyers’ Association, nous devons conclure que le droit d’accès est présumé s’appliquer aux documents politiques sous réserve des exceptions légales applicables. Ces exceptions traduisent la complexité des différentes fonctions qu’exercent les ministres dans une démocratie parlementaire moderne.

[85] Je suis tout à fait d’accord avec ma collègue pour affirmer qu’il faut concilier cette méthode d’interprétation avec « la nécessité de prévoir un espace privé où il est possible de débattre ouvertement et franchement de certaines questions » (par. 41). Je conviens aussi avec elle que le législateur reconnaît, à l’art. 21 de la Loi, « le besoin qu’ont les ministres de solliciter et de recevoir des avis confidentiels de sorte que les documents d’une institution fédérale qui contiennent de tels avis sont soustraits à la communication, à la discrétion du responsable de l’institution » (par. 41). Toutefois, à mon avis, l’économie de la Loi et l’insertion de l’art. 21 répondent déjà expressément à cette nécessité.

[86] En conséquence, je ne peux souscrire à l’affirmation de ma collègue que la nécessité d’un débat ouvert et franc justifie de soustraire les cabinets des ministres à l’application de la Loi. Il n’est pas « indispensable », au sens de l’art. 2, d’incorporer par interprétation à la Loi une exemption aussi générale, car la Loi pourvoit déjà expressément à cette préoccupation. À mon avis, intégrer par interprétation pareille exclusion dans la Loi ne respecte pas l’approche retenue par notre Cour dans Criminal Lawyers’ Association, comme je l’ai expliqué précédemment.

[87] La conclusion que le cabinet d’un ministre n’est pas une institution fédérale découle de la méthode moderne d’interprétation des lois, méthode que ma collègue qualifie d’« indications générales » au par. 27. J’estime toutefois nécessaire d’exprimer ma réserve à l’égard des conclusions du juge Kelen, que ma collègue utilise comme « points de repère utiles » pour son interprétation (par. 27).

[88] Je m’inscris plus particulièrement en faux contre l’interprétation donnée par le juge Kelen au silence du législateur à propos des documents politiques (2008 CF 766, [2009] 2 R.C.F. 86, par. 57-60). En raison de ce silence, le juge Kelen estime qu’interpréter « institution fédérale » comme englobant les cabinets des ministres aurait pour effet d’élargir considérablement le droit d’accès. Je ne puis accepter son raisonnement sur ce point.

[89] Rappelons que, selon la Cour, la législation en matière d’accès à l’information crée un droit général d’accès assorti d’exceptions indispensables qui doivent demeurer limitées et précises. Si le législateur reste muet à l’égard d’une catégorie donnée de documents, comme les documents politiques, les cours doivent présumer, du moins à première vue, que ces documents ne sont pas soustraits à la communication. La possibilité d’obtenir sur demande l’accès à ces documents est une question distincte qui commande l’élaboration d’un critère adéquat pour dégager le sens de l’expression « relevant de ». On ne saurait donc conclure du silence du législateur que les documents politiques se trouvent exclus de l’application de l’obligation générale de communication. Dans notre régime démocratique, le politique et l’administratif se chevauchent parfois. Par conséquent, le contenu des documents ministériels peut recouper les sphères de la politique et de l’administration pure, à supposer qu’il soit même possible d’établir une distinction aussi nette entre les différents rôles attribués aux ministres dans le régime politique canadien. En conséquence, la conclusion beaucoup plus tranchée que les cabinets des ministres sont présumés soustraits à l’application de la Loi est elle aussi incorrecte.

[90] Le juge Kelen a également conclu à l’existence d’une présomption d’inaccessibilité de tous les documents ministériels en se fondant sur la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11, qui distingue les « documents fédéraux » des « documents ministériels ». Ces deux types de documents sont effectivement différents. Selon l’art. 2 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, « document fédéral » s’entend d’un « [d]ocument qui relève d’une institution fédérale ». Pour sa part, le « document ministériel » est un document afférent à la qualité de ministre

d’un membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada, à l’exclusion des documents personnels ou politiques et des documents fédéraux.

