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30/06/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0214.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 juin 2021, P.21.0214.F


N° P.21.0214.F
I. L P
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Stéphane Nopere, avocat au barreau de Bruxelles,
II. LAMBERT FRERES, société anonyme, ayant pour mandataire ad hoc Maître Sébastien Maquel, avocat au barreau du Luxembourg,
prévenue,
demanderesse en cassation,
les deux pourvois contre
LE FONCTIONNAIRE DELEGUE de la direction générale opérationnelle de l’aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l’énergie, direction extérieure du Luxembourg, dont les bureaux sont établis à Arlon, place Didi

er, 45,
partie intervenue volontairement,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître ...

N° P.21.0214.F
I. L P
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Stéphane Nopere, avocat au barreau de Bruxelles,
II. LAMBERT FRERES, société anonyme, ayant pour mandataire ad hoc Maître Sébastien Maquel, avocat au barreau du Luxembourg,
prévenue,
demanderesse en cassation,
les deux pourvois contre
LE FONCTIONNAIRE DELEGUE de la direction générale opérationnelle de l’aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l’énergie, direction extérieure du Luxembourg, dont les bureaux sont établis à Arlon, place Didier, 45,
partie intervenue volontairement,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-François Cartuyvels, avocat au barreau du Luxembourg.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 18 janvier 2021 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
La demanderesse invoque les deux mêmes moyens dans un mémoire reçu le 1er avril 2021 au greffe de la Cour.
A l’audience du 16 juin 2021, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
Le demandeur a déposé, le 25 juin 2021, une note en réponse par application de l’article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de P. L. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui statue sur la culpabilité et sur la peine :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 12 de la Constitution, D.IV.4, 9°, et D.VII.1, § 1er, 1° et 2°, du Code de développement territorial, et R.IV, 4-3, de l’arrêté du gouvernement wallon du 22 décembre 2016 formant la partie réglementaire de ce code.
Les dispositions décrétales et réglementaires invoquées imposent un permis d’urbanisme pour modifier sensiblement le relief du sol, érigent en infraction le fait d’exécuter ou de poursuivre de tels travaux sans permis préalable ou sans se conformer au permis délivré, et définissent la modification sensible comme étant, notamment, celle d’un volume supérieur à quarante mètres cubes.
Le demandeur reproche à l’arrêt de déduire le caractère sensible de la modification incriminée, du fait notamment que les terres excavées ont disparu et été remplacées par des remblais non conformes. Il fait grief à l’arrêt de se fonder ainsi sur des critères non repris à l’article R.IV, 4-3, précité.
Contrairement à ce que le moyen soutient, l’arrêt ne fait pas dépendre l’infraction de la seule circonstance que les excavations ont été comblées par des matériaux non conformes.
L’arrêt constate en effet que
- le permis d’urbanisme avait été délivré afin de réaliser un remblai, et non un déblai, constitué exclusivement de terres et de roches dans leur état naturel et issus du territoire de la commune ou de sa périphérie ;
- sur les parcelles mises à leur disposition par le propriétaire et couvrant plus d’un hectare en zone agricole, les prévenus ont excavé plusieurs milliers de mètres cubes de terre, en descendant plus bas que le niveau du terrain naturel ;
- les terres ainsi prélevées ont été livrées par l’entrepreneur à titre de remblai pour le chantier relatif à l’extension d’un dépôt pour un magasin à grande surface ;
- les terres d’origine ont été remplacées par des remblais de provenance et de composition inconnues, à tout le moins partiellement non conformes dès lors que des déchets de béton y ont été déversés, et sans que le registre des apports imposé par le permis ait été tenu et complété à chaque déversement.
Les circonstances de fait relevées par l’arrêt correspondent à l’exécution d’une modification sensible du relief du sol sans respecter les conditions fixées par le permis octroyé à des fins de remblai et non de déblai.
Partant, l’arrêt ne viole ni les dispositions décrétales et réglementaires invoquées, dont il fait au contraire une exacte application, ni le principe de légalité consacré par l’article 12 de la Constitution.
Le moyen ne peut être accueilli.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui statue sur la remise en état poursuivie par le défendeur :
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1er du Protocole du 20 mars 1952 additionnel à la Convention, 12 et 159 de la Constitution, D.VII.13 du Code de développement territorial et 1382 du Code civil.
