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27/11/2020 | BELGIQUE | N°C.17.0303.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 novembre 2020, C.17.0303.N


N° C.17.0303.N
ÉTAT BELGE, représenté par le vice-premier ministre et le ministre du Travail, de l'Economie et des consommateurs,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
TANDARTSPRAKTIJK LUK DANEELS, s.r.l.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi est dirigé contre l’arrêt rendu le 4 mai 2017 par le Conseil d’État, section du contentieux administratif.
Le premier avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions le 30 juillet 2020.
Le président de section Koen Mestdagh a fait rapport.
Le premier avocat généra

l Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé da...

N° C.17.0303.N
ÉTAT BELGE, représenté par le vice-premier ministre et le ministre du Travail, de l'Economie et des consommateurs,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
TANDARTSPRAKTIJK LUK DANEELS, s.r.l.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi est dirigé contre l’arrêt rendu le 4 mai 2017 par le Conseil d’État, section du contentieux administratif.
Le premier avocat général Ria Mortier a déposé des conclusions le 30 juillet 2020.
Le président de section Koen Mestdagh a fait rapport.
Le premier avocat général Ria Mortier a conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 144 et 145 de la Constitution ;
- articles 8, 556, alinéa 1er, et 578, 3°, du Code judiciaire ;
- principe général du droit de la séparation des pouvoirs ;
- articles 7 et 14, § 1er, des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le
12 janvier 1973 ;
- articles 2, 3, 4, 5, 7, 8 et 9 de la loi du 21 décembre 2007 relative à l'exécution de l'accord interprofessionnel 2007-2008 ;
- article 38, alinéa 1er, de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires ;
- articles 1er, 3, 6, 12, 13, 14 et 15 de la convention collective de travail n° 90 du 20 décembre 2007, conclue au sein du Conseil national du travail, concernant les avantages non récurrents liés aux résultats, rendue obligatoire par l’arrêté royal du 10 février 2008, telle qu’elle a été modifiée par la convention collective de travail n° 90bis du 21 décembre 2010, conclue au sein du Conseil national du travail, modifiant la convention collective de travail n° 90 du
20 décembre 2007 concernant les avantages non récurrents liés aux résultats, rendue obligatoire par l’arrêté royal du 30 mars 2011.
Décisions et motifs critiqués
Dans l’arrêt n° 238.088 du 4 mai 2017, le Conseil d'État considère qu'il n'est pas investi du pouvoir juridictionnel pour connaître du présent recours en annulation. Le Conseil d'État rejette le recours et condamne la partie requérante aux dépens. Le Conseil d'État prend ces décisions sur la base de l’ensemble des constations et motifs sur lesquels elles s’appuient, qui doivent ici être considérés comme repris intégralement, et en particulier sur les considérations suivantes :
« Appréciation
5. Aux termes de l’article 14, § 1er, 1°, des lois coordonnées sur le Conseil d’État, si le contentieux n’est pas attribué par la loi à une autre juridiction, la section d'administration statue par voie d'arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre les actes et règlements des diverses autorités administratives.
En l'espèce, la question qui se pose est celle est de savoir si l'objet véritable et direct du recours porte ou non sur un litige individuel concernant l'application d'une convention collective de travail au sens de l'article 578, 3°, du Code judiciaire. Dans ce cas, ce n'est pas le Conseil d'État mais les tribunaux du travail qui sont compétents pour connaître du litige. La notion de ‘contestation d’ordre individuel’ visée à l'article 578, 3°, du Code judiciaire revêt un sens large. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires de l'article 578, 3°, du Code judiciaire, ‘les termes « contestations d’ordre individuel » sont utilisés par opposition aux « conflits collectifs » résultant d'une grève ou d'un lock-out. Ils se rapportent donc à toutes les dispositions de la convention collective de travail aussi bien lorsqu’il s’agit d'une action introduite par un individu que lorsqu’il s'agit d'une action introduite par une organisation professionnelle’ (Rapport fait au nom de la commission de l'Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale précédant le projet de loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, Doc. parl. Sénat 1967-1968, n° 78, 113).
6. Les dispositions légales et contractuelles pertinentes en l’espèce pour apprécier la compétence du Conseil d'État sont exposées ci-après.
7. Le chapitre II de la loi du 21 décembre 2007 ‘relative à l'exécution de l'accord interprofessionnel 2007-2008’ met à exécution, comme l’indique son libellé, l'accord interprofessionnel 2007-2008. En vertu de l'article 2 de cette loi, elle s'applique aux employeurs et aux travailleurs relevant du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 ‘sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires’.
Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi ‘relative à l'exécution de l'accord interprofessionnel 2007-2008’ à l’origine de la loi précitée du 21 décembre 2007, on peut lire que cette proposition vise à ‘créer un cadre légal pour exécuter le troisième point d’ancrage de l’accord interprofessionnel
2007-2008 relatif aux avantages non récurrents liés aux résultats tel qu’il a été précisé dans la déclaration commune des partenaires sociaux du Groupe des
10 du 14 septembre 2007’. La mise en œuvre de ce point, toujours selon l’exposé des motifs, est ‘également réalisée dans une convention collective de travail conclue au Conseil national du travail’. Les mêmes travaux préparatoires soulignent encore que les conditions, modalités et procédures pour l’instauration de tels avantages sont ‘essentiellement’ réglées dans la convention collective de travail susdite et que ‘[c]ertaines parties spécifiques requièrent toutefois une initiative du législateur’. (Doc., Chambre, 2007-2008, n° 594/1, 3 et 4).
Ledit chapitre II de la loi du 21 décembre 2007 est applicable aux avantages payés ou attribués à partir du 1er janvier 2008 sur la base dudit chapitre et conformément à la procédure, aux modalités et aux conditions établies par la convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail’ (article 20 de la loi du 21 décembre 2007).
