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16/12/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0818.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 décembre 2020, P.20.0818.F


N° P.20.0818.F
I. B. M.,
prévenu,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile, et ayant pour conseil Maître Cédric Vergauwen, avocat au barreau de Bruxelles,
II. M. O.,
prévenu, détenu,
ayant pour conseils Maîtres Olivier Martins, avocat au barreau de Bruxelles, et Quentin Dufrane, avocat au barreau de Mons,
III. G. F., né à Saint-Josse-ten-Noode le 29 octobre 1974,
prévenu, détenu,
ayant pour conseil Maître Jonathan D

e Taye, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Berckmans,...

N° P.20.0818.F
I. B. M.,
prévenu,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile, et ayant pour conseil Maître Cédric Vergauwen, avocat au barreau de Bruxelles,
II. M. O.,
prévenu, détenu,
ayant pour conseils Maîtres Olivier Martins, avocat au barreau de Bruxelles, et Quentin Dufrane, avocat au barreau de Mons,
III. G. F., né à Saint-Josse-ten-Noode le 29 octobre 1974,
prévenu, détenu,
ayant pour conseil Maître Jonathan De Taye, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Berckmans, 109, où il est fait élection de domicile,
demandeurs en cassation,
les pourvois contre
1. V. A. V.,
2. V. D. V.-V. B. T.,
parties civiles,
défendeurs en cassation,
IV. Y. N., B.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Régis Brocca et Ricardo Bruno, avocats au barreau de Charleroi,
contre
1. R.M.-C.,
2. V.A. V., mieux qualifiée ci-dessus,
3. V.D. V.-V. B.T., mieux qualifié ci-dessus,
parties civiles,
défendeurs en cassation,
V. Z. J.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jonathan De Taye, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Berckmans, 109, où il est fait élection de domicile.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 26 juin 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Les quatre premiers demandeurs invoquent un moyen et le cinquième demandeur en fait valoir deux, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions reçues au greffe le 4 décembre 2020.
À l'audience du 16 décembre 2020, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de M.B. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l'action publique :
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation de la foi due aux actes. Il reproche aux juges d'appel d'avoir considéré qu'aucun des prévenus n'avait invoqué en conclusions ou dans un autre acte de la procédure un fait concret ou une circonstance propre à la cause, dont il se déduirait qu'en raison de l'absence d'accès aux enregistrements de leurs conversations jugées non pertinentes, il était impossible d'assurer un procès équitable devant le juge du fond.
Selon le demandeur, il avait au contraire exposé de manière circonstanciée, dans ses conclusions d'appel, la raison pour laquelle il était essentiel qu'il puisse avoir accès aux enregistrements jugés non pertinents par les enquêteurs et le juge d'instruction, de manière à démontrer que, loin de prouver sa participation aux faits, les propos enregistrés et considérés comme pertinents ne constituaient qu'une simple provocation, inapte à établir sa culpabilité.
À la page 17 de l'arrêt, les juges d'appel ont d'abord énoncé que « les prévenus déposèrent des conclusions tendant à solliciter de la cour [qu'elle] déclare les poursuites irrecevables au motif qu'une partie des écoutes directes effectuées dans le véhicule des prévenus [...] n'était plus accessible. [...] Les défenses des différents prévenus soutinrent qu'il y avait lieu de déclarer, avant dire droit, l'irrecevabilité des poursuites pour violation des droits de la défense dès lors que tous les enregistrements réalisés dans le cadre des écoutes directes, et qui faisaient partie intégrante du dossier répressif, devaient impérativement être déposés au greffe afin de permettre aux parties de les consulter. Elles affirmèrent que ces écoutes "non pertinentes" pouvaient, effectivement, contenir des éléments à décharge, auxquels elles ne pouvaient avoir égard, faute de pouvoir en faire état dans le cadre de leur défense. Etant donné que le disque dur contenant ces écoutes directes "non pertinentes" était physiquement défectueux et que la restauration des données fut jugée impossible par le [service informatique de la police fédérale], les droits de la défense des prévenus furent, selon ses derniers, irrémédiablement viciés de sorte que les poursuites dirigées à leur encontre devaient être déclarées irrecevables ».
Les juges d'appel, à la page 18 de leur décision, ont ensuite considéré que, pour être susceptible de mener à l'irrecevabilité des poursuites, l'atteinte invoquée au droit à un procès équitable devait être irrémédiable et que ce caractère devait être démontré et constaté concrètement par le juge du fond, avant de relever qu'« en l'espèce, il ne ressort pas des conclusions des prévenus, ni d'aucune pièce de la procédure, que [ceux-ci] aient invoqué un fait concret ou une circonstance propre à la cause dont ils auraient déduit qu'en raison de l'absence d'accès aux écoutes non pertinentes, il était impossible d'assurer un procès équitable devant le juge du fond ».
