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22/09/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0424.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 septembre 2020, P.20.0424.N


N° P.20.0424.N
E.P.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Mes Renaud Molders-Pierre, Aline Biemar et Christian Botteman, avocats au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 17 mars 2020 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Gand, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Dirk Schoeters a conclu.
II. LA DÉCISION DE

LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation de l’article 23 de la loi...

N° P.20.0424.N
E.P.,
prévenu,
demandeur en cassation,
Mes Renaud Molders-Pierre, Aline Biemar et Christian Botteman, avocats au barreau de Liège.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 17 mars 2020 par le tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Gand, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L’avocat général Dirk Schoeters a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation de l’article 23 de la loi du 15 juin 1935 concernant l’emploi des langues en matière judiciaire ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas : les juges d’appel ont rejeté la demande de changement de langue formulée par le demandeur, qui parle français et ne maîtrise pas le néerlandais ; ils ont considéré que, même si la demande de changement de langue a été mentionnée dans le formulaire de griefs du demandeur, ce dernier n’y a aucunement fait référence à l’audience et ils ont, dès lors, supposé qu’il a renoncé à ce grief, à tout le moins implicitement ; or la renonciation à un droit ne se présume pas et peut uniquement se déduire de faits non susceptibles d’une autre interprétation ; le demandeur n’était pas tenu d’exposer dans son formulaire de griefs les motifs qui fondent ses griefs ; il ne ressort pas des motifs du jugement attaqué que le demandeur ait renoncé à son grief sur la base de faits non susceptibles d’une autre interprétation.
2. Il n’existe pas de principe général du droit selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas.
Dans la mesure où il est pris de la méconnaissance d’un tel principe général du droit, le moyen manque en droit.
3. En principe, l’article 23 de la loi du 15 juin 1935 octroie, au prévenu qui ne connaît que le français ou s’exprime plus facilement dans cette langue, le droit de demander le renvoi de la cause à une juridiction où la procédure est faite en français. Lorsque le premier juge rejette une telle demande et statue au fond, le prévenu peut faire appel de la décision de rejet et la juridiction d’appel est tenue de statuer sur cette question.
4. Il appartient au prévenu qui sollicite le changement de langue précité de faire valoir qu’il ne connaît que le français ou qu’il s’exprime plus facilement dans cette langue, sans avoir à prouver ou à rendre crédible cette allégation.
5. Des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, il ressort ce qui suit :
- le procès-verbal de l’audience tenue par le tribunal de police le 30 septembre 2019 indique : « Me Van Aken demande le renvoi de la cause à un tribunal francophone » ;
- le jugement entrepris condamne le demandeur du chef des infractions mises à sa charge sans faire mention de ladite demande et sans statuer sur celle-ci ;
- le demandeur a interjeté appel de ce jugement et a coché dans son formulaire de griefs, outre les rubriques « Culpabilité » et « Peine et/ou mesure », la rubrique « Procédure », suivie du texte « Langue, examen par tribunal francophone, art. 23 de la loi du 15/06/1935 » ;
- le procès-verbal de l’audience tenue par le tribunal correctionnel le 18 février 2020 énonce : « [Le demandeur] n’émet pas d’observations concernant le renvoi éventuel de la cause à un tribunal francophone ».
6. Les juges d’appel qui, dans ces circonstances, ont constaté que le demandeur n’a aucunement fait référence au changement de langue lors de l’examen de sa cause à l’audience, pouvaient rejeter sur cette base sa demande non précisée de changement de langue sans avoir à motiver plus avant ce rejet. Cette décision est légalement justifiée.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
7. Dans la mesure où il est dirigé contre la considération que le demandeur s’est désisté, à tout le moins implicitement, de sa demande de changement de langue, le moyen critique un motif surabondant et ne saurait, par conséquent, entraîner la cassation.
8. Dans la mesure où il allègue que le demandeur parle français et ne maîtrise pas le néerlandais, le moyen requiert un examen des faits pour lequel la Cour est sans pouvoir.
9. Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
(...)
Le contrôle d’office
17. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
(…)
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l’avocat général Dirk Schoeters, avec l’assistance du greffier Ayse Birant.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Eric de Formanoir et transcrite avec l’assistance du greffier Fabienne Gobert.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.20.0424.N
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Autres - Droit pénal

Analyses

En principe, l'article 23 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire octroie, au prévenu qui ne connaît que le français ou s'exprime plus facilement dans cette langue, le droit de demander le renvoi de la cause à une juridiction où la procédure est faite en français ; lorsque le premier juge rejette une telle demande et statue au fond, le prévenu peut faire appel de la décision de rejet et la juridiction d'appel est tenue de statuer sur cette question ; il appartient au prévenu qui sollicite le changement de langue précité de faire valoir qu'il ne connaît que le français ou qu'il s'exprime plus facilement dans cette langue, sans avoir à prouver ou à rendre crédible cette allégation.

LANGUES (EMPLOI DES) - MATIERE JUDICIAIRE (LOI DU 15 JUIN 1935) - En première instance - Matière répressive - Demande de modification de la langue de la procédure - Rejet par le tribunal - Appel - Conséquences - LANGUES (EMPLOI DES) - MATIERE JUDICIAIRE (LOI DU 15 JUIN 1935) - En appel - Matière répressive - Demande de modification de la langue de la procédure - Allégation - Etendue

Les juges d'appel qui constatent que le demandeur n'a aucunement fait référence au changement de langue lors de l'examen de sa cause peuvent rejeter sur cette base sa demande non précisée de changement de langue sans avoir à motiver plus avant ce rejet.

APPEL - MATIERE REPRESSIVE (Y COMPRIS DOUANES ET ACCISES) - Appel principal. Forme. Délai - Formulaire de griefs - Demande non précisée de changement de la langue de la procédure - Appréciation par les juges d'appel - Etendue - MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRETS - PAS DE CONCLUSIONS - Matière répressive (y compris les boissons spiritueuses et les douanes et accises) - Appel - Formulaire de griefs - Examen à l'audience - Demande non précisée de changement de la langue de la procédure - Conséquences


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : BIRANT AYSE
Ministère public : SCHOETERS DIRK
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, BERNEMAN SIDNEY, VAN DOOREN ERIC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-09-22;p.20.0424.n ?

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