La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2021 | BELGIQUE | N°P.20.0303.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 juin 2021, P.20.0303.F


N° P.20.0303.F
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
partie civile,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Ida Bollingh, avocat au barreau de Bruxelles, et représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
1. F. J.-P., A., M., G.
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de dom

icile,
2. H. P., R.,
ayant pour conseil Maître Frank Jacobs, avocat au barreau de Bruxelles...

N° P.20.0303.F
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
partie civile,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Ida Bollingh, avocat au barreau de Bruxelles, et représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
1. F. J.-P., A., M., G.
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
2. H. P., R.,
ayant pour conseil Maître Frank Jacobs, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de l'Association, 59, où il est fait élection de domicile,
3. C. M., P., H.,
prévenus,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 février 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LES FAITS
Les trois défendeurs étaient poursuivis du chef de fraude fiscale (prévention G). Le premier défendeur s'est vu en outre reprocher l'établissement et l'usage, d'une part, d'un faux fiscal à l'occasion de la déclaration à l'impôt des sociétés de la société anonyme Sindim (prévention B) et, d'autre part, d'un faux dans les comptes annuels de cette entreprise (prévention C).
Tous trois étaient également poursuivis pour s'être rendus coupables le 9 juin 2005, à l'occasion de la cession des parts de la société Sindim, de faux et d'usage de ces faux, d'un abus de biens sociaux dont l'objet était les liquidités de cette dernière, obtenues ensuite de la vente de valeurs dont elle était propriétaire, de l'organisation frauduleuse de son insolvabilité, d'un détournement d'une partie de ses actifs, d'une infraction aux articles 629, § 1er, et 648, 7°, du Code des sociétés, de blanchiment et de participation à une association de malfaiteurs (préventions A, D, E, F, H, K et L). Le premier défendeur était en outre poursuivi pour ne pas avoir établi et soumis à l'approbation des associés les comptes de la société (prévention I) et le troisième défendeur, pour avoir émis un chèque sans provision (prévention J).
Le premier défendeur fut déclaré coupable par le premier juge, d'un faux et de son usage, ainsi que des préventions de faux dans les comptes annuels, d'abus de biens sociaux, d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, de fraude fiscale, d'infractions au Code des sociétés et de blanchiment. Il fut acquitté pour le surplus.
Le deuxième défendeur fut acquitté de l'ensemble des préventions et, s'agissant du troisième défendeur, le premier juge a constaté que la prescription de l'action publique était acquise.
Sur l'action civile exercée par le demandeur, le premier juge a condamné le premier défendeur au paiement d'une somme correspondant à l'impôt enrôlé à charge de la société Sindim.
Le premier défendeur a interjeté appel de la décision qui l'a reconnu coupable des infractions précitées et, sur l'action civile, l'a condamné à indemniser le demandeur. Pour le surplus, faute d'appel du ministère public ou du demandeur contre le jugement qui a considéré que d'autres préventions en cause de ce défendeur n'étaient pas établies, cette décision est passée en force de chose jugée. Sur le recours de ce défendeur, les juges d'appel ont constaté que la prescription de l'action publique était acquise en ce qui le concerne.
