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17/03/2021 | BELGIQUE | N°P.21.0338.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 mars 2021, P.21.0338.F


N° P.21.0338.F
S.S.
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Frank Discepoli, avocat au barreau de Mons, et Déborah Albelice, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉ

CISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen fait valoir que, contrairement à ce que l'a...

N° P.21.0338.F
S.S.
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Frank Discepoli, avocat au barreau de Mons, et Déborah Albelice, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen fait valoir que, contrairement à ce que l'arrêt mentionne, le procès-verbal relatant l'interpellation du demandeur et la fouille de son véhicule ne précise pas clairement et complètement les circonstances ayant justifié ces mesures.
Contestant l'appréciation en fait des juges d'appel et requérant, pour son examen, la vérification d'éléments de fait, laquelle échappe au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation de l'article 12 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. Il est reproché à l'arrêt de maintenir la détention préventive nonobstant la présence au dossier de deux procès-verbaux rédigés dans une langue qui n'est pas celle de la procédure.
Mais les procès-verbaux relatifs à la recherche et à la constatation des infractions ne sont pas des actes de poursuite ou d'instruction auxquels s'applique l'article 12 précité. Ces actes ne doivent pas avoir été rédigés dans la langue de la procédure mais dans celle de la région où ils ont été établis, conformément à l'article 11 de la loi du 15 juin 1935.
Il en résulte que la présence, dans une procédure suivie en français, de procès-verbaux établis dans la région de langue néerlandaise et rédigés en cette langue, n'emporte aucune nullité et ne fait pas obstacle, en soi, au contrôle de la légalité de la détention préventive.
Soutenant le contraire, le moyen manque en droit.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Le grief est déduit de la présence au dossier de deux procès-verbaux rédigés dans une langue qui n'est pas celle de la procédure et dont le demandeur affirme qu'il était en droit d'attendre qu'ils soient traduits.
Ni le principe général du droit invoqué ni aucune disposition conventionnelle ou légale n'imposent aux juridictions chargées du contrôle de la légalité de la détention préventive d'un inculpé, de faire traduire d'office, préalablement à l'examen de la cause à l'audience et indépendamment de toute demande de ce dernier, les pièces du dossier répressif établies dans une autre langue que celle de la procédure.
A cet égard, le moyen manque en droit.
Par ailleurs, en ayant considéré que le demandeur n'avait, à aucun moment, sollicité la traduction des procès-verbaux établis par la police de la route de Flandre orientale, ni sollicité une remise en vue d'obtenir cette traduction, les juges d'appel ont légalement décidé que ses droits de la défense n'ont pas été méconnus.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Le demandeur fait valoir que le mandat d'arrêt est entaché de nullité parce que la fouille de son véhicule, qui a conduit à son arrestation, s'est déroulée dans des conditions dont la légalité n'a pas pu être vérifiée.
Mais l'arrêt constate qu'à l'occasion d'un contrôle dans une station-service, le demandeur n'a pas été en mesure d'exhiber ses documents d'identité et son permis de conduire, que la police lui a demandé son accord pour vérifier le coffre du véhicule, que le demandeur y a consenti, que les agents ont découvert une somme d'argent importante ainsi qu'un joint de marijuana, que les policiers lui ont annoncé qu'une perquisition allait être menée chez lui, qu'il leur a répondu spontanément que des stupéfiants y seraient trouvés et qu'il en avait déjà cultivés pour sa consommation personnelle.
L'arrêt en déduit que le juge d'instruction a pu, sur la base de ces éléments, considérer qu'il existait des indices sérieux de culpabilité de nature à justifier la délivrance d'un mandat d'arrêt.
Les circonstances de fait relevées par l'arrêt quant à l'interpellation du demandeur et la fouille de son véhicule ne permettent pas d'affirmer que les résultats de ces actes auraient dû être tenus pour inexistants.
Partant, l'appréciation des juges d'appel quant à l'existence de raisons plausibles de soupçonner le demandeur des faits visés aux inculpations, ne viole pas l'article 16 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, dont la violation est invoquée.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent quatre euros et un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-sept mars deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.21.0338.F
Date de la décision : 17/03/2021
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