Les avantages non récurrents liés aux résultats dont les conditions, les modalités et les procédures sont ainsi ‘essentiellement’ réglées dans la convention collective de travail précitée, conclue au sein du Conseil national du travail, bénéficient, en vertu de la loi du 21 décembre 2007 d'un traitement particulier en droit social et en droit fiscal (articles 11 à 19 de la loi du 21 décembre 2007). Il s'agit de systèmes d’avantages collectifs. Le terme « collectif » figurant dans la loi 21 décembre 2007 signifie qu’il doit s’agir d’un système d’avantages destinés à toute une entreprise, à un groupe d’entreprises ou à un groupe bien défini de travailleurs, liés à des résultats collectifs dépendant de la réalisation d’objectifs collectifs (Doc., Chambre 2007-2008, 594/1, p. 4).
8. L'article 3 (du chapitre II) de la loi du 21 décembre 2007 détermine les avantages non récurrents liés aux résultats. Il s’agit d’avantages destinés à toute une entreprise, à un groupe d’entreprises ou à un groupe bien défini de travailleurs, et qui sont liés à des résultats collectifs dépendant de la réalisation d’objectifs collectifs, sur la base de critères objectifs (article 3 de la loi du 21 décembre 2007). Ces avantages dépendent, en vertu du même
article 3, de ‘la réalisation d'objectifs clairement balisables, transparents, définissables/mesurables et vérifiables, à l'exclusion d'objectifs individuels et d'objectifs dont la réalisation est manifestement certaine au moment de l'introduction d'un système d'avantages liés aux résultats’. Il ressort du commentaire de l’article 3 dans l’exposé des motifs que l’exclusion des ‘objectifs dont la réalisation est manifestement certaine’ tend à ‘éviter de déguiser une rémunération sous la forme d’avantages liés aux résultats, en faisant dépendre purement pro forma l’attribution de ces avantages de certains objectifs. Une telle appréciation (lire: la question de savoir s’il s’agit (ou non) d’objectifs dont la réalisation est manifestement certaine) tombe sous le régime du ‘contrôle marginal’ visé à l’article 9 de la loi du 21 décembre 2007 (voir infra). L’exclusion ne vaut que ‘lorsqu’il n’existe pas de doute raisonnable que l’objectif aurait aussi été atteint sans l’instauration d’un système d’avantages liés aux résultats’ (Doc., Chambre 2007-2008, n° 594/1, 5).
L’article 4 de la même loi a pour objet ‘d’habiliter la convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail à régler la procédure, les modalités et les conditions à remplir pour instaurer des avantages non récurrents liés aux résultats’. L’article 4 de ladite loi du 21 décembre 2007 dispose dès lors que les avantages non récurrents liés aux résultats sont instaurés ‘conformément aux procédures, aux modalités et aux conditions établies par le présent chapitre ainsi que par une convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail’.
Aux termes de l’article 5 de la loi du 21 décembre 2007, ‘[c]onformément à la convention collective de travail conclue au Conseil national du travail’, chaque employeur peut prendre l'initiative d'instaurer des avantages non récurrents liés aux résultats sans préjudice d'une initiative prise au sein de la commission paritaire ou de la sous-commission paritaire (compétente). Au niveau de l’entreprise, ces avantages peuvent être instaurés tantôt par une convention collective de travail, tantôt, notamment pour les travailleurs pour lesquels il n'existe pas de délégation syndicale, au choix de l'employeur, soit par le biais d'une convention collective de travail, soit par un acte d’adhésion. À cette fin, il y a toujours lieu, selon le même article 5, d’utiliser les ‘modèles qui sont repris en annexe de la convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail’.
Les articles 7 à 10 de la loi du 21 décembre 2007 règlent les procédures d’établissement et de modification à suivre lorsque les avantages non récurrents liés aux résultats, comme en l’espèce, sont instaurés par voie d’acte d’adhésion (Doc., Chambre, 2007-2008, n° 594/1, 6).
L’article 7 concerne la première phase de la procédure d’établissement de l’acte d’adhésion (y compris le plan d’octroi). Aux termes des travaux préparatoires concernant cette disposition, la procédure d'établissement de l’acte d’adhésion ‘est identique à celle appliquée à la rédaction et à la modification du règlement du travail – en cas d’absence de conseil d’entreprise – telle que définie à l’article 12 de la loi du 8 avril 1965 instituant les règlements du travail, à la différence que la procédure interne à l’entreprise est limitée aux travailleurs concernés. Comme dans la procédure de l’instauration d’un règlement de travail, les litiges éventuels au sein de l’entreprise sont tranchés par la commission paritaire – qui intervient alors, conformément à l’arrêt n° 199.861 du Conseil d'État du 25 janvier 2010, comme tribunal arbitral - à une majorité qualifiée de chacune des parties, soit d’une part 75 p.c. du côté de l’employeur et, d’autre part, 75 p.c. du côté des travailleurs’ (Doc., Chambre 2007-2008, n° 594/1, 6). L’article 8 détermine quand la première phase de la procédure d’établissement est clôturée, c’est-à-dire au moment où l’acte d’adhésion (contenant le plan d’octroi), éventuellement modifié par une décision (prise à la majorité qualifiée) de la commission paritaire, est déposé au greffe de la Direction générale Relations collectives de travail du service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale. À ce moment-là, l’employeur informe tous les travailleurs de l’entreprise par l’affichage d’un avis qu’un acte d’adhésion a été déposé au greffe et transmis à la commission paritaire.
