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27/10/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0220.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 octobre 2021, P.21.0220.F


N° P.21.0220.F
I. B. R.
ayant pour conseil Maître Nabil Khoulalene, avocat au barreau de Charleroi,
II. B. U.
ayant pour conseils Maîtres Eric Soccio, avocat au barreau de Mons, et Mélanie Bosmans, avocat au barreau de Bruxelles,
prévenus,
demandeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 22 janvier 2021 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le premier demandeur invoque un moyen et le second demandeur en invoque deux, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en co

pie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat généra...

N° P.21.0220.F
I. B. R.
ayant pour conseil Maître Nabil Khoulalene, avocat au barreau de Charleroi,
II. B. U.
ayant pour conseils Maîtres Eric Soccio, avocat au barreau de Mons, et Mélanie Bosmans, avocat au barreau de Bruxelles,
prévenus,
demandeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 22 janvier 2021 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le premier demandeur invoque un moyen et le second demandeur en invoque deux, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de R. B. :
Sur le moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 203 et 204 du Code d’instruction criminelle et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
Il reproche aux juges d’appel d’avoir jugé recevable l’appel du ministère public, pour aggraver les confiscations prononcées à charge du demandeur. Selon ce dernier, les griefs énoncés par le ministère public dans le formulaire déposé à l’appui de la déclaration d’appel ne lui permettaient pas de déterminer quelles décisions le concernant étaient visées par le recours. En effet, ces griefs sont exprimés en termes vagues, visant, sous la rubrique « acquittement », indistinctement l’ensemble des prévenus et des infractions et, sous celle relative aux peines, toutes les sanctions, sans précision quant à celles considérées comme insuffisantes.
En application de l’article 204 du Code d’instruction criminelle, la requête d’appel indique précisément, à peine de déchéance, les griefs élevés, y compris les griefs procéduraux, contre le jugement.
Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 5 février 2016 modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice, que le principe de l’appel sur grief n’a pas pour objectif d’obliger l’appelant à préciser les moyens qu’il entend développer devant les juges d’appel mais à déterminer leur saisine.
Aucune disposition ni principe général du droit n’interdit au ministère public d’entreprendre toutes les décisions d’acquittement prononcées par le premier juge et l’ensemble de celles qui ont statué sur les peines, et d’utiliser, pour ce faire, un seul formulaire de griefs ou une seule requête d’appel qui vise chacune de ces catégories de décisions, indépendamment des prévenus concernés.
Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen manque en droit.
La juridiction d’appel constate en fait si la requête indique précisément les griefs élevés contre le jugement, la Cour vérifiant si elle n’a pas déduit de ses constatations une conséquence qui serait sans lien avec elles ou qui ne serait susceptible, sur leur fondement, d’aucune justification.
Les juges d’appel ont d’abord décidé que le ministère public n’était pas déchu de son appel dès lors que la déclaration d’appeler permettait de constater que le recours était dirigé contre sept prévenus et que, s’agissant du formulaire de griefs, celui-ci ne devait pas préciser les moyens que l’appelant entendait élever contre le jugement entrepris, mais qu’il pouvait se borner à indiquer les points de cette décision dont l’appelant entendait poursuivre la réformation, en cochant les cases correspondantes. Ils ont ensuite précisé qu’il suffisait que cette indication permette à chacun de déterminer la saisine des juges d’appel, auxquels il appartenait souverainement d’apprécier s’il était satisfait à cette exigence avec suffisamment de précision. Ils ont ajouté que l’appelant n’était pas tenu de préciser dans quel sens il entendait demander la réformation de telle décision et que la circonstance que la portée du recours soit susceptible de plusieurs interprétations ne le rendait pas irrecevable, qu’il était admis à attaquer l’ensemble des dispositifs du jugement entrepris et qu’il n’était pas obligé d’identifier les préventions concernées par la critique. Enfin, les juges d’appel ont estimé que l’indication que le ministère public interjetait appel quant à la peine infligée aux prévenus, permettait de conclure que, ce faisant, il contestait l’ensemble des éléments de la décision concernant les peines et les mesures y associées. De ces considérations, ils ont conclu que l’appel du ministère public avait nécessairement visé tous les acquittements prononcés dans le chef de chacun des prévenus, ainsi que l’ensemble des peines qui leur avaient été infligées.
De ces énonciations, les juges d’appel ont pu légalement déduire que le ministère public n’était pas déchu de son appel.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi d’U. B. :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 779 du Code judiciaire.
En vertu de cette disposition, les juges qui rendent la décision doivent avoir assisté à toutes les audiences où la cause a été instruite.
Le demandeur fait valoir qu’à l’audience du 5 juin 2020, le siège n’était pas composé de la même manière qu’aux audiences subséquentes.
Mais il ressort du procès-verbal de cette audience que la cour d’appel s’est bornée, le 5 juin 2020, à constater le dépôt, par le ministère public, d’un écrit, à fixer l’échéance en vue du dépôt des conclusions des parties et, après avoir invité celles-ci à préciser le temps de plaidoiries dont elles souhaitaient disposer, à ajourner l’examen de la cause sans l’instruire.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir écarté le dossier de pièces qu’il avait déposé à l’appui de sa défense concluant à l’irrecevabilité des poursuites.
Le juge peut écarter des débats, comme étant constitutives d’un abus de procédure, des pièces tardives qui empêchent la bonne administration de la justice, lèsent fautivement les droits de l’autre partie et portent atteinte au droit à un procès équitable.
L’arrêt relève que la cause a été fixée en vue de plaidoiries plusieurs mois avant celles-ci, que c’est à l’issue de la dernière audience, juste avant la prise en délibéré de la cause, que le demandeur a déposé ces pièces, qu’eu égard à la date de ces dernières, aucun élément neuf ne justifie pareil retard et que le demandeur n’en invoque du reste pas. Enfin, l’arrêt énonce que ces pièces n’ont pas été communiquées au ministère public et il déduit de ces motifs que leur dépôt tardif lèse les droits des autres parties.
Par ces considérations, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Et en tant qu’il soutient qu’il est inexact d’affirmer que ces pièces n’auraient pas été communiquées au ministère public, le moyen requiert un examen d’éléments de fait, qui n’est pas au pouvoir de la Cour.
À cet égard, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de trois cent quarante-trois euros quatre-vingt-un centimes dont I) sur le pourvoi de R. B. : cent septante et un euros nonante centimes dus et II) sur le pourvoi de U.B. : cent septante et un euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0220.F
Date de la décision : 27/10/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

