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22/12/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0771.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 décembre 2021, P.21.0771.F


N° P.21.0771.F
M.C.,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Marc Gouverneur, avocat au barreau de Charleroi, dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de la Neuville, 50/B, où il est fait élection de domicile,
contre
C. B., D., L.,
personne contre laquelle l’action publique est engagée,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 mai 2021, sous le numéro 2020/KC12/40, par la cour d’appel de Mons, chambre des mises en accusation.
La demande

resse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
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N° P.21.0771.F
M.C.,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Marc Gouverneur, avocat au barreau de Charleroi, dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de la Neuville, 50/B, où il est fait élection de domicile,
contre
C. B., D., L.,
personne contre laquelle l’action publique est engagée,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 mai 2021, sous le numéro 2020/KC12/40, par la cour d’appel de Mons, chambre des mises en accusation.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui constate la prescription de l’action publique :
Sur le premier moyen :
Le 21 décembre 2017, la demanderesse s’est constituée partie civile contre la défenderesse du chef de faux et usage de faux par un officier public pour lui avoir signifié, le 3 août 2007, deux citations à comparaître à une adresse que la défenderesse savait ne pas être celle de son domicile.
Pris de la violation des articles 21 du titre préliminaire du Code de procédure pénale et 193, 195 et 197 du Code pénal, le moyen reproche à l’arrêt de constater la prescription de l’action publique au motif qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que la défenderesse ait fait usage des pièces arguées de faux au-delà du 3 août 2007. Selon la demanderesse, pour déterminer le point de départ du délai de la prescription, les juges d’appel devaient également constater l’absence d’usage desdites pièces par un tiers.
Il appartient au juge d’apprécier en fait ce qui constitue l’usage de faux et de vérifier, notamment en vue de la décision sur la prescription de l’action publique, si le faux continue à tromper autrui ou à lui nuire, et à produire ainsi l’effet voulu par le faussaire.
Dans ses conclusions d’appel, la demanderesse a exposé que la première citation à comparaître visait son expulsion de la maison familiale sise à Erquelinnes et que la seconde avait pour objet la sortie de l’indivision existant entre les membres de sa famille par la vente de ladite maison. Elle a soutenu que la défenderesse lui a signifié les deux citations à Erquelinnes dans le but de réaliser au plus vite la vente publique alors que la signification devait se faire à son domicile en France.
En revanche, la demanderesse n’a pas soutenu que l’usage des faux aurait persisté dans le chef d’un tiers de manière à leur faire produire l’effet voulu par la défenderesse.
Partant, les juges d’appel n’avaient pas à constater l’absence d’usage des faux par une ou plusieurs personnes autres que celle prévenue de les avoir établis.
Le moyen ne peut être accueilli.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la condamnation de la demanderesse à payer des dommages et intérêts à la défenderesse :
Sur le second moyen :
Quant à la seconde branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 159, 191 et 212 du Code d’instruction criminelle et 1382 de l’ancien Code civil. La demanderesse fait grief à l’arrêt de la condamner à indemniser la défenderesse pour procédure téméraire et vexatoire, sans constater qu’elle aurait été animée de l’intention de lui nuire ou exercé son droit d’agir en justice d’une manière qui excède manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente.
L’article 1382 du code précité est une disposition qui n’est ni d’ordre public, ni impérative. Partant, le juge du fond ne peut, en pareil cas, soulever une contestation que les parties n’élèvent pas devant lui.
Dans ses conclusions d’appel, la défenderesse a sollicité la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de mille euros en raison de l’acharnement de cette dernière.
Il ne ressort ni des conclusions de la demanderesse ni du procès-verbal d’audience que celle-ci aurait fait valoir une défense contre cette réclamation.
L’arrêt constate que la demanderesse ne conteste pas le montant réclamé, et considère que la mise en mouvement de l’action publique, réalisée plus de dix ans après les faits reprochés, peut apparaître comme téméraire et vexatoire.
Ainsi, l’arrêt justifie légalement sa décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
C. En tant que le pourvoi est dirigé contre la condamnation de la demanderesse à payer une indemnité de procédure d’instance et d’appel à la défenderesse :
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Pris de la violation de l’article 1022, alinéa 4, du Code judiciaire, le moyen reproche à l’arrêt de ne pas fixer l’indemnité de procédure d’instance et d’appel au montant minimum prévu par le Roi alors que la demanderesse bénéficie de l’aide juridique de deuxième ligne. Il soutient que la chambre des mises en accusation ne pouvait retenir le montant de base en ayant égard au caractère manifestement déraisonnable de la situation. Selon la demanderesse, cette circonstance est de nature à justifier une réduction et non une augmentation du montant minimum.
Aux termes de l’article 1022, alinéa 4, précité, si la partie qui succombe bénéficie de l’aide juridique de deuxième ligne, l’indemnité de procédure est fixée au minimum établi par le Roi, sauf en cas de situation manifestement déraisonnable. Sur ce point, le juge motive spécialement sa décision de réduction.
Il suit des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er, alinéa 1er, du Protocole numéro 1, que le droit à un procès équitable et le droit au respect des biens s’opposent à ce que la partie qui triomphe en justice subisse une réduction substantielle de sa créance en raison de l’obligation de supporter la totalité ou l’essentiel de ses frais de défense, lorsque cette situation découle de la nécessité de se défendre contre une action exercée dans des conditions manifestement déraisonnables.
Sous peine de méconnaître ces dispositions conventionnelles, le législateur n’a pu, en libellant l’article 1022, alinéa 4, comme dit ci-dessus, entendre octroyer au bénéficiaire de l’aide juridique un avantage du fait qu’il a usé de ses droits d’une manière manifestement déraisonnable.
Soutenant que, même imputable au bénéficiaire de l’aide, une situation manifestement déraisonnable peut uniquement justifier une réduction de l’indemnité de procédure en dessous du minimum prévu par le Roi et non une dérogation à la règle du minimum, le moyen manque en droit.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de nonante euros quatre-vingt-un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-deux décembre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0771.F
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Autres - Droit pénal - Droit international public - Droit civil