Les procès-verbaux relatifs à la recherche et à la constatation des infractions ne sont pas des actes de poursuite ou d'instruction auxquels s'applique l'article 12 de la loi du 15 juin 1935; ces actes ne doivent pas avoir été rédigés dans la langue de la procédure mais dans celle de la région où ils ont été établis, conformément à l'article 11 de cette loi; il en résulte que la présence, dans une procédure suivie en français, de procès-verbaux établis dans la région de langue néerlandaise et rédigés en cette langue n'emporte aucune nullité et ne fait pas obstacle, en soi, au contrôle de la légalité de la détention préventive (1). (1) L'article 12, al. 1er, de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire dispose que « les officiers du ministère public et le juge d'instruction pour leurs actes de poursuite et d'instruction font usage de la langue prévue en matière répressive pour le tribunal près duquel ils sont établis ». En revanche, aux termes de l'article 11 de cette loi, « les procès-verbaux relatifs à la recherche et à la constatation de crimes, de délits et de contraventions, ainsi que les procès-verbaux en matière fiscale sont rédigés en français dans la région de langue française en néerlandais dans la région de langue néerlandaise et en allemand dans la région de langue allemande. Dans les communes de l'agglomération bruxelloise, ces procès-verbaux sont rédigés en français ou en néerlandais, selon que celui qui en est l'objet fait usage de l'une ou l'autre de ces langues pour ses déclarations et, à défaut de déclaration, selon les besoins de la cause ». À cet égard, « il est indifférent que la langue de la procédure devant, notamment, le tribunal correctionnel de Bruxelles, et qui est relative à l'affaire que lesdits procès-verbaux concernent, soit, par application des dispositions des articles 16 et 21 de ladite loi, le français ou le néerlandais » (Cass. 12 décembre 1972, Pas. 1973, p. 351). « Dans le cadre d'une information ou d'une instruction, un procès-verbal peut, par conséquent, être établi dans une langue différente de celle de la procédure » (M.-A. BEERNAERT, H.-D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, La Charte, Bruges, 9ème éd., 2021, t. I, p. 122). Et « aucune disposition légale n'interdit au juge d'avoir égard à une pièce rédigée dans une langue autre que celle de la procédure, sous réserve du respect des droits de la défense » (Cass. 29 février 2012, RG P.12.0249.F, Pas. 2012, n° 141 ; voir M.-A. BEERNAERT, e.a., o.c., 2021, pp. 130 et 145). (M.N.B.)

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INFORMATION - Actes d'information - LANGUES (EMPLOI DES) - MATIERE JUDICIAIRE (LOI DU 15 JUIN 1935) - En appel - Matière répressive - DETENTION PREVENTIVE - GENERALITES - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice1]

Ni le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ni aucune disposition conventionnelle ou légale n'imposent aux juridictions chargées du contrôle de la légalité de la détention préventive d'un inculpé de faire traduire d'office, préalablement à l'examen de la cause à l'audience et indépendamment de toute demande de ce dernier, les pièces du dossier répressif établies dans une autre langue que celle de la procédure (1). (1) Voir art. 16, § 6bis, de la loi relative à la détention préventive et 22 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, tel que modifié par la loi du 28 octobre 2016 complétant la transposition de la directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 relative au droit à l'interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, ainsi que l'art. 3 de cette directive. Il ne suit pas de l'absence de traduction de telles pièces, non demandée par l'inculpé, que le dossier serait incomplet et que les juges d'appel n'auraient pas statué « en tenant compte des circonstances au moment de [leur] décision », conformément à l'art. 30 de la loi relative à la détention préventive. (M.N.B.)

