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12/01/2022 | BELGIQUE | N°P.21.0974.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 janvier 2022, P.21.0974.F


N° P.21.0974.F
I. 1. J.P.,
prévenu,
2. J. B.,
prévenu, détenu,
ayant pour conseil Maître Laurent Kennes, avocat au barreau de Bruxelles ;
II. 1. D. R.,
2. J. S.,
prévenues,
ayant pour conseil Maître Dimitri de Béco, avocat au barreau de Bruxelles,
III. 1. N.V.,
2. N. M.,
prévenues,
ayant pour conseil Maître Olivier Martins, avocat au barreau de Bruxelles,
IV. 1. R. L.,
2. D. Z.,
prévenus,
ayant pour conseil Maître Olivier Martins, avocat au barreau de Bruxelles,
V. J. S.,
prév

enue,
ayant pour conseil Maître Romain Delcoigne, avocat au barreau de Bruxelles,
VI. J.D.,
prévenue,
ayant...

N° P.21.0974.F
I. 1. J.P.,
prévenu,
2. J. B.,
prévenu, détenu,
ayant pour conseil Maître Laurent Kennes, avocat au barreau de Bruxelles ;
II. 1. D. R.,
2. J. S.,
prévenues,
ayant pour conseil Maître Dimitri de Béco, avocat au barreau de Bruxelles,
III. 1. N.V.,
2. N. M.,
prévenues,
ayant pour conseil Maître Olivier Martins, avocat au barreau de Bruxelles,
IV. 1. R. L.,
2. D. Z.,
prévenus,
ayant pour conseil Maître Olivier Martins, avocat au barreau de Bruxelles,
V. J. S.,
prévenue,
ayant pour conseil Maître Romain Delcoigne, avocat au barreau de Bruxelles,
VI. J.D.,
prévenue,
ayant pour conseil Maître Cédric Moisse, avocat au barreau de Bruxelles,
VII. S. B.,
prévenue,
ayant pour conseil Maître Charles-Edouard Huysmans, avocat au barreau de Bruxelles,
demandeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 25 juin 2021 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Dans des mémoires annexés au présent arrêt, en copies certifiées conformes, P. J. et B. J. invoquent chacun deux moyens, V. N., quatre, et S.J. et S. J., chacune, un.
Le 25 novembre 2021, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 1er décembre 2021, le conseiller Françoise Roggen a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de P. J. :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il soutient que l’arrêt attaqué est empreint de contradiction et d’ambiguïté et que les juges d’appel ont renversé la charge de la preuve.
Pour déclarer les préventions de blanchiment établies, l’arrêt considère que le demandeur n’a jamais pu démontrer l’exercice d’une activité économique lui permettant, outre les dépenses quotidiennes, de faire des économies suffisantes pour effectuer les opérations de payement identifiées et pouvoir acheter les immeubles litigieux.
L’arrêt ajoute que les affirmations du demandeur relatives notamment à un héritage de son père manquent de toute crédibilité.
Pareille motivation n’est ni contradictoire, ni ambigüe.
En relevant que les revenus dont le prévenu dispose ne lui permettent pas d’acquérir un immeuble de rapport et que ses dires sont dénués de toute valeur démonstrative du contraire, ce qui revient à les juger non crédibles, les juges d’appel n’ont pas renversé la charge de la preuve mais ont apprécié le bien-fondé de la prévention à la lumière des éléments retenus à charge du demandeur et de la contradiction qu’il leur a opposée.
Le moyen manque en fait.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 42, 1°, et 505, alinéa 6, du Code pénal.
Le demandeur fait valoir que l’arrêt ne pouvait le condamner à la peine de confiscation par équivalent de l’objet de l’infraction de blanchiment de 142.200 euros visée à la prévention E.1, dès lors que ce montant est inclus dans celui qui a déjà été payé à la suite de la transaction pénale intervenue en faveur d’une banque impliquée dans les mêmes faits.
En tant qu’il soutient que la somme a été payée, ce que l’arrêt ne constate pas, le moyen requiert pour son examen la vérification d’éléments de fait, laquelle échappe au pouvoir de la Cour.
A cet égard, le moyen est irrecevable.
La prévention concernée par la confiscation que le demandeur critique est celle que réprime l’article 505, alinéa 1er, 3°, du Code pénal.
Au contraire de la confiscation visée aux articles 42, 3°, et 43bis du Code pénal, qui est facultative, la confiscation des choses visées à l’article 505, alinéa 1er, 3°, du Code pénal est obligatoire.
Aucune disposition légale ni aucun principe général du droit n’empêchent que plusieurs auteurs ayant commis ensemble une des infractions visées à l’article 505, alinéa 1er, du Code pénal, soient tous condamnés à la confiscation de l’objet du blanchiment, pour autant que l’exécution de la confiscation n’excède pas l’avantage patrimonial qui a été blanchi.
C’est au stade de l’exécution des confiscations et non au moment de leur prononciation qu’il y a lieu de s’assurer de l’absence de dépassement.
Dans la mesure où il repose sur l’affirmation du contraire, le moyen manque en droit.

Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi de B.J. :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 204 du Code d’instruction criminelle. Il soutient que l’arrêt viole la notion de force majeure en refusant de relever l’appel du demandeur de la déchéance encourue du fait de sa tardiveté.
Pour justifier la recevabilité de son recours, le demandeur avait invoqué la force majeure en la déduisant du fait que, détenu et ne connaissant pas la procédure pénale, il n’avait pas été averti du caractère limité de l’appel du ministère public ni de l’utilité d’interjeter un appel subséquent pour étendre la saisine de la cour.
L’ignorance du droit ne constitue pas un cas de force majeure et le demandeur n’a pas soutenu devant les juges d’appel, pas plus qu’il ne soutient devant la Cour, qu’il aurait été la proie d’une erreur invincible.
L’arrêt relève que le demandeur a été averti en temps utile de l’appel du ministère public et qu’il a pu s’en entretenir lors des deux visites que son conseil lui a rendues à la prison avant l’expiration du délai d’appel.
Les juges d’appel ont pu légalement en déduire que si l’appel du demandeur a été formé tardivement, ce n’est pas en raison d’une circonstance indépendante de sa volonté et qu’il n’aurait pu ni prévoir ni conjurer.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Pour les motifs indiqués en réponse au second moyen, identique, invoqué à l’appui du pourvoi du premier demandeur, le moyen est irrecevable en tant qu’il exige une vérification en fait, et il manque en droit pour le surplus.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
C. Sur le pourvoi de R. D. :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
D. Sur le pourvoi de S. J. :
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 65, alinéa 2, du Code pénal.
La demanderesse reproche à la cour d’appel de lui avoir refusé le bénéfice de cette disposition en considérant que l’unité d’intention qu’elle requiert n’est pas établie parce qu’elle a été rompue par une condamnation judiciaire intervenue après les faits qui restent à juger et avant ceux qui l’ont déjà été.
L’article 65 précité n’interdit pas à la juridiction saisie des faits encore à sanctionner de considérer que, réitérés en dépit d’un avertissement judiciaire, les faits déjà jugés procèdent non pas de l’intention unique visée à cet article mais de la volonté de persévérer dans la même délinquance.
L’arrêt constate que les faits dont la cour d’appel est saisie ont été commis entre le 1er juillet 2015 et le 17 avril 2016, que la demanderesse a été condamnée le 9 mai 2006 par le tribunal correctionnel de Paris à une peine d’emprisonnement de cinq mois pour des faits de même nature, qu’elle est revenue ensuite en Belgique et y a commis, entre le 17 février 2017 et le 19 août 2017 des faits à nouveau semblables pour lesquels elle a été condamnée le 15 avril 2019 par le tribunal correctionnel d’Anvers.
Les juges d’appel ont pu en déduire que, relevant d’une persévérance coupable dans la délinquance, les faits jugés à Anvers ne pouvaient pas constituer, avec ceux restant à juger, un délit collectif par unité d’intention.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
E. Sur le pourvoi de V. N. :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 et 6.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La demanderesse reproche à l’arrêt de ne pas dire irrecevables les poursuites mues à sa charge, alors qu’elle n’a jamais été entendue au cours de l’instruction préparatoire et qu’elle n’a pas été régulièrement convoquée en chambre du conseil pour le règlement de la procédure. Selon le moyen, les juges d’appel auraient dû, sur ce fondement, conclure à une violation irrémédiable des droits de la défense et du droit à un procès équitable.
Il n’apparaît pas, des pièces de la procédure, que la demanderesse se soit pourvue contre l’ordonnance qui, au terme de l’instruction, déclare celle-ci complète et renvoie devant le tribunal correctionnel les personnes à l’égard desquelles des charges suffisantes de culpabilité ont été recueillies.
Il en résulte que, dans la mesure où il critique l’instruction préparatoire et le règlement de la procédure qui s’en est suivi, le moyen, étranger à l’arrêt attaqué, est irrecevable.
Pour autant qu’elle ne contienne pas d’illégalité quant à la compétence, l’ordonnance de renvoi saisit le juge du fond de la cause. Elle conserve ses effets tant qu’elle n’est pas annulée par la Cour. Les juges d’appel n’avaient donc pas à la censurer, n’en ayant pas le pouvoir.