L’article 9 de la loi susdite décrit la seconde phase de la procédure d’établissement, y compris les contrôles de forme et marginal pertinents pour le présent litige. Dès le dépôt de l’acte d'adhésion intervenu conformément à l’article 8 précité, l’acte d’adhésion (et le plan d’octroi) est transmis à la commission paritaire compétente ‘pour qu'elle effectue les contrôles de forme et marginal prévus par la convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail’ (article 9, § 1er). L’article 9 de la loi du
21 décembre 2007 assigne ainsi à la commission paritaire (compétente) la mission d’effectuer dans les deux mois les formes de contrôle marginal visées dans la convention collective de travail. La décision de la commission paritaire n'est valable que lorsqu'elle a recueilli 75 p.c. au moins des suffrages exprimés par chacune des parties. Lorsque la décision de la commission paritaire est positive, l'acte d'adhésion contenant le plan d'octroi est approuvé. Lorsque la décision de la commission paritaire est par contre négative, l'acte d'adhésion contenant le plan d'octroi n'est pas approuvé. La motivation de cette décision (négative) doit indiquer précisément les manquements. La décision de la commission paritaire et, le cas échéant, la motivation de celle-ci sont transmises au greffe de la Direction générale Relations collectives de travail du service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale qui informe immédiatement l'employeur et le fonctionnaire désigné par le ministre (article 9, § 2). Lorsque l’acte d’adhésion contenant le plan d’octroi est considéré comme étant approuvé suite à la procédure des contrôles de forme et marginal, ils sont également considérés comme répondant aux conditions de contrôle de forme et marginal (article 9, § 5).
9. Il ressort de ce qui précède que, conformément à l’intention explicite du législateur, les conditions, les modalités et les procédures pour l’instauration des avantages non récurrents liés aux résultats sont ‘essentiellement’ réglées dans la convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail.
Concrètement, il s’agit en l'espèce de la convention collective de travail
n° 90 du 20 décembre 2007 (préalable à la loi du 21 décembre 2007) ‘concernant les avantages non récurrents liés aux résultats, telle qu’elle a été modifiée par la convention collective de travail n° 90bis du 21 décembre 2010’. Selon son article 21, la convention collective de travail n° 90bis est conclue pour une durée indéterminée et elle est entrée en vigueur ‘à la même date que la loi relative à l'exécution de l'accord interprofessionnel 2007-2008, Chapitre II - Avantages non récurrents liés aux résultats’ (c'est-à-dire la loi du 21 décembre 2007), à savoir le 10 janvier 2008. Conformément à son article 12, la convention collective de travail n° 90bis est entrée en vigueur le 1er avril 2011 et elle a la même durée de validité que la convention collective de travail n° 90 qu’elle modifie. En application de l’article 28 de la loi du 5 décembre 1968 ‘sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires’, le Conseil national du travail a demandé que les deux conventions collectives de travail soient rendues obligatoires, ce qui s’est fait par les arrêtés royaux des 10 février 2008 et 30 mars 2011.
Son article 1er dispose que la convention collective de travail n°90 a pour objet de régler les procédures, conditions et modalités suivant lesquelles des avantages non récurrents liés aux résultats répondant à la définition de l'article 3 de la même convention collective, peuvent être instaurés. Ces procédures, conditions et modalités pourront le cas échéant être précisées par des conventions collectives conclues au niveau des secteurs, des sous-secteurs ou des entreprises afin de tenir compte de la spécificité des différents secteurs d’activité et des entreprises.
Les définitions des avantages non récurrents liés aux résultats, aux articles 3 de la convention collective de travail n° 90 et 3 de la loi du 21 décembre 2007, correspondent mot pour mot. Le commentaire de l’article 3 de la convention collective de travail n° 90 indique par ailleurs que l’exclusion des objectifs dont la réalisation est manifestement certaine a pour but d'éviter de déguiser une rémunération sous la forme d'avantages liés aux résultats, en faisant dépendre purement pro forma l'attribution de ces avantages de certains objectifs. L'appréciation de cette exclusion par la commission paritaire compétente tombe sous le régime du contrôle marginal prévu par la convention collective de travail n° 90. Cette exclusion ne vaut que lorsqu'il n'existe pas de doute raisonnable que l'objectif aurait aussi été atteint sans l'instauration d'un système d'avantages liés aux résultats.
Le chapitre V de la convention collective de travail n° 90 (articles 12 à 15) traite (spécifiquement) des avantages non récurrents liés aux résultats introduits par voie d'acte d'adhésion comme en l’espèce. L’acte d’adhésion doit, conformément à l’article 12 de la convention collective de travail, être établi par l’employeur conformément au modèle figurant en annexe 2 de la convention collective de travail. L'employeur est tenu à cet égard, c’est-à-dire en ce qui concerne la procédure à suivre, de ‘se conformer strictement à la procédure d'établissement de l'acte d'adhésion prévue par la loi relative à l'exécution de l'accord interprofessionnel 2007-2008, Chapitre II - Avantages non récurrents liés aux résultats’.
Il est important de souligner qu'en vertu de la loi du 21 décembre 2007, le contenu, la nature et la portée des contrôles de forme et marginal sont fixés à l'article 15 de la convention collective de travail n° 90 et non pas, donc, par la loi du 21 décembre 2007 elle-même. L’article 9, § 1er, de la loi du 21 décembre 2007 lui aussi se réfère à l’exercice des contrôles de forme et marginal ‘prévus par la convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail’.
L’article 15 de la convention collective de travail n° 90 définit les contrôles de forme et marginal. Cet article dispose :
‘§ 1er. Un contrôle de forme est exercé. Ce contrôle ne porte pas sur l’opportunité du plan. Il porte exclusivement sur les éléments suivants :
1° les mentions obligatoires de l'acte d'adhésion telles que fixées à l'article 13 de la présente convention ;
2° les mentions obligatoires du plan d'octroi fixées à l'article 8, à l'exception du point 7°, alinéa 4, b), de la présente convention ;
3° en cas de conversion d'un système d'avantages liés aux résultats existant, si ce système existant est annexé à l'acte d'adhésion.
§ 2. Un contrôle marginal de violation manifeste de la législation anti-discrimination est exercé quant à l'article 8, 1°, 2° et 7°, alinéas 1er, 2 et 3, a), de la présente convention. Dans le cadre de ce contrôle, la commission paritaire vérifie exclusivement que la détermination de l'entreprise, du groupe d'entreprises ou du groupe bien défini de travailleurs pour lequel l'avantage est prévu, la modulation éventuelle des avantages ainsi que les éléments de calcul permettant de déterminer la part de chaque travailleur, ne sont pas fondés sur les critères suivants : la prétendue race, la couleur de peau, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique, la nationalité, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, l'âge, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, l'état de santé actuel ou futur, un handicap, la langue, la conviction politique, une caractéristique physique ou génétique ou l'origine sociale, ou le fait que le contrat de travail soit conclu pour une durée déterminée ou pour un travail nettement défini, ainsi que le fait que le contrat de travail est conclu à temps partiel.