Par ces considérations, les juges d'appel n'ont pas affirmé que le demandeur n'avait pas indiqué, dans ses conclusions d'appel, la raison pour laquelle il était nécessaire de pouvoir vérifier la véracité de la défense des prévenus, selon laquelle ils avaient, dès le 27 juillet 2018, détecté la présence d'un dispositif d'écoute directe caché par la police dans leur véhicule, de sorte que leurs conversations subséquentes devaient être tenues pour des bravades à l'égard des enquêteurs et non pour des preuves de leur culpabilité. Ils ont estimé, ce qui est différent, que les prévenus, y compris le demandeur, n'avaient pas invoqué d'éléments concrets ou de circonstances propres à la cause, tendant à démontrer que l'atteinte portée au droit à un procès équitable était irrémédiable, rendant impossible la tenue du procès dans le respect de l'équité de la procédure, et alors que l'examen de la cause révélait au contraire que les prévenus avaient pu se défendre et contredire librement les preuves qui leur étaient opposées.
Par les considérations que le moyen critique, les juges d'appel se sont bornés à vérifier si, au-delà du grief qu'il soulevait, ce vice inhérent à un stade de la procédure avait pu, ou non, être corrigé par la suite, tout en constatant, à cet égard, que le demandeur n'avait pas invoqué d'éléments concrets de nature à leur permettre de conclure au caractère irrémédiable d'une atteinte à son droit à un procès équitable.
Ainsi, ils n'ont pas donné des conclusions du demandeur une interprétation inconciliable avec leurs termes.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Par ailleurs, il n'apparaît pas de l'arrêt que celui-ci se fonde sur la requête du 19 avril 2019 pour écarter la défense qui faisait valoir que les poursuites devaient être jugées irrecevables.
Partant, il n'a pu violer la foi qui est due à cet acte.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 90septies du Code d'instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense, au droit à un procès équitable, au contradictoire et à l'égalité des armes. Il fait grief à l'arrêt de condamner le demandeur en ayant égard, dans une mesure importante, aux propos jugés pertinents qu'il a tenus, alors que l'impossibilité pour ce dernier de consulter et d'invoquer, à l'appui de sa défense, les enregistrements de conversations jugées non pertinentes l'empêche de faire valoir son argumentation de la même manière que l'accusation, cette dernière ayant seule eu accès auxdites conversations et pu exprimer son opinion en vue de la sélection qu'il appartenait au juge d'instruction d'effectuer. Selon le demandeur, pareille situation emporte nécessairement une rupture dans l'égalité devant exister entre l'accusation et la défense du prévenu, et les juges d'appel étaient, en conséquence, tenus d'exclure les éléments provenant des écoutes directes.
L'article 90septies, § 6, du Code d'instruction criminelle dispose : « L'inculpé, le prévenu, la partie civile ou leurs conseils reçoivent, sur simple demande, copie de la totalité des communications non accessibles au public [...] dont certaines parties estimées pertinentes ont été transcrites ou reproduites et consignées dans un procès-verbal qu'ils ont le droit de consulter. L'inculpé, le prévenu, la partie civile ou leurs conseils peuvent demander au juge de consulter au greffe les autres fichiers ou pièces déposés conformément au § 4 au greffe, ainsi que de transcrire ou reproduire des parties supplémentaires des communications ou données enregistrées. La demande, adressée au juge d'instruction, est traitée conformément à l'article 61quinquies. [...] ».
La circonstance que les communications ou données enregistrées, jugées non pertinentes, ne puissent plus être consultées par la défense ni transcrites, n'interdit pas au juge du fond de prendre en considération, pour apprécier la culpabilité du prévenu, les communications qui, ayant été jugées pertinentes par le juge d'instruction, ont été transcrites et consignées dans un procès-verbal, pour autant que la fiabilité de ces dernières ne soit pas entachée et que leur usage, dans de telles conditions, ne soit pas contraire au droit à un procès équitable.
En tant qu'il postule que la disparition des enregistrements des conversations non pertinentes crée nécessairement un déséquilibre définitif entre la partie poursuivante et le prévenu, imposant au juge de dénier la qualité de preuve à charge ou, à tout le moins, de preuve essentielle, aux conversations jugées pertinentes, le moyen manque en droit.
