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12/10/2022 | BELGIQUE | N°P.22.0851.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 octobre 2022, P.22.0851.F


N° P.22.0851.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE MONS,
demandeur en cassation,
contre
K. E.
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 2 juin 2022 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 6 octobre 2022, l’avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 12 octobre 2022, le président cheva

lier Jean de Codt a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LES FAITS
1. Par un jugem...

N° P.22.0851.F
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE MONS,
demandeur en cassation,
contre
K. E.
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 2 juin 2022 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 6 octobre 2022, l’avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 12 octobre 2022, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LES FAITS
1. Par un jugement du tribunal de la jeunesse de Tournai du 25 mars 2020, le défendeur s’est vu imposer la réalisation de trente heures de prestations éducatives à effectuer dans les six mois.
Cette mesure a été prise sur la base du fait, déclaré établi, d’avoir, à Ath entre le 1er novembre 2018 et le 18 juin 2019, vendu une quantité indéterminée de cannabis, avec la circonstance que l’infraction a été commise envers deux mineurs d’âge.
Devant les juges correctionnels, le défendeur a été en outre poursuivi du chef d’avoir, à Ath entre les 18 juin et 16 juillet 2019, détenu et vendu une quantité indéterminée de cannabis avec la circonstance que l’infraction constitue un acte de participation à l’activité principale ou accessoire d’une association.
2. Le défendeur a eu dix-huit ans le 18 juin 2019. L’arrêt considère que les faits commis avant sa majorité sont en substance les mêmes que ceux qu’il a continué à commettre après. Selon les juges d’appel, la poursuite dont ils sont saisis a dès lors pour objet le même fait que celui déjà sanctionné pénalement par le tribunal de la jeunesse. La cour d’appel en a déduit que l’action publique était irrecevable, conformément au principe non bis in idem.
C’est la décision attaquée.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
3. Le moyen est pris de la violation de l’article 4.1 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Aux termes de la disposition invoquée, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat.
Le demandeur fait valoir que la cour d’appel n’a pu, sur la base des circonstances que l’arrêt relève, conclure à l’irrecevabilité des poursuites au motif qu’elles exposent le défendeur à être puni deux fois pour le même fait.
4. Pour justifier cette conclusion, l’arrêt retient les éléments suivants :
- il s’agit de la vente du même type de stupéfiants, au même endroit, pour le compte de la même personne, au profit des mêmes clients, et dans un laps de temps continu, soit une période globale de huit mois, dont sept écoulés alors que le prévenu était mineur d’âge et un seul situé après sa majorité ;
- le jugement du tribunal de la jeunesse a infligé au défendeur une sanction de nature pénale puisqu’elle atteint des faits punissables pénalement et constitue une mesure à caractère répressif.
5. L’application de la fin de non-recevoir de l’action publique, déduite du principe non bis in idem, suppose l’existence d’une première condamnation définitive. Il doit s’agir d’une condamnation prononcée à la suite d’une poursuite revêtant un caractère répressif. Pour en décider, il y a lieu d’avoir égard à la nature et à la qualification des faits, ainsi qu’à la nature et à la gravité de la sanction applicable à leur auteur.
6. Le comportement dont le tribunal de la jeunesse a eu à connaître en cause du défendeur n’est pas constitutif d’infractions mais seulement de faits qualifiés tels, le discernement de leur auteur, alors mineur d’âge, étant en effet présumé absent.
Il n’en est pas de même pour les faits déférés au tribunal correctionnel : il y va de délits dont la sanction implique la culpabilité de celui qui les commet.
7. Toute peine possède la nature d’une rétribution, car elle est prononcée contre un délinquant appelé à répondre de l’infraction dont il a été jugé coupable.
La peine se caractérise également par son caractère afflictif, qui consiste dans la privation d’un bien, l’imposition d’un mal ou d’une souffrance.
Enfin, la peine présente un caractère infâmant qui consiste dans une marque de réprobation sociale, un blâme, une stigmatisation, une atteinte à l’honneur et à la réputation de la personne.
Imposées par le tribunal de la jeunesse en application de l’article 108, alinéa 2, 3°, du décret du 18 janvier 2018 du parlement de la Communauté française portant le Code de la protection de la jeunesse, les prestations éducatives sont ajustées au bien du mineur d’âge à qui elles sont destinées. Il s’agit d’une mesure qui, utile à ce dernier, est dépouillée du caractère intentionnellement rétributif, afflictif et infâmant propre à la peine.
8. Il en résulte que l’action publique mue à charge du défendeur ne l’expose pas à être puni deux fois pour le même fait puisque l’acte postérieur à sa majorité est culpeux, que l’acte antérieur à celle-ci ne l’est pas, et que l’un est passible d’une peine alors que l’autre ne donne lieu qu’à une mesure de protection.
En assimilant un majeur, quant à son degré de culpabilité et aux conséquences de ses actes, à un mineur ayant commis un fait qualifié infraction, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu’il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d’appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.22.0851.F
Date de la décision : 12/10/2022
Type d'affaire : Autres

Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-10-12;p.22.0851.f ?

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