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03/03/2021 | BELGIQUE | N°P.20.1313.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 mars 2021, P.20.1313.F


N° P.20.1313.F
G. M.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Eric Soccio, avocat au barreau de Mons, et Marie-Françoise Dubuffet, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 22 septembre 2020 par le tribunal correctionnel du Hainaut, division Mons, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 1er février 2021, l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions

au greffe.
A l'audience du 3 mars 2021, le président de section Benoît Dejemeppe a fait ...

N° P.20.1313.F
G. M.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Eric Soccio, avocat au barreau de Mons, et Marie-Françoise Dubuffet, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 22 septembre 2020 par le tribunal correctionnel du Hainaut, division Mons, statuant en degré d'appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 1er février 2021, l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a déposé des conclusions au greffe.
A l'audience du 3 mars 2021, le président de section Benoît Dejemeppe a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le tribunal de police a déclaré le demandeur coupable d'avoir, le 11 août 2018, en état de récidive, conduit un véhicule en état d'imprégnation alcoolique, en infraction aux articles 34, § 2, 1°, et 38, § 1er, 1°, de la loi relative à la police de la circulation routière.
Saisi de l'appel du demandeur limité aux peines et mesures prononcées par le premier juge, le tribunal correctionnel l'a condamné à une peine de travail et à une peine de déchéance du droit de conduire d'un mois, assortie d'un sursis à concurrence de quinze jours, et il a limité, au-delà de cette période et pour une durée d'un an, la validité de son permis de conduire aux véhicules équipés d'un éthylotest antidémarrage.
2. Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 2 du Code pénal, 37/1, § 1er, alinéa 3, et 38, § 6, de la loi relative à la police de la circulation routière, 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
3. Le demandeur allègue que le jugement attaqué est illégal ou, à tout le moins, que sa motivation est affectée d'ambiguïté. Il soutient en substance que, se prononçant plus de trois ans après la première condamnation, intervenue le 10 juin 2016, le tribunal a, à juste titre, écarté l'état de récidive fondé sur l'article 38, § 6, de la loi relative à la police de la circulation routière, dans sa version applicable au moment des faits, mais qu'il a, à tort, admis cet état pour imposer un éthylotest antidémarrage.
4. Statuant plus de trois ans après le jugement rendu le 10 juin 2016 qui avait condamné le demandeur du chef notamment d'alcoolémie au volant, les juges d'appel ont constaté que les faits avaient été commis dans les trois années dudit jugement.
5. En ce qui concerne la récidive visée à l'article 38, § 6, précité, cette disposition a connu trois versions successives. Elle a été insérée par l'article 9, 4°, de la loi du 9 mars 2014 modifiant la loi relative à la police de la circulation routière. L'article 11, 6°, de la loi du 6 mars 2018 relative à l'amélioration de la sécurité routière en a ensuite formulé une deuxième version. L'article 2 de la loi du 2 septembre 2018 modifiant la loi relative à la police de la circulation routière a enfin remplacé la précédente pour en constituer la troisième version.
Par un arrêt préjudiciel n° 63/2020 du 7 mai 2020, la Cour constitutionnelle a jugé :
« Dans l'interprétation selon laquelle l'aggravation de la peine visée dans la deuxième version de l'article 38, § 6, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968 peut être appliquée à un prévenu qui, dans la période durant laquelle cette version était applicable, viole l'un des articles énumérés par cette disposition dans la période de trois ans à compter du jour du prononcé d'un précédent jugement de condamnation coulé en force de chose jugée, même s'il est condamné du chef de cette nouvelle infraction après l'expiration de la période précitée de trois ans, la disposition en cause, eu égard à ses termes, fait naître une différence de traitement non justifiée entre les prévenus, selon qu'ils bénéficient ou non de la garantie du principe de légalité en matière pénale.
Dans cette interprétation, la disposition en cause n'est pas compatible avec les articles 10 et 11, lus en combinaison avec les articles 12, alinéa 2, et 14, de la Constitution. »
6. Se référant à cet arrêt, les juges d'appel ont considéré que l'état de récidive, tel qu'il avait été prévu pour l'application des sanctions imposées par l'article 38, § 6, de la loi, dans sa version modifiée par celle du 6 mars 2018, n'était pas établi dès lors que les faits avaient été commis par le demandeur sous l'empire de cette version et que le jugement était intervenu plus de trois ans après celui visé par la circonstance de récidive.
7. La limitation du droit de conduire aux seuls véhicules équipés d'un éthylotest antidémarrage a été introduite par l'article 10 de la loi du 12 juillet 2009 relative à la police de la circulation routière, coordonnée le 16 mars 1968, en ce qui concerne le recours à l'éthylotest antidémarrage.
Dans sa version modifiée par l'article 10 de la loi du 6 mars 2018, entré en vigueur le 1er juillet 2018, l'article 37/1, § 1er, alinéa 3, de la loi relative à la police de la circulation routière, dispose :
« En cas de condamnation du chef d'une infraction à l'article 36, s'il s'agit d'une peine après une condamnation en application de l'article 34, § 2, si l'analyse de l'haleine mesure à chaque fois une concentration d'alcool d'au moins 0,50 milligramme par litre d'air alvéolaire expiré ou si l'analyse sanguine révèle à chaque fois une concentration d'alcool par litre de sang d'au moins 1,2 gramme, le juge limite la validité du permis de conduire du contrevenant à tous les véhicules à moteur qui sont équipés d'un éthylotest antidémarrage selon les mêmes modalités que celles visées à l'alinéa 1er, sans préjudice de l'article 38, § 6 ».
L'article 36, alinéa 1er, sanctionne celui qui, après une condamnation par application de l'article 34, § 2, de l'article 35 ou de l'article 37bis, § 1er, commet dans les trois années à dater d'un jugement antérieur portant condamnation et passé en force de chose jugée, une nouvelle infraction à une de ces dispositions.
8. A cet égard, après avoir constaté que le demandeur a commis les faits le 11 août 2018, le jugement relève qu'il a été condamné par une décision rendue le 10 juin 2016 pour avoir conduit un véhicule dans un lieu public alors qu'il présentait une concentration d'alcool de 0,80 mg/l d'air alvéolaire expiré. Il considère ensuite que l'éthylotest antidémarrage est obligatoire lorsqu'il y a récidive dans les trois ans si l'analyse de l'haleine mesure à chaque fois une concentration d'alcool d'au moins 0,50 mg/l d'air alvéolaire expiré, ce qui est le cas en l'espèce.
9. C'est donc sur le fondement de l'état de récidive visé aux articles 36, alinéa 1er, et 37/1, § 1er, alinéa 3, de la loi, et non de l'hypothèse de récidive distincte et visée à l'article 38, § 6, que le tribunal a décidé d'imposer un éthylotest antidémarrage au demandeur.
10. Ainsi, sans l'ambiguïté que le moyen lui prête, la décision est régulièrement motivée et légalement justifiée.
11. Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
12. Le moyen soutient que l'imposition d'un éthylotest antidémarrage est une peine et non une mesure de sûreté. Il en déduit qu'en décidant du contraire pour refuser au demandeur le sursis qu'il sollicitait, le tribunal a violé les articles 37, § 1er, alinéa 3, de la loi relative à la police de la circulation routière et 8 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation.
13. L'article 8 de la loi du 29 juin 1964 prévoit la faculté, dans les conditions qu'il détermine, d'accorder le sursis seulement pour les peines.
14. Si la loi relative à la police de la circulation routière contient des dispositions prévoyant la déchéance du droit de conduire à titre de peine, elle ne précise pas la nature de l'imposition d'un éthylotest antidémarrage.