Sur l'appel limité du demandeur, l'action civile exercée contre les trois défendeurs, fondée sur toutes les préventions dont étaient saisis les juges d'appel, et tendant à leur condamnation au montant de l'impôt enrôlé à charge de la société Sindim fut jugée irrecevable, aux motifs, en substance, que tant les préventions à caractère fiscal relatives au fait d'avoir éludé l'impôt, que les infractions de droit commun ayant fait obstacle au paiement de ce dernier, seraient visées par le mécanisme de solidarité instauré par l'article 458 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel que modifié par l'article 81 de la loi du 26 mars 2018 relative au renforcement de la croissance économique et de la cohésion sociale, et que le demandeur n'apportait pas la preuve d'un dommage distinct, dont aucune disposition fiscale n'assurerait la réparation. Enfin, l'action civile tendant à la condamnation des défendeurs à réparer le dommage subi par le demandeur en raison du fait qu'un de ses agents a été distrait de ses tâches ordinaires de recouvrement, a été rejetée.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui déclare irrecevable l'action civile exercée, à raison du montant de l'impôt éludé, par le demandeur contre J.-P. F. du chef des préventions A.3, C, D, E, H, I et K.1, contre P.H. du chef des préventions D, E et H, et contre M. C. du chef des préventions A.1, D, E, F, H, J, K.2, K.3 et L :
Sur le premier moyen :
Sur les fins de non-recevoir opposées au moyen par les premier et deuxième défendeurs :
Le premier défendeur conclut à l'irrecevabilité du moyen au motif qu'il serait dirigé contre un motif surabondant de l'arrêt attaqué.
Toutefois, le motif critiqué de l'arrêt, selon lequel les préventions mises à charge des défendeurs, qui leur reprochent d'avoir fait échec au paiement de l'impôt dans le délai légal en mettant en place des mécanismes frauduleux, ne peuvent constituer la base de l'action civile tendant à la condamnation à réparer le dommage correspondant au montant de l'impôt éludé, constitue la réponse des juges d'appel à la demande qui était fondée sur ces infractions, à l'exclusion de celle de fraude fiscale.
Ainsi, ces motifs ne sont pas surabondants.
Le deuxième défendeur soutient que le moyen est dépourvu d'intérêt dès lors que l'action civile est en tout état de cause irrecevable, dans la mesure où elle porte sur un montant correspondant à l'impôt éludé, peu importe que d'autres infractions que la fraude fiscale soient imputées à ce défendeur.
Par cette fin de non-recevoir, le défendeur soumet à la Cour l'objet même de la contestation que le demandeur a élevée devant les juges d'appel et à l'examen de laquelle il soutient qu'ils se sont illégalement soustraits.
Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.
Le moyen est pris de la violation des articles 442quinquies, 449 à 452 et 458, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992), 149 de la Constitution, 1382 et 1383 du Code civil, 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, et 1138, 4°, du Code judiciaire.
Le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir déclaré son action civile irrecevable au motif que l'article 458 du CIR 1992 prévoit une possibilité propre de réparation du dommage causé au Trésor, y compris lorsque ce préjudice résulte d'autres infractions que celles aux dispositions de ce code, alors que cette disposition et le mécanisme de solidarité qu'elle instaure à charge des auteurs et complices de fraude fiscale ne s'appliquent pas à ceux qui sont reconnus coupables ou qui sont prévenus, dans les conditions visées à l'alinéa 1er, d'infractions de droit commun.
L'article 458 précité prévoit que ceux qui auront été condamnés comme auteurs ou complices d'infractions visées aux articles 449 à 452 du CIR 1992, seront solidairement tenus au paiement de l'impôt éludé et des intérêts dus par le redevable au nom duquel l'impôt a été enrôlé. Il ajoute que ceux qui sont prévenus comme auteurs ou complices d'infractions visées auxdits articles 449 à 452 seront de même solidairement tenus au paiement de l'impôt éludé et des intérêts, comme visés à l'alinéa 1er, lorsque les faits constitutifs de préventions sont déclarés établis, mais que les prévenus auront bénéficié, notamment, de la prescription de l'action publique.
Il s'ensuit que ce mécanisme de solidarité, qui découle d'une condamnation du chef d'une infraction aux dispositions du CIR 1992 ou du constat que les faits ainsi qualifiés sont établis, est étranger à la décision qui déclare établies des infractions à d'autres dispositions que celles prévues par ce code.
