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07/12/2020 | BELGIQUE | N°C.20.0224.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 décembre 2020, C.20.0224.N


N° C.20.0224.N
M. B.,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE BRUXELLES.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 14 janvier 2020 par la cour d’appel de Bruxelles.
Par ordonnance du 22 septembre 2020, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Faits
Il ressort de l’arrêt attaqué et des pièces auxq

uelles la Cour peut avoir égard que :
- le demandeur est né à Woluwe-Saint-Lambert le 28 décembre 1994 et ...

N° C.20.0224.N
M. B.,
Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
contre
PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE BRUXELLES.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 14 janvier 2020 par la cour d’appel de Bruxelles.
Par ordonnance du 22 septembre 2020, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L’avocat général Henri Vanderlinden a conclu.
II. Faits
Il ressort de l’arrêt attaqué et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :
- le demandeur est né à Woluwe-Saint-Lambert le 28 décembre 1994 et a la nationalité britannique ;
- son père, G. B., également de nationalité britannique, travaille depuis le 1er décembre 1993 auprès de l’organisation européenne Eurocontrol à Bruxelles ;
- en exécution de l’article 10, § 1er, 1°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et à l’article 22 de la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960, qui dispense les membres du personnel et les membres de leur famille vivant à leur foyer des dispositions limitant l’immigration et réglant l’enregistrement des étrangers, le demandeur dispose depuis sa naissance d’une carte d’identité spéciale, délivrée par le service public fédéral des Affaires étrangères, service du protocole, conformément à l’article 3, 3° et 5°, de l’arrêté royal du 30 octobre 1991 relatif aux documents de séjour en Belgique de certains étrangers ;
- un document attestant de la permanence du séjour en Belgique (carte de séjour E+), valable du 27 décembre 2016 au 27 décembre 2021, a été délivré le 27 janvier 2017 au demandeur conformément à l’article 42quinquies, § 5, de la loi du 15 décembre 1980 et à l’article 55 de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers ;
- le 27 décembre 2017, le demandeur a fait, devant l’officier de l’état civil de la commune de Tervueren, une déclaration d’acquisition de la nationalité belge conformément à l’article 12bis, § 1er, 1°, du Code de la nationalité belge ;
- le procureur du Roi de Louvain a rendu un avis négatif le 5 avril 2018 ;
- par un jugement du 3 décembre 2018, le tribunal de première instance de Louvain a accueilli la déclaration d’acquisition de la nationalité belge faite par le demandeur sur la base de l’article 12bis, § 1er, 1°, du Code de la nationalité belge ;
- l’arrêt attaqué, sur l’appel du procureur général près la cour d’appel, rejette la déclaration susvisée.
III. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
IV. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la troisième branche :
1. En vertu de l’article 12bis, § 1er, 1°, du Code de la nationalité belge, tel qu’il s’applique au litige, peut acquérir la nationalité belge en faisant une déclaration conformément à l’article 15, l’étranger qui a atteint l’âge de dix-huit ans, est né en Belgique et y a établi depuis sa naissance sa résidence principale sur la base d’un séjour légal.
2. Conformément à l’article 7bis, § 2, alinéa 1er, 2°, de ce code, tel qu’il s’applique au litige, on entend par séjour légal, en ce qui concerne la période qui précède l’introduction de la demande ou déclaration : avoir été admis ou autorisé à séjourner plus de trois mois dans le royaume ou autorisé à s’y établir conformément à la loi sur les étrangers ou à la loi de régularisation. Pour les citoyens de l’Union européenne et les membres de leur famille visés à l’article 40bis de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, la période entre la date d’introduction de leur demande et la date à laquelle ce droit de séjour leur est reconnu est assimilée à un séjour autorisé au sens du paragraphe 2, 2°. Le Roi détermine, par arrêté délibéré en conseil des ministres, les documents qui seront pris en considération en tant que preuve du séjour visé au premier alinéa.
3. L’article 4 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 portant exécution de la loi du 4 décembre 2012 modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l’acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l’immigration, tel qu’il s’applique en l’espèce, prévoit que les documents de séjour à prendre en considération en tant que preuve du séjour légal au sens de l’article 7bis, § 2, alinéa 1er, 2°, du Code de la nationalité belge sont les suivants : 6° l’« attestation d’enregistrement » établie conformément à l’annexe 8 de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, en exécution de l’article 42, § 2 et § 4, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers ; 7° le « document attestant de la permanence du séjour » établi conformément à l’annexe 8bis de l’arrêté royal du 8 octobre 1981, en exécution de l’article 42quinquies, § 5, de la loi du 15 décembre 1980.
4. Les travaux préparatoires de l’article 7bis, § 2, alinéa 1er, 2°, du Code de la nationalité belge confirment que les citoyens de l’Union européenne et les membres de leur famille tirent directement leur droit de séjour du droit de l’Union, de telle sorte que la reconnaissance de ce droit présente un caractère déclaratif (C.J.U.E, arrêt Commission c. Espagne, 14 avril 2005, C 157/03, point 28 ; C.J.U.E., arrêt Commission c. Belgique, 23 mars 2006, C 408/03, points 62 et 63 ; C.J.U.E., arrêt Maria Dias, 21 juillet 2011, C-325/09, point 48 ; C.J.U.E., arrêt Diallo, 27 juin 2018, C-246/17, point 48).
Il s’ensuit que, pour le législateur, l’ensemble des titres de séjour doit être pris en considération pour vérifier, dans le respect de l’article 7bis, § 2, alinéa 1er, 2°, si, en ce qui concerne la période qui précède sa demande de nationalité, le demandeur a bien été admis ou autorisé à séjourner plus de trois mois dans le royaume ou autorisé à s’y établir conformément à la loi sur les étrangers ou à la loi de régularisation.
5. Le séjour légal visé à l’article 7bis, § 2, alinéa 1er, 2°, du Code de la nationalité belge qui est pris en considération pour l’application de l’article 12bis, § 1er, 1°, de ce code en ce qui concerne la déclaration de nationalité doit être ainsi entendu que l’admission ou l’autorisation d’un citoyen de l’Union, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui a le statut de travailleur salarié dans le royaume, à séjourner plus de trois mois dans le royaume ou à s’y établir conformément à la loi du 15 décembre 1980 découle directement du droit de l’Union, dès que les conditions des articles 7, alinéa 1er, sous d), ou 16, alinéa 1er, de la directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, transposés aux articles 40bis, § 2 et § 4, et 42quinquies, § 1er, de la loi précitée, sont remplies.
La possession des documents de séjour mentionnés à l’article 4 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013, à prendre en considération en tant que preuve du séjour légal au sens de l’article 7bis, § 2, alinéa 1er, 2°, du Code de la nationalité belge, ne constitue donc pas une condition du séjour légal d’un citoyen de l’Union, qui peut être démontré par tout autre moyen de preuve, y compris le document spécial de séjour délivré conformément à l’article 3, 3° et 5°, de l’arrêté royal du 30 octobre 1991 relatif aux documents de séjour en Belgique de certains étrangers. En conséquence, l’absence des documents de séjour mentionnés à l’article 4 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 ne peut entraîner pour un citoyen de l’Union la perte de ce droit de séjour légal.
6. Les juges d’appel ont constaté que le demandeur est un citoyen de l’Union qui séjourne légalement dans le royaume depuis sa naissance et est membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui a le statut de travailleur salarié dans le royaume.
Ils ont rejeté la déclaration d’acquisition de la nationalité belge faite par le demandeur sur la base de l’article 12bis, § 1er, 1°, du Code de la nationalité belge aux motifs que :
- pendant la période précédant sa déclaration d’acquisition de la nationalité belge, faite le 27 décembre 2017, le demandeur n’était pas admis ou autorisé à séjourner plus de trois mois dans le royaume ou à s’y établir « conformément à la loi sur les étrangers » au sens de l’article 7bis, § 2, alinéa 1er, 2°, du Code de la nationalité belge ;
- son droit de séjour sur le territoire belge depuis sa naissance n’a pas été établi sur la base des articles 40bis et 42quinquies de la loi du 15 décembre 1980, mais sur la base de l’article 22 de la Convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960, en exécution duquel une carte d’identité spéciale lui a été délivrée sur la base de l’article 3, 3° et 5°, de l’arrêté royal du 30 octobre 1991 ;
- la liste des documents de séjour mentionnés à l’article 4 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013, qui sont pris en considération en tant que preuve du séjour légal au sens de l’article 7bis, § 2, alinéa 1er, 2°, du Code de la nationalité belge, est en outre limitative et la carte d’identité spéciale délivrée en vertu de l’arrêté royal du 30 octobre 1991 n’est pas couverte par l’un des documents de séjour énumérés dans cette liste.
7. En considérant que le demandeur n’est pas admis ou autorisé à séjourner plus de trois mois dans le royaume ou à s’y établir conformément à la loi du 15 décembre 1980, au sens de l’article 7bis, § 2, alinéa 1er, 2°, du Code de la nationalité belge, et en refusant sur ce fondement l’acquisition de la nationalité belge conformément à l’article 12bis, § 1er, 1°, du Code de la nationalité belge, alors que la liste des documents de séjour mentionnée à l’article 4 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 n’est pas limitative pour les citoyens de l’Union, qui peuvent prouver leur droit de séjour résultant directement du droit de l’Union par tout moyen de preuve, y compris le document spécial de séjour délivré conformément à l’article 3, 3° et 5°, de l’arrêté royal du 30 octobre 1991, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Sur les autres griefs :
8. Les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il reçoit l’appel ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel d’Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section
Koen Mestdagh, les conseillers Antoine Lievens, Bart Wylleman et
Ilse Couwenberg, et prononcé en audience publique du sept décembre deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence de l’avocat général
Henri Vanderlinden, avec l’assistance du greffier Mike Van Beneden.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Christian Storck et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Formation : Chambre 3n - derde kamer
Numéro d'arrêt : C.20.0224.N
Date de la décision : 07/12/2020
Type d'affaire : Droit européen

