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30/12/2020 | BELGIQUE | N°P.20.1309.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 décembre 2020, P.20.1309.F


N° P.20.1309.F
D. G. L.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Karim Sedad, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier

moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 8.1, 8.17 et 8.18 du nouveau Code civil, ain...

N° P.20.1309.F
D. G. L.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Karim Sedad, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 8.1, 8.17 et 8.18 du nouveau Code civil, ainsi que des articles 5.1, 6.1 et 6.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 12 et 22 de la Constitution, 1er de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, et 34, § 1er, de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police.
Quant à la première branche :
Le demandeur soutient que les juges d'appel ont violé la foi due au procès-verbal initial en décidant que le motif raisonnable justifiant le contrôle de son identité est lié « au potentiel trouble à l'ordre public eu égard aux circonstances particulières de la pandémie vécue tant en France qu'en Belgique au moment dudit contrôle », alors que le procès-verbal susdit ne mentionne pas l'existence de ce motif.
Mais l'arrêt ne se réfère pas, pour formuler l'énonciation critiquée, à la pièce invoquée par le demandeur. La chambre des mises en accusation n'a pu, dès lors, violer la foi due à cet acte.
En cette branche, le moyen manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur reproche à l'arrêt de maintenir sa détention en prison alors qu'aucun motif raisonnable ne pouvait amener les fonctionnaires de police à contrôler son identité, en l'absence d'indices matériels objectifs permettant de croire qu'il tentait, par son comportement, de commettre une infraction ou se préparait à la commettre ou qu'il pourrait causer un trouble actuel ou potentiel à l'ordre public.
L'arrêt énonce que la présence d'un véhicule automobile, immatriculé en France, à l'arrêt sur une aire de stationnement d'une autoroute, occupé par trois jeunes gens, parmi lesquels le demandeur, a attiré l'attention des policiers au vu du risque de trouble à l'ordre public existant dans le contexte de la pandémie sévissant en France et en Belgique, ce qui a justifié le contrôle d'identité du conducteur. L'arrêt ajoute que les policiers ont relevé la nervosité des occupants du véhicule et la forte odeur de cannabis se dégageant de l'habitacle.
Sur la base de ces énonciations, les juges d'appel ont légalement décidé que le contrôle des occupants du véhicule avait été régulier, de sorte que la découverte subséquente des indices de culpabilité l'était également et que la détention préventive du demandeur, consécutive à son arrestation, était elle-même conforme à la loi.
En cette branche, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 5.1, 6.1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 12 et 22 de la Constitution, 29 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, ainsi que de l'article 1er de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.
Le demandeur reproche à l'arrêt de confirmer sa détention, nonobstant l'illégalité affectant la fouille du véhicule automobile, à laquelle il ne pouvait être procédé en l'absence de motif raisonnable justifiant légalement une telle investigation.
Ni l'article 29 précité ni aucune autre disposition ne définissent ce qu'il y a lieu de considérer comme un motif raisonnable de croire qu'un véhicule a servi, sert ou pourrait servir à commettre une infraction.
Cette condition est subordonnée à l'appréciation des agents de police, en fonction des comportements des occupants, des éléments matériels constatés ou des circonstances de temps et de lieu, le tout sous le contrôle des autorités judiciaires et, notamment, des juridictions d'instruction.
La Cour se borne à vérifier si, lors de cet examen en fait, les juges d'appel ont pu ou non justifier légalement leur décision.
Selon les juges d'appel, le dégagement d'une forte odeur de cannabis à l'intérieur d'une voiture occupée par une ou plusieurs personnes manifestant des signes de nervosité à la vue des policiers, constitue un motif raisonnable, au sens de l'article 29 de la loi du 5 août 1992, de croire que ce véhicule sert ou pourrait servir à entreposer des stupéfiants en infraction à la législation en la matière.
De la circonstance qu'un arrêté royal du 6 septembre 2017 a légalisé la détention de cannabis à très faible teneur en tétrahydrocannabinol, il ne résulte pas qu'il soit déraisonnable d'associer la forte odeur de cannabis régnant à bord du véhicule, à la probabilité que les stupéfiants transportés dépassent la teneur autorisée.
Partant, les juges d'appel ont pu décider que les policiers avaient légalement constaté l'existence de motifs raisonnables de soupçonner une infraction à la législation sur les stupéfiants, de sorte que la fouille du véhicule était régulière.
Ils ont dès lors légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante et un euros quatre-vingts centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trente décembre deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.1309.F
Date de la décision : 30/12/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