Le demandeur revendiquait l'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de paiement de l'impôt enrôlé au nom de la société Sindim et qui a été causé, selon lui, par les infractions de droit commun visées ci-dessus et par la fraude fiscale (prévention G). L'arrêt considère que les premières, ayant consisté à mettre en place des mécanismes frauduleux afin que l'impôt enrôlé demeure impayé, sont comprises dans le dispositif qui découle de l'article 458 du CIR 1992.
En considérant ainsi que ledit dommage causé au demandeur par des infractions de droit commun qui s'intègrent dans le mécanisme de fraude fiscale imputé aux défendeurs, fait l'objet de la possibilité propre de réparation prévue à l'article 458, alinéas 1er et 2, du code précité, l'arrêt donne de cette disposition une portée qu'elle n'a pas et, partant, viole celle-ci.
Le moyen est fondé.
Il n'y a pas lieu d'avoir égard au surplus du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation dans des termes différents de ceux du dispositif.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui déclare irrecevable l'action civile exercée par le demandeur à raison du montant de l'impôt éludé, du chef de la prévention G,
1. contre J.-P. F. et M. C. :
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 458 du Code des impôts sur les revenus 1992, avant et après sa modification par la loi du 26 mars 2018, et 1138, 3°, du Code judiciaire.
Le demandeur fait grief à l'arrêt de déclarer son action civile irrecevable au motif que l'article 458 du CIR 1992 instaure une mesure de réparation prévue par la loi fiscale qui s'oppose à ce que l'administration fiscale puisse introduire une action civile contre l'auteur ou le complice d'un délit visé aux articles 449 à 452 de ce code tendant à indemniser le Trésor d'un dommage consistant en l'équivalent d'un impôt éludé, sans avoir examiné si les faits étaient établis ou non.
L'article 458, alinéa 2, 4°, du CIR 1992, dispose que les personnes prévenues comme auteurs ou complices d'infractions visées aux articles 449 à 452 du code précité, lorsqu'elles bénéficient de la prescription de l'action publique, seront solidairement tenues au paiement de l'impôt éludé et des intérêts dus par le redevable au nom duquel l'impôt a été enrôlé, lorsque les faits constitutifs de ces préventions sont déclarés établis.
Il ressort de cette disposition que, lorsque une juridiction de jugement constate l'extinction, par l'effet de la prescription, de l'action publique exercée à charge d'une ou de plusieurs personnes prévenues des infractions fiscales visées aux articles 449 à 452 du CIR 1992, elle est tenue d'examiner si les faits constitutifs de ces préventions de nature fiscale sont ou non établis.
Partant, après avoir constaté que l'action publique dirigée contre les premier et troisième défendeurs était éteinte en raison de la prescription, les juges d'appel ne pouvaient pas légalement se borner à déclarer l'action civile exercée par le demandeur contre ces prévenus irrecevable au motif que, le dommage invoqué reposant sur une infraction à l'article 449 du CIR 1992, l'article 458 précité instaurait un mécanisme de réparation propre.
Le moyen est fondé.
Il n'y a pas lieu d'avoir égard au surplus du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation dans des termes différents de ceux du dispositif.
2. contre P. H. :
Le demandeur n'invoque aucun moyen spécifique.
C. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui déclare non fondée l'action civile exercée par le demandeur contre les défendeurs, à raison du surplus du dommage causé par les infractions :
Sur le troisième moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le deuxième défendeur :
Le défendeur soutient que le moyen est dépourvu d'intérêt et, partant, irrecevable dès lors que l'action civile relative au dommage découlant du non-paiement de l'impôt éludé ayant été déclarée irrecevable, celle qui n'est que son accessoire, relative au surplus du dommage causé par les infractions, ne pourrait être jugée fondée.