§ 3. Le contrôle de forme exercé sur le 7°, alinéa 3, a), de l'article 8 consiste uniquement à vérifier qu'il n'est pas dérogé à la règle du prorata temporis pour les travailleurs éligibles au plan d'octroi et que les modalités dérogatoires sont bien limitées aux catégories de travailleurs autorisées dans cet article’.
Il ressort du commentaire de l’article 15 de la convention collective de travail n° 90 que les contrôles de forme et marginal sont exercés ‘selon la procédure fixée par la loi relative à l'exécution de l'accord interprofessionnel 2007-2008, Chapitre II - Avantages non récurrents’, soit la loi du 21 décembre 2007. Le contenu des contrôles de forme et marginal est par contre défini à l’article 15 de la convention collective de travail n° 90 lu en combinaison avec les dispositions de la convention collective de travail auxquelles l'article 15 renvoie.
10. La commission paritaire compétente, en l’espèce la commission paritaire 330 des établissements et des services de santé, puise certes sa compétence pour effectuer les contrôles de forme et marginal dans la loi du 21 décembre 2007, mais, comme expliqué ci-dessus, pour ce qui est du contenu de ces contrôles et des critères à utiliser à cet égard, il est renvoyé à ce qui est prévu par la convention collective de travail n° 90 (et l'annexe 2 qui y est jointe). Concrètement, cela signifie que la commission paritaire doit appliquer le prescrit de l’article 15 de la convention collective de travail n° 90 (et les dispositions auxquelles il se réfère) en ce qui concerne les critères pour les contrôles de forme et marginal à effectuer. Ainsi, par exemple, l’article 8 de la convention collective de travail n° 90 auquel l’article 15 précité renvoie porte sur les mentions obligatoires de l’acte d'adhésion parmi lesquelles (notamment) (i.) les objectifs objectivement mesurables/vérifiables, à l'exclusion d'objectifs individuels auxquels sont liés les avantages, (ii.) la période de référence à laquelle se rapportent les objectifs collectifs, (iii.) une méthode de suivi et de contrôle, (iv.) la durée de validité du plan, etc.
Par le présent recours en annulation, le Conseil d'État est appelé à apprécier si la décision négative de la commission paritaire (et les motifs sur lesquels cette décision s'appuie) peut être justifiée en droit dans le cadre des contrôles de forme et marginal attribués à la commission paritaire par la convention collective de travail n° 90, dont la nature et le contenu sont également déterminés par cette même convention collective de travail. S’il était compétent pour connaître d’un tel recours en annulation, le Conseil d'État serait inévitablement conduit à statuer sur le contenu, le sens, la portée et l’application des dispositions et des conditions consacrées par cette convention collective de travail. Même la question de savoir si les contrôles de forme et marginal consacrés par la convention collective de travail n° 90 impliquent une compétence liée ou discrétionnaire de la commission compétente concerne une question qui touche au contenu, à la portée et à l’application de la convention collective de travail n° 90 puisque c’est précisément cette convention collective de travail qui définit le contrôle à exercer par la commission paritaire. La réponse à ces questions juridiques concerne un litige individuel, introduit en l’espèce par un employeur individuel, concernant l’application d’une convention collective de travail. Il n’appartient pas au Conseil d'État d’y répondre dès lors qu’en vertu de la volonté expresse du législateur, ce sont les tribunaux du travail qui, sur la base de l’article 578, 3°, du Code judiciaire, sont compétents pour connaître de ces litiges.
11. En conclusion, le Conseil d'État n’est pas investi du pouvoir juridictionnel pour connaître du présent recours en annulation." (p. 3 à 13, en haut de page, de l’arrêt).
Griefs
1.1. En application de l’article 7 des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973, la section d’administration statue par voie d’arrêts dans les cas prévus par cette loi et les lois particulières. En vertu de l’article 14, § 1er, 1°, desdites lois, si le contentieux n’est pas attribué par la loi à une autre juridiction, la section d'administration statue par voie d'arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre les actes et règlements des diverses autorités administratives.
La compétence du Conseil d'État, section d'administration, doit être déterminée à l'aide de l'objet véritable et direct de la requête en annulation.
Le Conseil d'État est sans juridiction pour connaître d'un recours en annulation d'une décision administrative, dans la mesure où la loi a attribué le pouvoir de connaître du litige aux juridictions du pouvoir judiciaire.
1.2. Aux termes de l'article 8 du Code judiciaire, la compétence est le pouvoir du juge de connaître d'une demande portée devant lui. Un juge n'est compétent que s'il est investi du pouvoir juridictionnel quant à la demande qui lui est soumise.
En vertu de l'article 144 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux. Conformément à l'article 145 de la Constitution également, les contestations qui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi.
L'article 556, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose que les cours et tribunaux connaissent de toutes les demandes sauf celles qui sont soustraites par la loi à leur juridiction.
Il suit de ces dispositions que seuls les tribunaux de l’ordre judiciaire sont compétents pour connaître des contestations relatives à des droits subjectifs de nature civile.
1.3. L’article 578, 3°, du Code judiciaire dispose que le tribunal du travail connaît des contestations d’ordre individuel relatives à l’application des conventions collectives du travail.
Il résulte de l’économie des articles 578 à 583 du Code judiciaire que l'article 578 vise les litiges survenant entre les personnes engagées dans une relation de subordination, ou une relation assimilée à celle-ci, ou entre salariés, dans la mesure où ces litiges portent sur la relation de travail.