Après avoir relevé qu'il n'avait pas pu être satisfait à la demande des prévenus de consulter les communications enregistrées qui avaient été jugées non pertinentes, parce que le support les contenant était affecté d'un défaut, les juges d'appel ont d'abord décidé que cette irrégularité n'avait pas entraîné d'atteinte irrémédiable au droit des demandeurs à un procès équitable dès lors que ceux-ci ont pu contredire librement les éléments produits, faire valoir tout moyen de défense et présenter toute demande utile au jugement de la cause. Ils ont ensuite relevé les différents éléments qui, selon eux, compensent la perte des données précitées ou qui, notamment qualifiés d'objectifs, corroborent le contenu des écoutes directes pertinentes dont les juges d'appel ont indiqué que leur authenticité n'avait pas été critiquée. Ils ont précisé qu'à propos des communications qui avaient été jugées non pertinentes, leurs synopsis écrits ont été déposés au greffe et ont pu être consultés par les demandeurs, tandis qu'à l'exception du quatrième demandeur, ils se sont abstenus d'étayer de manière concrète l'allégation selon laquelle leurs droits de la défense seraient violés. Enfin, les juges d'appel ont considéré que l'absence d'accès aux conversations non pertinentes n'avait pas porté atteinte aux éléments, à nouveau qualifiés d'objectifs, recueillis.
Ainsi, les juges d'appel ont estimé, d'une part, que l'irrégularité relevée n'avait pas entaché la fiabilité des preuves et, d'autre part, que l'usage de celles-ci, y compris les conversations jugées pertinentes et retranscrites, ne méconnaissait pas de manière irrémédiable le droit des demandeurs à un procès équitable.
Dès lors, ils ont légalement décidé qu'il résultait de ces différents éléments, y compris les conversations jugées pertinentes, que le demandeur était coupable d'une partie des faits des préventions.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées contre le demandeur par les défendeurs :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.
B. Sur le pourvoi d'O. M. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique :
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 90septies, §§ 4 et 6, du Code d'instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et au droit à un procès équitable. Il fait grief à l'arrêt de décider que la tenue d'un procès équitable n'est pas irrémédiablement compromise, nonobstant l'impossibilité, constatée par les juges d'appel, de consulter les fichiers contenant les conversations jugées non pertinentes à l'issue des écoutes directes réalisées, de contrôler cette sélection et de contextualiser les conversations considérées comme pertinentes.
En tant qu'il repose sur la considération que l'impossibilité de consulter pareils fichiers emporte nécessairement une atteinte irrémédiable au droit à un procès équitable du prévenu, le moyen manque en droit.
Il résulte de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale que la conséquence de l'irrégularité d'un élément de preuve n'est pas l'irrecevabilité des poursuites, mais, lorsque cette irrégularité est légalement constatée par le juge du fond, la mise à l'écart de l'élément de preuve illégal.
De son côté, l'irrecevabilité de l'action publique ou de son exercice constitue la sanction de circonstances qui empêchent d'intenter ou de continuer les poursuites pénales dans le respect du droit à un procès équitable.
L'irrecevabilité de cette action ne se confond dès lors pas avec l'irrégularité ou la nullité de l'acte accompli dans le cours de son exercice ou qui en est à l'origine.
Le juge du fond apprécie en fait les conséquences que les irrégularités qu'il dit avoir constatées ont eues sur la manière dont le droit à un procès équitable du prévenu peut encore, ou non, s'exercer.
Pour les motifs énoncés dans la réponse à la seconde branche du moyen de M. B., les juges d'appel ont, notamment, légalement décidé que l'impossibilité de consulter les fichiers contenant les conversations jugées non pertinentes n'avait pas porté une atteinte irrémédiable au droit des prévenus à un procès équitable.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'ordre d'arrestation immédiate :
En raison du rejet du pourvoi dirigé contre elle, la décision de condamnation acquiert force de chose jugée.
Le pourvoi dirigé contre le mandement d'arrestation immédiate devient sans objet.
3. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées contre le demandeur par les défendeurs :
L'article 429 du Code d'instruction criminelle prévoit que le demandeur en cassation doit indiquer ses moyens dans un mémoire signé par un avocat et communiqué par courrier recommandé à la partie contre laquelle le pourvoi est dirigé. Ces formalités sont prescrites à peine d'irrecevabilité.
Il n'apparaît pas de la procédure que le mémoire du demandeur ait été communiqué aux défendeurs.
Partant, il est irrecevable.
Le demandeur ne fait valoir régulièrement aucun moyen.
C. Sur le pourvoi de F. G. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l'action publique :