[91] Avec égards pour l’opinion contraire, la différence de traitement faite entre ces deux types de documents dans la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada ne signifie pas qu’il existe une présomption soustrayant les documents ministériels à l’application de la Loi. Ma position concernant les rapports juridiques qu’entretiennent le cabinet d’un ministre et l’institution fédérale dont celui‑ci est responsable se fonde sur le sens clair de la Loi. Comme l’affirme ma collègue, les cabinets des ministres ne figurent pas à l’annexe I de la Loi, et je conviens donc avec elle qu’ils ne doivent pas être considérés comme des « institutions fédérales » pour l’application de la Loi. Cela dit, il ne s’ensuit pas que les cabinets des ministres sont présumés échapper à l’application de la Loi. Bien que les cabinets des ministres soient autonomes et différents des institutions fédérales, cette considération n’empêche pas un document qui ne se trouve pas dans les locaux d’une institution fédérale de relever de cette dernière. Si un document conservé au cabinet d’un ministre relève d’une institution fédérale, la Loi s’applique à ce document. En pareil cas, le responsable doit faciliter l’accès au document conformément à la procédure et aux limites prescrites par la Loi.

[92] La Loi s’applique aux documents et les cabinets des ministres continuent de relever du champ d’application de celle‑ci dans la mesure où ils sont en possession de « documents des institutions fédérales » (art. 4). Le droit d’accès est présumé viser ces documents si aucune exemption précise ne s’applique à leur égard.

[93] À mon avis, la présomption que la Loi s’applique aux cabinets des ministres n’a aucunement pour effet d’élargir le droit d’accès. Tout document demandé qui se trouve au cabinet d’un ministre demeure assujetti au critère d’application en deux étapes de l’expression « relevant de » que propose ma collègue.

[94] À cette fin, le « responsable » de l’institution fédérale doit d’abord décider si le document demandé se rapporte à une affaire ministérielle. Autrement dit, le document contient‑il des renseignements gouvernementaux? Cette première étape du critère, à savoir « un mécanisme de tamisage utile » (par. 55), permet d’exclure tous les documents — tels les documents politiques (p. ex., des projets de collecte de fonds pour un parti) — qui ne se rapportent pas à une affaire ministérielle.

[95] Deuxièmement, le responsable de l’institution fédérale doit se demander s’il est raisonnable de s’attendre à ce que l’institution obtienne une copie du document sur demande. Comme l’indique ma collègue, cette étape du critère implique une analyse objective du caractère raisonnable des attentes qui tienne compte de tous les critères pertinents, notamment la teneur du document, les circonstances dans lesquelles il a été créé et les rapports juridiques qu’entretiennent l’institution fédérale et le détenteur du document (par. 56). Si le ministre détient le document, le fait que son cabinet ne fasse pas partie de l’institution fédérale qu’il dirige peut être pris en considération, mais ce facteur ne fait toutefois pas présumer l’existence d’une exception au droit d’accès au document.

4. La question des documents « mixtes »

[96] Bien entendu, la Loi ne s’applique pas dans l’abstrait. Son application doit tenir compte du fait que les ministres agissent en plusieurs qualités. Ainsi, le ministre est non seulement membre du Cabinet et responsable devant le Parlement de l’administration d’un ministère, mais il est aussi, dans la plupart des cas, un député, en plus d’appartenir à un parti politique pour le compte duquel il exerce différentes fonctions et, enfin, il demeure un particulier. Il est donc normal que des documents portent sur des sujets se rattachant à ces diverses qualités du ministre.

