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09/11/2022 | BELGIQUE | N°P.22.1208.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 novembre 2022, P.22.1208.F


N° P.22.1208.F
B. A.
étranger,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège-Huy,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 septembre 2022 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt

, en copie certifiée conforme.
Le 3 octobre 2022, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des...

N° P.22.1208.F
B. A.
étranger,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège-Huy,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 septembre 2022 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 3 octobre 2022, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 5 octobre 2022, le conseiller Tamara Konsek a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.

II. LES FAITS
En séjour illégal sur le territoire du Royaume, le demandeur a été intercepté le 9 août 2022 par les services de police et s’est vu notifier le lendemain une décision de maintien dans un lieu déterminé afin d’identifier l’Etat membre responsable de sa demande de protection internationale.
Cette décision de maintien a été prise en vertu de l’article 51/5/1, § 1er, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, après que la vérification des empreintes digitales de l’étranger a révélé qu’elles avaient déjà été enregistrées en Allemagne.
Le 11 août 2022, le demandeur a déposé une requête de mise en liberté à laquelle la chambre du conseil du tribunal de première instance de Liège a fait droit par une ordonnance du 19 août 2022. L’Etat belge a formé un appel contre cette décision.
A la suite du refus d’une prise en charge du demandeur par les autorités allemandes, en l’absence d’introduction d’une demande formelle de protection internationale dans cet Etat, l’Office des étrangers lui a notifié le 29 août 2022 un ordre de quitter le territoire avec maintien en vue de l’éloignement, fondé sur l’article 7, alinéas 1er et 3, de la loi du 15 décembre 1980.
L’arrêt de la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Liège du 6 septembre 2022 dit l’appel du défendeur contre l’ordonnance du 19 août 2022 fondé et ordonne le maintien du demandeur à la disposition de l’Office des étrangers.
Le demandeur a été remis en liberté le 13 septembre 2022.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
1. Il y a lieu de déterminer si le recours de l’étranger, qu’il s’agisse de la requête, de l’appel ou du pourvoi, conserve son objet lorsque l’intéressé est en liberté au moment où la juridiction doit statuer. Dans l’affirmative, le contrôle de légalité imparti aux juridictions d’instruction a pour objet un titre qui n’existe plus mais a existé. Dans la négative, lesdites juridictions sont dispensées du contrôle, sans préjudice des autres voies de droit ouvertes à l’étranger pour obtenir la réparation du dommage éventuellement subi.
2. L’article 71 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, donne compétence à la chambre du conseil et à la chambre des mises en accusation pour connaître du recours formé par l’étranger contre la mesure privative de liberté dont il fait l’objet.
Le contrôle judiciaire prévu par ladite loi vise le titre actif, c’est-à-dire le titre originaire toujours en vigueur au moment où la juridiction d’instruction en vérifie la légalité, mais aussi le nouveau titre, substitué à l’ancien, et à la faveur duquel l’étranger demeure privé de liberté.
3. Par ailleurs, l’article 5.4 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne privée de sa liberté a le droit d’introduire un recours devant le tribunal afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
La sanction de l’illégalité étant une libération qui doit intervenir à bref délai, il se comprend que l’article 5.4 vise le recours de l’étranger toujours détenu au moment où la juridiction d’instruction est appelée à statuer sur son recours. En effet, s’il a été libéré ou rapatrié entretemps, il n’est plus possible d’ordonner son élargissement. En revanche, l’illégalité de son arrestation lui ouvre, après sa mise en liberté, le droit à réparation garanti par l’article 5.5 de la Convention.
En d’autres termes, le bref délai requis par la Convention coïncide avec la période de privation de liberté : ce que l’article 5.4 prohibe, c’est l’impossibilité pour l’étranger, alors qu’il est administrativement détenu, de faire contrôler les titres en vertu desquels il est retenu.
4. L’article 5.4 précité est dès lors violé au cas où un étranger a fait successivement l’objet de plusieurs décisions privatives de liberté sans que le contrôle juridictionnel ait pu être clôturé par une décision définitive en raison de la survenance, pendant la procédure de contrôle du titre de privation de liberté en vigueur, d’un nouveau titre autonome remplaçant le précédent.
Par contre, l’article 71 de la loi du 15 décembre 1980 ne viole pas l’article 5.4 de la Convention lorsque, comme en l’espèce, l’événement qui survient pendant la procédure de contrôle n’est pas un nouveau titre autonome remplaçant le précédent mais, au contraire, la libération ou le rapatriement de l’étranger qui en fut l’objet.
5. Le lien nécessaire entre l’exigence d’un contrôle « à bref délai » de la légalité d’une privation de liberté et l’existence d’un titre actif de la rétention à contrôler ressort également de l’article 15.2 de la directive Retour. En vertu de cette disposition, il appartient aux Etats membres de prévoir qu’un contrôle juridictionnel accéléré de la privation de liberté ait lieu le plus rapidement possible à compter du début de la rétention, ou d’accorder à l’étranger le droit d’engager une procédure aux mêmes fins. L’article 15.2 ajoute que l’étranger est immédiatement remis en liberté si ce contrôle, requis à bref délai, débouche sur un constat d’illégalité de la rétention.
6. Entre le 9 août 2022, date de son interception, et le 13 septembre 2022, date de sa remise en liberté, le demandeur a pu soumettre le contrôle de la légalité de sa rétention aux juridictions d’instruction de première instance et d’appel.
Sans doute la Cour n’a-t-elle pas pu connaître du pourvoi pendant la durée susdite, conformément à l’exigence du bref délai tel que défini ci-dessus.
Mais cette circonstance n’a pas pour effet de restituer au pourvoi son objet puisque l’examen des moyens de cassation du demandeur après sa libération ne remédie pas au fait que cet examen n’a pas eu lieu avant celle-ci.
Le pourvoi est dès lors devenu sans objet.
Il n’y a pas lieu d’avoir égard au mémoire, étranger à la circonstance que le pourvoi n’a plus d’objet.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Laisse les frais à charge de l’Etat.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.22.1208.F
Date de la décision : 09/11/2022
Type d'affaire : Droit administratif

Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, LUGENTZ FREDERIC, DE LA SERNA IGNACIO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-11-09;p.22.1208.f ?

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