Dès lors que les moyens critiquant la décision d'irrecevabilité de l'action civile relative au dommage découlant du non-paiement de l'impôt éludé sont déclarés fondés, la fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 1382 et 1383 du Code civil, ainsi que 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Le demandeur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré non fondée sa demande tendant à condamner les défendeurs à lui verser une somme de 5.000 euros représentant le dommage matériel subi en raison de la mobilisation d'un fonctionnaire distrait de ses tâches de recouvrement ordinaire afin de prendre connaissance et copie du dossier, de se constituer partie civile et de suivre les différentes étapes de la procédure pénale.
D'une part, lorsqu'une infraction fiscale est commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, l'administration fiscale est tenue d'en apporter la preuve afin de pouvoir ainsi enrôler l'impôt éludé.
Il en est de même à l'égard des coauteurs ou complices à l'égard desquels elle entend recourir au mécanisme de solidarité prévu par l'article 458 du CIR 1992.
D'autre part, le risque existe que cet impôt ne puisse jamais être recouvré, notamment en cas de recours à des mécanismes frauduleux mis en œuvre afin que l'impôt enrôlé demeure totalement ou partiellement impayé.
La nécessité de dénoncer l'infraction au procureur du Roi en vue d'obtenir cette preuve, de se faire donner accès au dossier répressif, de suivre le déroulement de l'instruction et d'attendre que celle-ci livre les éléments permettant notamment à l'administration d'identifier les coauteurs ou complices de l'infraction fiscale commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, afin de bénéficier du mécanisme de solidarité prévu par l'article 458 du code précité, peut en soi porter préjudice au département de l'Etat chargé de la perception et du recouvrement des contributions directes.
En pareil cas, le dommage de l'Etat se déduit de l'obligation où l'administration se trouve d'apporter la preuve de la culpabilité des coauteurs ou complices, lorsque le débiteur de l'impôt se dérobe à son paiement volontaire par la commission de crimes ou de délits, en affectant un ou plusieurs fonctionnaires chargés du recouvrement à l'analyse des actes, pièces, registres, documents ou renseignements recueillis par l'instruction pénale qui, ouverte à charge de ce contribuable, supplée à l'insuffisance des pouvoirs d'investigation dont ladite administration dispose.
L'arrêt énonce qu'un fonctionnaire de l'administration du recouvrement est aussi chargé de la mission légale de lutter contre la fraude fiscale, qu'il dispose à cette fin de tous les pouvoirs d'investigation prévus par le Code des impôts sur les revenus 1992 en vue d'établir la situation patrimoniale du débiteur et que « le suivi d'un dossier pénal, destiné à mettre à jour une éventuelle fraude fiscale et assurer le paiement de l'impôt, ressort manifestement de cette mission légale ».
En décidant, sur la base de ces considérations, de rejeter la demande, l'arrêt viole la notion légale de dommage réparable.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur l'action civile exercée contre les défendeurs, sauf en tant qu'il statue sur l'action civile exercée contre P. H. à raison du montant de l'impôt éludé, du chef de la prévention G ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne le demandeur à un dixième des frais et réserve le surplus pour qu'il soit statué sur celui-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Mons.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de mille quarante-deux euros dix-sept centimes dont deux cent cinquante-cinq euros vingt-quatre centimes dus et sept cent quatre-vingt-quatre euros nonante-trois centimes payés par ce demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du deux juin deux mille vingt et un par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.0303.F
Date de la décision : 02/06/2021
Type d'affaire : Autres - Droit fiscal - Droit civil - Droit pénal