[97] Comme je l’ai mentionné précédemment, le droit d’accès est présumé viser les « documents politiques », mais il est peu probable que ces documents relèvent d’une institution fédérale s’ils ne se rapportent pas à une affaire ministérielle. On trouve, à l’autre extrémité du spectre, les documents relatifs à une affaire ministérielle qui relèvent d’une institution fédérale. J’appellerai ceux‑ci les « documents fédéraux » pour les besoins de la présente analyse. Les documents fédéraux doivent être communiqués sur demande en application de la Loi.

[98] Il se peut toutefois que bon nombre de documents ne relèvent pas clairement de l’une ou l’autre de ces catégories. Par exemple, certaines affaires ministérielles sont parfois décidées en fonction de priorités d’ordre politique. Les documents dans lesquels des objectifs ministériels sont appréciés à la lumière de buts politiques se situeraient dans une zone grise. Je qualifierai de « mixtes » les documents de ce genre.

[99] La Loi tient compte, du moins dans une certaine mesure, de l’existence de cette zone grise. Ainsi, l’art. 25 prévoit la possibilité d’expurger des parties de documents. Lorsqu’il est autorisé à refuser la communication d’un document, le ministre peut expurger les parties du document qui sont soustraites à la communication, mais il doit communiquer celles qui ne le sont pas.

[100] Qui plus est, le par. 21(1) dispose que, sous réserve des exceptions précises établies au par. (2), le ministre est investi d’un très large pouvoir l’autorisant à refuser de communiquer tout document demandé, daté de moins de vingt ans, lorsqu’il contient un des éléments suivants :

21. (1) . . .

a) des avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre;

b) des comptes rendus de consultations ou délibérations auxquelles ont participé des administrateurs, dirigeants ou employés d’une institution fédérale, un ministre ou son personnel;

c) des projets préparés ou des renseignements portant sur des positions envisagées dans le cadre de négociations menées ou à mener par le gouvernement du Canada ou en son nom, ainsi que des renseignements portant sur les considérations qui y sont liées;

d) des projets relatifs à la gestion du personnel ou à l’administration d’une institution fédérale et qui n’ont pas encore été mis en œuvre.

Le paragraphe (2) est rédigé en ces termes :

21. . . .

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux documents contenant :

a) le compte rendu ou l’exposé des motifs d’une décision qui est prise dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ou rendue dans l’exercice d’une fonction judiciaire ou quasi judiciaire et qui touche les droits d’une personne;

b) le rapport établi par un consultant ou un conseiller qui, à l’époque où le rapport a été établi, n’était pas un administrateur, un dirigeant ou un employé d’une institution fédérale ou n’appartenait pas au personnel d’un ministre, selon le cas.

[101] L’article 21 vise bon nombre des circonstances dans lesquelles sont produits certains types de documents mixtes contenant des renseignements sur des affaires ministérielles (voir l’al. 21(1)a)). Le paragraphe 21(1) s’applique spécifiquement aux documents produits dans le cours de débats ouverts et francs, par exemple des délibérations auxquelles des administrateurs, dirigeants ou employés d’une institution fédérale ont participé conjointement avec un ministre ou son personnel (voir l’al. 21(1)b)).

5. Les pouvoirs d’enquête du Commissaire

[102] Bien que le responsable d’une institution fédérale dispose d’un large pouvoir discrétionnaire l’habilitant à communiquer ou à conserver des documents mixtes, l’art. 36 de la Loi investit le Commissaire à l’information de pouvoirs d’enquête tout aussi larges, qui peuvent être utilisés comme contrepoids au pouvoir discrétionnaire du ministre. Comme je l’ai déjà mentionné, le législateur a cherché à établir un équilibre entre le droit d’accès et une gouvernance efficace. D’une part, le législateur a créé, par l’art. 21 et l’économie générale de la Loi, un espace où les ministres peuvent examiner certaines questions et en débattre en privé. D’autre part, le législateur a veillé, au moyen de l’art. 36 et de l’économie générale de la Loi, à ce que l’on n’abuse pas du recours à cet espace privé.

