La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2022 | BELGIQUE | N°P.22.0092.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 mars 2022, P.22.0092.F


N° P.22.0092.F
I., II., III. et IV. A. S.
accusé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Carine Liekendael et Abdelhadi Amrani, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi I est dirigé contre l’arrêt interlocutoire rendu le 15 novembre 2021 par la cour d’assises de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, sous le numéro 5792 du répertoire. Les pourvois II, III et IV sont dirigés respectivement contre les arrêts de motivation et l’arrêt de condamnation rendus les 24 et 25 novembre 2021 p

ar la même juridiction, sous les numéros 6030, 6031 et 6059 du répertoire.
Le demand...

N° P.22.0092.F
I., II., III. et IV. A. S.
accusé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Carine Liekendael et Abdelhadi Amrani, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi I est dirigé contre l’arrêt interlocutoire rendu le 15 novembre 2021 par la cour d’assises de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, sous le numéro 5792 du répertoire. Les pourvois II, III et IV sont dirigés respectivement contre les arrêts de motivation et l’arrêt de condamnation rendus les 24 et 25 novembre 2021 par la même juridiction, sous les numéros 6030, 6031 et 6059 du répertoire.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi I dirigé contre l’arrêt interlocutoire rendu le 15 novembre 2021 :
Sur le premier moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des liberté fondamentales, et 10, 11, 24 et 149 de la Constitution, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, de la présomption d’innocence et du droit à l’oralité des débats.
Quant à la première branche :
Le demandeur soutient qu’en rejetant sa demande d’enlèvement de la paroi vitrée derrière laquelle il a été placé durant la procédure devant la cour d’assises en raison d’un impératif de sécurité, l’arrêt ne répond pas adéquatement à sa défense qui invoquait un traitement inégal par rapport au prévenu comparaissant devant une autre juridiction répressive.
L’obligation de motivation des jugements et arrêts est une règle de forme qui est étrangère à la valeur de la réponse donnée au moyen.
L’arrêt répond à l’inégalité dénoncée en énonçant que les mesures de sécurité spécifiques prises lors du jugement d’une cause criminelle devant la cour d’assises, notamment l’aménagement d’un box spécial avec la pose d’une vitre derrière laquelle comparait l’accusé, contribuent à une bonne administration de la justice, dans l’intérêt des membres de la cour, du public et des jurés, qui doivent jouir d’une protection dans l’exercice de leur fonction judiciaire, sans ressentir la moindre crainte. Il précise que ces mesures sont justifiées par « un degré de dangerosité potentiel » différent de celui rencontré lors des audiences correctionnelles des tribunaux ou des cours d’appel.
L’arrêt ajoute que la vitre mise en place ne méconnaît ni le principe de l’oralité des débats, ce dispositif permettant de voir et d’entendre le demandeur, ni la présomption d’innocence qui n’est pas influencée par la paroi vitrée, ni les droits de la défense dès lors que l’accusé est en mesure, par l’ouverture ménagée dans la vitre, de communiquer, dans le respect de la confidentialité, avec son conseil.
Par ces considérations, l’arrêt répond, par une appréciation différente, au moyen invoqué.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur soutient en substance que le fait de s’être trouvé derrière une paroi vitrée, en donnant de lui l’impression d’un homme dangereux, a porté atteinte à la présomption d’innocence et, de ce fait, a entravé l’exercice effectif des droits de la défense, compte tenu des difficultés qu’il a rencontrées pour s’entretenir avec son conseil.
Selon le moyen, c’est donc à tort que l’arrêt énonce que la communication est possible et que la présomption d’innocence est respectée, nonobstant les circonstances invoquées.
Critiquant l’appréciation en fait de la cour d’assises et requérant, pour son examen, une vérification d’éléments de fait pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur les pourvois II, III et IV dirigés contre les arrêts de motivation et l’arrêt de condamnation rendus les 24 et 25 novembre 2021 :
Sur le second moyen :
Le moyen reproche aux arrêts rendus respectivement les 24 et 25 novembre 2021 sur la culpabilité et la peine de méconnaître la présomption d’innocence au motif que le premier et le troisième ont été rendus par un jury dépourvu, dès sa constitution, de l’impartialité et de l’indépendance requises.
Il ressort du procès-verbal de l’audience du 24 novembre 2021 que
- la délibération sur la culpabilité a été suspendue ;
- la cour d’assises s’est réunie en présence des parties, de leurs conseils et des jurés suppléants ;
- le président leur a expliqué que pendant la délibération, le quatrième juré a informé la cour qu’il a reconnu à l’audience du 16 novembre 2021 un témoin contre lequel il a déposé plainte en 1995 et avoir fréquenté le père du demandeur lorsqu’il travaillait à la clinique Sainte-Elisabeth ;
- la cour a proposé la récusation de ce juré et son remplacement par le premier juré suppléant ;
- les conseils des parties et le ministère public ont été entendus ;
- sur interpellation du président, ceux-ci et le demandeur ont déclaré qu’ils ne formulaient aucune observation à cet égard ;
- le président a prononcé, en leur présence, l’arrêt constatant notamment ce remplacement.
Est nouveau et, dès lors, irrecevable, le moyen qui critique la composition du jury d’assises alors que le demandeur a eu l’occasion de récuser des jurés et qu’il n’apparaît pas qu’il ait critiqué cette composition devant la cour d’assises.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de deux cent quarante-cinq euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Sidney Berneman, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trente mars deux mille vingt-deux par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.22.0092.F
Date de la décision : 30/03/2022
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public - Droit constitutionnel - Autres