Analyses

Il suit des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 1er, alinéa 1er, du Protocole numéro 1, que le droit à un procès équitable et le droit au respect des biens s’opposent à ce que la partie qui triomphe en justice subisse une réduction substantielle de sa créance en raison de l’obligation de supporter la totalité ou l’essentiel de ses frais de défense, lorsque cette situation découle de la nécessité de se défendre contre une action exercée dans des conditions manifestement déraisonnables; sous peine de méconnaître ces dispositions conventionnelles, le législateur n’a pu, en libellant l’article 1022, alinéa 4, du Code judiciaire, entendre octroyer au bénéficiaire de l’aide juridique un avantage du fait qu’il a usé de ses droits d’une manière manifestement déraisonnable; il s’ensuit que même imputable au bénéficiaire de l’aide, une situation manifestement déraisonnable ne peut uniquement justifier une réduction de l’indemnité de procédure en dessous du minimum prévu par le Roi mais aussi une dérogation à la règle du minimum (1). (1) Voir les concl. contraires « dit en substance » du MP.

INDEMNITE DE PROCEDURE - FRAIS ET DEPENS - MATIERE REPRESSIVE - Divers - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Divers - ABUS DE DROIT [notice1]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 1022, al. 4 - 01 / No pub 1967101052 ;

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6, § 1er - 30 / Lien DB Justel 19501104-30 ;

L. du 13 mai 1955 portant approbation de la Conv. D.H., signée à Rome, le 4 novembre 1950 et du Protocole additionnel à cette Convention, signé à Paris, le 20 mars 1952 - 13-05-1955 - Art. 1er - 30 / No pub 1955051306


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-12-22;p.21.0771.f ?

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