15. Il apparaît des travaux préparatoires de la loi du 12 juillet 2009 relative à la police de la circulation routière, coordonnée le 16 mars 1968, en ce qui concerne le recours à l'éthylotest antidémarrage, que le législateur a considéré, en ce qui concerne la répression de la conduite en état d'imprégnation alcoolique, que les sanctions étaient insuffisantes et qu'il importait, en cas d'infractions de cette nature, de prendre des mesures d'accompagnement incitant le contrevenant, par un autre biais que la sanction, à modifier son comportement à l'avenir, dans le but de privilégier davantage la prévention.
16. Il se dégage de l'économie générale de la loi que l'installation d'un éthylotest antidémarrage constitue une mesure préventive de sûreté poursuivant un objectif d'intérêt général en ce que ce dispositif, associé à un programme d'encadrement, permet de vérifier que l'état du conducteur, au moment où il prend le volant, répond aux normes minimales légales requises en termes de sobriété pour la conduite d'un véhicule en toute sécurité, de manière à limiter le risque de récidive et à garantir la sécurité routière.
Cette obligation vise donc non pas à sanctionner le conducteur récidiviste, mais à protéger la société contre les comportements dangereux dans la circulation.
17. Procédant d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
Le contrôle d'office
18. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de nonante-sept euros quarante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trois mars deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.1313.F
Date de la décision : 03/03/2021
Type d'affaire : Droit pénal