Analyses

Lorsque l’accusé, invoquant un traitement inégal par rapport au prévenu comparaissant devant une autre juridiction répressive, demande l’enlèvement de la paroi vitrée derrière laquelle il a été placé durant la procédure devant la cour d’assises en raison d’un impératif de sécurité, justifie adéquatement le rejet de cette demande la considération que les mesures de sécurité spécifiques prises lors du jugement d’une cause criminelle devant la cour d’assises, notamment l’aménagement d’un box spécial avec la pose d’une vitre derrière laquelle comparait l’accusé, contribuent à une bonne administration de la justice, dans l’intérêt des membres de la cour, du public et des jurés, qui doivent jouir d’une protection dans l’exercice de leur fonction judiciaire, sans ressentir la moindre crainte, que ces mesures sont justifiées par « un degré de dangerosité potentiel » différent de celui rencontré lors des audiences correctionnelles des tribunaux ou des cours d’appel, et que la vitre mise en place ne méconnaît ni le principe de l’oralité des débats, ce dispositif permettant de voir et d’entendre le demandeur, ni la présomption d’innocence, qui n’est pas influencée par la paroi vitrée, ni les droits de la défense dès lors que l’accusé est en mesure, par l’ouverture ménagée dans la vitre, de communiquer, dans le respect de la confidentialité, avec son conseil (1). (1) Voir les concl. « dit en substance » du MP.

COUR D'ASSISES - PROCEDURE A L'AUDIENCE. ARRETS INTERLOCUTOIRES. DECLARATION DU JURY - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) - Article 10 - CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) - Article 11 [notice1]

Est nouveau et, dès lors, irrecevable, le moyen qui critique la composition du jury d’assises alors que le demandeur a eu l’occasion de récuser des jurés et qu’il n’apparaît pas qu’il ait critiqué cette composition devant la cour d’assises (1) ; il en est ainsi lorsqu’un juré a été récusé et remplacé par un juré suppléant pendant la délibération, et que les parties, entendues, ont déclaré qu’elles ne formulaient aucune observation à cet égard. (1) Cass. 10 janvier 1996, RG P.95.1335.F, Pas. 1996, n° 25 (sommaire) ; voir Cass. 11 décembre 2002, RG P.02.1389.F, Pas. 2002, n° 667 ; Cass. 11 juin 1974, Pas. 1974, I, p. 1049 ; R. DECLERCQ, « Pourvoi en cassation en matière répressive », R.P.D.B., 2015, n° 836, p. 493 et note 3020.

COUR D'ASSISES - GENERALITES


Références :

[notice1]

La Constitution coordonnée 1994 - 17-02-1994 - Art. 10 et 11 - 30 / No pub 1994021048 ;

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 2 - 30 / Lien DB Justel 19501104-30


Composition du Tribunal
Président : ROGGEN FRANCOISE
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : BERNEMAN SIDNEY, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-03-30;p.22.0092.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award