Le demandeur soutient qu’en le condamnant à faire analyser les remblais amenés sur le site, à soumettre les résultats de ces analyses au fonctionnaire délégué et à remplacer par des remblais conformes ceux qui ne le sont pas, les juges d’appel lui ont imposé une mesure de réparation que le décret ne prévoit pas.
Selon le moyen, la loi et le décret sont encore violés en ce que l’arrêt impose une réparation, sans constater le dommage qui la justifie, puisqu’un échantillonnage est prescrit pour en établir l’existence.
Le demandeur ajoute qu’à défaut de description précise, la mesure de réparation sollicitée n’a pu être vérifiée quant à sa légalité.
La mesure de réparation ordonnée par la cour d’appel ne l’a pas été en application de l’article 1382 du Code civil, de sorte que l’arrêt ne saurait violer cette disposition.
L’article D.VII.13 du Code de développement territorial prévoit qu’outre les pénalités, le tribunal ordonne, à la demande motivée du fonctionnaire délégué, une des trois mesures de réparation dont il lui appartient de faire le choix, au premier rang desquelles le décret mentionne la remise en état des lieux.
La remise en état est un mode de réparation en nature qui consiste, dans la mesure du possible, à ramener les lieux, endommagés par l’atteinte au bon aménagement du territoire, dans la situation qui eût été la leur si l’infraction n’avait pas été commise.
L’arrêt constate que les prévenus ont procédé, à concurrence de plusieurs milliers de mètres cubes, à des excavations de terres naturelles prélevées en zone agricole pour être acheminées sur un autre chantier, et que l’excavation ainsi créée a été comblée par des terres comprenant des déchets inertes prohibés par le permis.
L’obligation de substituer aux terres souillées des remblais qui ne le sont pas, constitue la remise en état prévue par le décret.
L’échantillonnage demandé à titre de préalable à la remise en état n’a pas pour objet de rechercher si un dommage a, ou non, été causé, mais de déterminer l’ampleur du préjudice dont l’existence est avérée, selon l’arrêt, par la constatation de la présence, en zone agricole, de déchets de béton et de remblais dont la composition est différente de celle des terres d’origine.
La nécessité de cet échantillonnage préalable n’entache pas la mesure de réparation d’une imprécision telle qu’elle n’aurait pas permis à la cour d’appel d’en vérifier la légalité.
L’arrêt ne viole dès lors aucune des dispositions visées par le demandeur.
Le moyen ne peut être accueilli.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi de la société anonyme Lambert Frères représentée par Maître Sébastien Maquel :
En vertu des articles 425, § 1er, et 429, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, la déclaration de pourvoi et le mémoire déposé au soutien de celui-ci doivent, sauf pour le ministère public, être signés par un avocat titulaire d’une attestation de formation en procédure de cassation.
Ces dispositions sont revêtues d’un caractère de généralité tel qu’une partie ne peut plus introduire et défendre sa cause par elle-même devant la Cour, et que l’assistance d’un avocat attesté est toujours requise pour signer le pourvoi et le mémoire. Le fait qu’un demandeur en cassation ait lui-même la qualité exigée par les dispositions légales précitées, ne le dispense pas de l’obligation d’avoir recours à l’assistance qu’elles prescrivent.
Le pourvoi de la demanderesse a été formé par son mandataire ad hoc, avocat attesté, agissant par lui-même sans l’assistance d’un conseil ayant cette qualité.
Désigné lorsque la personne morale et son représentant habilité sont poursuivis devant le même juge pénal, pour les mêmes faits ou pour des faits connexes, conformément à l’article 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale, le mandataire ad hoc ne s’identifie pas à un mandataire de justice et n’est pas le conseil de la personne morale mais est substitué à son organe même s’il n’est à la cause que qualitate qua.
Partant, la qualité d’avocat attesté dont le mandataire ad hoc est revêtu ne l’exonère pas de l’obligation de faire appel, pour l’introduction du pourvoi et le dépôt du mémoire, à l’assistance prévue par les articles 425, § 1er, et 429, alinéa 1er, susdits.
Signés par le seul mandataire ad hoc de la demanderesse, le pourvoi et le mémoire sont irrecevables.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de quatre-vingt-neuf euros septante et un centimes dont I) sur le pourvoi de P.L. : quarante-quatre euros quatre-vingt-cinq centimes dus et II) sur le pourvoi de la société anonyme Lambert frères : quarante-quatre euros quatre-vingt-six centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trente juin deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0214.F
Date de la décision : 30/06/2021
Type d'affaire : Autres - Droit civil - Droit administratif