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 149 de la Constitution et 90sexies à 90octies du Code d'instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et à l'obligation de motivation des décisions judiciaires.
Quant aux deux branches réunies :
Le moyen fait d'abord grief à l'arrêt de décider que la tenue d'un procès équitable n'est pas irrémédiablement compromise, nonobstant l'impossibilité pour le demandeur, constatée par les juges d'appel, de consulter les fichiers contenant les conversations jugées non pertinentes à l'issue des écoutes directes réalisées, alors que le ministère public en a eu la possibilité et a pu sélectionner les conversations pertinentes et les contextualiser sous l'angle de l'accusation.
N'indiquant pas en quoi les juges d'appel auraient méconnu les articles 149 de la Constitution et 90sexies et 90octies du Code d'instruction criminelle ainsi que la notion de force majeure, ni à quelle défense ils auraient omis de répondre, le moyen, imprécis, est à cet égard irrecevable.
En tant qu'il considère que le ministère public a pu procéder à la sélection des conversations pertinentes, alors que cette prérogative appartient au juge d'instruction qui a ordonné les écoutes directes, le moyen manque en droit.
Pour les motifs énoncés dans la réponse au moyen, à cet égard similaire, d'O.M., les juges d'appel ont, notamment, légalement décidé que l'impossibilité de consulter les fichiers contenant les conversations jugées non pertinentes n'avait pas porté une atteinte irrémédiable au droit des prévenus à un procès équitable, de sorte que les poursuites n'étaient pas irrecevables.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le moyen reproche également aux juges d'appel de ne pas avoir légalement justifié leur décision qu'il revenait au demandeur d'établir le caractère irrémédiable de l'atteinte, qu'il a invoquée, à son droit à un procès équitable.
Mais par aucune considération, les juges d'appel n'ont prétendu imposer au demandeur de démontrer qu'il avait été porté atteinte de manière irrémédiable à son droit à un procès équitable. Ils se sont bornés à énoncer que c'est au juge du fond qu'il incombait, de manière concrète, de démontrer une telle atteinte, lorsqu'il entend décider que les poursuites dont il est saisi sont irrecevables.
Dans cette mesure, reposant sur une lecture erronée de la décision attaquée, le moyen manque en fait.
Enfin, en matière répressive, le juge apprécie de manière souveraine la valeur probante des éléments de preuve qui lui sont présentés et qui ont été soumis à la contradiction des parties, à condition de ne pas violer le droit à un procès équitable.
Ni les dispositions et principes visés au moyen ni aucune autre norme ne lui imposent d'indiquer le poids respectif des différentes preuves qui ont emporté sa conviction.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse, le moyen manque également en droit.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'ordre d'arrestation immédiate :
En raison du rejet du pourvoi dirigé contre elle, la décision de condamnation acquiert force de chose jugée.
Le pourvoi dirigé contre le mandement d'arrestation immédiate devient sans objet.
3. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées contre le demandeur par les défendeurs :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.
D. Sur le pourvoi de N.Y.:
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l'action publique :
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 90sexies à 90octies du Code d'instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
N'indiquant pas en quoi les juges d'appel auraient méconnu les articles 90sexies et 90octies du Code d'instruction criminelle, le moyen, imprécis, est à cet égard irrecevable.
Le moyen fait d'abord grief à l'arrêt de décider que le demandeur est coupable en se fondant, dans une large mesure ou de manière prépondérante, sur les résultats des écoutes directes effectuées dans son véhicule. Or, selon le demandeur, les conversations jugées pertinentes à cette occasion étaient fragilisées en raison de l'impossibilité de leur appliquer la contradiction en les confrontant aux conversations qui avaient été considérées comme non pertinentes.
Ainsi qu'il a été énoncé en réponse à la seconde branche du moyen de M. B., les juges d'appel ont légalement décidé que l'impossibilité de consulter les fichiers contenant les conversations jugées non pertinentes n'avait pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des prévenus ni, plus largement, à leur droit à un procès équitable.
En outre, aux pages 29 à 32 de l'arrêt, les juges d'appel ont exposé les raisons pour lesquelles les explications du demandeur relatives à sa prétendue connaissance de la présence d'un dispositif d'écoute directe dans son véhicule dès avant le 1er août 2018, connaissance qu'il entendait justifier en faisant état du contenu des conversations jugées non pertinentes, ne leur paraissaient pas vraisemblables.
