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20/04/2022 | BELGIQUE | N°P.21.1022.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 avril 2022, P.21.1022.F


N° P.21.1022.F
R. J.-F.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Vincent Letellier, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Schaerbeek, rue Vanderlinden, 35, où il est fait élection de domicile, et Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
LE FONCTIONNAIRE DELEGUE de la direction générale opérationnelle de l’aménagement du territoire, du logement et du patrimoine, service public de Wallonie, dont les bureaux sont établis à Namur, place Léopold, 3,
partie civile,
défendeur en cassation,
ay

ant pour conseil Maître Jean-François Cartuyvels, avocat au barreau du Luxembourg.
I. LA P...

N° P.21.1022.F
R. J.-F.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Vincent Letellier, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Schaerbeek, rue Vanderlinden, 35, où il est fait élection de domicile, et Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
LE FONCTIONNAIRE DELEGUE de la direction générale opérationnelle de l’aménagement du territoire, du logement et du patrimoine, service public de Wallonie, dont les bureaux sont établis à Namur, place Léopold, 3,
partie civile,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-François Cartuyvels, avocat au barreau du Luxembourg.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 juin 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions qui, rendues sur l’action publique, statuent sur la culpabilité et sur la peine :
Sur le premier moyen :
Quant aux deux branches réunies :
Le demandeur est poursuivi, d’une part, pour avoir, sans permis et à l’insu du propriétaire puis contre sa volonté, exécuté des travaux et urbanisé un bien en construisant un chalet en bois dans une zone naturelle, classée et répertoriée comme « patrimoine immobilier exceptionnel » et site « Natura 2000 » (prévention A), et, d’autre part, pour avoir commis un vol, lequel a consisté en l’abattage d’arbres, le façonnage et l’utilisation du bois, au préjudice du propriétaire, pour construire le chalet (prévention B).
Le demandeur concluait à l’irrecevabilité des poursuites, en raison du défaut, pour le policier ayant procédé au constat de la première de ces infractions, de se conformer à l’obligation d’envoi au contrevenant d’un avertissement préalable conforme à l’article D.VII.4 du Code du développement territorial.
L’arrêt attaqué rejette cette défense.
Le moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12, alinéa 2, 14 et 142, alinéa 2, 2°, de la Constitution, 26, §§ 1er, 3°, et 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et D.VII.3 et D.VII.4 du Code du développement territorial, ainsi que de la méconnaissance des principes de légalité, d’égalité et de non-discrimination. Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir jugé les poursuites recevables, alors qu’en application de l’article D.VII.4, alinéa 1er, du code précité, l’agent constatateur qui relève une infraction à l’article D.VII.1, § 1er, est tenu, avant d’établir un procès-verbal, d’adresser un avertissement à l'auteur présumé de l'infraction et de fixer un délai de mise en conformité compris entre trois mois et deux ans, soit des formalités qui n’ont pas été accomplies. Selon le demandeur, la circonstance que l’auteur du constat soit un officier de police judiciaire ne saurait justifier qu’il soit dérogé à la formalité de l’avertissement préalable, ce policier local ou fédéral revêtant en pareil cas la qualité d’agent constatateur. Il ajoute que toute autre interprétation de l’article D.VII.4 précité emporterait une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec ses articles 12, alinéa 2, et 14. Selon le demandeur toujours, au contraire de ce qu’ont décidé les juges d’appel, l’omission de la formalité de l’avertissement préalable emporte l’irrecevabilité des poursuites et ne se borne pas à entacher la régularité de la preuve qui découle du procès-verbal constatant l’infraction.
Le demandeur n’indique pas en quoi la décision attaquée aurait violé les articles 142, alinéa 2, 2°, de la Constitution et 26, §§ 1er, 3°, et 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
Dans cette mesure, imprécis, le moyen est irrecevable.
L’article D.VII.4 du code précité prévoit notamment qu’en cas d'infraction visée à l'article D.VII.1, § 1er, les agents constatateurs adressent un avertissement préalable à l'auteur présumé et fixent un délai de mise en conformité compris entre trois mois et deux ans. Lorsqu'il est donné verbalement, l'avertissement est confirmé par un envoi dans les quinze jours par le fonctionnaire délégué ou le bourgmestre selon le cas. Au terme de ce délai et à défaut de mise en conformité, un procès-verbal constatant l’infraction est établi et transmis au procureur du Roi.
