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11/12/2020 | BELGIQUE | N°C.18.0259.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 décembre 2020, C.18.0259.N


N° C.18.0259.N
FERYN NEW INTERNATIONAL, s.a.,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,
contre
P. J.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 décembre 2016 par la cour d’appel d’Anvers.
Le 25 novembre 2020, l’avocat général Els Herregodts a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L’avocat général Els Herregodts a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassati

on
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse pr...

N° C.18.0259.N
FERYN NEW INTERNATIONAL, s.a.,
Me Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,
contre
P. J.,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 décembre 2016 par la cour d’appel d’Anvers.
Le 25 novembre 2020, l’avocat général Els Herregodts a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Ilse Couwenberg a fait rapport.
L’avocat général Els Herregodts a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
1. L’article 8, alinéa 1er, du règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (« signification ou notification des actes »), et abrogeant le règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil dispose que l’entité requise informe le destinataire, au moyen du formulaire type figurant à l’annexe II, qu’il peut refuser de recevoir l’acte à signifier ou à notifier, au moment de la signification ou de la notification ou en retournant l’acte à l’entité requise dans un délai d’une semaine, si celui-ci n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction dans l’une des langues suivantes : a) une langue comprise du destinataire, ou b) la langue officielle de l’État membre requis ou, s’il existe plusieurs langues officielles dans cet État membre, la langue officielle ou l’une des langues officielles du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification.
Le deuxième alinéa de cet article dispose que, si l’entité requise est informée que le destinataire refuse de recevoir l’acte conformément au paragraphe 1er, elle en informe immédiatement l’entité d’origine au moyen de l’attestation prévue à l’article 10 et lui retourne la demande ainsi que les documents dont la traduction est demandée.
Le troisième alinéa du même article dispose que, si le destinataire a refusé de recevoir l’acte en vertu du paragraphe 1er, il est possible de remédier à la situation qui en résulte en signifiant ou en notifiant au destinataire, conformément aux dispositions du présent règlement, l’acte accompagné d’une traduction dans l’une des langues visées au paragraphe 1er ; dans ce cas, la date de signification ou de notification de l’acte est celle à laquelle l’acte accompagné de la traduction a été signifié ou notifié conformément à la législation de l’État membre requis ; toutefois, lorsque, conformément à la législation d’un État membre, un acte doit être signifié ou notifié dans un délai déterminé, la date à prendre en considération à l’égard du requérant est celle de la signification ou de la notification de l’acte initial, fixée conformément à l’article 9, paragraphe 2.
Conformément au quatrième alinéa, les paragraphes 1er, 2 et 3 s’appliquent aux modes de transmission et de signification ou de notification d’actes prévus à la section 2. Est ainsi notamment visée la notification par l’intermédiaire des services postaux.
Enfin, suivant le cinquième alinéa, aux fins du paragraphe 1er, lorsque la signification ou la notification est effectuée par voie postale conformément à l’article 14, l’autorité ou la personne compétente informe le destinataire qu’il peut refuser de recevoir l’acte et que tout acte refusé doit être envoyé à cette autorité ou à cette personne.
2. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, l’article 8 du règlement n° 1393/2007 doit être interprété en ce sens que l’entité requise est tenue, en toutes circonstances et sans qu’elle dispose à cet égard d’une marge d’appréciation, d’informer le destinataire d’un acte de son droit de refuser la réception de celui ci, en utilisant systématiquement à cet effet le formulaire type figurant à l’annexe II du règlement (C.J.U.E., Alpha Bank Cyprus Ltd, 16 septembre 2015, C-519/13, points 40 à 58 ; (C.J.U.E., Alta Realitat SL, 28 avril 2016, C-384/14, points 55 à 69 ; (C.J.U.E., Andrew Marcus Henderson, 2 mars 2017, C-354/15, points 56 et 60 ; (C.J.U.E., Catlin Europe SE, 6 septembre 2018, C-21/17, point 38).
La Cour de justice de l’Union européenne fonde cette décision en particulier sur les considérations suivantes :
- l’article 8, paragraphe 1er, comporte deux énonciations certes liées, mais néanmoins distinctes, à savoir, d’une part, le droit matériel du destinataire de l’acte de refuser de recevoir celui-ci, au motif qu’il n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction dans une langue qu’il est censé comprendre, d’autre part, l’information formelle de l’existence dudit droit portée à sa connaissance par l’entité requise ;
- le règlement n° 1393/2007 ne confère à l’entité requise aucun pouvoir pour apprécier si les conditions figurant à l’article 8, paragraphe 1er, dans lesquelles le destinataire d’un acte peut refuser de le recevoir, sont remplies ;
- à cet égard, après avoir engagé la procédure de signification ou de notification en déterminant le ou les actes pertinents à cet effet, la juridiction ne se prononcera qu’après que le destinataire d’un acte a effectivement refusé de le réceptionner au motif qu’il n’était pas rédigé dans une langue qu’il comprend ou est censé comprendre ; ainsi, ladite juridiction sera amenée à vérifier, à la demande du requérant, si pareil refus était ou non justifié ;
- le système mis en place par le règlement n° 1393/2007 prévoit l’utilisation de deux formulaires types qui figurent respectivement aux annexes I et II de celui-ci, et ne comporte aucune exception à l’utilisation de ces formulaires ;
- ces formulaires contribuent à simplifier et à rendre plus transparente la procédure de transmission des actes, garantissant ainsi tant la lisibilité de ceux-ci que la sécurité de leur transmission, et constituent des instruments au moyen desquels les destinataires sont informés de la faculté dont ils disposent de refuser de recevoir l’acte à signifier ou à notifier ;