[103] Le Commissaire possède, pour assigner et contraindre des témoins à déposer, le même pouvoir que celui d’une cour supérieure d’archives (al. 36(1)a)). Il dispose aussi du pouvoir de faire prêter serment (al. 36(1)b)) et de recevoir tous les éléments de preuve qu’il estime indiqués (al. 36(1)c)). De plus, le Commissaire peut pénétrer dans les locaux d’une institution fédérale pour les besoins d’une enquête, et il peut s’entretenir avec des personnes et examiner des documents qui se trouvent dans ces locaux (al. 36(1)d)). Mais comme le cabinet d’un ministre n’est pas une institution fédérale pour l’application de la Loi, le Commissaire ne dispose pas du pouvoir d’y entrer.

[104] Fait important, le par. 36(2) investit le Commissaire du pouvoir d’examiner « tous les documents qui relèvent d’une institution fédérale et auxquels la présente loi s’applique ». Pour les raisons exposées ci‑dessus, cette disposition peut s’appliquer aux documents qui se trouvent au cabinet d’un ministre. Le paragraphe 36(2) constitue un élément essentiel au maintien de cet équilibre recherché par le législateur. Il s’agit en fait du premier mécanisme, avant le contrôle judiciaire, permettant d’appliquer le principe selon lequel « les décisions quant à la communication [sont] susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif » (art. 2).

[105] Aux termes de l’art. 21, il appartient au responsable d’une institution fédérale de déterminer si les documents mixtes demandés qui se trouvent au cabinet d’un ministre doivent être communiqués. La première étape de cet examen consiste à établir si les documents tombent dans le champ d’application de la Loi; à cette fin, le responsable doit utiliser le critère d’application de l’expression « relevant de » que nous préconisons. S’il juge que les documents demandés tombent sous le coup de la Loi, le responsable doit alors, à la deuxième étape de l’examen, se demander s’ils sont assujettis à l’une des exemptions prévues à la Loi, notamment à l’art. 21. Selon l’exemption applicable, le responsable peut disposer ou non du pouvoir discrétionnaire de communiquer le document.

[106] Les pouvoirs d’enquête du Commissaire doivent lui permettre d’établir si le responsable d’une institution fédérale s’est conformé à la Loi dans l’exercice de ses fonctions. Pour ces fins, le Commissaire peut notamment enquêter pour déterminer si le responsable a bien respecté les deux étapes de l’analyse.

[107] Si un responsable prétend avoir refusé l’accès au document demandé parce que celui‑ci ne relevait pas d’une institution fédérale, le Commissaire ne peut alors exercer que les pouvoirs que lui confèrent les al. 36(1)a) à c). Si la preuve recueillie en vertu des alinéas susmentionnés amène le Commissaire à croire que les documents relèvent vraisemblablement d’une institution fédérale, il peut les examiner pour vérifier si le critère d’application de l’expression « relevant de » a été utilisé correctement.

[108] Si le Commissaire a le droit d’enquêter pour établir si le responsable a bien utilisé le critère relatif à l’expression « relevant de », il peut avoir besoin d’accéder à certains documents qui, en dernière analyse, échappent à la portée de la Loi. Ce pouvoir n’élargit pas le droit d’accès du public car, aux termes du par. 35(1) de la Loi, « [l]es enquêtes menées sur les plaintes par le Commissaire [. . .] sont secrètes. » Par surcroît, les parties touchées par l’enquête ont le droit de faire des observations au cours de celle‑ci (par. 35(2)). Le Commissaire ne peut pas contraindre le responsable d’une institution fédérale à communiquer les documents en question à la suite d’une enquête; il peut seulement lui transmettre des recommandations (art. 37). Enfin, les personnes auxquelles on a refusé de communiquer ces documents possèdent le droit d’exercer un recours en révision de la décision (art. 41).