D’une part, il ne suit ni de l’article D.VII.4 du Code du développement territorial ni d’aucune autre disposition de ce code, que l’omission d’adresser à la personne soupçonnée d’infraction, l’avertissement préalable visé audit article D.VII.4 entraîne l’irrecevabilité des poursuites subséquentes.
D’autre part, outre les cas où la loi le prévoit, l’irrecevabilité de l’action publique ou de son exercice constitue la sanction de circonstances qui empêchent d’intenter ou de continuer les poursuites pénales dans le respect du droit à un procès équitable.
L’irrecevabilité de cette action ne se déduit dès lors pas nécessairement de l’irrégularité ou de la nullité de tout acte accompli dans le cours de son exercice ou qui en est à l’origine.
Enfin, le droit à un procès équitable n’implique pas celui de disposer d’un délai pour régulariser l’infraction avant l’exercice des poursuites.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
Les juges d’appel ont décidé qu’à supposer que l’absence d’envoi de l’avertissement préalable ait pu constituer une irrégularité, celle-ci, conformément à l’article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, n’était pas susceptible d’entraîner la nullité du procès-verbal de constatation des deux infractions reprochées au demandeur. Ils ont déduit cette décision des circonstances que pareille formalité n’est pas prévue à peine de nullité, que son omission n’avait pas entaché la fiabilité de la preuve et que l’usage de celle-ci n’avait pas porté atteinte au droit du demandeur à un procès équitable, l’intéressé n’indiquant pas concrètement en quoi ce droit aurait pu être atteint.
Ainsi, les juges d’appel ont légalement décidé que les poursuites étaient recevables et qu’il n’y avait pas lieu d’écarter le procès-verbal de constatation de l’infraction.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Il n’y a pas lieu de poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle proposée, étrangère aux motifs pour lesquels le moyen est rejeté.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est notamment pris de la violation des articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution et 32 et 96, alinéa 3, du décret du 15 juillet 2008 relatif au Code forestier. Il reproche aux juges d’appel d’avoir qualifié de vol, l’abattage, par le demandeur, d’arbres aux fins de la construction du chalet visé aux préventions, alors que cet acte relèverait, selon l’intéressé, de l’interdiction, prévue par l’article 32 du décret, d’abattre, enlever ou arracher des arbres sans l’autorisation du propriétaire.
Le vol consiste dans la soustraction frauduleuse d’une chose mobilière qui appartient à autrui. L’enlèvement, contre la volonté du propriétaire, de bois que le voleur aurait coupé constitue la soustraction d’une chose mobilière.
Cette soustraction est frauduleuse dès que celui qui s’empare de la chose contre le gré du propriétaire agit avec l’intention de ne pas la restituer et en dispose animo domini.
En revanche, l’infraction que l’article 32 du décret du 15 juillet 2008 punit de l’amende visée à l’article 96, consiste dans l’abattage, l'enlèvement ou l'arrachage d’arbres sans l'autorisation du propriétaire. Ces dispositions sont donc étrangères à la soustraction frauduleuse du bois, réprimée par l’article 461 du Code pénal.
L’arrêt énonce qu’un arbre que l’auteur abat constitue une chose mobilière susceptible d’appropriation et que la détention subséquente de pareille chose par le voleur est sans pertinence du point de vue des conditions de l’incrimination, parce que le vol est un délit instantané. Il ajoute que le fait pour le demandeur d’abattre les arbres pour les façonner et les utiliser afin de construire à son profit un chalet a constitué, dans son chef, l’appropriation que réprime l’article 461 du Code pénal, à l’exclusion de l’abattage, sans appropriation, visé à l’article 32 du décret.
Ayant ainsi constaté la réunion des conditions de l’incrimination du vol, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision que le demandeur avait commis ce délit.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur l’action publique, statue sur la remise en état poursuivie par le fonctionnaire délégué :
Il n’apparaît pas des pièces de la procédure que le pourvoi ait été signifié au ministère public.
Le pourvoi est irrecevable.
Il n’y a pas lieu d’avoir égard au troisième moyen ni de poser la question préjudicielle proposée, tous deux étrangers à la circonstance que le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais ;
Lesdits frais taxés à la somme de cent dix-sept euros vingt et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt avril deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.1022.F
Date de la décision : 20/04/2022
Type d'affaire : Droit administratif - Droit pénal - Droit constitutionnel - Autres