Lorsque, devant la juridiction de jugement, le prévenu fait état d’une violation du droit à un procès équitable commise au cours de l’instruction préparatoire, le juge du fond apprécie si la violation invoquée rend impossible, devant lui, la tenue d’un procès équitable. L’équité du procès pénal se vérifie par rapport à l’ensemble de la procédure, en recherchant si les droits de la défense ont été respectés, en examinant si la personne poursuivie a eu la possibilité de contester l’authenticité des preuves et de s’opposer à leur utilisation, en examinant si les circonstances dans lesquelles les éléments à charge ont été obtenus, jettent le doute sur leur crédibilité ou leur exactitude, et en évaluant l’influence de l’élément de preuve obtenu irrégulièrement sur l’issue de l’action publique.
Pour décider que le droit de la demanderesse à un procès équitable est resté intact, nonobstant les errements de la procédure, l’arrêt constate que
- détenue à l’étranger, la demanderesse a fait l’objet d’un transfert temporaire aux autorités belges lors du procès devant le premier juge ;
- le 2 novembre 2020, assistée de son conseil, elle a été entendue par les enquêteurs et des photographies extraites des images de vidéosurveillance couvrant les lieux des faits lui ont été présentées à cette occasion ;
- le premier juge a permis à la demanderesse, assistée de son avocat, de réagir à plusieurs photographies tirées de films enregistrés par les caméras de surveillance, et projetées sur grand écran lors des débats ;
- devant le premier juge, la demanderesse a obtenu la présentation de photographies plus claires et elle n’a pas sollicité d’autres devoirs d’instruction ;
- en degré d’appel, elle a été entendue par les enquêteurs à propos de chaque fait et elle a également été longuement auditionnée au cours de l’instruction d’audience devant la cour d’appel ;
- lors des instructions d’audience devant le premier juge puis devant la cour d’appel, la demanderesse n’a pas communiqué d’autres informations que celles reprises dans le cadre de l’analyse, par les juges d’appel, des préventions mises à sa charge.
Sur la base de ces considérations, la cour d’appel a pu estimer que les errements dénoncés par le moyen n’ont pas entraîné une violation irréparable des droits de la défense ni empêché la tenue d’un procès équitable.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 149 de la Constitution.
La demanderesse fait en substance grief aux juges d’appel d’avoir systématiquement couplé l’examen des infractions de vol de cartes bancaires repris sous les préventions B avec celui des fraudes informatiques subséquentes, reprises sous les préventions C.
La demanderesse dénonce ainsi l’absence de toute motivation propre aux vols visés aux préventions B.79, B.81, B.82, B.86 et B.90, et déclarés établis alors que le premier juge l’en avait acquittée.
Elle fait valoir que les éléments de conviction retenus par la cour d’appel ne concernent que les faits de fraude informatique visés sous les préventions C.79, C.81, C.82, C.86 et C.90 lors desquels elle apparaît sur les images de vidéosurveillance des agences bancaires où les cartes volées ont été utilisées.
Mais la demanderesse a été condamnée à une peine unique d’emprisonnement de quatre ans et d’amende de deux mille cinq cents euros du chef de neuf vols visés sous les préventions B, de neuf fraudes informatiques visées sous les préventions C, et comme membre d’une organisation criminelle faisant l’objet de la prévention F.2 limitée dans le temps.
Le moyen ne concerne que cinq faits repris aux préventions B et la peine infligée à la demanderesse est légalement justifiée par les autres infractions déclarées établies dans son chef.
Dénué d’intérêt, le moyen est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Quant aux deux branches réunies :
La demanderesse reproche aux juges d’appel de n’avoir pas tenu compte du principe de proportionnalité de la peine dont elle avait sollicité l’application dans ses conclusions. Elle fait valoir que l’ensemble des peines privatives de liberté qu’elle doit purger l’expose à un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention.
Le juge détermine souverainement, dans les limites de la loi et en indiquant succinctement mais avec précision les raisons de son choix, la peine qu’il estime être en rapport avec la gravité des infractions déclarées établies et la personnalité du prévenu. La Cour vérifie s’il ne ressort pas des motifs de la décision attaquée qu’elle a été rendue en violation de l’article 3 précité.
Si toute condamnation pénale peut être dégradante, la prohibition comminée par l’article 3 de la Convention suppose que le caractère dégradant présente un seuil minimum de gravité, lequel s’apprécie en fonction de l’ensemble des circonstances et plus particulièrement en fonction de la nature de la peine, des modalités de son exécution ou du contexte entourant son infliction.
