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13/10/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0843.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 octobre 2021, P.21.0843.F


N° P.21.0843.F
I, II et III. A. M.,
accusé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Philippe Zevenne, avocat au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre trois arrêts rendus le 29 avril 2021, sous le numéro 1461, et le 3 mai 2021, sous les numéros 1529 et 1456, par la cour d’assises de la province de Liège.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat génér

al Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi dirigé cont...

N° P.21.0843.F
I, II et III. A. M.,
accusé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Philippe Zevenne, avocat au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre trois arrêts rendus le 29 avril 2021, sous le numéro 1461, et le 3 mai 2021, sous les numéros 1529 et 1456, par la cour d’assises de la province de Liège.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi dirigé contre l’arrêt interlocutoire du 29 avril 2021 :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation de l’article 6.3, d, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Par l’arrêt de l’audience préliminaire du 3 mars 2021, le demandeur s’est vu refuser l’audition de plusieurs témoins figurant sur la liste qu’il avait déposée en application de l’article 278 du Code d’instruction criminelle.
A l’audience de la cour d’assises du 28 avril 2021, le conseil du demandeur a souhaité interroger l’enquêteur principal au sujet de deux personnes entendues ou contactées par ce dernier dans le cadre de l’enquête de moralité, mais figurant parmi les témoins non retenus lors de l’audience préliminaire.
L’arrêt interlocutoire statue sur cette demande en la rejetant.
Le demandeur fait valoir qu’ainsi, il a été privé du droit d’obtenir l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge.
Le droit garanti par l’article 6.3, d, de la Convention ne prive pas le juge du fond du pouvoir d’apprécier, dans la mesure compatible avec la notion de procès équitable, la pertinence de la demande d’audition d’un témoin.
L’arrêt du 29 avril 2021 relève que le fonctionnaire de police chargé de l’enquête de moralité n’a pas fait état, à l’audience, de constatations personnelles effectuées lorsqu’il a entendu ou contacté les personnes évoquées par la défense, que celle-ci ne précise d’ailleurs pas de quelles constatations il s’agirait, que le policier s’est borné à dresser les procès-verbaux relatant les auditions, que les dépositions des personnes non reprises sur la liste arrêtée le 3 mars 2021 ne peuvent manifestement pas contribuer à la manifestation de la vérité en ce qui concerne tant les faits imputés au demandeur que la moralité de l’accusé et de la victime, que les débats n’ont pas révélé le contraire, et que les questions envisagées par la défense dans ce contexte prolongeraient dès lors inutilement les débats.
Les conclusions déposées à l’audience du 28 avril 2021 n’indiquent pas en quoi l’interrogatoire du fonctionnaire de police quant aux dires de R.F. et de K. B. pourrait s’avérer pertinent au regard de l’objet de l’accusation.
Partant, la constatation souveraine du caractère non contributif de cet interrogatoire supplémentaire justifie légalement la décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
L’article 278, § 2, alinéa 6, du Code d’instruction criminelle, dont le moyen accuse la violation, dispose qu’en ce qui concerne les témoins de moralité, un ou plusieurs fonctionnaires de police responsables de l’enquête de moralité sont en tout cas portés sur la liste des témoins.
Cette disposition n’enlève pas au président de la cour d’assises le droit, prévu à l’article 301, alinéa 3, du même code, d’interdire que certaines questions soient posées à ce fonctionnaire, notamment celles jugées de nature à prolonger inutilement les débats.
Revenant à soutenir le contraire, le moyen manque en droit.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi dirigé contre l’arrêt du 3 mai 2021 portant motivation de la culpabilité :
Sur le second moyen :
Le demandeur reproche à la procédure de violer le principe de la continuité des débats, institué par l’article 280 du Code d’instruction criminelle : le président de la cour d’assises s’est retiré, seul, en chambre du conseil pendant quelques instants, le temps d’aller y chercher une pièce dont il avait été décidé de donner lecture à l’audience. Le demandeur en déduit que les débats ont été interrompus sans que le président ne les ait suspendus pour une des raisons indiquées par l’article 280 précité.
Il y a interruption, laquelle est une cause de nullité de la procédure, lorsque, dans le cours des débats d’une affaire commencée, on intercale l’examen d’une autre affaire qui y est étrangère.
Le président de la cour d’assises, qui quitte momentanément son siège pour aller chercher une pièce concernant l’affaire à juger, n’interrompt pas les débats.
La suspension, quant à elle, résulte de la simple discontinuation des débats, sans que, dans l’intervalle, les jurés ou les juges vaquent à une autre affaire. Le président peut suspendre les débats toutes les fois qu’il le juge utile, et pas seulement pour le repos des jurés.
Le procès-verbal de l’audience note l’absence momentanée du président, aux fins précisées ci-dessus, sans énoncer formellement que les débats ont été suspendus, mais en indiquant que la cour, les jurés, l’avocat général et les parties sont restés à leur place et que rien ne s’est produit durant cet intervalle.
Il n’apparaît pas, des pièces de la procédure, et il n’est pas allégué qu’à la faveur de l’absence de la présidente, les jurés aient enfreint l’interdiction de communiquer posée par l’article 280 du Code d’instruction criminelle.
Ne dénonçant qu’une simple mesure d’ordre, qui n’a pu avoir d’influence sur l’issue du procès, et non une contravention à la continuité des débats, le moyen ne peut être accueilli.

Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
C. Sur le pourvoi dirigé contre l’arrêt du 3 mai 2021 statuant sur la peine :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par le jury.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent quatre-vingt-quatre euros trente et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du treize octobre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0843.F
Date de la décision : 13/10/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public

Analyses

Le droit garanti par l’article 6.3, d, de la Convention ne prive pas le juge du fond du pouvoir d’apprécier, dans la mesure compatible avec la notion de procès équitable, la pertinence de la demande d’audition d’un témoin (1). (1) Voir Cour eur. D.H., Guide sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. – Droit à un procès équitable (volet pénal), mis à jour au 31 août 2021, § 487 : « Dès lors qu’une déposition est susceptible de fonder, d’une manière substantielle, la condamnation du prévenu, elle constitue un témoignage à charge et les garanties prévues par l’article 6, §§ 1er et 3, d) de la Convention lui sont applicables » (Cour eur. D.H. 9 novembre 2006, nos 18.885/04 et 21.166/04, Kaste et Mathisen c. Norvège, § 53 ; Cour eur. D.H. 27 février 2001, Lucà c. Italie, n° 33.354/96, § 41).

COUR D'ASSISES - PROCEDURE A L'AUDIENCE. ARRETS INTERLOCUTOIRES. DECLARATION DU JURY - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 3 [notice1]

L’article 278, § 2, alinéa 6, du Code d’instruction criminelle n’enlève pas au président de la cour d’assises le droit, prévu à l’article 301, alinéa 3, du même code, d’interdire que certaines questions soient posées au fonctionnaire de police responsables de l’enquête de moralité, notamment celles jugées de nature à prolonger inutilement les débats (1). (1) Voir Cass. 3 octobre 1989, RG 3733, Pas. 1990, n° 72 : « Une violation des droits de la défense, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne peut se déduire de la seule circonstance que, à la cour d'assises, l'accusé et son conseil ne peuvent questionner les témoins que par l'organe du président » ; Cass. 4 mai 1993, RG P.93.0415.N, Pas. 1993, n° 215.

COUR D'ASSISES - PROCEDURE A L'AUDIENCE. ARRETS INTERLOCUTOIRES. DECLARATION DU JURY - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice4]

Il y a interruption des débats, laquelle est une cause de nullité de la procédure devant la cour d’assises, lorsque, dans le cours des débats d’une affaire commencée, on intercale l’examen d’une autre affaire qui y est étrangère (1) ; le président de la cour d’assises qui quitte momentanément son siège pour aller chercher une pièce concernant l’affaire à juger n’interrompt pas les débats. (1) Voir Cass. 20 juillet 1972, Pas. 1972, I, p. 1031 ; S. SASSERATH, Les Novelles, Procédure pénale, t. II.1, 1948, nos 655 et 656.

COUR D'ASSISES - PROCEDURE A L'AUDIENCE. ARRETS INTERLOCUTOIRES. DECLARATION DU JURY [notice6]

La suspension des débats de la cour d’assises résulte de la simple discontinuation des débats, sans que, dans l’intervalle, les jurés ou les juges vaquent à une autre affaire; le président peut suspendre les débats toutes les fois qu’il le juge utile, et pas seulement pour le repos des jurés (1). (1) En effet, « si l’article 280 C.I.cr. autorise la suspension des débats pour le repos de certaines personne, très vite la jurisprudence a étendu le domaine de la suspension. Ainsi, il est admis que le président apprécie souverainement l’opportunité de la suspension. Il peut suspendre toutes les fois qu’il le juge utile » (M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de procédure pénale, Larcier, Bruxelles, 4ème éd., Bruxelles, 2012, p. 917, et réf. en note 229 ; voir Cass. 30 janvier 2001, RG P.00.1501.N, Pas. 2001, n° 58 ; Cass. 1er décembre 1958, Pas. 1959, I, p. 328).

COUR D'ASSISES - PROCEDURE A L'AUDIENCE. ARRETS INTERLOCUTOIRES. DECLARATION DU JURY [notice7]


Références :

[notice1]

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 - 04-11-1950 - Art. 6 - 30 / Lien DB Justel 19501104-30 ;

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 278 - 30 / No pub 1808111701

[notice4]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 278 et 301 - 30 / No pub 1808111701

[notice6]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 280 - 30 / No pub 1808111701

[notice7]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 280 - 30 / No pub 1808111701


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-10-13;p.21.0843.f ?

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