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26/10/2022 | BELGIQUE | N°P.22.0712.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 octobre 2022, P.22.0712.F


N° P.22.0712.F
K. A.,
condamné, détenu,
demandeur en réouverture de la procédure,
ayant pour conseils Maîtres Anne-Sophie Closson et Nicolas Devaux, avocats au barreau de Namur.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par une requête et un mémoire remis au greffe les 25 mai et 21 octobre 2022, signés par un avocat inscrit au barreau depuis plus de dix ans, et annexés au présent arrêt, en copies certifiées conformes, le demandeur sollicite la réouverture de la procédure ayant fait l’objet de l’arrêt de la Cour du 20 avril 2016.
A l’audience du 28 septem

bre 2022, le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport et l’avocat général Michel ...

N° P.22.0712.F
K. A.,
condamné, détenu,
demandeur en réouverture de la procédure,
ayant pour conseils Maîtres Anne-Sophie Closson et Nicolas Devaux, avocats au barreau de Namur.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Par une requête et un mémoire remis au greffe les 25 mai et 21 octobre 2022, signés par un avocat inscrit au barreau depuis plus de dix ans, et annexés au présent arrêt, en copies certifiées conformes, le demandeur sollicite la réouverture de la procédure ayant fait l’objet de l’arrêt de la Cour du 20 avril 2016.
A l’audience du 28 septembre 2022, le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport et l’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LES ANTÉCÉDENTS
1. Le 2 avril 2015, la chambre des mises en accusation de la cour d’appel de Liège a ordonné le renvoi du demandeur devant la cour d’assises de la province de Liège pour y être jugé du chef d’avoir volontairement, avec intention de donner la mort et avec préméditation, commis à Liège, le 2 août 2013, un homicide sur la personne de ses deux enfants, Y. et W. K..
2. Par un arrêt rendu le 8 décembre 2015, la cour d’assises précitée a constaté que le demandeur a été déclaré coupable de cette prévention par le jury et a motivé les principales raisons de ce verdict.
3. Par un arrêt rendu le 9 décembre 2015, la même cour a condamné le demandeur à la réclusion à perpétuité pour l’assassinat de ses deux enfants.
4. Le demandeur a appris qu’avant l’ouverture de la session, le président de la cour d’assises avait unilatéralement pris rendez-vous avec la mère des enfants décédés pour visiter les lieux du crime et que, selon celle-ci, le magistrat aurait exprimé à cette occasion de la compassion.
5. Le 14 avril 2016, le conseil du demandeur a déposé au greffe de la Cour une requête de prise à partie à l’encontre du président de la cour d’assises sur la base de l’article 1140, 1°, du Code judiciaire.
6. Le 20 avril 2016, la deuxième chambre de la Cour a rejeté les pourvois introduits par le demandeur contre les arrêts de motivation et de condamnation.
7. Par un arrêt du 10 juin 2016, la première chambre de la Cour a rejeté la requête de prise à partie au motif que, dès lors qu'il n'est pas établi que le magistrat pris à partie ait témoigné en faveur de la mère des enfants du demandeur une bienveillance s'exerçant au détriment de ce dernier, la visite des lieux qu'il reconnaît avoir faite en sa compagnie, pour critiquable qu'elle soit, ne constitue pas le dol ou la fraude requis par l'article 1140, 1°, du Code judiciaire.
8. Le 13 octobre 2016, le demandeur a introduit une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, alléguant que le manque d’impartialité manifesté par le président de la cour d’assises violait l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
9. Par un arrêt rendu le 31 août 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a fait droit à cette requête et dit pour droit qu’il y a eu violation de l’article 6.1 de la Convention. Elle a également décidé que le constat de violation constitue en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le demandeur.
Selon la Cour européenne, la conduite du président de la cour d’assises, caractérisée par une visite des lieux des faits, décidée unilatéralement et hors de la présence des parties, avant l’ouverture de la session, ainsi que par sa rencontre avec la mère des victimes, pouvait faire naître la crainte d’un défaut d’impartialité objective de la part de ce magistrat et de la cour d’assises elle-même, dans le jugement du bien-fondé de l’accusation pénale dirigée contre le demandeur.