2.1. La loi du 21 décembre 2007 relative à l’exécution de l'accord interprofessionnel 2007-2008 contient un chapitre II relatif aux avantages non récurrents liés aux résultats. Aux termes de l’article 3 de cette loi, il s’agit des avantages liés aux résultats collectifs d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises, ou d'un groupe bien défini de travailleurs, sur la base de critères objectifs. Ces avantages dépendent de la réalisation d'objectifs clairement balisables, transparents, définissables/mesurables et vérifiables, à l'exclusion d'objectifs individuels et d'objectifs dont la réalisation est manifestement certaine au moment de l'introduction d'un système d'avantages liés aux résultats.
Ainsi que le prévoit l’article 2 de la loi du 21 décembre 2007, les dispositions de ce chapitre sont applicables aux employeurs et aux travailleurs relevant du champ d'application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires.
Aux termes de l’article 4 de ladite loi, les avantages non récurrents liés aux résultats sont instaurés conformément aux procédures, aux modalités et aux conditions établies par le présent chapitre ainsi que par une convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail.
L’article 5 de la même loi dispose que, conformément à la convention collective de travail conclue au Conseil national du travail, chaque employeur peut prendre l'initiative d'instaurer des avantages non récurrents liés aux résultats sans préjudice d'une initiative prise au sein de la commission paritaire ou de la sous-commission paritaire. Au niveau de l'entreprise, ces avantages peuvent être instaurés, conformément à la convention collective de travail conclue au Conseil national du travail, par une convention collective de travail ou, pour les travailleurs pour lesquels il n'existe pas de délégation syndicale, au choix de l'employeur, soit par le biais d'une convention collective de travail, soit par un acte d'adhésion. Pour l'établissement de la convention collective de travail ou de l'acte d'adhésion, il y a lieu d'utiliser, conformément à la convention collective de travail n° 90 du 20 décembre 2007 conclue au sein du Conseil national du travail concernant les avantages non récurrents liés aux résultats, les modèles qui sont repris en annexe de cette convention.
Pour les avantages non récurrents liés aux résultats introduits par voie d’adhésion, l'article 7 de la loi du 21 décembre 2007 prévoit la première phase de la procédure et les articles 8 à 10, la seconde phase.
L'article 7 de cette loi régit la procédure d'établissement de l'acte d'adhésion.
Aux termes de l’article 8 de la même loi, la procédure d'établissement est censée être clôturée au moment où l'acte d'adhésion, modifié éventuellement suite à une décision de la commission paritaire, est déposé au greffe de la Direction générale Relations collectives de travail du service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale. Dès que la première phase de la procédure d'établissement de l'acte d'adhésion est clôturée, cet acte d'adhésion contenant le plan d'octroi des avantages non récurrents liés aux résultats établi dans le cadre de la convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail fait l'objet par l'employeur d'un dépôt au greffe de la Direction générale Relations collectives de travail du service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale. Ce dépôt est irrecevable si le greffe constate que la procédure d'établissement n'a pas été suivie. En même temps que le dépôt au greffe de la Direction générale Relations collectives de travail du service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale, l'employeur fait connaître aux travailleurs par affichage d'un avis qu'un acte d'adhésion relatif à des avantages non récurrents liés aux résultats a été déposé au greffe susvisé. Cet avis doit mentionner que cet acte d'adhésion a été déposé au greffe susvisé et transmis à la commission paritaire.
En vertu de l’article 9, § 1er, de la loi du 21 décembre 2007, dès le dépôt de l'acte d'adhésion intervenu conformément à l'article 8, le greffe de la Direction générale Relations collectives de travail du service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale transmet l'acte d'adhésion contenant le plan d'octroi à la commission paritaire compétente pour qu'elle effectue les contrôles de forme et marginal prévus par la convention collective de travail conclue au sein du Conseil national du travail.
Aux termes de l’article 9, § 2, de la loi du 21 décembre 2007, la commission paritaire compétente effectue ces contrôles dans les deux mois de cette transmission. La décision de la commission paritaire n'est valable que lorsqu'elle a recueilli 75 p.c. au moins des suffrages exprimés par chacune des parties. Lorsque la décision de la commission paritaire est positive, l'acte d'adhésion contenant le plan d'octroi est approuvé. Lorsque la décision de la commission paritaire est négative, l'acte d'adhésion contenant le plan d'octroi n'est pas approuvé. La motivation de cette décision doit indiquer précisément les manquements de l'acte d'adhésion contenant le plan d'octroi. La décision de la commission paritaire et le cas échéant la motivation de celle-ci sont transmises au greffe de la Direction générale Relations collectives de travail du service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale qui informe immédiatement l'employeur et le fonctionnaire désigné par le ministre. Après réception d'un ou de dossiers déterminés, la commission paritaire peut également décider de ne pas décider pour ce ou ces dossiers. Cette décision, ainsi que les remarques éventuelles des organisations siégeant au sein de la commission paritaire, sont transmises au greffe de la Direction générale Relations collectives de travail du service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale qui informe immédiatement le fonctionnaire désigné par le ministre.
Lorsque l'acte d'adhésion contenant le plan d'octroi est considéré comme étant approuvé suite à la présente procédure de contrôle, ils sont également considérés comme répondant aux conditions de contrôle de forme et marginal visés aux paragraphes 1er et 4 de cet article, indique l’article 9, § 5, de la loi.
2.2. La convention collective de travail n° 90 du 20 décembre 2007, conclue au sein du Conseil national du travail, concernant les avantages non récurrents liés aux résultats, a pour objet, selon son article 1er, de régler les procédures, conditions et modalités suivant lesquelles des avantages non récurrents liés aux résultats répondant à la définition de l'article 3 de la présente convention collective de travail, peuvent être instaurés.
L'article 3 de la convention collective de travail n° 90 détermine les mentions obligatoires dans l’acte d’adhésion. Le commentaire de cet article indique que les objectifs visés audit article sont liés à l'entreprise instaurant les avantages non récurrents et non aux travailleurs individuels. Il est également précisé que l’exclusion des objectifs dont la réalisation est manifestement certaine, définie à l'article 3 de la présente convention, a pour but d'éviter de déguiser une rémunération sous la forme d'avantages liés aux résultats, en faisant dépendre purement pro forma l'attribution de ces avantages de certains objectifs. Une telle appréciation tombe sous le régime du contrôle marginal. Cette exclusion ne vaut que lorsqu'il n'existe pas de doute raisonnable que l'objectif aurait aussi été atteint sans l'instauration d'un système d'avantages liés aux résultats ; dans un plan d'octroi où un avantage est attribué en raison de l'obtention partielle d'un objectif, cette réalisation partielle ne peut pas être manifestement certaine lors de l'instauration du système.