- il ressort du libellé de l’intitulé et du contenu du formulaire type figurant à l’annexe II que la faculté de refuser de recevoir l’acte à signifier ou à notifier, telle que prévue à l’article 8, paragraphe 1er, est qualifiée de « droit » du destinataire de cet acte ;
- pour que ce droit de refus puisse utilement produire ses effets, le destinataire de l’acte doit être dûment informé au préalable et par écrit de l’existence de ce droit ;
- à cette fin, l’entité requise est tenue, dans tous les cas, de joindre à l’acte à signifier ou à notifier le formulaire type figurant à l’annexe II, qui fournit cette information ;
- cette interprétation est de nature à la fois à garantir la transparence en mettant le destinataire d’un acte en mesure de connaître l’étendue de ses droits et à permettre une application uniforme du règlement n° 1393/2007, sans entraîner aucun retard dans la transmission de cet acte mais, au contraire, en contribuant à simplifier et à faciliter celle-ci.
3. Il suit ainsi manifestement de l’article 8 du règlement n° 1393/2007 et de la jurisprudence précitée que l’entité nationale requise est toujours tenue de joindre, lors de la signification ou de la notification d’un acte, un formulaire type figurant à l’annexe II, même lorsque l’acte est rédigé ou accompagné d’une traduction soit dans une langue comprise du destinataire, soit dans la langue officielle du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification, conformément aux conditions du premier paragraphe de cette disposition.
En effet, le destinataire doit, en toutes circonstances, pouvoir exercer le droit, conféré par l’article 8 du règlement précité, de refuser de recevoir un acte à signifier ou à notifier. Ce n’est qu’après l’exercice effectif de ce droit qu’il appartient à la juridiction saisie d’apprécier si ce refus est justifié, au motif que l’acte n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction dans une langue qui remplit les conditions du premier paragraphe de cette disposition.
4. Le moyen, qui, en cette branche, soutient que l’ajout du formulaire type figurant à l’annexe II n’est pas obligatoire lorsque l’acte à signifier ou à notifier est rédigé ou accompagné d’une traduction dans la langue officielle du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification, manque en droit.
5. Il n’y a pas lieu de poser une question préjudicielle.
Quant à la seconde branche :
6. La Cour de justice de l’Union européenne considère dans une jurisprudence constante que l’article 8 du règlement n° 1393/2007 doit être interprété en ce sens que, lorsque l’entité requise, qui est tenue de procéder à la signification ou à la notification d’un acte à son destinataire, n’y a pas joint le formulaire type figurant à l’annexe II du règlement n° 1393/2007, cette omission doit être régularisée conformément aux dispositions énoncées par ce règlement (C.J.U.E., Alpha Bank Cyprus Ltd, 16 septembre 2015, C-519/13, points 61 à 76 ; (C.J.U.E., Alta Realitat SL, 28 avril 2016, C-384/14, points 71 à 76 ; (C.J.U.E., Andrew Marcus Henderson, 2 mars 2017, C-354/15, points 58 et 65 ; (C.J.U.E., Catlin Europe SE, 6 septembre 2018, C-21/17, points 49 et 50).
La Cour de justice de l’Union européenne considère en particulier que :
- il incombe à l’entité requise de procéder sans délai à l’information des destinataires de l’acte de leur droit de refuser la réception de ce dernier, en leur transmettant, en application de l’article 8, paragraphe 1er, du règlement n° 1393/2007, le formulaire type figurant à l’annexe II de ce règlement ;
- le droit de refuser de recevoir un acte à signifier ou à notifier découle de la nécessité de protéger les droits de défense du destinataire de cet acte, conformément aux exigences d’un procès équitable ;
- il s’ensuit que ni les autorités nationales de transmission ni la juridiction saisie dans l’État membre d’origine ne sauraient faire obstacle, de quelque manière que ce soit, à l’exercice d’un tel droit par l’intéressé ;
- il convient d’ajouter que, dans l’hypothèse où, à la suite de cette information, les destinataires concernés feraient usage de leur droit de refuser la réception de l’acte en cause, il incomberait à la juridiction nationale saisie dans l’État membre d’origine de décider si un tel refus, compte tenu de tous les éléments du cas d’espèce, est justifié.
7. Il suit manifestement de cette jurisprudence et de celle énoncée au deuxième considérant que, lorsqu’un formulaire type figurant à l’annexe II n’a pas été joint à la signification ou à la notification d’un acte, la juridiction devant laquelle le litige est pendant dans l’État membre d’origine ne peut en aucun cas donner effet à cette signification ou notification, aussi longtemps que l’omission n’a pas été régularisée. Il ne dispose d’aucune marge d’appréciation quant à la question de savoir si cette omission a nui aux intérêts du destinataire, en examinant si le refus de recevoir l’acte aurait été justifié.
Ce n’est qu’après l’information du destinataire, au moyen du formulaire précité, de son droit de refuser de recevoir l’acte et après l’exercice effectif de ce droit qu’il appartient à la juridiction d’apprécier si le refus est justifié, au motif que l’acte n’est pas rédigé ou accompagné d’une traduction dans une langue qui remplit les conditions de l’article 8, paragraphe 1er, du règlement n° 1393/2007.
8. Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement que la juridiction doit donner effet à la signification ou à la notification d’un acte auquel le formulaire type de l’annexe II n’a pas été joint lorsqu’elle considère que cette omission n’a pas nui aux intérêts du destinataire, manque en droit.
9. Il n’y a pas lieu de poser une question préjudicielle.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Koen Mestdagh, président, le président de section
Geert Jocqué, les conseillers Bart Wylleman, Ilse Couwenberg et
Sven Mosselmans, et prononcé en audience publique du onze décembre deux mille vingt par le président de section Koen Mestdagh, en présence de l’avocat général Els Herregodts, avec l’assistance du greffier Mike Van Beneden.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Maxime Marchandise et transcrite avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Formation : Chambre 1n - eerste kamer
Numéro d'arrêt : C.18.0259.N
Date de la décision : 11/12/2020
Type d'affaire : Droit européen