Ce faisant, sans méconnaître les droits de la défense du demandeur, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision de le reconnaître coupable, y compris en ayant égard au contenu des conversations jugées pertinentes.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
En tant qu'il postule que les écoutes directes ont constitué l'élément à l'origine des poursuites contre le demandeur, le moyen, qui repose sur une hypothèse, est irrecevable.
Il est également irrecevable en ce qu'il critique l'appréciation en fait des juges d'appel, selon laquelle ses explications au sujet du moment où il a pris conscience de la présence d'un matériel d'écoute dans son véhicule sont dépourvues de vraisemblance.
Enfin, pour les motifs énoncés en réponse au moyen, à cet égard similaire, de F. G., le moyen, en tant qu'il fait valoir que les juges d'appel auraient dû indiquer le poids respectif des preuves qui ont emporté leur conviction et singulièrement l'importance, pour cette appréciation, des écoutes directes, manque en droit.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée contre le demandeur par M.-C. R. :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.
3. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées contre le demandeur par V. V. A.et T. V. d. V.-V. B. :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.
E. Sur le pourvoi de J. Z. :
En tant qu'il est dirigé contre la décision qui l'acquitte du chef de la prévention E.2, le pourvoi, dépourvu d'intérêt, est irrecevable.
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 90sexies à 90octies du Code d'instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
N'indiquant pas en quoi les juges d'appel auraient méconnu les articles 90sexies et 90octies du Code d'instruction criminelle, le moyen, imprécis, est à cet égard irrecevable.
Pour le surplus, le moyen est identique à celui proposé par F.G..
Pour les motifs énoncés en réponse au moyen de ce dernier, le moyen du demandeur ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation de l'article 149 de la Constitution et de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et à l'obligation de motivation des décisions judiciaires, « notamment au regard de la force majeure ».
Il fait grief à l'arrêt de ne pas répondre à la défense subsidiaire proposée par le demandeur, qui postulait que les écoutes directes, sur la base desquelles il a été reconnu coupable, soient écartées.
Aux pages 18 et 19 de leur décision, d'une part, les juges d'appel ont exposé les motifs pour lesquels l'impossibilité, pour les prévenus, de consulter les données relatives aux conversations jugées non pertinentes, ne permettait pas de remettre en cause les éléments, qualifiés d'objectifs, auxquels l'arrêt se réfère et comprenant notamment les conversations qui avaient été jugées pertinentes. D'autre part, ils ont décidé que cette irrégularité n'avait pas affecté de manière irrémédiable les droits de la défense des prévenus, dès lors que la cause, envisagée dans son ensemble, permettait de constater que le vice relevé, inhérent à un stade de la procédure, avait pu être corrigé par la suite.
Aux termes de ces motifs, les juges d'appel ont exclu qu'il ait été porté atteinte, en raison de l'irrégularité constatée, à la fiabilité des preuves recueillies et que l'usage de celles-ci soit contraire, au sens de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, au droit des prévenus à un procès équitable.
Ces considérations, relatives au rejet de la défense du demandeur qui postulait que les poursuites soient déclarées irrecevables, contiennent également les éléments justifiant que sa défense subsidiaire, selon laquelle il y avait lieu d'écarter les conversations jugées pertinentes et qui reposait sur les mêmes griefs que la défense principale, devait être écartée.
Ainsi, les juges d'appel ont régulièrement motivé leur décision que le demandeur était coupable des faits d'une prévention.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de mille cinq cent sept euros septante centimes dont I) sur le pourvoi de M. B. : quatre-vingts euros huit centimes dus et deux cent cinquante-deux euros deux centimes payés par ce demandeur ; II) sur le pourvoi d'O. M. : quatre-vingts euros huit centimes dus et deux cent nonante-six euros trois centimes payés par ce demandeur ; III) sur le pourvoi de F. G. : quatre cent vingt-neuf euros vingt-neuf centimes en débet ; IV) sur le pourvoi de N. Y. : quatre-vingts euros huit centimes dus et deux cent neuf euros trente-deux centimes payés par ce demandeur et V) sur le pourvoi de J. Z. : quatre-vingts euros huit centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du seize décembre deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.20.0818.F
Date de la décision : 16/12/2020
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public