Aux termes de l’article 6, § 1er, de la convention collective de travail n° 90, pour les travailleurs pour lesquels il n'existe pas de délégation syndicale, les avantages non récurrents liés aux résultats sont instaurés, au choix de l'employeur, soit par le biais d'une convention collective de travail, soit par un acte d'adhésion dont la procédure d'établissement est prévue par la loi du 21 décembre 2007. Un plan d'octroi des avantages non récurrents liés aux résultats est contenu dans la convention collective de travail ou l'acte d'adhésion, ainsi que le prévoit l’article 6, § 2.
Aux termes de l’article 12 de la convention collective de travail n° 90, l'acte d'adhésion doit être établi par l'employeur conformément au modèle figurant en annexe 2 de cette convention. L'employeur est tenu de se conformer strictement à la procédure d'établissement de l'acte d'adhésion prévue par la loi du 21 décembre 2007. L'article 13 de la convention collective de travail n° 90 détermine les mentions obligatoires dans l’acte d’adhésion.
L'article 14 de la convention collective de travail n° 90 dispose que, dès que la procédure d'établissement de l'acte d'adhésion prévue par la loi est clôturée, l'acte d'adhésion, qui doit contenir le plan d'octroi des avantages non récurrents liés aux résultats, doit faire l'objet par l'employeur d'un dépôt au greffe de la Direction générale Relations collectives de travail du service public fédéral Emploi, Travail et Concertation sociale. Le commentaire de cet article indique que, à partir du moment où le greffe constate que l’acte d’adhésion a été établi conformément à la procédure d’établissement prévue par la loi, il transmet l’acte d’adhésion et le plan qui y est contenu à la commission paritaire.
Aux termes de l’article 15, § 1er, de la convention collective de travail n° 90, un contrôle de forme est exercé. Ce contrôle ne porte pas sur l’opportunité du plan. Cet article détermine sur quels éléments ce contrôle porte exclusivement, à savoir :
1° les mentions obligatoires de l'acte d'adhésion telles que fixées à l'article 13 de cette convention ;
2° les mentions obligatoires du plan d'octroi fixées à l'article 8, à l'exception du point 7°, alinéa 4, b), de la convention collective de travail ;
3° en cas de conversion d'un système d'avantages liés aux résultats existant, si ce système existant est annexé à l'acte d'adhésion.
Par ailleurs, en vertu de l’article 15, § 2, de la convention collective de travail n° 90, un contrôle marginal de violation manifeste de la législation anti-discrimination est exercé quant à l'article 8, 1°, 2° et 7°, alinéas 1er, 2 et 3, a), de cette convention collective de travail. Dans le cadre de ce contrôle, la commission paritaire vérifie exclusivement que la détermination de l'entreprise, du groupe d'entreprises ou du groupe bien défini de travailleurs pour lequel l'avantage est prévu, la modulation éventuelle des avantages ainsi que les éléments de calcul permettant de déterminer la part de chaque travailleur, ne sont pas fondés sur les critères suivants : la prétendue race, la couleur de peau, l'ascendance, l'origine nationale ou ethnique, la nationalité, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, l'âge, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, l'état de santé actuel ou futur, un handicap, la langue, la conviction politique, une caractéristique physique ou génétique ou l'origine sociale, ou le fait que le contrat de travail soit conclu pour une durée déterminée ou pour un travail nettement défini, ainsi que le fait que le contrat de travail est conclu à temps partiel. L'article 15 de la convention collective de travail n° 90 ajoute que le contrôle de forme exercé sur le 7°, alinéa 3, a), de l'article 8 consiste uniquement à vérifier qu'il n'est pas dérogé à la règle du prorata temporis pour les travailleurs éligibles au plan d'octroi et que les modalités dérogatoires sont bien limitées aux catégories de travailleurs autorisées dans cet article.
3.1. En vertu de l’article 38, alinéa 1er, de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, les commissions et sous-commissions paritaires ont comme mission :
1. de concourir à l'élaboration de conventions collectives de travail par les organisations représentées ;
2. de prévenir ou de concilier tout litige entre employeurs et travailleurs ;
3. de donner au gouvernement, au Conseil national du travail, au Conseil central de l'économie ou aux conseils professionnels, à leur demande ou d'initiative, des avis sur les matières qui relèvent de leur compétence ;
4. de remplir toute autre mission qui leur est dévolue par la loi ou en vertu de celle-ci.
Il découle de cette disposition que les commissions et sous-commissions paritaires ne peuvent pas accomplir de tâches qui leur seraient directement confiées par une convention collective, mais qu’elles ne peuvent le faire que dans la mesure où une convention collective y procède en vertu de la loi.
3.2. L'article 9 § 1er, de la loi du 21 décembre 2007 confie à la commission paritaire compétente l'exercice des contrôles de forme et marginal de l’acte d'adhésion qui sera élaboré par la convention collective conclue au sein du Conseil national du travail, dont il est question à l'article 4 de ladite loi, selon les modalités prévues à l'article 9, § 2, de ladite loi.
Les dispositions, prises en exécution des prescrits légaux précités, de la convention collective de travail visée à l'article 4 de la loi du 21 décembre 2007, conclue au sein du Conseil national du travail, à savoir la convention collective de travail n° 90, sont dès lors des dispositions régissant le fonctionnement des commissions paritaires dans la matière visée par la loi.
4. Il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que l'objet véritable et direct du recours en annulation du défendeur devant le Conseil d'État est dirigé contre la décision de la commission paritaire 330 concernant l'acte d'adhésion et le plan d'adhésion dans le cadre de la réglementation sur les avantages non récurrents liés aux résultats, rédigée le 13 juin 2013 dans l'entreprise du défendeur, déposée sous le numéro 2013-007035.