Aucune disposition ni principe général du droit n’interdit au ministère public d’entreprendre toutes les décisions d’acquittement prononcées par le premier juge et l’ensemble de celles qui ont statué sur les peines, et d’utiliser, pour ce faire, un seul formulaire de griefs ou une seule requête d’appel qui vise chacune de ces catégories de décisions, indépendamment des prévenus concernés.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Généralités [notice1]

Il ne résulte pas de l'article 779 du Code judiciaire que les juges qui se bornent à constater le dépôt, par le ministère public, d’un écrit, à fixer l’échéance en vue du dépôt des conclusions des parties et, après avoir invité celles-ci à préciser le temps de plaidoiries dont elles souhaitaient disposer, à ajourner l’examen de la cause sans l’instruire doivent être les mêmes que ceux qui se prononcent par la suite sur le fond de la cause (1). (1) Voir Cass. 3 mai 2017, RG P.16.0532.F, Pas. 2017, n° 304, avec concl. de M. VANDERMEERSCH, avocat général : « en vertu de l'article 779 du Code judiciaire, les juges qui rendent la décision doivent avoir assisté à toutes les audiences où la cause a été instruite : cette exigence ne s'applique pas à l'audience où la cour d'appel s'est bornée à ajourner l'examen de la cause sans l'instruire » ; Cass. 18 septembre 2001, RG P.99.1878.N, Pas. 2001, n° 469 ; Cass. 7 février 2001, RG P.00.1030.F, Pas. 2001, n° 72 : « aucune disposition légale ne requiert qu'après modification de la composition du siège, il soit mentionné expressément que la cause a été reprise ab initio ; cela peut résulter des pièces de la procédure ».

ORGANISATION JUDICIAIRE - MATIERE REPRESSIVE - TRIBUNAUX - MATIERE REPRESSIVE - Généralités [notice2]

Le juge peut écarter des débats, comme étant constitutives d’un abus de procédure, des pièces tardives qui empêchent la bonne administration de la justice, lèsent fautivement les droits de l’autre partie et portent atteinte au droit à un procès équitable (1). (1) Voir Cass. 6 octobre 2021, RG P.21.0382.F, Pas. 2021, n° 617, avec concl. de M. VANDERMEERSCH, avocat général ; Cass. 12 mars 2019, RG P.18.0298.N, Pas. 2019, n° 156 (pièces déposées en dehors des délais pour le dépôt et la communication des conclusions, fixés conformément à l'article 152, § 1er, alinéa 2, C.I.cr.) ; Cass. 29 avril 2015, RG P.15.0002.F, Pas. 2015, n° 282 (conclusions tardives) ; Cass. 30 avril 2014, RG P.13.1869.F, Pas. 2014, n° 307 ; Cass. 8 juin 2011, RG P.11.0181.F, Pas. 2011, n° 388 ; M.-A. BEERNAERT, H.-D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, La Charte, Bruges, 9ème éd., 2021, t. II, p. 1508.

DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - Conditions - JUGEMENTS ET ARRETS - MATIERE REPRESSIVE - Généralités


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 203 et 204 - 30 / No pub 1808111701

[notice2]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 779 - 01 / No pub 1967101052


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-10-27;p.21.0220.f ?

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