10. Se fondant sur cette décision, le demandeur sollicite la réouverture de la procédure conformément aux articles 442bis à 442octies du Code d’instruction criminelle.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
11. L’article 442bis du Code d’instruction criminelle permet au condamné de demander la réouverture de la procédure, notamment s’il a été établi par un arrêt définitif de la Cour européenne des droits de l’homme que la Convention ou des protocoles additionnels ont été violés.
12. En vertu de l’article 442quinquies, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, lorsqu’il ressort de l’examen de la demande soit que la décision attaquée est contraire sur le fond à la Convention, soit que la violation constatée est la conséquence d’erreurs ou de défaillances de procédure d’une gravité telle qu’un doute sérieux existe quant au résultat de la procédure attaquée, la Cour ordonne la réouverture de la procédure, pour autant que la partie condamnée continue à souffrir des conséquences négatives très graves que seule une réouverture peut réparer.
13. L’arrêt de la Cour du 20 avril 2016 statue sur les deux moyens invoqués alors par le demandeur. Le premier moyen, critiquant l’absence d’appel possible contre un arrêt de la cour d’assises, a été jugé irrecevable parce qu’étranger aux décisions attaquées. Le second moyen, relatif à des irrégularités imputées notamment aux expertises, a également été jugé irrecevable comme étant soulevé pour la première fois devant la Cour.
Aucune de ces décisions n’a été jugée contraire sur le fond à la Convention.
La Cour n’aurait pas pu, le 20 avril 2016, soulever un moyen d’office pris de la violation de l’article 6.1 de la Convention, en raison de la visite effectuée par le président de la cour d’assises, une semaine avant le procès, à la mère des enfants assassinés.
En effet, l’existence de cette visite n’a pas été portée à la connaissance de la Cour par une pièce de la procédure à laquelle celle-ci eût pu avoir égard.
De ce point de vue également, l’arrêt du 20 avril 2016 n’est pas contraire, sur le fond, à la Convention, puisqu’il ne se prononce pas sur la question litigieuse invoquée dans la requête en réouverture de la procédure.
14. Quant au doute sérieux sur le résultat de la procédure attaquée, il y a lieu de relever que, d’après le jury,
- le demandeur a électrocuté ses deux enfants à dessein, après leur avoir administré des médicaments ;
- il a agi par colère ou vengeance envers sa compagne, frustré par la rupture imminente de son couple et le départ proche de ses enfants ;
- les faits se sont déroulés au lendemain d’une comparution au tribunal correctionnel, le demandeur ayant été poursuivi pour avoir menacé de tuer toute sa famille ;
- les dénégations du demandeur ne résistent pas aux dépositions et rapports des médecins légistes, toxicologues et électriciens.
15. Si la Cour européenne considère que le comportement du président de la cour d’assises a pu faire naître des doutes quant à son impartialité objective, elle relève également qu’« il n’est pas démontré qu’il serait parti de l’idée préconçue que [ le demandeur ] était coupable des faits dont [il avait à ] répondre devant la cour d’assises ».
16. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il n’y a pas lieu de considérer que le défaut d’impartialité objective imputé au président de la cour d’assises ait entaché la déclaration du jury d’un doute sérieux quant à sa fiabilité.
17. La requête n’est pas fondée.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Rejette la requête en réouverture de la procédure ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés jusqu’ores à zéro euro.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Sidney Berneman, Eric de Formanoir, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.22.0712.F
Date de la décision : 26/10/2022
Type d'affaire : Droit pénal

Composition du Tribunal
Président : DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS, DE LA SERNA IGNACIO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-10-26;p.22.0712.f ?

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