En tant qu’il fait valoir, au titre d’une violation dudit article 3, que l’ensemble des peines infligées à la demanderesse devront être exécutées dans leur totalité et que cette circonstance l’éloignera davantage encore de ses enfants, le moyen, qui repose sur une hypothèse et est étranger à l’arrêt attaqué, est irrecevable.
Après une condamnation à une peine d’emprisonnement de trois ans par la cour d’appel de Mons, les juges d’appel ont prononcé à charge de la demanderesse une peine complémentaire de deux ans pour des faits portant sur quatre-vingt-deux préventions, essentiellement des vols et des fraudes informatiques.
Pour les faits commis après le 13 novembre 2018, la cour d’appel l’a condamnée à une peine unique d’emprisonnement de quatre ans et d’amende de deux mille cinq cents euros.
Pour rendre compte des raisons ayant motivé le taux de ces peines, l’arrêt se réfère au nombre particulièrement important de vols commis au préjudice de personnes âgées, dans le cadre d’une organisation criminelle. L’arrêt relève que la demanderesse est connue sous trente-et-une identités différentes, qu’elle a été interpellée ou est connue dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne pour des faits de même nature, qu’elle a encouru d’autres condamnations, que la société doit être protégée contre ses agissements et le caractère asocial qu’ils révèlent.
La cour d’appel a eu égard aussi à la situation familiale de la demanderesse, qu’elle décrit comme célibataire et mère de trois jeunes enfants dont elle est séparée depuis dix-huit mois.
Au vu de l’ensemble de ces éléments et du caractère professionnel de la délinquance déployée par la demanderesse sur une période de près de douze ans, la cour d’appel, rejetant la demande de sursis, a infligé des peines qui n’atteignent pas le maximum légal applicable et dont rien n’indique qu’elles porteraient atteinte à la dignité humaine.
Par ces considérations qui relèvent de leur appréciation en fait, les juges d’appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 65, alinéa 2, du Code pénal.
La demanderesse fait valoir que le juge qui estime devoir faire application de cette disposition doit déterminer la peine qu’il aurait infligée s’il avait été saisi de l’ensemble des infractions constituant la manifestation successive et continue de la même intention.
Elle en déduit que la cour d’appel devait, pour apprécier l’éventualité d’une peine complémentaire assortie le cas échéant d’un sursis, tenir compte de l’ensemble des préventions commises avant le 13 novembre 2018, en ce compris celles qui ont fait l’objet de la première condamnation.
La demanderesse soutient qu’aucun motif de l’arrêt ne permet de vérifier que c’est bien en tenant compte de l’ensemble des préventions dont elle a été jugée coupable qu’une peine complémentaire de deux ans d’emprisonnement sans sursis lui a été infligée.
En son 367ème feuillet, la cour d’appel indique qu’il est déplorable de noter qu’à la suite de la plupart des faits de la présente cause, la demanderesse a encore été condamnée à trois reprises et notamment le 14 mars 2019, contradictoirement, par la cour d’appel de Mons, à une peine d’emprisonnement de trois ans pour quatre vols et cinq fraudes informatiques.
En son 368ème feuillet, la cour relève que les trente-huit vols et les trente-huit fraudes informatiques commis entre le 24 août 2015 et le 13 novembre 2018, et dont elle est saisie, constituent un délit collectif par unité d’intention avec ceux jugés par la cour d’appel de Mons en 2019.
L’arrêt énonce enfin que « les faits commis par la prévenue entre le 24 août 2015 et le 13 novembre 2018, dont la cour connaît actuellement, sont d’une gravité certaine. Pour ces motifs, elle estime que la peine de trois ans prononcée par l’arrêt susdit ne peut suffire à réprimer également les faits qu’elle connaît ».
L’arrêt conclut qu’en ce qui concerne les faits commis par la prévenue entre le 24 août 2015 et le 13 novembre 2018, une peine complémentaire de deux ans d’emprisonnement permet d’assurer une plus juste répression de l’ensemble des faits.
Par les considérations précitées, la cour d’appel a tenu compte, d’une part, de l’ensemble des préventions mises à charge de la demanderesse entre le 24 août 2015 et le 13 novembre 2018, en ce compris celles jugées en 2019 par la cour d’appel de Mons et, d’autre part, de la peine qui lui a été infligée par cette juridiction pour lui refuser le sursis qu’elle sollicitait et fixer la peine complémentaire à deux ans d’emprisonnement.
La cour d’appel a ainsi légalement justifié sa décision.
Procédant d’une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

