N° C.19.0488.N
M. V.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
contre
1. K. V.,
2. C. H.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2018 par la cour d'appel de Gand.
Par ordonnance du 10 novembre 2020, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le 10 novembre 2020, l'avocat général Henri Vanderlinden a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Bart Wylleman a fait rapport et l’'avocat général Henri Vanderlinden a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
1. En vertu de l’article 843 du Code civil, tel qu’il s’applique au litige, tout héritier venant à succession, même s’il accepte sous bénéfice d’inventaire, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donation entre vifs ou par testament, directement ou indirectement. L’héritier ne peut retenir les dons ni réclamer les legs, qui lui ont été faits par le testateur, à moins que les dons et legs aient été faits, expressément, par préciput et hors part ou avec dispense de rapport.
L’article 850 de ce code dispose que le rapport ne se fait qu’à la succession du donateur.
2. Aux termes de l’article 920 du même code, tel qu’il s’applique au litige, les dispositions soit entre vifs, soit à cause de mort, qui excéderont la quotité disponible, seront réductibles à cette quotité lors de l’ouverture de la succession.
Conformément à l’article 922 du Code civil, dans la version applicable au litige, la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existants au décès du donateur ou testateur. On y réunit fictivement ceux dont il a été disposé par donations entre vifs, d’après leur état à l'époque des donations et leur valeur au temps du décès du donateur. On calcule sur tous ces biens, après en avoir déduit les dettes, quelle est, eu égard à la qualité des héritiers qu’il laisse, la quotité dont il a pu disposer.
3. Le rapport des donations tend à protéger le droit successoral légal, qui vise à assurer l’égalité entre les héritiers légaux, tandis que la réduction tend à empêcher que la réserve que la loi attribue à certains héritiers ne soit vidée de sa substance.
Il s’ensuit qu’une donation doit être rapportée ou, en vue d’une éventuelle réduction, doit être ajoutée fictivement à la succession à laquelle les biens donnés auraient appartenu si la donation n’avait pas eu lieu.
4. Au sens de l’article 1445 du Code civil, la communauté conjugale après liquidation se partage par moitié s’il reste un actif.
L’article 1461 du Code civil dispose que les époux peuvent convenir que celui qui survivra ou l’un d’eux s’il survit, recevra lors du partage une part autre que la moitié, voire tout le patrimoine.
En vertu de l’article 1464, alinéa 1er, du Code civil, la stipulation de parts inégales et la clause d’attribution de tout le patrimoine commun ne sont pas regardées comme des donations, mais comme des conventions de mariage, sans préjudice des dispositions des articles 1464, alinéa 2, et 1465 du Code civil.
Un avantage matrimonial n’est pas dévolu à la succession, mais revient au conjoint survivant à la suite de la liquidation-partage du régime matrimonial.
5. Il suit de ce qui précède que, lorsque des biens communs ont été donnés par les époux pendant le mariage, le rapport ou la réduction de cette donation doit se faire dans la succession de l’époux prédécédé dans la mesure où les biens donnés auraient été dévolus à sa succession, si la donation n’avait pas eu lieu. Lorsque, à la suite d’une clause d'attribution, la communauté conjugale revient dans sa totalité au conjoint survivant, le règlement successoral par rapport ou réduction ne doit, en revanche, pas se faire dans la succession de l’époux prédécédé, dès lors que les biens donnés ne font pas partie de sa succession.
6. Le moyen, qui soutient qu’en cas de donation de biens communs, la donation doit être calculée pour moitié dans la succession de chacun des époux, quelle que soit la clé de répartition de la communauté conjugale, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Koen Mestdagh, les conseillers Antoine Lievens, Bart Wylleman et Ilse Couwenberg, et prononcé en audience publique du sept décembre deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général Henri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier Mike Van Beneden.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Marie-Claire Ernotte et transcrite avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.