Ainsi que l’indique l’arrêt attaqué, ce recours en annulation amène le Conseil d'État à apprécier si la décision négative de la commission paritaire peut être justifiée en droit dans le cadre des contrôles de forme et marginal attribués à la commission paritaire (p. 12, alinéa 2, 1re phrase, de l’arrêt attaqué).
Le Conseil d'État considère dans l’arrêt attaqué qu’il est sans juridiction pour connaître du recours en annulation dont il est saisi aux motifs que (p. 12, alinéa 2, de l’arrêt attaqué) :
- par ce recours en annulation, le Conseil d'État est appelé à apprécier si la décision négative de la commission paritaire, et les motifs sur lesquels cette décision s'appuie, peut être justifiée en droit dans le cadre des contrôles de forme et marginal attribués à la commission paritaire par la convention collective de travail n° 90, dont la nature et le contenu sont également déterminés par cette même convention collective de travail,
- s’il était compétent pour connaître d’un tel recours en annulation, le Conseil d'État serait inévitablement conduit à statuer sur le contenu, le sens, la portée et l’application des dispositions et des conditions consacrées par cette convention collective de travail,
- même la question de savoir si les contrôles de forme et marginal consacrés par la convention collective de travail n° 90 impliquent une compétence liée ou discrétionnaire de la commission compétente concerne une question qui touche au contenu, à la portée et à l’application de la convention collective de travail n° 90 puisque c’est précisément cette convention collective de travail qui définit le contrôle à exercer par la commission paritaire,
- la réponse à ces questions juridiques concerne un litige individuel, introduit en l’espèce par un employeur, concernant l’application d’une convention collective de travail, il n’appartient pas au Conseil d'État d’y répondre dès lors qu’en vertu de la volonté expresse du législateur, ce sont les tribunaux du travail qui, sur la base de l’article 578, 3°, du Code judiciaire, sont compétents pour connaître de ces litiges.
En considérant que le pouvoir de connaître du présent recours en annulation touche au contenu, au sens, à la portée et à l’application de la convention collective de travail n° 90 et en y réduisant ainsi le litige, alors que la commission paritaire puise sa compétence et sa mission, conformément aux articles 38, alinéa 1er, 4, de la loi du 5 décembre 1968 et 9, § 1er, de la loi du 21 décembre 2007, dans la loi du 21 décembre 2007 et que cette loi pose également des conditions de validité, notamment à l'article 9, § 2, à la décision de la commission paritaire, le Conseil d'État viole les articles 38 de la loi du 5 décembre 1968 et 2, 3, 4, 5, 7, 8 et 9 de la loi du 21 décembre 2007.
Étant donné qu’il suit de ce qui a été exposé ci-dessus, en particulier aux points 3.1 et 3.2, que le litige ne porte pas uniquement sur l'application d'une convention collective de travail, le Conseil d'État n’a pu légalement considérer être sans juridiction pour connaître du litige au motif que celui-ci ressortit, en vertu de l'article 578, 3°, du Code judiciaire, aux juridictions du travail (violation du principe général du droit de la séparation des pouvoirs et des articles 144 et 145 de la Constitution, 8, 556, alinéa 1er, et 578, 3°, du Code judiciaire, 7 et 14, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'État, 38, alinéa 1er, de la loi du 5 décembre 1968, 2, 3, 4, 5, 7, 8 et 9 de la loi du 21 décembre 2007 et 1er, 3, 6, 12, 13, 14 et 15 de la convention collective de travail n° 90.
Étant donné que l’article 578, 3°, du Code judiciaire attribue uniquement les contestations d’ordre individuel relatives à l’application des conventions collectives du travail aux juridiction du travail, à savoir les litiges survenant entre les personnes engagées dans une relation de subordination, ou une relation assimilée à celle-ci, ou entre salariés, dans la mesure où ces litiges portent sur la relation de travail, le Conseil d'État n'a pu considérer légalement que le présent recours en annulation concerne une contestation d’ordre individuel, visée à l'article 578, 3°, du Code judiciaire. Le présent recours en annulation a certes été introduit par un employeur, mais contre une autorité administrative, de sorte qu'il n'est pas question de parties engagées dans une relation de travail. Ce faisant, le Conseil d'État viole l’article 578, 3°, du Code judiciaire. En se déclarant sans pouvoir de juridiction par ce motif, le Conseil d'État viole en même temps le principe général de la séparation des pouvoirs et les articles 144 et 145 de la Constitution, 8 et 556, alinéa 1er, du Code judiciaire, 7 et 14, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'État, 2, 3, 4, 5, 7, 8 et 9 de la loi du 21 décembre 2007 et 1er, 3, 6, 12, 13, 14 et 15 de la convention collective de travail n° 90.
III. La décision de la Cour
1. Aux termes de l’article 14, § 1er, 1°, des lois coordonnées sur le Conseil d’État, si le contentieux n’est pas attribué par la loi à une autre juridiction, la section d'administration statue par voie d'arrêts sur les recours en annulation pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir, formés contre les actes et règlements des diverses autorités administratives.
Il s’ensuit que le Conseil d’État est sans juridiction pour connaître d’un recours en annulation d’un acte d’une autorité administrative, lorsque la loi a attribué le pouvoir de connaître du litige aux cours et tribunaux.
2. En vertu de l’article 578, 3°, du Code judiciaire, le tribunal du travail connaît des contestations d’ordre individuel relatives à l’application des conventions collectives du travail. Partant, l’attribution de cette compétence au tribunal du travail exclut que le Conseil d'État statue sur les litiges individuels visés par cette disposition entre des parties engagées dans une relation de travail concernant l'application des conventions collectives par lesquelles elles sont liées.