Analyses

Le séjour légal visé à l'article 7bis, § 2, alinéa 1er, 2°, du Code de la nationalité belge qui est pris en considération pour l'application de l'article 12bis, § 1er, 1°, de ce code en ce qui concerne la déclaration de nationalité doit être ainsi entendu que l'admission ou l'autorisation d'un citoyen de l'Union, membre de la famille d'un citoyen de l'Union qui a le statut de travailleur salarié dans le royaume, à séjourner plus de trois mois dans le royaume ou à s'y établir conformément à la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers découle directement du droit de l'Union, dès que les conditions des articles 7, alinéa 1er, sous d), ou 16, alinéa 1er, de la directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, transposés aux articles 40bis, § 2 et § 4, et 42quinquies, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980, sont remplies.

UNION EUROPEENNE - DROIT MATERIEL - Généralités - Membre de la famille d'un citoyen de l'Union - Membre de la famille d'un travailleur migrant - Titre de séjour - Fondement - Conséquence


Composition du Tribunal
Président : DIRIX ERIC
Greffier : VAN BENEDEN MIKE
Ministère public : VANDERLINDEN HENRI
Assesseurs : MESTDAGH KOEN, LIEVENS ANTOINE, WYLLEMAN BART, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-12-07;c.20.0224.n ?

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