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12/10/2022 | BELGIQUE | N°P.22.0543.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 octobre 2022, P.22.0543.F


N° P.22.0543.F
BALOISE BELGIUM, anciennement Generali Belgium, société anonyme, dont le siège est établi à Anvers, Posthofbrug, 16,
partie intervenue volontairement,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Santa Ranieri, avocat au barreau de Charleroi,
contre
1. G. J.,
2. AG INSURANCE, société anonyme,
parties civiles,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de la Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.<

br> I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 18 mars 2022...

N° P.22.0543.F
BALOISE BELGIUM, anciennement Generali Belgium, société anonyme, dont le siège est établi à Anvers, Posthofbrug, 16,
partie intervenue volontairement,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Santa Ranieri, avocat au barreau de Charleroi,
contre
1. G. J.,
2. AG INSURANCE, société anonyme,
parties civiles,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de la Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 18 mars 2022 par le tribunal correctionnel du Hainaut, division Charleroi, statuant en degré d’appel.
La demanderesse invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée par J. G. :
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1382 du Code civil, 419 du Code pénal et 982 du Code judiciaire, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
Quant à l’article 419 précité, le moyen, qui n’indique pas en quoi le jugement violerait cette disposition, est irrecevable à défaut de précision.
La décision attaquée est celle qui statue sur le préjudice économique temporaire subi par J. G. du 1er mars 2012 au 31 mai 2013.
Alors que l’expert retient, pour cette période, une incapacité de quinze pour cent, le jugement, se fondant sur la circonstance que le défendeur a été mis à la retraite anticipée pour cause d’invalidité, alloue à ce dernier la différence entre la pension qu’il a touchée et le traitement plein qui aurait été le sien s’il avait pu continuer à travailler.
Selon le moyen, le fait que le service de santé administratif de l’employeur public de la victime ait retenu un taux de cent pour cent, n’autorisait pas le juge à s’écarter du taux inférieur retenu par l’expert judiciaire, dès lors que le rapport dudit service est dénué de tout caractère contradictoire à l’égard des tiers.
Dans le cadre de la contestation entre l’assureur du prévenu responsable de l’accident et l’agent qui en a été victime, les constatations du service de santé administratif de l’employeur public de cet agent peuvent être invoquées à titre de présomption de fait soumise à l’appréciation du juge.
Dans la mesure où il soutient que le juge est tenu de faire prévaloir les conclusions de l’expert judiciaire sur les constatations de ce service, le moyen manque en droit.
En vertu de l’article 1382 de l’ancien Code civil, quiconque cause à autrui par sa faute un dommage, est tenu de replacer la personne lésée dans la situation où elle se trouverait si l’acte dont elle se plaint n’avait pas été accompli.
Appréciant l’incapacité temporaire de la victime au regard de la profession de conducteur de matériel roulant d’atelier qu’elle exerçait au moment de l’accident, le jugement constate que, le 10 février 2012, ce travailleur a été déclaré définitivement inapte à sa fonction en raison de sa dépression réactionnelle et d’un trouble du sommeil incompatible avec la sécurité.
De cette déclaration d’inaptitude et des motifs qui la sous-tendent, lesquels éléments ont été soumis à la contradiction des parties, le juge du fond a pu déduire que le dommage réparable causé par l’incapacité temporaire de l’agent s’élevait, sous déduction des indemnités de pension, à l’intégralité du salaire net perdu.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
La demanderesse reproche au jugement de retenir, pour le calcul du préjudice économique permanent, des montants inexpliqués et qu’elle ignore.
Mais la base de calcul utilisée par le tribunal s’identifie aux montants avancés par les parties civiles aux pages 17 et 18 des conclusions déposées pour elles le 21 octobre 2021. Il ressort de ces conclusions que les chiffres invoqués renvoient aux salaires que la victime aurait pu percevoir si elle n’avait pas été prépensionnée.
Dans des conclusions déposées pour elle le 16 novembre 2021, la demanderesse s’est référée auxdits montants ; elle ne les a pas dit inexpliqués mais elle a soutenu qu’il fallait en retrancher les sommes perçues ou à percevoir au titre de la prépension.
Dans la mesure où la demanderesse fait valoir que la base de calcul repose sur des données ignorées ou non expliquées, le moyen manque en fait.
Le moyen soutient encore que le jugement se contredit en énonçant, d’une part, que « la perte ou le maintien de la rémunération est un élément indifférent pour l’évaluation du dommage consistant en une réduction de la capacité de travail » et en retenant, d’autre part, comme base de calcul, le salaire net dont l’agent a été privé par suite de sa mise à la retraite consécutive à l’accident.