Analyses

La circonstance que les communications ou données enregistrées, jugées non pertinentes, ne puissent plus être consultées par la défense ni transcrites, n'interdit pas au juge du fond de prendre en considération, pour apprécier la culpabilité du prévenu, les communications qui, ayant été jugées pertinentes par le juge d'instruction, ont été transcrites et consignées dans un procès-verbal, pour autant que la fiabilité de ces dernières ne soit pas entachée et que leur usage, dans de telles conditions, ne soit pas contraire au droit à un procès équitable (1). (1) Voir les concl. du MP.

INSTRUCTION EN MATIERE REPRESSIVE - INSTRUCTION - Actes d'instruction - Ecoutes directes - Conversations enregistrées jugées non pertinentes - Consultation rendue impossible en raison d'un défaut technique - Conséquence - Prise en considération des communications jugées pertinentes et transcrites - Condition - PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6 - Article 6, § 1er - Administration de la preuve - Ecoutes directes - Conversations enregistrées jugées non pertinentes - Consultation rendue impossible en raison d'un défaut technique - Conséquence - Prise en considération des communications jugées pertinentes et transcrites - Droit à un procès équitable [notice1]

Il résulte de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale que la conséquence de l'irrégularité d'un élément de preuve n'est pas l'irrecevabilité des poursuites, mais, lorsque cette irrégularité est légalement constatée par le juge du fond, la mise à l'écart de l'élément de preuve illégal.

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - Irrégularité d'un élément de preuve - Conséquence - ACTION PUBLIQUE - Irrégularité d'un élément de preuve - Conséquence - Irrecevabilité des poursuites [notice4]

L'irrecevabilité de l'action publique ou de son exercice constitue la sanction de circonstances qui empêchent d'intenter ou de continuer les poursuites pénales dans le respect du droit à un procès équitable; l'irrecevabilité de cette action ne se confond dès lors pas avec l'irrégularité ou la nullité de l'acte accompli dans le cours de son exercice ou qui en est à l'origine, le juge du fond appréciant en fait les conséquences que les irrégularités qu'il dit avoir constatées ont eues sur la manière dont le droit à un procès équitable du prévenu peut encore, ou non, s'exercer (1). (1) Voir les concl. du MP.

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Administration de la preuve - Irrégularité ou nullité d'un acte d'instruction - Conséquence - ACTION PUBLIQUE - Irrecevabilité de l'action publique - Notion - Irrégularité ou nullité d'un acte d'instruction - Conséquence [notice6]

En matière répressive, le juge apprécie de manière souveraine la valeur probante des éléments de preuve qui lui sont présentés et qui ont été soumis à la contradiction des parties, à condition de ne pas violer le droit à un procès équitable (1). (1) Voir les concl. du MP.

PREUVE - MATIERE REPRESSIVE - Charge de la preuve. Liberté d'appréciation - Valeur probante d'un élément de preuve - Appréciation souveraine du juge - Limite


Références :

[notice1]

Code d'instruction criminelle - 17-11-1808 - Art. 90septies, § 6 - 30 / No pub 1808111701

[notice4]

L. du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 32 - 01 / No pub 1878041750

[notice6]

L. du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du code de procédure pénale - 17-04-1878 - Art. 32 - 01 / No pub 1878041750


Composition du Tribunal
Président : DEJEMEPPE BENOIT
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : VANDERMEERSCH DAMIEN
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, LUGENTZ FREDERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-16;p.20.0818.f ?

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