Analyses

Désigné lorsque la personne morale et son représentant habilité sont poursuivis devant le même juge pénal, pour les mêmes faits ou pour des faits connexes, conformément à l’article 2bis du titre préliminaire du Code de procédure pénale, le mandataire ad hoc ne s’identifie pas à un mandataire de justice et n’est pas le conseil de la personne morale mais est substitué à son organe même s’il n’est à la cause que qualitate qua ; partant, la qualité d’avocat attesté dont le mandataire ad hoc est revêtu ne l’exonère pas de l’obligation de faire appel, pour l’introduction du pourvoi et le dépôt du mémoire, à l’assistance d’un avocat attesté prévue par les articles 425, § 1er, et 429, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle (1). (1) Voir les concl. contraires « dit en substance » du MP.

POURVOI EN CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Personnes ayant qualité pour se pourvoir ou contre lesquelles on peut ou on doit se pourvoir - Action publique - Prévenu et inculpé - POURVOI EN CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Formes - Forme et délai prévus pour le dépôt des mémoires et des pièces - MANDAT - AVOCAT [notice1]

Le juge ne méconnaît pas les dispositions décrétales et réglementaires réprimant la modification sensible du relief du sol sans permis préalable lorsqu’il déduit celle-ci de la constatation que le permis d’urbanisme a été délivré afin de réaliser un remblai, et non un déblai, constitué exclusivement de terres et de roches dans leur état naturel et issus du territoire de la commune ou de sa périphérie, que les prévenus ont excavé plusieurs milliers de mètres cubes de terre, en descendant plus bas que le niveau du terrain naturel, et que les terres d’origine ont été remplacées par des remblais de provenance et de composition inconnues, à tout le moins partiellement non conformes.

URBANISME - DIVERS [notice5]

La remise en état est un mode de réparation en nature qui consiste, dans la mesure du possible, à ramener les lieux, endommagés par l’atteinte au bon aménagement du territoire, dans la situation qui eût été la leur si l’infraction n’avait pas été commise.

URBANISME - REMISE EN ETAT DES LIEUX. PAIEMENT D'UNE PLUS-VALUE [notice6]

Lorsque le juge déclare établie la prévention de modification sensible du relief du sol sans permis préalable et constate que les prévenus ont procédé, à concurrence de plusieurs milliers de mètres cubes, à des excavations de terres naturelles prélevées en zone agricole, et que l’excavation ainsi créée a été comblée par des terres comprenant des déchets inertes prohibés par le permis d’urbanisme délivré afin de réaliser un remblai, il peut condamner, au titre de mesure de réparation par la remise en état, à substituer aux terres souillées des remblais qui ne le sont pas, et à faire procéder préalablement à un échantillonnage et à la transmission des rapports d’analyse au fonctionnaire délégué.

URBANISME - REMISE EN ETAT DES LIEUX. PAIEMENT D'UNE PLUS-VALUE [notice7]


Références :

[notice1]

L. du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 2bis - 01 / No pub 1878041750 ;

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 425, § 1er, et 429, al. 1er - 30 / No pub 1808111701

[notice5]

Code du Développement territorial - Partie décrétale - 20-07-2016 - Art. D.IV.4, 9°, et D.VII.1, § 1er, 1° et 2° - 47 / No pub 2016A05561 ;

Code wallon du développement territorial - Partie règlementaire - 22-12-2016 - Art. R.IV.4-3 - 50 / No pub 2017A70033

[notice6]

Code du Développement territorial - Partie décrétale - 20-07-2016 - Art. D.VII.13, 1° - 47 / No pub 2016A05561

[notice7]

Code du Développement territorial - Partie décrétale - 20-07-2016 - Art. D.VII.13, 1° - 47 / No pub 2016A05561


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : DEJEMEPPE BENOIT, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-06-30;p.21.0214.f ?

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