N° F.20.0086.F
É. C.,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Thierry Radelet, avocat au barreau du Brabant wallon, dont le cabinet est établi à Braine-l’Alleud, avenue Léon Jourez, 73,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 31 mai 2022, le procureur général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et le procureur général André Henkes a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur la recevabilité du mémoire en réplique :
En vertu de l’article 1094, alinéa 1er, du Code judiciaire, si le défendeur a opposé une fin de non-recevoir au pourvoi en cassation, le demandeur peut y répondre par la remise au greffe de la Cour de cassation d'un mémoire en réplique.
Dès lors que le défendeur n'a pas opposé de fin de non-recevoir au pourvoi, il n’y a pas lieu d’avoir égard à l'écrit intitulé « mémoire en réplique ».
Sur le moyen :
L’article 3, § 1er, de la Convention du 10 mars 1964 entre la Belgique et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus prévoit que les revenus provenant de biens immobiliers ne sont imposables que dans l’État contractant où ces biens sont situés.
Aux termes de l’article 3, § 2, de cette convention, la notion de bien immobilier se détermine d’après les lois de l’État contractant où est situé le bien considéré.
Par le point 2 du protocole final joint à ladite convention, la France, conformément aux dispositions de sa loi interne, déclare comme des biens immobiliers, au sens de l’article 3 précité, les droits sociaux que les associés ou actionnaires ont dans des sociétés françaises qui ont en fait pour unique objet soit la construction ou l’acquisition d’immeubles ou de groupes d’immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées à leurs membres en propriété ou en jouissance, soit la gestion de ces immeubles ou groupes d’immeubles ainsi divisés.
Pour les sociétés civiles immobilières de droit français ayant un autre objet que celui visé au point 2 précité du protocole final, l’article 8 du Code général des impôts français prévoit que ces sociétés, lorsqu’elles n’ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, relèvent du régime fiscal, dit de translucidité, des sociétés de personnes et qu’à ce titre, leurs membres sont soumis à l’impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux, mis en réserve ou distribués, correspondant à leurs droits dans ces sociétés. En vertu de l’article 238bis K du même code, ladite part dans les bénéfices sociaux est censée représenter, pour chaque personne physique agissant à titre privé qui en serait membre, des revenus immobiliers eu égard à la nature de l’activité desdites sociétés.
Il ne suit pas de ces dispositions du code précité, dans l’interprétation qu’elles reçoivent en France, que les droits sociaux dans ces sociétés civiles immobilières, qui ont une personnalité juridique et fiscale distincte de leurs membres, répondent à la notion de bien immobilier pour l’application de l’article 3, § 1er, de la convention préventive franco-belge.
Le moyen, qui repose tout entier sur le soutènement contraire, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour,
sans avoir égard au mémoire en réplique,
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent quarante-six euros cinq centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le premier président Beatrijs Deconinck, les présidents de section Christian Storck, Koen Mestdagh, Geert Jocqué et Michel Lemal, les conseillers Bart Wylleman, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique et plénière du quinze septembre deux mille vingt-deux par le premier président Beatrijs Deconinck, en présence du procureur général André Henkes, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.