Analyses

La fin de non-recevoir par laquelle le défendeur soumet à la Cour l’objet même de la contestation que le demandeur a élevée devant les juges d’appel et à l’examen de laquelle il soutient qu’ils se sont illégalement soustraits ne peut être accueillie (1). (1) Voir Cass. 7 février 2001, RG P.00.1522.F, Pas. 2001, n° 74 : « la fin de non-recevoir opposée à un moyen ne peut être accueillie lorsque son examen est indissociable de celui du moyen » ; Cass. 10 novembre 1997, RG S.97.0050.F, Pas. 1997, n° 465.

MOYEN DE CASSATION - MATIERE REPRESSIVE - Généralités - Conséquence

Prévu par l’article 458, alinéas 1er et 2, du CIR 1992, le mécanisme de solidarité entre auteurs ou complices d'infractions visées aux articles 449 à 452 du CIR 1992 quant au paiement de l'impôt éludé et des intérêts, qui découle d’une condamnation du chef d’une infraction aux dispositions du CIR 1992 ou du constat que les faits ainsi qualifiés sont établis, est étranger à la décision qui déclare établies des infractions à d’autres dispositions que celles prévues par ce code ; dès lors, il ne peut être considéré que le dommage, résultant de l’absence de paiement de l’impôt enrôlé, causé à l’État belge par des infractions de droit commun qui s’intègrent dans le mécanisme de fraude fiscale imputé au prévenu, fait l’objet de la possibilité propre de réparation prévue à l’article 458, alinéas 1er et 2, du CIR 1992 (1); le juge ne peut dès lors déclarer l’action civile de l'État, administration des contributions directes, irrecevable pour ce motif. (1) La Cour précise ici en substance que l’art. 458 du CIR 1992 n’empêche pas le fisc de se constituer partie civile pour le dommage résultant de l’absence de paiement de l’impôt enrôlé mais causé par des infractions de droit commun - c’est-à-dire non visée par les art. 449 à 452 du CIR 1992 - qui s’intègrent dans le mécanisme de fraude fiscale imputé au prévenu. « L'État, administration des contributions directes, a comme toute personne préjudiciée le droit d'introduire une action civile du chef d'un dommage pour lequel la législation fiscale ne prévoit pas une possibilité propre de réparation ; la possibilité de réparer existante pour l'administration, en vertu de l'article 458, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, à savoir la solidarité résultant d'une condamnation, empêche que l'administration introduise, à charge de l'auteur ou du complice d'une des infractions visées aux articles 449 à 453 du Code des impôts sur les revenus 1992, une action civile tendant à l'indemnisation du dommage consistant en l'équivalent de l'impôt éludé » (Cass. 17 décembre 2015, RG C.13.0194.N, Pas. 2015, n° 761, avec concl. de M. THIJS, alors avocat général, publiées à leur date dans AC). Voir aussi Cass. 25 mai 2011, RG P.10.1111.F, Pas. 2011, n° 349 (« Une dette d'impôt ne résulte pas de la fraude; elle naît de l'opération imposable que la fraude a tenté de dissimuler; celle-ci ne peut donc pas être la cause, au sens de l'article 1382 du Code civil, d'un dommage consistant dans le montant de l'impôt éludé »), et note de F. KONING, « La solidarité au paiement de l'impôt éludé en vertu de l'article 458, alinéa 1er, du CIR, serait-elle désormais applicable même en cas d'absence de condamnation pénale? », J.T. 2011, p. 832 ; Cass. 2 mars 2016, RG P.15.0929.F, Pas. 2016, n° 151, avec concl. de M. VANDERMEERSCH, avocat général ; Cass. 11 janvier 2017, RG P.16.0703.F, et note d’O. MICHIELS, « L’article 458 du Code des impôts sur les revenus est-il un frein à l’intervention du fisc en procédure pénale ? », J.T. 2017, pp. 397-400 ; Cass. 13 novembre 2019, RG P.19.0267.F, Pas. 2019, n° 589, avec concl. contraires du MP, et note d’E. VAN BRUSTEM, « A propos de l’action civile du fisc : quel impôt, quel dommage et devant... quel juge ? », Rev. dr. pén. crim. 2021, pp. 5 et s. Ce dossier s’inscrit dans le contexte frauduleux des sociétés de liquidités ou sociétés « cash » (voir E. VAN BRUSTEM, « Sociétés de liquidités : réparation du dommage propre de l’administration fiscale, quo vadis », note sous Cass. 11 janvier 2017, Rev. dr. pén. crim. 2017, pp. 853 et s.).