En énonçant que la présence d'un véhicule automobile, immatriculé en France, à l'arrêt sur une aire de stationnement d'une autoroute, occupé par trois jeunes gens a attiré l'attention des policiers au vu du risque de trouble à l'ordre public existant dans le contexte de la pandémie sévissant en France et en Belgique, ce qui a justifié le contrôle d'identité du conducteur, et en ajoutant que les policiers ont relevé la nervosité des occupants du véhicule et la forte odeur de cannabis se dégageant de l'habitacle, le juge décide légalement que le contrôle des occupants du véhicule est régulier, de sorte que la découverte subséquente des indices de culpabilité l'est également et que la détention préventive consécutive à l'arrestation est elle-même conforme à la loi (1). (1) En ce sens, au regard de l'article 28, § 1er, de la loi relative à la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, un motif sérieux pour effectuer la fouille de sécurité de deux personnes peut résulter de la constatation que celles-ci sont devenues nerveuses à l'approche du véhicule de police (Cass. 24 janvier 2001, RG P.00.1402.F, Pas. 2001, n° 45) ; voir Chr. DE VALKENEER, Manuel de l'enquête pénale, T. 1 - Principes généraux, 5ème éd., Larcier, 2018, pp. 117-120.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INFORMATION - Actes d'information - Contrôle d'identité par un fonctionnaire de police - Régularité - Incidence sur la régularité de la découverte subséquente d'indices de culpabilité et de la détention préventive consécutive à l'arrestation - POLICE - Contrôle d'identité - Régularité - Incidence sur la régularité de la découverte subséquente d'indices de culpabilité et de la détention préventive consécutive à l'arrestation - DETENTION PREVENTIVE - ARRESTATION [notice1]

Ni l'article 29 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police ni aucune autre disposition ne définissent ce qu'il y a lieu de considérer comme un motif raisonnable de croire qu'un véhicule a servi, sert ou pourrait servir à commettre une infraction; cette condition est subordonnée à l'appréciation des agents de police, en fonction des comportements des occupants, des éléments matériels constatés ou des circonstances de temps et de lieu, le tout sous le contrôle des autorités judiciaires et, notamment, des juridictions d'instruction; la Cour se borne à vérifier si, lors de cet examen en fait, les juges ont pu ou non justifier légalement leur décision (1). (1) Voir Chr. DE VALKENEER, o.c., pp. 296-297.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INFORMATION - Actes d'information - Fouille d'un véhicule par un fonctionnaire de police - Conditions - Motif raisonnable de croire qu'un véhicule a servi, sert ou pourrait servir à commettre une infraction - Appréciation des agents de police - Examen en fait par le juge du fond - POLICE - Fouille d'un véhicule - Conditions - Motif raisonnable de croire qu'un véhicule a servi, sert ou pourrait servir à commettre une infraction - Appréciation des agents de police - Examen en fait par le juge du fond - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND - Fouille d'un véhicule par un fonctionnaire de police - Conditions - Motif raisonnable de croire qu'un véhicule a servi, sert ou pourrait servir à commettre une infraction - Appréciation des agents de police [notice4]

De la circonstance qu'un arrêté royal du 6 septembre 2017 (1) a légalisé la détention de cannabis à très faible teneur en tétrahydrocannabinol, il ne résulte pas qu'il soit déraisonnable d'associer la forte odeur de cannabis régnant à bord d'un véhicule à la probabilité que les stupéfiants transportés dépassent la teneur autorisée; partant, le dégagement d'une forte odeur de cannabis à l'intérieur d'une voiture occupée par une ou plusieurs personnes manifestant des signes de nervosité à la vue des policiers peut constituer un motif raisonnable, au sens de l'article 29 de la loi du 5 août 1992, de croire que ce véhicule sert ou pourrait servir à entreposer des stupéfiants en infraction à la législation en la matière. (1) Arrêté royal du 6 septembre 2017 réglementant les substances stupéfiantes et psychotropes.

STUPEFIANTS - Fouille d'un véhicule par un fonctionnaire de police - Conditions - Motif raisonnable de croire qu'un véhicule a servi, sert ou pourrait servir à commettre une infraction - Dégagement d'une forte odeur de cannabis à l'intérieur d'une voiture occupée par une ou plusieurs personnes manifestant des signes de nervosité à la vue des policiers [notice7]


Références :

[notice1]

L. du 5 août 1992 - 05-08-1992 - Art. 34, § 1er, al. 2 - 52 / No pub 1992000606

[notice4]

L. du 5 août 1992 - 05-08-1992 - Art. 29 - 52 / No pub 1992000606

[notice7]

L. du 5 août 1992 - 05-08-1992 - Art. 29 - 52 / No pub 1992000606 ;

A.R. du 6 septembre 2017 - 06-09-2017 - 03 / No pub 2017031231 ;

L. du 24 février 1921 - 24-02-1921 - 01 / No pub 1921022450


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-30;p.20.1309.f ?

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