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22/12/2021 | BELGIQUE | N°P.21.1311.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 décembre 2021, P.21.1311.F


N° P.21.1311.F
1. Ö.E.,
2. B. S.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Mariana Boutuil, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 379, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L’avocat général Michel Nolet d

e Brauwere a déposé des conclusions au greffe le 13 décembre 2021.
A l’audience du 22 décembre...

N° P.21.1311.F
1. Ö.E.,
2. B. S.,
prévenus,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Mariana Boutuil, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 379, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe le 13 décembre 2021.
A l’audience du 22 décembre 2021, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Les demandeurs se sont vus poursuivre du chef d’avoir tenu une maison de débauche pendant cinq ans, entre le 1er janvier 2010 et le 26 mars 2015, et d’y avoir exploité la prostitution d’autrui.
Il est reproché à l’arrêt d’imputer ces infractions aux prévenus malgré l’erreur de droit qui en a altéré le caractère conscient.
Dans les conclusions déposées pour eux à la cour d’appel, les demandeurs ont fait valoir que l’administration communale a laissé leur salon de prostitution prospérer, parce qu’ils ont réalisé les travaux nécessaires pour l’obtention du permis d’urbanisme et du certificat de conformité, documents qui leur ont été délivrés le 13 mai 2014 et le 17 février 2015.
Selon ces conclusions, l’erreur vient de ce que les taxes et règlements communaux auxquels les demandeurs ont été priés de se conformer, se réfèrent à l’exploitation d’un salon de prostitution ainsi qu’aux lieux affectés à la prostitution en vitrine : ils n’ont dès lors pas pu imaginer que la loi érigeait en délit une activité réglée, encadrée et taxée par l’administration.
L’erreur constitutive d’une cause de justification est celle que tout homme raisonnable et prudent aurait pu commettre en étant placé dans les mêmes circonstances que celles où le prévenu s’est trouvé.
L’erreur invincible profite à l’auteur de l’infraction à condition de porter sur un de ses éléments constitutifs, tel la volonté de commettre une action dont on sait la criminalité.
Le juge ne peut renverser la présomption de connaissance de la loi que sur le fondement d’un fait apte à créer la conviction erronée d’agir conformément à celle-ci.
Il ressort des conclusions des demandeurs ainsi que des énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement entrepris, que le certificat de conformité et le permis d’urbanisme invoqués par les prévenus ont pour vocation de constater l’adéquation de leur immeuble ou d’une partie de celui-ci, ainsi que de son aménagement, par rapport à l’usage escompté, c’est-à-dire la prostitution en vitrine.
De la circonstance que, pour des raisons de salubrité publique, l’autorité communale soumet cette activité à des normes urbanistiques ou sanitaires, il ne se déduit pas que l’exploitant ou le tenancier de l’établissement soit lui-même affranchi de la responsabilité pénale associée au profit qu’il en tire.
L’arrêt relève que les titulaires du certificat de conformité ont été avertis, par l’article 5 de ce document, que celui-ci ne représentait en aucun cas une autorisation ou une forme de consentement quelconque par rapport à l’activité exercée dans les lieux certifiés conformes.
Quant aux taxes communales dont les demandeurs invoquent le payement, la loi fiscale étant destinée à frapper la matière imposable, elle la saisit telle qu’elle apparaît en fait, sans se préoccuper de son caractère licite ou illicite.
Partant, les juges d’appel ont répondu aux conclusions et ont pu considérer que ni ces taxes, ni le permis, ni le certificat n’ont été à même de créer invinciblement, dans le chef des demandeurs, la conviction d’agir conformément à la loi.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 42, 3°, 43bis et 505, alinéa 6, du Code pénal.
Quant à la première branche :
Les demandeurs ont été reconnus coupables d’avoir, en infraction à l’article 505, alinéa 1er, 3°, du Code pénal, transféré à l’étranger, dans le but de dissimuler leur origine illicite, des fonds issus des gains que leur ont valu la tenue d’une maison de débauche et l’exploitation de la prostitution d’autrui.
Le moyen reproche à l’arrêt d’infliger aux demandeurs la peine de confiscation prévue, en pareil cas, à l’article 505, alinéa 6, du Code pénal, sans vérifier, au moyen d’une analyse individualisée et personnelle de la situation de chacun des prévenus, si la confiscation par équivalent de l’objet du blanchiment, ne constitue pas, pour ceux-ci, une peine déraisonnablement lourde.
La confiscation que l’arrêt prononce par application de l’article 505, alinéa 6, du Code pénal est obligatoire, de sorte que les prévenus ne pouvaient ignorer, au vu de la qualification de la prévention mise à leur charge, qu’ils s’exposaient à cette peine.
Il leur appartenait dès lors d’en dénoncer le caractère déraisonnablement lourd, afin d’obtenir une réduction de la somme.
Cette défense a été proposée pour la confiscation des avantages patrimoniaux, mais pas pour l’objet du blanchiment réalisé par le transfert de fonds à l’étranger.
Partant, les juges d’appel ont pu, sans violer les dispositions visées au moyen, se borner à constater que la confiscation susdite n’était pas déraisonnablement lourde au vu des éléments soumis à la cour d’appel, l’arrêt se référant notamment aux profits tirés des infractions et à la situation patrimoniale actuelle des demandeurs.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Il est reproché à l’arrêt de ne pas répondre à la défense déduite du caractère facultatif de la confiscation des avantages patrimoniaux, encourue par application des articles 42, 3°, et 43bis du Code pénal.
Mais pour infliger cette confiscation nonobstant son caractère facultatif, l’arrêt relève notamment
- que les faits, répétés sur une longue période délictueuse, ont permis aux prévenus de réaliser des gains plantureux, le loyer demandé aux prostituées étant hors de proportion avec les loyers qu’une autre affectation de l’immeuble aurait rapportés ;
- qu’une sanction dissuasive s’impose afin d’éviter que l’appât du gain n’induise la récidive ;
- qu’il n’y a pas lieu de tenir compte, dans ce cadre, de la fiscalité susceptible d’atteindre les gains illicites, que ce soit au titre de bénéfice social ou de traitements perçus en qualité de dirigeants d’entreprise.
Les juges d’appel ont, ainsi, régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés à la somme de cent dix euros soixante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-deux décembre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.1311.F
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Droit administratif - Droit fiscal