IMPOTS SUR LES REVENUS - DIVERS - ACTION CIVILE - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Généralités [notice2]

Il ressort de l’article 458, alinéa 2, 4°, du CIR 1992 que, lorsqu’une juridiction de jugement constate l’extinction, par l’effet de la prescription, de l’action publique exercée à charge d’une ou de plusieurs personnes prévenues des infractions fiscales visées aux articles 449 à 452 du CIR 1992, elle est tenue d’examiner si les faits constitutifs de ces préventions de nature fiscale sont ou non établis (1). (1) Afin de permettre au fisc de bénéficier, le cas échéant, du mécanisme de solidarité prévue par l’article 458 du CIR 1992 : en effet, « l'administration des contributions directes dispose quant à l'impôt, d'une possibilité propre de réparation consistant, outre l'enrôlement, dans la solidarité résultant, en vertu de [cette disposition], d'une condamnation comme auteur ou complice d'infractions visées aux articles 449 à 453 dudit code; la condamnation visée à cet article s'entend également de la décision se bornant, en raison de la prescription de l'action publique, à déclarer établis les faits constitutifs des préventions » (Cass. 25 mai 2011, RG P.10.1111.F, Pas. 2011, n° 349 ; Cass. 28 septembre 2010, RG P.10.0099.N, Pas. 2010, n° 554, avec les concl. de M. DE SWAEF, alors premier avocat général, publiées à leur date dans AC).

IMPOTS SUR LES REVENUS - DIVERS - ACTION CIVILE - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - OBLIGATION DE REPARER - Généralités - PRESCRIPTION - MATIERE REPRESSIVE - Action publique - Divers [notice5]

Lorsqu’une infraction fiscale est commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, l'administration fiscale est tenue d'en apporter la preuve afin de pouvoir ainsi enrôler l'impôt éludé ; il en est de même à l’égard des coauteurs ou complices à l’égard desquels elle entend recourir au mécanisme de solidarité prévu par l’article 458 du CIR 1992 ; la nécessité de dénoncer l'infraction au procureur du Roi en vue d'obtenir cette preuve, de se faire donner accès au dossier répressif, de suivre le déroulement de l'instruction et d'attendre que celle-ci livre les éléments permettant notamment à l’administration d’identifier les coauteurs ou complices de l’infraction fiscale commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, afin de bénéficier du mécanisme de solidarité prévu par l’article 458 du code précité, peut en soi porter préjudice au département de l'État chargé de la perception et du recouvrement des contributions directes ; en pareil cas, le dommage de l'État se déduit de l'obligation où l'administration se trouve d’apporter la preuve de la culpabilité des coauteurs ou complices, lorsque le débiteur de l’impôt se dérobe à son paiement volontaire par la commission de crimes ou de délits, en affectant un ou plusieurs fonctionnaires chargés du recouvrement à l'analyse des actes, pièces, registres, documents ou renseignements recueillis par l'instruction pénale qui, ouverte à charge de ce contribuable, supplée à l'insuffisance des pouvoirs d'investigation dont ladite administration dispose (1). (1) Voir Cass. 25 mai 2011, RG P.10.1111.F, Pas. 2011, n° 349 (2ème moyen) ; Cass. 14 juin 2006, RG P.06.0073.F, Pas. 2006, n° 330, avec les concl. de M. VANDERMEERSCH, avocat général (II.A.3 - 5ème moyen) ; Cass. 14 février 2001, RG P.00.1350.F, P.00.1353.F et P.00.1363.F, Pas. 2001, n° 91. L’art. 319bis du CIR 1992 a été abrogé par l’article 32 de la loi du 13 avril 2019 introduisant le Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2020 en vertu de son article 139. Les pouvoirs d’investigation des fonctionnaires chargés du recouvrement sont désormais régis par les articles 74 et s. dudit code.

IMPOTS SUR LES REVENUS - IMPOT DES PERSONNES PHYSIQUES - Divers - ACTION CIVILE - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - DOMMAGE - Dommage matériel. Eléments et étendue - RESPONSABILITE HORS CONTRAT - CAUSE - Notion. Appréciation par le juge [notice9]


Références :

[notice2]

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 458 - 30 / No pub 1992003455 ;

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150

[notice5]

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 458 - 30 / No pub 1992003455

[notice9]

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 458 - 30 / No pub 1992003455 ;

ancien Code Civil - 21-03-1804 - Art. 1382 et 1383 - 30 / No pub 1804032150


Composition du Tribunal
Président : DEJEMEPPE BENOIT
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-06-02;p.20.0303.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award