F. Sur le pourvoi de M.N. :

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

G. Sur le pourvoi de L. R. :
La demanderesse se désiste de son pourvoi.
H. Sur le pourvoi de Z. D. :
Le demandeur se désiste de son pourvoi.
I. Sur le pourvoi de S. J. :
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 14, alinéa 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 195, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle, 8, § 1er, de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à la présomption d’innocence et de la notion juridique de présomption de fait.
Quant à la première branche :
La demanderesse fait grief à la cour d’appel d’avoir aggravé la peine infligée par le premier juge et de lui avoir refusé toute mesure de sursis en raison de sa qualité de délinquante professionnelle dès lors qu’elle avait été interpellée, en Belgique et en France, par les services de police pour de nombreux faits de même nature depuis 2004, soit depuis près de dix-sept ans.
Elle soutient que, ne se fondant pas sur les deux antécédents judiciaires constatés dans son chef, ce motif viole tant la présomption d’innocence que la notion de présomption de fait.
Le motif critiqué doit se comprendre à la lumière de l’ensemble des éléments que l’arrêt prend en considération pour déterminer le taux de la peine.
Outre ce motif, la cour d’appel s’est référée, en effet, au nombre important de faits commis, soit quarante-quatre vols de cartes bancaires et autant de fraudes informatiques pour un montant total de 124.289 euros, au préjudice de personnes âgées, en agissant notamment avec des coauteurs, et en qualité de membre d’une organisation criminelle. L’arrêt reprend aussi la circonstance qu’elle était connue sous neuf alias différents, qu’elle avait déjà fait l’objet de mesures éducatives durant sa minorité et qu’en France, elle a été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de six mois pour vol en réunion et escroquerie.
Dans ce contexte, la mention suivant laquelle la demanderesse est, au regard de ses multiples interpellations en Belgique et en France depuis près de dix-sept ans, une délinquante professionnelle, ne met en avant qu’un élément propre de sa personnalité qui révèle, selon les juges du fond, la gravité de son comportement asocial.
Rien dans la motivation de l’arrêt ne permet d’identifier une imputation à la demanderesse d’autres faits culpeux que ceux pour lesquels elle a été condamnée.
La cour d’appel n’a enfin pas déduit des motifs précités des conséquences qui seraient sans aucun lien avec eux ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d’aucune justification.
Reposant sur une interprétation inexacte de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Quant à la seconde branche :
La demanderesse soutient que l’aggravation de la peine ne pouvait prendre appui que sur des antécédents judiciaires passés en force de chose jugée et que ce constat ne ressort ni de l’arrêt ni d’aucune autre pièce à laquelle la Cour peut avoir égard.