Analyses

L'article 36, alinéa 1er, de la loi sur la circulation routière sanctionne celui qui, après une condamnation par application de l'article 34, § 2, de l'article 35 ou de l'article 37bis, § 1er, commet dans les trois années à dater d'un jugement antérieur portant condamnation et passé en force de chose jugée, une nouvelle infraction à une de ces dispositions; lorsque, sur pied de l'article 37/1, § 1er, alinéa 3, de cette loi, le juge décide d'imposer sur le fondement de cet état de récidive la mesure de la limitation de la validité du permis de conduire aux véhicules à moteur équipés d'un éthylotest antidémarrage, il fonde cette décision sur une hypothèse de récidive distincte de celle visée à article 38, § 6, relative à la déchéance du droit de conduire prononcée à titre de peine (1). (1) Voir les concl. du MP (examen du 1er moyen).

ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 37 - Article 37/1, § 1er, alinéa 3 - Limitation de la validité du permis de conduire aux véhicules à moteur équipés d'un éthylotest antidémarrage - Fondement - Récidive visée à l'article 36, alinéa 1er, distincte de celle visée à l'article 38, § 6 - RECIDIVE - Article 37/1, § 1er, alinéa 3, de la loi sur la circulation routière - Limitation de la validité du permis de conduire aux véhicules à moteur équipés d'un éthylotest antidémarrage - Fondement - Récidive visée à l'article 36, alinéa 1er, distincte de celle visée à l'article 38, § 6 [notice1]

L'article 8 de la loi du 29 juin 1964 prévoit la faculté, dans les conditions qu'il détermine, d'accorder le sursis seulement pour les peines; or, il se dégage de l'économie générale de la loi que l'installation d'un éthylotest antidémarrage constitue une mesure préventive de sûreté poursuivant un objectif d'intérêt général en ce que ce dispositif, associé à un programme d'encadrement, permet de vérifier que l'état du conducteur, au moment où il prend le volant, répond aux normes minimales légales requises en termes de sobriété pour la conduite d'un véhicule en toute sécurité, de manière à limiter le risque de récidive et à garantir la sécurité routière; cette obligation vise donc non pas à sanctionner le conducteur récidiviste, mais à protéger la société contre les comportements dangereux dans la circulation; dès lors, elle ne peut être assortie d'un sursis (1). (1) Voir les concl. du MP. (examen du 2e moyen).

ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 37 - Article 37/1 - Limitation de la validité du permis de conduire aux véhicules à moteur équipés d'un éthylotest antidémarrage - Nature - Mesure de sûreté et non peine - Incidence quant à la possibilité d'octroi du sursis - CONDAMNATION AVEC SURSIS ET SUSPENSION DU PRONONCE DE LA CONDAMNATION - SURSIS SIMPLE - Article 37/1 de la loi sur la circulation routière - Limitation de la validité du permis de conduire aux véhicules à moteur équipés d'un éthylotest antidémarrage - Nature - Mesure de sûreté et non peine - Incidence quant à la possibilité d'octroi du sursis - PEINE - GENERALITES. PEINES ET MESURES. LEGALITE [notice3]


Références :

[notice1]

Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par Arrêté Royal du 16 mars 1968 - 16-03-1968 - Art. 36, al. 1er, 37/1, § 1er, al. 3, et 38, § 6 - 31 / No pub 1968031601

[notice3]

Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par Arrêté Royal du 16 mars 1968 - 16-03-1968 - Art. 37/1 - 31 / No pub 1968031601 ;

L. du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation - 29-06-1964 - Art. 8 - 30 / No pub 1964062906


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : FENAUX TATIANA
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : DEJEMEPPE BENOIT, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2021-03-03;p.20.1313.f ?

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