Le recours d’un employeur contre une décision de la commission paritaire refusant d'approuver un acte d'adhésion en matière d’avantages non récurrents liés aux résultats visés par la loi du 21 décembre 2007 relative à l’exécution de l’accord interprofessionnel 2007-2008 ne constitue pas un litige d’ordre individuel relatif à l'application des conventions collectives visé à l'article 578, 3°, du Code judiciaire.
3. L’arrêt constate que l’objet du recours en annulation est dirigé contre la décision de la commission paritaire n° 330 des établissements et des services de santé concernant l'acte d'adhésion et le plan d’octroi dans le cadre de la réglementation sur les avantages non récurrents liés aux résultats, rédigée le 13 juin 2013 dans l'entreprise de la défenderesse, déposée sous le numéro
2013-007035.
Il considère que :
- par ce recours en annulation, le Conseil d'État est appelé à apprécier si la décision négative de la commission paritaire, et les motifs sur lesquels cette décision s'appuie, peut être justifiée en droit dans le cadre des contrôles de forme et marginal attribués à la commission paritaire par la convention collective de travail n° 90, dont la nature et le contenu sont également déterminés par cette même convention collective de travail ;
- s’il était compétent pour connaître d’un tel recours en annulation, le Conseil d'État serait inévitablement conduit à statuer sur le contenu, le sens, la portée et l’application des dispositions et des conditions consacrées par cette convention collective de travail ;
- même la question de savoir si les contrôles de forme et marginal consacrés par la convention collective de travail n° 90 impliquent une compétence liée ou discrétionnaire de la commission compétente concerne une question qui touche au contenu, à la portée et à l’application de la convention collective de travail n° 90 puisque c’est précisément cette convention collective de travail qui définit le contrôle à exercer par la commission paritaire ;
- la réponse à ces questions juridiques concerne un litige individuel, introduit en l’espèce par un employeur individuel, concernant l’application d’une convention collective de travail ;
- il n’appartient pas au Conseil d'État d’y répondre dès lors qu’en vertu de la volonté expresse du législateur, ce sont les tribunaux du travail qui, sur la base de l’article 578, 3°, du Code judiciaire, sont compétents pour connaître de ces litiges.
4. L'arrêt qui, en violation de l'article 578, 3°, du Code judiciaire, retient que le recours en annulation formé par la défenderesse est un litige d’ordre individuel relatif à l’application des conventions collectives de travail, visé par cette disposition légale, ne justifie pas légalement sa décision que le Conseil d'État n'est pas compétent pour connaître de ce recours en annulation.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
siégeant en chambres réunies,
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que le présent arrêt sera transcrit dans les registres du Conseil d'État et que mention en sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Condamne la défenderesse aux dépens ;
Renvoie la cause à la section du contentieux administratif du Conseil d'État autrement composée, qui se conformera à la décision de la Cour sur le point de droit jugé par elle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, chambres réunies, à Bruxelles, où siégeaient le premier président Beatrijs Deconinck, président, le président chevalier Jean de Codt, les présidents de section Christian Storck, Koen Mestdagh, Geert Jocqué et Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Bart Wylleman, Marie-Claire Ernotte, Koenraad Moens et Ilse Couwenberg, et prononcé en audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt par le premier président Beatrijs Deconinck, en présence du premier avocat général Ria Mortier, avec l’assistance du greffier-chef de service Johan Pafenols.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Mireille Delange et transcrite avec l’assistance du greffier-chef de service Johan Pafenols.


Synthèse
Formation : Chambre reun - ch.réunies/verenigde kamers
Numéro d'arrêt : C.17.0303.N
Date de la décision : 27/11/2020
Type d'affaire : Droit administratif - Droit constitutionnel - Droit du travail - Autres

Analyses

Le recours d'un employeur contre une décision de la commission paritaire refusant d'approuver un acte d'adhésion en matière d'avantages non récurrents liés aux résultats ne constitue pas un litige d'ordre individuel relatif à l'application de conventions collectives, dont seules les juridictions du travail peuvent connaître, à l'exclusion du Conseil d'État (1). (1) Voir les concl. du MP publiées à leur date dans AC.

CONSEIL D'ETAT - Section du contentieux administratif - Pouvoir de juridiction - Employeur - Instauration d'avantages non récurrents liés aux résultats - Décision négative de la commission paritaire - Recours devant le Conseil d'Etat - Nature - Conséquence - CONFLIT D'ATTRIBUTION - Conseil d'Etat - Section du contentieux administratif - Employeur - Instauration d'avantages non récurrents liés aux résultats - Décision négative de la commission paritaire - Recours devant le Conseil d'Etat - Nature - Conséquence - CONVENTION COLLECTIVE DE TRAVAIL - Employeur - Instauration d'avantages non récurrents liés aux résultats - Décision négative de la commission paritaire - Recours devant le Conseil d'Etat - Nature - Conséquence - TRIBUNAUX - MATIERE CIVILE - Matière sociale (règles particulières) - Tribunal du travail - Litige individuel concernant l'application de conventions collectives de travail - Employeur - Instauration d'avantages non récurrents liés aux résultats - Décision négative de la commission paritaire - Recours devant le Conseil d'Etat - Nature - Conséquence [notice1]


Références :

[notice1]

Code Judiciaire - 10-10-1967 - Art. 578, 3° - 01 / No pub 1967101052 ;

Lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées par A.R. du 12 janvier 1973 - 12-01-1973 - Art. 14, § 1er, 1° - 02 / No pub 1973011250 ;

L. du 21 décembre 2007 relative à l'exécution de l'accord interprofessionnel 2007-2008 - 21-12-2007 - Art. 9 - 43 / No pub 2007012809


Composition du Tribunal
Président : DECONINCK BEATRIJS
Greffier : PAFENOLS JOHAN
Ministère public : MORTIER RIA
Assesseurs : DE CODT JEAN, STORCK CHRISTIAN, MESTDAGH KOEN, JOCQUE GEERT, DELANGE MIREILLE, WYLLEMAN BART, ERNOTTE MARIE-CLAIRE, MOENS KOENRAAD, COUWENBERG ILSE, LEMAL MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-11-27;c.17.0303.n ?

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