N° P.21.1191.F
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard Pacheco, 44,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Konstantin De Haes et Elisabeth Derriks, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
T. Z.,
étranger, privé de liberté,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Ronald Fonteyn, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 septembre 2021 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur la première fin de non-recevoir opposée au pourvoi et déduite de la circonstance qu’il n’a pas été signifié au défendeur :
Il ressort des pièces de la procédure que la déclaration de pourvoi a été signifiée le 10 septembre 2021 à la personne du défendeur, dans la langue de la procédure, par le ministère des huissiers de justice Olivier Vercruysse et Jacques Lambert, de résidence à Forest.
La première fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur la deuxième fin de non-recevoir opposée au pourvoi et déduite de l’incompétence de l’auteur de l’acte :
Il est soutenu que le pourvoi n’a pas été formé valablement parce que la décision de l’introduire émane d’un expert administratif dont la délégation n’inclut pas le pouvoir de la prendre.
La déclaration de pourvoi a été établie sur la comparution, au greffe de la cour d’appel, de Maître Konstantin De Haes, avocat au barreau de Bruxelles, titulaire de l’attestation prescrite par l’article 425 du Code d’instruction criminelle, lequel n’agissait pas pour et au nom de l’expert administratif mentionné par le défendeur mais pour et au nom de l’Etat belge représenté par le Secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration.
L’Etat belge ainsi représenté, qui avait relevé appel de l’ordonnance de la chambre du conseil et déposé des conclusions au soutien de ce recours, a qualité pour se pourvoir contre l’arrêt statuant sur celui-ci. Il n’appartient pas au greffe qui reçoit la déclaration de pourvoi de rechercher en outre qui, au sein du personnel administratif de l’Etat belge, a compétence pour décider de saisir la Cour.
La deuxième fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur la troisième fin de non-recevoir, opposée au pourvoi et au moyen et déduite de leur défaut d’intérêt :
Le défaut d’intérêt allégué par le défendeur est déduit tantôt d’éléments qui, puisés dans le dossier administratif, ne ressortent pas des seules pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, tantôt d’une critique de la légalité d’un titre de privation de liberté antérieur à celui qui fait l’objet de la procédure déférée à la Cour.
La troisième fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 62, § 2, et 74/5, § 1er, 1°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.
Il ressort des pièces de la procédure que, le 30 juillet 2021, le défendeur a fait l’objet d’une décision de maintien prise en application de l’article 74/5, § 1er, 1°, de la loi du 15 décembre 1980.
Cette décision est motivée comme suit : Z. T. peut être refoulé par les autorités chargées du contrôle aux frontières. Il est nécessaire de le maintenir dans un lieu déterminé situé à la frontière afin de garantir le refoulement. Il a refusé de partir alors que la possibilité lui en a été donnée les 26 et 30 juillet 2021. Sa détention lui est dès lors imputable.
L’arrêt attaqué décide que la décision de maintien n’est pas légalement justifiée parce qu’elle ne fait pas apparaître que l’administration ait pris en considération la situation familiale de l’intéressé et procédé à un examen de proportionnalité entre l’objectif de la privation de liberté et l’ingérence qu’elle entraîne dans l’exercice des droits garantis par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le moyen fait valoir qu’il ressort des constatations de l’arrêt que le défendeur, retourné dans son pays d’origine, a perdu le droit au séjour en Belgique, ce qui a justifié son refoulement sur le constat qu’il ne disposait d’aucun visa.
Les droits garantis par l’article 8 de la Convention ne sont pas absolus. Cette disposition n’interdit pas aux Etats de refouler l’étranger qui ne remplit pas une des conditions fixées pour pouvoir bénéficier du droit de retour après une absence de plus d’un an, tel le fait d’avoir quitté le territoire sans mentionner qu’il y conserve le centre de ses intérêts, et d’avoir laissé son titre de séjour se périmer.
En conséquence, le constat suivant lequel les conditions légales et réglementaires à l’obtention d’un droit de retour ne sont pas réunies constitue une motivation régulière de la décision de refoulement et, partant, de la mesure privative de liberté qui en est l’accessoire, laquelle prend appui sur le constat que le défendeur s’oppose à l’éloignement.
En reprochant à la décision de maintien du 30 juillet 2021 de ne comporter aucune motivation spécifique au regard de la situation familiale décrite dans la requête de mise en liberté du 12 août 2021, l’arrêt méconnaît la portée de l’obligation de motivation prévue par l’article 62, § 2, de la loi et, transgressant la portée du contrôle de légalité auquel le titre litigieux est assujetti, viole l’article 74/5, § 1er, 1°, précité, qui en constitue le fondement légal.
Dans cette mesure le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Laisse les frais à charge de l’Etat ;
Renvoie la cause à la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Lesdits frais taxés en totalité à la sommes de trois cent quatre-vingt-deux euros soixante-neuf centimes dont cent cinquante-deux euros soixante-huit centimes dus et deux cent trente euros un centime payés par le demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.