Analyses

L’erreur constitutive d’une cause de justification est celle que tout homme raisonnable et prudent aurait pu commettre en étant placé dans les mêmes circonstances que celles où le prévenu s’est trouvé (1). (1) Cass. 28 mars 2012, RG P.11.2083.F, Pas. 2012, n° 202 ; quant à l’erreur et l’ignorance constitutives d’une cause de justification, voir F. KUTY, Principes généraux du droit pénal belge, T.II: L’infraction pénale, 2è éd., Larcier, 2020, n° 1504 et s. [1515, 1519-1520].

INFRACTION - JUSTIFICATION ET EXCUSE - Justification [notice1]

L’erreur invincible profite à l’auteur de l’infraction à condition de porter sur un de ses éléments constitutifs, tel la volonté de commettre une action dont on sait la criminalité; le juge ne peut renverser la présomption de connaissance de la loi que sur le fondement d’un fait apte à créer la conviction erronée d’agir conformément à celle-ci (1). (1) Cass. 28 mars 2012, RG P.11.2083.F, Pas. 2012, n° 202 ; quant à l’erreur et l’ignorance constitutives d’une cause de justification, voir F. KUTY, Principes généraux du droit pénal belge, T.II: L’infraction pénale, 2è éd., Larcier, 2020, n° 1504 et s. [1515, 1519-1520].

INFRACTION - JUSTIFICATION ET EXCUSE - Justification [notice2]

De la circonstance que, pour des raisons de salubrité publique, l’autorité communale soumet la prostitution en vitrine à des normes urbanistiques ou sanitaires, il ne se déduit pas que l’exploitant ou le tenancier de l’établissement soit lui-même affranchi de la responsabilité pénale associée au profit qu’il en tire (1). (1) Voir les concl. du MP.

DEBAUCHE ET PROSTITUTION - INFRACTION - JUSTIFICATION ET EXCUSE - Justification - URBANISME - DIVERS [notice3]

La loi fiscale étant destinée à frapper la matière imposable, elle la saisit telle qu’elle apparaît en fait, sans se préoccuper de son caractère licite ou illicite; la circonstance qu’une taxe communale est prélevée sur la prostitution en vitrine n’est pas à même de créer invinciblement, dans le chef des exploitants de cette activité, la conviction d’agir conformément à la loi (1). (1) Voir les concl. du MP.

DEBAUCHE ET PROSTITUTION - INFRACTION - JUSTIFICATION ET EXCUSE - Justification - TAXES COMMUNALES, PROVINCIALES ET LOCALES - TAXES COMMUNALES [notice6]


Références :

[notice1]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 71 - 01 / No pub 1867060850

[notice2]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 71 - 01 / No pub 1867060850

[notice3]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 71 et 380 - 01 / No pub 1867060850

[notice6]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 71 et 380 - 01 / No pub 1867060850


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-12-22;p.21.1311.f ?

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