N° P.20.1008.F
M. F.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Pierre Monville et Mona Giacometti, avocats au barreau de Bruxelles,
contre
1. N. L.,
2. G. G.,
3. G. A.,
parties civiles,
défendeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Pascal Vanderveeren, avocat au barreau de Bruxelles,
LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 15 septembre 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l'audience du 27 janvier 2021, le président chevalier Jean de Codt a fait rapport et l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
I. LA DÉCISION DE LA COUR
La Cour n'a pas égard à l'écrit intitulé "note relative à un moyen à soulever d'office par la Cour de cassation" et déposé à l'audience du 27 janvier 2021, soit en dehors des délais prescrits par l'article 429, alinéas 1 et 2, du Code d'instruction criminelle.
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur l'action publique exercée à charge du demandeur,
1. l'acquitte de l'abus de confiance et de l'organisation frauduleuse d'insolvabilité libellés sous les préventions B.3 et D :
Dénué d'intérêt, le pourvoi est irrecevable.
2. le condamne du chef de faux et usage de faux, escroquerie, abus de confiance et omission d'aveu de faillite, faits libellés sous les préventions A, B.1, B.4 et C :
Sur le premier moyen :
Le moyen ne concerne qu'une seule des préventions déclarées constantes, étant le délit d'escroquerie faisant l'objet de la prévention B.1.
Mais le demandeur s'est vu condamner, par simple déclaration de culpabilité, du chef de trois autres préventions jugées établies et dont l'arrêt considère qu'elles constituent, avec celle visée par le moyen, la manifestation d'un même comportement punissable.
La déclaration de culpabilité reste légalement justifiée par ces trois autres préventions.
Il en résulte que le moyen ne peut entraîner la cassation et qu'il est dès lors irrecevable à défaut d'intérêt.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur les actions civiles exercées par les défendeurs,
1. déboute L. N. et G. G. de leur demande :
Dénué d'intérêt, le pourvoi est irrecevable.
2. condamne le demandeur à payer une indemnité à A. G. sur le fondement de la prévention B.1 limitée et requalifiée :
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 496 du Code pénal et 1382 du Code civil.
Quant à la première branche :
Il est reproché à l'arrêt de fonder la condamnation du demandeur sur des agissements qui ne constituent pas la manœuvre frauduleuse requise pour que l'escroquerie puisse être déclarée établie. Selon le moyen, les agissements décrits par l'arrêt ne relèvent, à les supposer constants, que de l'inexécution d'une obligation contractuelle.
L'arrêt conclut à la culpabilité du demandeur en relevant, notamment, qu'il s'est fait remettre un important acompte en liquide alors que les travaux n'avaient pas encore commencé, faute d'obtention du permis d'urbanisme. L'arrêt constate que cette remise de fonds n'est pas conforme au contrat d'entreprise qui, conclu entre les parties, subordonnait ce payement au démarrage du chantier.
L'escroquerie n'étant pas destinée à protéger les particuliers contre leur propre imprévoyance, l'obtention par l'entrepreneur d'un acompte ne correspondant pas à l'avancement des travaux, alors qu'il appartient au maître de l'ouvrage d'en suivre le déroulé, ne réalise pas, en soi, le délit puni par l'article 496 du Code pénal.
Mais l'arrêt met également en exergue la circonstance que le prévenu ne disposait d'aucun pouvoir légal pour encaisser l'acompte qu'il est venu chercher en Italie : chômeur à l'époque des faits, il n'était officiellement ni employé, ni prestataire de services indépendant, ni gérant de la société ayant reçu la commande. Selon les juges d'appel, la qualité de « responsable de projet » figurant sur les cartes de visite du demandeur n'était qu'un leurre destiné à tromper les clients de ladite société.
L'usage de la fausse qualité suffit à caractériser le moyen frauduleux qui constitue l'escroquerie. Dès lors qu'ils en ont constaté l'existence et l'emploi afin de tromper les victimes par l'affichage d'un vernis d'honorabilité, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision.
Partant, le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur concède que l'arrêt fait état de l'usage d'une fausse qualité au titre d'élément susceptible de constituer un moyen frauduleux. Mais il reproche à la cour d'appel de n'avoir pas précisé en quoi cette manœuvre aurait été déterminante de la remise des fonds.
Il ressort cependant des constatations de l'arrêt
- que le demandeur s'est rendu en Italie, au domicile du troisième défendeur, pour se faire remettre, en liquide, la somme visée à la prévention,
- qu'en faisant état d'une qualité dont il était dépourvu, il a poussé le plaignant à lui payer l'acompte,
- que les billets lui ont été remis effectivement à l'occasion de cette visite.
Le caractère déterminant du procédé utilisé pour obtenir les fonds est, ainsi, dûment constaté dans l'arrêt.
Le moyen manque en fait.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de trois cent vingt-cinq euros nonante-cinq centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trois février deux mille vingt et un par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.