Pour se prononcer sur la sanction à infliger, le juge peut avoir égard aux différents éléments de la cause, notamment ceux relatifs à la personnalité du prévenu. A ce titre, il peut prendre en considération l’existence de dossiers classés sans suite, ou même de poursuites ou de condamnations dont l’issue n’est pas définitive, pourvu qu’il ne statue pas sur leur caractère délictueux mais se borne à les prendre en compte en tant que renseignements laissés à son appréciation. Ces éléments peuvent, lors de la détermination de la peine, être pris en compte à titre d’avertissements.
Soutenant le contraire, le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
J. Sur le pourvoi de D. J. :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
K. Sur le pourvoi de B.S. :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement des pourvois de L. R. et de Z. D. ;
Rejette les autres pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de mille six cent quatre-vingt-un euros trente-huit centimes dont I) sur les pourvois de P. et B. J. : deux cent quarante euros vingt centimes dus ; II) sur les pourvois de R. et D. et S. J.: deux cent quarante euros vingt centimes dus ; III) sur les pourvois de V. N. et M.N. : deux cent quarante euros vingt centimes dus ; IV) sur les pourvois de L.R. et Z. D. : deux cent quarante euros vingt centimes dus ; V) sur le pourvoi de S.J.: deux cent quarante euros vingt centimes dus ; VI) sur le pourvoi de D.J. : deux cent quarante euros vingt centimes dus et VII) sur le pourvoi de B. S.: deux cent quarante euros vingt centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0974.F
Date de la décision : 12/01/2022
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public - Autres

Analyses

Aucune disposition légale ni aucun principe général du droit n’empêchent que plusieurs auteurs ayant commis ensemble une des infractions visées à l’article 505, alinéa 1er, du Code pénal, soient tous condamnés à la confiscation de l’objet du blanchiment, pour autant que l’exécution de la confiscation n’excède pas l’avantage patrimonial qui a été blanchi; c’est au stade de l’exécution des confiscations et non au moment de leur prononciation qu’il y a lieu de s’assurer de l’absence de dépassement (1). (1) Voir les concl. du MP.

RECEL - PEINE - AUTRES PEINES - Confiscation - Conséquence [notice1]

La force majeure justifiant la recevabilité d’un appel formé par un prévenu après l’expiration du délai légal ne peut résulter que d’une circonstance indépendante de sa volonté et qu’il n’aurait pu ni prévoir ni conjurer; l’ignorance du droit ne constitue pas un cas de force majeure (1). (1) Voir les concl. du MP.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Appel principal. Forme. Délai [notice3]

L’article 65 du Code pénal n’interdit pas à la juridiction saisie des faits encore à sanctionner de considérer que, réitérés en dépit d’un avertissement judiciaire, les faits déjà jugés procèdent non pas de l’intention unique visée à cet article mais de la volonté de persévérer dans la même délinquance (1). (1) Voir les concl. du MP.