[109] En toute déférence, j’estime qu’une présomption écartant les documents d’un ministre du champ d’application de la Loi romprait l’équilibre qui existe entre le pouvoir discrétionnaire du responsable et le pouvoir d’enquête du Commissaire. Dans son analyse, ma collègue présume que le Commissaire ne disposerait d’aucun pouvoir d’examiner des documents se trouvant au cabinet d’un ministre. Le Commissaire détiendrait seulement le pouvoir d’assigner et de contraindre des témoins à déposer au sujet de ces documents. Même si de tels éléments de preuve amenaient le Commissaire à soupçonner que le critère relatif à l’expression « relevant de » n’a pas été appliqué correctement, il ne serait pas autorisé à examiner les documents pour confirmer ses soupçons. Si elle est retenue, cette interprétation de la Loi laisserait effectivement au responsable d’une institution fédérale le soin de décider en dernier ressort si un document donné relève de l’institution fédérale en cause et irait à l’encontre de l’objet de la Loi, exposé à l’art. 2, soit que les décisions quant à la communication sont susceptibles de recours indépendants. À mon avis, la présomption proposée par ma collègue, selon laquelle le droit d’accès est soumis à une telle exception, affaiblirait considérablement les pouvoirs d’enquête du Commissaire, malgré leur caractère fondamental pour le maintien de l’équilibre recherché entre l’accès à l’information et la bonne gouvernance.

6. Application aux documents en cause

[110] À l’instar de ma collègue, j’estime que, vu les circonstances dans lesquelles les documents en question dans les trois premières demandes ont été rédigés et gérés, une institution fédérale ne pourrait raisonnablement pas s’attendre à les obtenir. Les documents ne relevaient donc pas d’une institution fédérale.

[111] Quant aux documents que possèdent le Bureau du Conseil privé et la Gendarmerie royale du Canada, je suis d’accord avec ma collègue pour conclure que l’art. 19 de la Loi sur l’accès à l’information s’applique à eux même s’ils relevaient d’une institution fédérale. Par conséquent, les responsables de ces institutions étaient tenus d’en refuser la communication.

[112] Pour ces motifs, je rejetterais les pourvois.

Pourvois rejetés avec dépens.

Procureur de l’appelant : Commissaire à l’information du Canada, Ottawa.

Procureur des intimés : Procureur général du Canada, Ottawa.

Procureurs des intervenantes : Blake, Cassels & Graydon, Toronto.


Synthèse
Référence neutre : 2011 CSC 25 ?
Date de la décision : 13/05/2011
Sens de l'arrêt : Les pourvois sont rejetés

Analyses

Accès à l’information - Accès à des documents - Demande de documents ministériels situés dans les bureaux de ministres - Les documents « relèvent‑ils d’une institution fédérale » aux termes de la loi? - Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1, art. 3, 4(1).

Accès à l’information - Exceptions - Protection des renseignements personnels - Renseignements personnels - Demande de communication de l’agenda du premier ministre - L’agenda constitue‑t‑il des « renseignements personnels » au sens de la loi? - Dans l’affirmative, l’agenda doit‑il malgré tout être communiqué parce que le premier ministre est le « cadre » d’une institution fédérale? - Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1, art. 19(1) - Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P‑21, art. 3.

Les pourvois regroupent quatre demandes présentées par la Commissaire à l’information du Canada en vue d’obtenir la révision judiciaire d’un refus de communiquer certains documents réclamés il y a une dizaine d’années en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Les trois premières demandes concernent le refus de communiquer des documents qui se trouvaient respectivement au cabinet du premier ministre de l’époque, M. Chrétien, au cabinet du ministre de la Défense nationale de l’époque, M. Eggleton, et au cabinet du ministre des Transports de l’époque, M. Collenette. La quatrième demande concerne le refus de communiquer les parties de l’agenda du premier ministre qui se trouvent en la possession de la GRC et du BCP. Le juge de première instance a refusé la communication dans le cas des trois premières demandes, mais il l’a ordonnée dans le cas de la quatrième. La Cour d’appel fédérale n’a infirmé que sa décision relative à la quatrième demande.