Analyses

Il ne suit ni de l’article D.VII.4 du Code du développement territorial ni d’aucune autre disposition de ce code, que l’omission d’adresser, à la personne soupçonnée d’infraction, l’avertissement préalable visé audit article D.VII.4 entraîne l’irrecevabilité des poursuites subséquentes; le droit à un procès équitable n’implique pas celui de disposer d’un délai pour régulariser l’infraction avant l’exercice des poursuites (1). (1) Voir les concl. « dit en substance » du MP.

URBANISME - GENERALITES [notice1]

Outre les cas où la loi le prévoit, l’irrecevabilité de l’action publique ou de son exercice constitue la sanction de circonstances qui empêchent d’intenter ou de continuer les poursuites pénales dans le respect du droit à un procès équitable; l’irrecevabilité de cette action ne se déduit dès lors pas nécessairement de l’irrégularité ou de la nullité de tout acte accompli dans le cours de son exercice ou qui en est à l’origine (1). (1) Voir Cass. 12 juin 2019, RG P.18.1001.F, Pas. 2019, n° 363.

ACTION PUBLIQUE

Il n’y a pas lieu de poser à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle étrangère aux motifs pour lesquels le moyen est rejeté.

COUR CONSTITUTIONNELLE - QUESTION PREJUDICIELLE [notice3]

Le vol consiste dans la soustraction frauduleuse d’une chose mobilière qui appartient à autrui; l’enlèvement, contre la volonté du propriétaire, de bois que le voleur aurait coupé constitue la soustraction d’une chose mobilière; cette soustraction est frauduleuse dès que celui qui s’empare de la chose contre le gré du propriétaire agit avec l’intention de ne pas la restituer et en dispose animo domini; l’infraction que l’article 32 du décret régional wallon du 15 juillet 2008 relatif au Code forestier punit de l’amende visée à l’article 96 consiste dans l’abattage, l'enlèvement ou l'arrachage d’arbres sans l'autorisation du propriétaire; ces dispositions sont donc étrangères à la soustraction frauduleuse du bois, réprimée par l’article 461 du Code pénal (1). (1) Voir les concl. « dit en substance » du MP.

VOL ET EXTORSION - INFRACTION - GENERALITES. NOTION. ELEMENT MATERIEL. ELEMENT MORAL. UNITE D'INTENTION - BOIS ET FORETS [notice5]

Lorsqu’une décision rendue sur l’action publique statue sur la remise en état poursuivie par le fonctionnaire délégué sur la base du Code (wallon) du développement territorial, la personne à l'encontre de laquelle cette mesure est ordonnée doit signifier son pourvoi relatif à cette décision au ministère public près la juridiction qui a rendu cette décision (1). (1) Voir les concl. « dit en substance » du MP.

URBANISME - REMISE EN ETAT DES LIEUX. PAIEMENT D'UNE PLUS-VALUE - POURVOI EN CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Formes - Forme et délai de signification et-ou de dépôt [notice8]


Références :

[notice1]

Code du Développement territorial - Partie décrétale - 20-07-2016 - Art. D.VII.4 - 47 / No pub 2016A05561

[notice3]

Loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage - 06-01-1989 - Art. 26 - 30 / No pub 1989021001

[notice5]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 461 - 01 / No pub 1867060850 ;

Décret wallon du 15 juillet 2008 relatif au Code forestier - 15-07-2008 - Art. 32 - 44 / No pub 2008203215

[notice8]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 427 - 30 / No pub 1808111701 ;

Code du Développement territorial - Partie décrétale - 20-07-2016 - Art. D.VII.13 - 47 / No pub 2016A05561


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-04-20;p.21.1022.f ?

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