Analyses

Il suit manifestement de l'article 8 du règlement n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (« signification ou notification des actes»), et abrogeant le règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'entité nationale requise est toujours tenue de joindre, lors de la signification ou de la notification d'un acte, un formulaire type figurant à l'annexe II, même lorsque l'acte est rédigé ou accompagné d'une traduction soit dans une langue comprise du destinataire, soit dans la langue officielle du lieu où il doit être procédé à la signification ou à la notification, conformément aux conditions du premier paragraphe de cette disposition (1). (1) C.J.U.E., arrêt Catlin Europe SE, 6 septembre 2018, C-21/17, point 38 ; C.J.U.E., arrêt Andrew Marcus Henderson, 2 mars 2017, C-354/15, points 56 et 60 ; C.J.U.E., arrêt Alta Realitat SL, 28 avril 2016, C-384/14, points 55 à 69 ; (C.J.U.E., arrêt Alpha Bank Cyprus Ltd, 16 septembre 2015, C-519/13, points 40 à 58).

UNION EUROPEENNE - DIVERS - Signification d'actes judiciaires et extrajudiciaires - Règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 - Article 8 - Signification ou notification - Jonction du formulaire type figurant à l'Annexe II - Conditions

À défaut de formulaire type II joint à la signification ou à la notification, la juridiction devant laquelle le litige est pendant dans l'État membre d'origine ne peut en aucun cas donner effet à cette signification ou notification, aussi longtemps que l'omission n'a pas été régularisée et ce n'est qu'après l'information du destinataire, au moyen du formulaire précité, de son droit de refuser de recevoir l'acte et après l'exercice effectif de ce droit qu'il appartient à la juridiction d'apprécier si le refus est justifié, au motif que l'acte n'est pas rédigé ou accompagné d'une traduction dans une langue qui remplit les conditions de l'article 8, paragraphe 1er, du règlement n° 1393/2007 (1). (1) C.J.U.E., arrêt Catlin Europe SE, 6 septembre 2018, C-21/17, point 49- 50 ; C.J.U.E., arrêt Andrew Marcus Henderson, 2 mars 2017, C-354/15, points 58 et 65 ; C.J.U.E., arrêt Alta Realitat SL, 28 avril 2016, C-384/14, points 71 à 76 ; (C.J.U.E., arrêt Alpha Bank Cyprus Ltd, 16 septembre 2015, C-519/13, points 61 à 76).

UNION EUROPEENNE - DIVERS - Signification d'actes judiciaires et extrajudiciaires - Règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 - Article 8 - Signification ou notification - Absence de jonction du formulaire type figurant à l'Annexe II - Refus de réception - Appréciation par le juge - Conditions


Composition du Tribunal
Président : MESTDAGH KOEN
Greffier : VANDEN HENDE VANITY
Ministère public : HERREGODTS ELS
Assesseurs : JOCQUE GEERT, WYLLEMAN BART, COUWENBERG ILSE, MOSSELMANS SVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-11;c.18.0259.n ?

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