N° P.21.0664.F
I. A., R.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, Mont Saint Martin, 22, où il est fait élection de domicile,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'Etat à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen soutient qu'en se bornant à renvoyer à la position du défendeur pour répondre aux conclusions du demandeur, les juges d'appel ont violé les articles 5, 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Aucune disposition légale n'interdit à la chambre des mises en accusation de répondre à un moyen invoqué en conclusions par l'étranger, en se référant à des éléments figurant dans les conclusions de la partie adverse, pour autant que ce renvoi soit effectué avec une précision suffisante. La référence à ces motifs implique que la juridiction a reconnu leur pertinence par rapport à la défense proposée devant elle.
Les juges d'appel ont répondu à la défense du demandeur par adoption de l'avis du ministère public et ils ont ajouté, concernant le premier des six griefs invoqués, relatif à la tardiveté de la requête, qu'ils renvoyaient sur ce point à la réponse du défendeur.
Ainsi, ils n'ont pas violé les articles précités.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, en tant que le demandeur allègue que l'arrêt se réfère aux points 6.1 et 6.2 de la page 5 des conclusions du défendeur, au lieu des points 2.1 et 2.2, les juges d'appel ont commis une erreur de plume apparaissant à l'évidence des pièces de la procédure et qu'il appartient à la Cour de rectifier.
A cet égard, le moyen manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Le moyen soutient que l'arrêt viole les articles 71, 72 et 74 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. Selon le demandeur, la requête du défendeur aurait dû être déclarée irrecevable dès lors qu'elle a été déposée plus de cinq jours après la décision de prolongation de la rétention.
L'article 74, alinéa 1er, de la loi prévoit que, lorsque le ministre décide de prolonger la détention ou le maintien de l'étranger dans les cas visés par cette disposition, il doit saisir la chambre du conseil par requête dans les cinq jours ouvrables de la prolongation.
Le délai précité prend cours à compter du jour où la prolongation de la rétention de l'étranger prend effet et non de la date de la décision de prolongation.
Le moyen manque en droit.
Sur le deuxième moyen :
Le demandeur soutient qu'en violation de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il n'a pas eu droit à un procès équitable dès lors que la requête du ministre ne lui a pas été communiquée et qu'il n'a eu la possibilité de consulter personnellement le dossier de la procédure ni au greffe de la juridiction d'instruction, contrairement à ce que l'arrêt mentionne, ni au centre fermé où il est détenu.
En tant qu'il invoque les exigences de transparence, le moyen, imprécis, est irrecevable.
Aux termes de l'article 72 de la loi du 15 décembre 1980, le conseil de l'étranger peut consulter le dossier au greffe du tribunal compétent pendant les deux jours ouvrables qui précèdent l'audience.
Cette disposition, qui a pour but de garantir le droit à un recours effectif, ne viole pas l'article 47 de la Charte.
Le demandeur n'a pas soutenu devant les juges d'appel et ne soutient pas dans l'instance en cassation que son conseil n'a pas pu consulter le dossier avant l'audience. Le moyen n'indique pas davantage en quoi l'absence d'accès personnel du demandeur aux pièces de la procédure aurait porté préjudice à l'exercice des droits de la défense.
En considérant que la décision administrative avait été notifiée au demandeur et que la convocation à l'audience mentionnait la possibilité de consulter le dossier au greffe du tribunal pendant deux jours, de sorte que les droits de la défense ont été suffisamment garantis, l'arrêt justifie légalement sa décision.
Pour le surplus, la circonstance que l'arrêt a erronément mentionné que le demandeur avait eu également la possibilité de consulter le dossier est sans incidence sur la légalité de la décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 29, 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et 15.6 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (directive retour).
Il soutient que, si l'article 15.6,a), de la directive retour permet la prolongation de la rétention en raison « du manque de coopération du ressortissant concerné d'un pays tiers », les juges d'appel n'ont pu légalement considérer que la décision de prolongation du 1er avril 2021 était fondée sur le refus du test Covid au titre d'un manque de coopération, ce motif constituant la justification du réquisitoire de réécrou du 10 décembre 2020 tandis qu'aucun lien de causalité n'était allégué entre le comportement du demandeur depuis la précédente décision de prolongation et celle qui est critiquée.
En énonçant que la décision de prolongation, comme celle-ci le mentionne, est notamment motivée par le refus du demandeur de se soumettre à un test Covid, ce qui peut être interprété comme un manque de coopération à son retour, l'arrêt considère que la persistance de ce refus est un élément justifiant la mesure administrative.
Ce motif ne viole pas les dispositions précitées.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen invoque un vice de motivation, l'arrêt répondant à la défense contestant la possibilité d'éloignement effectif du demandeur, par référence aux conclusions du défendeur.
Similaire à la première branche du premier moyen, le moyen, pour les motifs mentionnés ci-dessus, ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le moyen invoque la violation des articles 29, 71 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.
Il reproche aux juges d'appel de ne pas avoir effectué le contrôle de légalité de la mesure qui leur incombe en ce qui concerne la possibilité, prévue par l'article 29 de la loi, d'éloigner effectivement le demandeur dans un délai raisonnable.
L'arrêt considère que cette possibilité d'éloignement subsiste toujours. Outre les propositions et les rappels d'escorte à la police fédérale, il énonce que le demandeur a été formellement identifié par les autorités nigériennes, lesquelles ont déjà délivré un laissez-passer en sa faveur, et que les frontières du Niger sont ouvertes. Après avoir admis que le refus du demandeur de procéder au test nécessaire à son rapatriement ne facilite pas les démarches, il poursuit en indiquant qu'à ce stade, rien ne laisse présager avec certitude qu'un éloignement est absolument impossible avant le terme de huit mois de privation de liberté prévu par la loi, l'intéressé étant dans son cinquième mois de rétention, la situation sanitaire actuelle étant fort évolutive de même que les différentes mesures qui en résultent.
Dans la mesure où il revient à critiquer cette appréciation en fait par les juges d'appel ou exige pour son examen une vérification d'éléments de fait, pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.
Par les motifs précités, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du deux juin deux mille vingt et un par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.