PEINE - CONCOURS - Concours idéal [notice4]

Pour autant qu’elle ne contienne pas d’illégalité quant à la compétence, l’ordonnance de renvoi saisit le juge du fond de la cause; elle conserve ses effets tant qu’elle n’est pas annulée par la Cour (1). (1) Voir les concl. du MP.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INSTRUCTION - Règlement de la procédure - Effets - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - TRIBUNAUX - MATIERE REPRESSIVE - Action publique [notice5]

Lorsque, devant la juridiction de jugement, le prévenu fait état d’une violation du droit à un procès équitable commise au cours de l’instruction préparatoire, le juge du fond apprécie si la violation invoquée rend impossible, devant lui, la tenue d’un procès équitable; l’équité du procès pénal se vérifie par rapport à l’ensemble de la procédure, en recherchant si les droits de la défense ont été respectés, en examinant si la personne poursuivie a eu la possibilité de contester l’authenticité des preuves et de s’opposer à leur utilisation, en examinant si les circonstances dans lesquelles les éléments à charge ont été obtenus, jettent le doute sur leur crédibilité ou leur exactitude, et en évaluant l’influence de l’élément de preuve obtenu irrégulièrement sur l’issue de l’action publique (1). (1) Voir les concl. du MP.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve [notice8]

Le juge détermine souverainement, dans les limites de la loi et en indiquant succinctement mais avec précision les raisons de son choix, la peine qu’il estime être en rapport avec la gravité des infractions déclarées établies et la personnalité du prévenu; la Cour vérifie s’il ne ressort pas des motifs de la décision attaquée qu’elle a été rendue en violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (1). (1) Voir les concl. du MP.

PEINE - GENERALITES. PEINES ET MESURES. LEGALITE - MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - PAS DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 3 [notice11]

Si toute condamnation pénale peut être dégradante, la prohibition comminée par l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales suppose que le caractère dégradant présente un seuil minimum de gravité, lequel s’apprécie en fonction de l’ensemble des circonstances et plus particulièrement en fonction de la nature de la peine, des modalités de son exécution ou du contexte entourant son infliction (1). (1) Voir les concl. du MP.

PEINE - GENERALITES. PEINES ET MESURES. LEGALITE - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 3 [notice14]

Pour se prononcer sur la sanction à infliger, le juge peut avoir égard aux différents éléments de la cause, notamment ceux relatifs à la personnalité du prévenu; à ce titre, il peut prendre en considération l’existence de dossiers classés sans suite, ou même de poursuites ou de condamnations dont l’issue n’est pas définitive, pourvu qu’il ne statue pas sur leur caractère délictueux mais se borne à les prendre en compte en tant que renseignements laissés à son appréciation, ces éléments pouvant, lors de la détermination de la peine, être pris en compte à titre d’avertissements (1). (1) Voir les concl. du MP.

PEINE - GENERALITES. PEINES ET MESURES. LEGALITE - MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - PAS DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) [notice16]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 505 - 01 / No pub 1867060850

[notice3]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 204 - 30 / No pub 1808111701

[notice4]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 65 - 01 / No pub 1867060850

[notice5]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 130 - 30 / No pub 1808111701

[notice8]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er - 30 / Lien DB Justel 19501104-30

[notice11]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 3 - 30 / Lien DB Justel 19501104-30 ;

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 195, al. 2 - 30 / No pub 1808111701

[notice14]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 3 - 30 / Lien DB Justel 19501104-30

[notice16]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 195, al. 2 - 30 / No pub 1808111701


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2022-01-12;p.21.0974.f ?

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