Mais l’énonciation visée par le moyen ne tend pas à exclure, de l’évaluation du dommage, le salaire perdu. Elle tend à exclure, de cette évaluation, les appointements contractuels, le bénéfice de la prépension ou les allocations de chômage que l’agent en incapacité permanente continuerait à percevoir.
Reposant sur une interprétation inexacte du jugement, le moyen manque en fait.
Sur le quatrième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 1382 de l’ancien Code civil et 136, § 2, alinéa 4, de la loi du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités.
Le jugement évalue à 22.642,07 euros le montant auquel J. G. peut prétendre pour la réparation, en droit commun, du préjudice économique temporaire.
Le juge d’appel a constaté par ailleurs que l’employeur public a versé à son agent des indemnités de maladie pour un montant de 27.759,66 euros.
Le tribunal en a déduit que l’assiette du recours subrogatoire de l’employeur public équivalait à la somme des deux montants précités, soit 50.401,73 euros.
Le jugement considère que, la différence entre 50.401,73 euros et 27.759,66 euros étant positive à concurrence de 22.642,07 euros, J. G. est en droit de réclamer ce dernier montant.
La demanderesse fait valoir qu’en la condamnant à payer au subrogeant, victime de l’accident, une somme qui peut lui être réclamée par le subrogé, le jugement expose l’assureur du responsable à devoir payer deux fois la réparation du même dommage.
L’article 136, § 2, de la loi du 14 juillet 1994 commine en effet une interdiction de cumul si les prestations servies en vertu de ladite loi et celles dues en vertu d’une autre législation ou du droit commun, réparent un même préjudice.
Mais tel n’est pas le cas en l’espèce.
En effet, il ressort des constatations du jugement attaqué que les indemnités de maladie versées à concurrence de 27.759,66 euros, et calculées sur la base du traitement, du pécule de vacances et des allocations de fin d’année, correspondent à l’incapacité économique temporaire totale subie du 19 octobre 2010 au 17 juin 2011, tandis que la somme de 22.642,07 euros correspond au préjudice subi en raison de l’incapacité économique temporaire partielle du 18 juin 2011 au 31 mai 2013.
N’exposant pas la demanderesse à payer deux fois le même dommage, la condamnation critiquée n’encourt pas la censure au titre des dispositions légales invoquées.
Le moyen ne peut être accueilli.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée par la société anonyme AG Insurance :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
La société anonyme AG Insurance a sollicité la condamnation de la demanderesse au payement d’une somme de 920 euros à titre de frais et honoraires du médecin-conseil, le docteur S., dans le cadre de l’expertise complémentaire ordonnée à l’égard de J. G..
La demanderesse a conclu à l’irrecevabilité de cette prétention, le tribunal ayant, selon elle, déjà statué sur cette demande et vidé sa saisine.
Le jugement attaqué répond à cette défense en énonçant que lesdits frais ont été exposés dans le cadre d’une expertise complémentaire ordonnée par le tribunal, et qu’il s’agit dès lors d’une demande nouvelle.
Pris de la violation de l’article 149 de la Constitution, le moyen manque en fait.
Quant aux deuxième et troisième branches réunies :
Le moyen est pris de la violation des articles 19 et 807 du Code judiciaire, 4 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, et 1382 de l’ancien Code civil.
Il est fait grief au jugement d’admettre une demande nouvelle introduite par voie de conclusions alors que cette demande émane d’une partie envers laquelle le tribunal avait déjà, par une décision précédente, entièrement vidé sa saisine.
Le jugement du 12 février 2021 du tribunal correctionnel de Charleroi considère qu’il y a lieu d’admettre l’indemnisation des frais du médecin-conseil commis pour défendre les intérêts des parties civiles dans le cadre de l’expertise judiciaire, ceci afin de mettre ces parties sur un pied d’égalité avec l’assureur du prévenu, lequel se fait toujours représenter par son médecin-conseil.
Dès lors que ce même jugement ordonne une nouvelle expertise médicale à l’égard du défendeur, partie civile, le tribunal a, de manière implicite mais certaine, réservé tant son droit d’y être assisté par un médecin-conseil, que le droit de la partie subrogée d’en postuler le recouvrement.
Contrairement à ce que la demanderesse soutient, le tribunal n’avait donc pas vidé sa saisine quant à l’action civile exercée par la défenderesse.
Le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cinq cent trente-cinq euros cinq centimes dont cent trente-sept euros un centime dus et trois cent nonante-huit euros quatre centimes payés par cette demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.22.0543.F
Date de la décision : 12/10/2022
Type d'affaire : Droit pénal

Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-10-12;p.22.0543.f ?

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