Arrêt : Les pourvois sont rejetés.

La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell : Le refus de communiquer les documents demandés est susceptible de recours indépendants devant les tribunaux selon la norme de la décision correcte. La norme de révision en appel applicable à la décision du juge de première instance relative aux questions d’interprétation des lois est également celle de la décision correcte. La norme de contrôle de sa décision quant à savoir si les documents demandés relèvent effectivement de l’institution fédérale est empreinte de déférence, pourvu que la décision ne soit pas fondée sur un principe juridique erroné ni entachée d’une erreur manifeste et dominante.

Dans le cas des trois premières demandes, les motifs du juge de première instance démontrent qu’il a procédé à une analyse approfondie des lois en se guidant sur des principes bien établis d’interprétation des lois. Au terme de son analyse, le juge a affirmé qu’il ressort des termes employés au par. 4(1) de la Loi sur l’accès à l’information que le CPM et les cabinets ministériels en cause ne font pas partie de l’« institution fédérale » dont ils sont responsables. La Cour d’appel fédérale a conclu à bon droit que l’analyse du juge de première instance n’est entachée d’aucune erreur. Le sens de l’expression « institution fédérale » est clair. Aucune considération d’ordre contextuel ne justifie la Cour de penser que le législateur voulait que les cabinets ministériels soient inclus dans la définition de l’expression « institution fédérale ».

Il s’agit alors de savoir si les documents demandés qui se trouvent dans les cabinets ministériels en question « relèvent » malgré tout de l’institution fédérale concernée au sens du par. 4(1) de la Loi. L’expression « relevant de » n’est pas définie dans la Loi. Ainsi que le juge de première instance l’a bien précisé, l’expression doit être interprétée d’une manière large et libérale pour assurer un droit d’accès efficace aux documents de l’administration fédérale. Bien que la possession matérielle du document joue de toute évidence un rôle important dans chaque cas, elle ne constitue pas un facteur déterminant sur la réponse à la question de savoir de qui ce document relève. Ainsi, si le document demandé se trouve au cabinet du ministre, l’analyse ne s’arrête pas là. C’est en fait à ce point qu’il convient d’entamer une analyse en deux étapes. La première étape se veut un mécanisme de tamisage utile. À cette étape, on se demande si le document se rapporte à une affaire ministérielle. Si tel n’est pas le cas, on ne pousse pas l’analyse plus loin. Si, toutefois, le document demandé se rapporte à une affaire ministérielle, l’analyse se poursuit. À la seconde étape, il faut tenir compte de tous les facteurs pertinents pour déterminer si l’institution fédérale pouvait raisonnablement s’attendre à obtenir sur demande une copie du document. Parmi ces facteurs, mentionnons la teneur réelle du document, les circonstances dans lesquelles il a été créé et les rapports juridiques qu’entretiennent l’institution fédérale et le détenteur du document. Le critère de l’attente raisonnable est objectif. Si, compte tenu de tous les facteurs pertinents, le cadre supérieur de l’institution fédérale devrait raisonnablement être en mesure d’obtenir une copie du document, le critère est satisfait et le document doit être communiqué, à moins qu’il ne soit assujetti à une exemption spécifique prévue par la loi. Il n’existe aucune présomption d’inaccessibilité des documents se trouvant au cabinet d’un ministre. De plus, ce critère ne conduit pas à une mise au secret générale des documents se trouvant dans les cabinets ministériels. Le critère est plutôt conçu de manière à éviter ce problème. Qui plus est, le législateur a prévu des dispositions d’enquête solides pour éviter toute tentative délibérée d’entraver le droit d’accès des citoyens.