LANGUES (EMPLOI DES) - MATIERE JUDICIAIRE (LOI DU 15 JUIN 1935) - En appel - Matière répressive - DETENTION PREVENTIVE - MAINTIEN - DROITS DE LA DEFENSE - MATIERE REPRESSIVE [notice5]

Lorsqu'à l'occasion d'un contrôle dans une station-service, le conducteur d'un véhicule n'est pas en mesure d'exhiber ses documents d'identité et son permis de conduire, que la police lui demande son accord pour vérifier le coffre du véhicule et qu'il y consent, les résultats de cette fouille ne doivent pas être tenus pour inexistants (1). (1) Il n'apparaît pas des pièces de la procédure que le véhicule aurait transporté un passager. Voir Cass. 8 mai 2012, RG P.11.1908.N, Pas. 2012, n° 282, §§ 8&9 : « un véhicule qui ne se trouve pas dans une habitation ou dans ses dépendances dans laquelle une visite domiciliaire est régulièrement effectuée, ne peut faire l'objet d'une fouille par un fonctionnaire de police que lorsque celui-ci en est chargé par un juge d'instruction, moyennant le consentement exprès du propriétaire, des conducteurs et des passagers ou, sans préjudice des autres dispositions légales non applicables en l'espèce, dans les cas et moyennant le respect des conditions prévues à l'article 29 de la loi du 5 août 1992 [sur la fonction de police, qui] dispose que les fonctionnaires de police peuvent procéder à la fouille d'un véhicule lorsqu'ils ont des motifs raisonnables de croire, en fonction du comportement du conducteur ou des passagers, d'indices matériels ou des circonstances de temps et de lieu, que le véhicule ou le moyen de transport a servi, sert ou pourrait servir à commettre une infraction, à abriter ou à transporter des personnes recherchées ou qui veulent se soustraire à un contrôle d'identité, à entreposer ou à transporter des objets dangereux pour l'ordre public, des pièces à conviction ou des éléments de preuve d'une infraction. (…) Par contre, il ne suffit pas que le propriétaire du véhicule n'exprime aucune protestation, opposition ou remarque pour que les fonctionnaires de police procèdent valablement à la fouille ». Le M.P. en a déduit que l'arrêt attaqué justifie légalement sa décision, quant à la régularité de la fouille du véhicule du demandeur, en énonçant qu'« à la demande de la police, [celui-ci] a donné son accord pour que les policiers puissent vérifier le contenu du coffre de son véhicule ». Voir C. DE VALKENEER, Manuel de l'enquête pénale, Tome 1 - Principes généraux, 5ème éd., Bruxelles, Larcier, 2018, p. 296 ; B. MEGANCK, note sous Cass., 8 mai 2012, T. Strafr., 2012, p. 462 ; L. ARNOU, « De toestemming tot de zoeking in een voertuig als vereiste voor regelmatigheid. De mogelijke gronden voor een doorzoeking van een voertuig volgens het Hof van cassatie in zijn arrest van 8 mei 2012 », Vigiles, 2015, p. 83 ; contra F. GOOSSENS « De ene toestemming is de andere niet… een korte reactie op de noot van Luc Arnou », Vigiles, 2015, p. 89. (M.N.B.)

POLICE [notice8]


Références :

[notice1]

L. du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire - 15-06-1935 - Art. 11 et 12 - 01 / No pub 1935061501 ;

L. du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive - 20-07-1990 - Art. 30 - 35 / No pub 1990099963

[notice5]

L. du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire - 15-06-1935 - Art. 22 - 01 / No pub 1935061501 ;

L. du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive - 20-07-1990 - Art. 16, § 6bis, et 30 - 35 / No pub 1990099963

[notice8]

L. du 5 août 1992 - 05-08-1992 - Art. 29, al. 1er - 52 / No pub 1992000606


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : DEJEMEPPE BENOIT, ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-03-17;p.21.0338.f ?

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