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30/06/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0819.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 juin 2021, P.21.0819.F


N° P.21.0819.F
J. A.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le secrétaire d'État à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 8 juin 2021 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en co

pie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet...

N° P.21.0819.F
J. A.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le secrétaire d'État à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 8 juin 2021 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le demandeur fait grief à l'arrêt de violer l'article 41, § 1er, des lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative, dès lors que la décision de le priver de sa liberté n'a pas été rédigée dans la langue dont il avait fait usage précédemment dans ses rapports avec l'administration. Selon lui, les juges d'appel ne pouvaient décider que la décision de maintien avait été légalement rédigée en néerlandais au motif que l'administration avait pu inférer de son arrestation à Anvers qu'il parlait le néerlandais ; il soutient que les autorités doivent avoir égard à la langue dont le particulier a fait usage dans ses rapports avec elles et qu'en l'espèce, le dossier administratif démontrait à suffisance qu'il résidait à Liège depuis son arrivée en Belgique et que, dans ses relations passées avec l'administration et les autorités judiciaires, il avait employé le français.
Aux termes de l'article 41, § 1er, précité, les services centraux utilisent dans leurs rapports avec les particuliers celle des trois langues nationales dont ces derniers ont fait usage.
Lorsque l'ordre de quitter le territoire constitue l'accessoire d'une décision de refus de séjour, l'article précité implique que l'administration utilise à cet effet la langue dont l'étranger a fait usage dans la procédure initiée en vue d'être autorisé à séjourner en Belgique.
Mais cette disposition ne s'applique pas lorsque, comme en l'espèce, l'ordre de quitter le territoire assorti d'une mesure de rétention fait suite au constat que l'étranger persiste à demeurer irrégulièrement sur le territoire malgré un refus de séjour.
Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le demandeur a reçu plusieurs ordres de quitter le territoire depuis celui qui lui fut notifié le 10 décembre 2002, et ce notamment les 24 février 2016 et 13 avril 2017, qu'il a été arrêté le 12 septembre 2020 à Anvers suite à sa participation à un vol qualifié et qu'il a été écroué en cette ville le lendemain, qu'à la suite de sa demande de reconnaissance du statut d'apatride, il a été reconnu par les autorités bosniaques comme étant l'un de leurs ressortissants, que le 3 mai 2021, les autorités belges ont adressé à leurs homologues bosniaques une demande de réadmission et que ces dernières ont sollicité la confirmation de l'identité du demandeur, que le 12 mai 2021, le défendeur a notifié au demandeur un nouvel ordre de quitter le territoire avec maintien, aux motifs que l'intéressé demeure en Belgique sans être porteur des titres requis, qu'il est susceptible de compromettre l'ordre public et qu'il existe dans son chef un risque de fuite.
Ainsi, les juges d'appel ont légalement décidé que le titre fondant la détention du demandeur pouvait être rédigé en néerlandais.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Ces considérations suffisant à justifier légalement la décision des juges d'appel que l'ordre de quitter le territoire et la décision de maintien, établis en néerlandais, étaient réguliers, le surplus du moyen, qui critique un motif surabondant de l'arrêt, est irrecevable à défaut d'intérêt.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 7, 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, et 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il reproche à l'arrêt de ne pas justifier à suffisance la nécessité de l'ingérence dans la vie privée du demandeur qu'emportent les mesures prises contre lui.
Les juges d'appel ne se sont pas bornés à énoncer que ces mesures étaient prévues par la loi et qu'elles étaient nécessaires en raison des antécédents judiciaires du demandeur.
Aux pages 6 et 7 de leur décision, par renvoi à l'avis écrit du ministère public, d'une part, les juges d'appel ont constaté que le maintien était motivé par le risque de fuite dans le chef du demandeur, cette décision administrative énonçant que l'intéressé ne s'était pas présenté à la commune pour s'y faire inscrire dans le délai de trois jours à partir de son arrivée en Belgique, qu'il ne fournissait pas la preuve d'un hébergement dans un hôtel et qu'il ne s'était pas conformé à deux précédents ordres de quitter le territoire. Selon l'arrêt, cette décision administrative conclut qu'il n'existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive que celle critiquée, pour assurer efficacement l'éloignement du demandeur.
D'autre part, après avoir rappelé que le droit au respect de la vie privée n'est pas absolu, les juges d'appel ont estimé que le maintien, qui est une mesure prévue par la loi, était justifié, la décision administrative attaquée ayant été prise aux fins de sauvegarder l'ordre public et de prévenir le risque de nouvelles infractions, l'arrêt énumérant par ailleurs les différents antécédents judiciaires du demandeur dans le Royaume.
Enfin, en réponse aux conclusions du demandeur qui faisaient valoir ses liens familiaux en Belgique, les juges d'appel ont énoncé, par motifs propres, qu'en ce qui concernait sa prétendue compagne et un enfant commun, il n'était pas établi que ces derniers fussent autorisés à séjourner dans le pays.
Le moyen manque en fait.
Sur le troisième moyen :
Le demandeur a déposé des conclusions soutenant, notamment, qu'une demande de régularisation a été introduite pour sa famille en 2006, qu'aucune suite n'a été réservée à cette demande en ce qui le concerne, qu'il en résulte que l'administration ne peut pas l'éloigner ni le retenir à cette fin, que les mesures visées par l'article 7 de la loi du 15 décembre 1980 ne sauraient lui être appliquées puisqu'il a fait état, dans une demande préalable d'autorisation de séjour, d'une possible violation d'un droit fondamental, le dossier démontrant le développement d'une vie familiale en Belgique.
Par les considérations relevées en réponse au deuxième moyen, l'arrêt vérifie, au regard des éléments du dossier, la réalité des motifs mentionnés dans la décision administrative et constate que la privation de liberté est nécessaire pour prévenir le risque de fuite du demandeur ainsi que le risque d'atteinte à l'ordre public que fait peser la répétition de son comportement délinquant.
Ainsi, la cour d'appel a répondu aux conclusions du demandeur et a légalement justifié sa décision que la mesure de rétention avait respecté les principes de subsidiarité et de proportionnalité prévus par l'article 7, alinéa 1er, 1° et 3°, et alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trente juin deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0819.F
Date de la décision : 30/06/2021
Type d'affaire : Droit administratif - Autres

Analyses

Lorsque l'ordre de quitter le territoire constitue l'accessoire d'une décision de refus de séjour, l’article 41, § 1er, des lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l’emploi des langues en matière administrative implique que l'administration utilise à cet effet la langue dont l'étranger a fait usage dans la procédure initiée en vue d'être autorisé à séjourner en Belgique; cette disposition ne s'applique pas lorsque l'ordre de quitter le territoire assorti d'une mesure de rétention fait suite au constat que l'étranger persiste à demeurer irrégulièrement sur le territoire malgré un refus de séjour (1). (1) Cass. 28 juin 2017, RG P.17.0670.F, Pas. 2017, n° 429, avec concl. « dit en substance » du MP.

ETRANGERS - LANGUES (EMPLOI DES) - MATIERE ADMINISTRATIVE [notice1]


Références :

[notice1]

Lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 - 18-07-1966 - Art. 41, § 1er - 31 / No pub 1966071850 ;

L. du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers - 15-12-1980 - Art. 7 - 30 / No pub 1980121550


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-06-30;p.21.0819.f ?

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