Appliquant ce critère aux documents qui lui étaient soumis, le juge de première instance a conclu qu’aucun des documents demandés ne relevait d’une institution fédérale. Compte tenu du dossier, il lui était loisible de tirer les conclusions auxquelles il en est arrivé sur la question de savoir si les documents relevaient ou non d’une institution fédérale et il y a lieu de faire preuve de déférence envers ces conclusions.

Pour ce qui est de la quatrième demande, il est acquis aux débats que les agendas du premier ministre qui se trouvaient en la possession de la GRC et du BCP relevaient d’une « institution fédérale ». Les documents relevant de ces institutions doivent donc être communiqués, sous réserve de certaines exceptions prévues par la loi. Le paragraphe 19(1) de la Loi sur l’accès à l’information prescrit au responsable d’une institution fédérale de refuser la communication de documents contenant les renseignements personnels visés à l’art. 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. L’alinéa j) de la définition de « renseignements personnels » figurant à l’art. 3 de cette dernière loi prévoit toutefois une exception en permettant la communication de renseignements personnels qui concernent un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et qui portent sur son poste ou ses fonctions. Le juge de première instance a affirmé que le premier ministre était un cadre du BCP. Pour ce faire, il s’est fondé sur les définitions de l’expression « fonctionnaire public » que l’on trouve dans la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi d’interprétation. La Cour d’appel fédérale a jugé à juste titre que le juge avait commis une erreur en se fondant sur ces définitions. Il irait à l’encontre de la volonté du législateur d’interpréter la Loi sur la protection des renseignements personnels de manière à assimiler le premier ministre à un cadre d’une institution fédérale. Si le législateur fédéral avait voulu que le premier ministre soit assimilé à un « cadre » du BCP pour l’application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il l’aurait dit explicitement. Ainsi, les passages pertinents de l’agenda du premier ministre relevant de la GRC et du BCP échappent à l’application du régime d’accès à l’information.

Le juge LeBel : Les cabinets des ministres ne figurent pas à l’annexe I de la Loi, et ils ne doivent donc pas être considérés comme des « institutions fédérales ». Néanmoins, cette conclusion ne saurait justifier la création d’une exception implicite au sujet des documents politiques. Bien que les cabinets des ministres soient autonomes et différents des institutions fédérales, cette considération n’empêche pas un document qui ne se trouve pas dans les locaux d’une institution fédérale de relever de cette dernière. Si un document conservé au cabinet d’un ministre relève d’une institution fédérale, la Loi s’applique à ce document. En pareil cas, le responsable de l’institution fédérale doit faciliter l’accès au document conformément au critère en deux étapes relatif à l’expression « relevant de » formulé par la juge Charron. Si le ministre détient le document, le fait que son cabinet ne fasse pas partie de l’institution fédérale qu’il dirige peut être pris en considération. Il faut aussi tenir compte du fait que les ministres agissent en plusieurs qualités. Un ministre est non seulement membre du Cabinet et responsable devant le Parlement de l’administration d’un ministère, mais il est aussi — dans la plupart des cas — un député, en plus d’appartenir à un parti politique pour le compte duquel il exerce différentes fonctions et, enfin, il demeure un particulier. Il se peut que bon nombre de documents ne relèvent pas clairement de l’une ou l’autre de ces catégories. Il appartient au responsable d’une institution fédérale de déterminer si ces documents mixtes qui se trouvent au cabinet d’un ministre doivent être communiqués. La première étape de cet examen consiste à établir si les documents tombent dans le champ d’application de la Loi. Si c’est le cas, le responsable doit alors, à la deuxième étape de l’examen, se demander s’ils sont assujettis à l’une des exemptions prévues à la Loi. Selon l’exemption applicable, le responsable peut disposer ou non du pouvoir discrétionnaire de communiquer le document.

Une présomption écartant les documents d’un ministre du champ d’application de la Loi romprait l’équilibre qui existe entre le pouvoir discrétionnaire du responsable et le pouvoir d’enquête du Commissaire. Si elle est retenue, cette interprétation de la Loi laisserait effectivement au responsable d’une institution fédérale le soin de décider en dernier ressort si un document donné relève de l’institution fédérale en cause et irait à l’encontre de l’objet de la Loi, soit que les décisions quant à la communication sont susceptibles de recours indépendants. La réalisation de cet objet est fondamentale pour le maintien de l’équilibre recherché entre l’accès à l’information et la bonne gouvernance.

Vu les circonstances dans lesquelles les documents en question dans les trois premières demandes ont été rédigés et gérés, une institution fédérale ne pourrait raisonnablement pas s’attendre à les obtenir. Les documents ne relevaient donc pas d’une institution fédérale. Quant aux documents que possèdent le BCP et la GRC, les responsables de ces institutions étaient tenus d’en refuser la communication même s’ils relevaient d’une institution fédérale.


Parties
Demandeurs : Canada (Commissaire à l'information)
Défendeurs : Canada (Ministre de la Défense nationale)

Références :

Jurisprudence
Citée par la juge Charron
Arrêts mentionnés : Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23, [2010] 1 R.C.S. 815
Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190
Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), 2003 CSC 8, [2003] 1 R.C.S. 66
Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235
Société Télé‑Mobile c. Ontario, 2008 CSC 12, [2008] 1 R.C.S. 305
Francis c. Baker, [1999] 3 R.C.S. 250
Bristol‑Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 26, [2005] 1 R.C.S. 533
Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 R.C.S. 773
Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 3 C.F. 320
Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1995] 2 C.F. 110
Canada (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada c. Canada (Conseil canadien des relations du travail), 2000 CanLII 15487
Rubin c. Canada (Ministre des Affaires étrangères et du Commerce international), 2001 CFPI 440 (CanLII)
Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l’information), 2001 CAF 25 (CanLII)
Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2004 CAF 286 (CanLII)
Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403.
Citée par le juge LeBel
Arrêts mentionnés : Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23, [2010] 1 R.C.S. 815
Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 R.C.S. 773
Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84
Béliveau St‑Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc., [1996] 2 R.C.S. 345
Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), 2003 CSC 8, [2003] 1 R.C.S. 66
Cie H.J. Heinz du Canada ltée c. Canada (Procureur général), 2006 CSC 13, [2006] 1 R.C.S. 441
Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403
Rubin c. Canada (Greffier du Conseil privé), [1996] 1 R.C.S. 6
Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1995] 2 C.F. 110.
Lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés, art. 2.
Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21, art. 2 « fonctionnaire public », 3(1), 24, 35.
Loi fédérale sur la responsabilité, L.C. 2006, ch. 9.
Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1, art. 2, 3 « institution fédérale », « responsable d’institution fédérale », 4, 6, 7 à 9, 13 à 26, 30(3), 35, 36, 37, 41, 42, 48, 49, 73.
Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11, art. 2 « document fédéral », « document ministériel ».
Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F‑11, art. 2 « fonctionnaire public ».
Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P‑21, art. 3 « renseignements personnels » j), « responsable d’institution fédérale ».
Doctrine citée
Canadian Oxford Dictionary. Edited by Katherine Barber. Toronto : Oxford University Press, 2001, « control ».
Drapeau, Michel William, and Marc‑Aurèle Racicot. Federal Access to Information and Privacy Legislation Annotated 2011. Toronto : Carswell, 2010.
Grand Robert de la langue française (version électronique), « relever de ».
Levine, Gregory James. The Law of Government Ethics : Federal, Ontario and British Columbia. Aurora, Ont. : Canada Law Book, 2007.
McEldowney, John F. « Accountability and Governance : Managing Change and Transparency in Democratic Government » (2008), 1 J.P.P.L. 203.

Proposition de citation de la décision: Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25 (13 mai 2011)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2011-05-13;2011.csc.25 ?
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