N° P.20.0522.F
F. A.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Caroline Heymans, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 13 mai 2020 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 21, §§ 4 à 6, 22 et 30 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, ainsi que de la méconnaissance de la notion d'erreur matérielle et de la foi due aux actes.
Selon le demandeur, les juges d'appel ne pouvaient considérer que l'indication, dans le mandat d'arrêt qui a ordonné sa détention préventive, de l'identité de son frère jumeau, à la place de la sienne, procédait d'une erreur matérielle que la cour d'appel pouvait rectifier.
2. Le demandeur n'indique pas de quel acte les juges d'appel auraient méconnu la foi.
Imprécis, dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
3. L'erreur matérielle, que le juge peut rectifier, est une erreur de plume, autrement dit une inadvertance qui ne porte pas atteinte à la légalité ou à la régularité de la décision et dont le redressement laisse intacts les droits que la décision rectifiée a consacrés ou les mesures qu'elle a ordonnées.
Le juge apprécie souverainement, en fait, si une mention inexacte dans une décision découle d'une erreur matérielle qu'il est autorisé à rectifier. La Cour vérifie si, de ses constatations, le juge ne déduit pas des conséquences sans lien avec elles ou qui sont inconciliables avec la notion d'erreur matérielle.
4. Conformément à l'article 794, alinéa 1er, du Code judiciaire, la juridiction qui a rendu la décision ou la juridiction à laquelle ladite décision est déférée peut à tout moment rectifier, d'office ou à la demande d'une partie, toute erreur matérielle ou toute lacune manifeste autre que l'omission de statuer sur un chef de demande visée à l'article 794/1, y compris une infraction à l'article 780, à l'exclusion de l'article 780, alinéa 1er, 3°, ou à l'article 782.
En vertu de l'article 16, § 6, de la loi du 20 juillet 1990, le mandat d'arrêt est signé par le juge d'instruction qui l'a décerné et revêtu de son sceau ; l'inculpé y est nommé ou désigné le plus clairement possible. Par ailleurs, conformément aux articles 21, § 4, et 30 de cette loi, les juridictions d'instruction s'assurent de la régularité du mandat d'arrêt au regard des dispositions de la loi.
Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la rectification de l'identité d'une partie, erronément indiquée dans le mandat d'arrêt, est permise. L'article 794, alinéa 1er, du Code judiciaire est d'application générale, sans excepter l'hypothèse où c'est à l'occasion du contrôle de la détention préventive que l'erreur a été commise.
En tant qu'il repose sur l'affirmation du contraire, le moyen manque en droit.
5. Aux fins de la rectification, l'alinéa 2 de l'article 794 précité prévoit que cette dernière est corroborée par la loi, le dossier de la procédure ou les pièces justificatives soumises au juge qui a prononcé la décision à rectifier.
6. Selon l'arrêt, qui se réfère au dossier de la procédure, c'est le demandeur qui a été privé de liberté, le 22 avril 2020 à l'adresse de son domicile ; ce sont ses empreintes digitales qui ont été prises et c'est lui qui a ensuite été interrogé par les enquêteurs et par le juge d'instruction ; c'est enfin à sa charge qu'un mandat d'arrêt a été délivré et signifié le lendemain de son arrestation. L'arrêt ajoute qu'à aucun moment son frère A.F. n'est intervenu dans l'instruction, la mention du prénom de ce dernier reposant sur une erreur matérielle, due notamment au fait que le demandeur lui-même a fait usage du prénom de son frère lorsqu'il a été interrogé par le magistrat instructeur.
7. Les juges d'appel ont ainsi pu déduire, à la lumière du dossier de la procédure, que la substitution à l'identité et à l'inculpation du demandeur de celles de son frère relève d'une erreur matérielle, dès lors que ce dernier n'avait pas de raison d'être inculpé et placé en détention, de sorte que c'est bien la détention préventive du demandeur qui a été ordonnée par le juge d'instruction.
Par ces considérations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
8. Pour le surplus, en tant qu'il revient à critiquer l'appréciation des juges d'appel, le moyen, qui exige la vérification d'éléments de fait, laquelle n'est pas au pouvoir de la Cour, est irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
9. Le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir considéré que les communs de l'immeuble où il habite ne faisaient pas partie de son domicile, protégé au titre du droit au respect de la vie privée, alors que l'accès à ces lieux exige la possession d'un badge et d'un code.
10. Les parties communes d'un immeuble à appartements multiples ne font pas partie du domicile, au sens de l'article 15 de la Constitution, des personnes qui occupent un appartement dans cet immeuble.
Le moyen manque en droit.
Sur le troisième moyen :
11. Le moyen reproche à l'arrêt de contenir une motivation contradictoire, dès lors qu'il énonce, d'une part, que les parties communes d'un immeuble à appartements multiples ne font pas partie du domicile des occupants de ces appartements et, d'autre part, que l'accès aux parties communes a été valablement donné par des personnes morales assimilées au chef de maison, visé à l'article 46 du Code d'instruction criminelle, soit un motif qui suppose que les parties communes sont incluses dans le domicile.
12. Aucune contradiction ne saurait se déduire de la circonstance que les juges d'appel, d'une part, ont estimé que les lieux auxquels la police a eu accès ne relevaient pas du domicile protégé, au sens de l'article 15 de la Constitution, mais, d'autre part, qu'ils ont constaté, à la lecture d'un procès-verbal relatant cette intervention, qu'en tout état de cause, les enquêteurs avaient obtenu le droit d'accéder à ces lieux, de personnes morales dont l'arrêt considère, à l'issue d'une appréciation en fait, qu'elles étaient les occupants de cette partie de l'immeuble.
Le moyen manque en fait.
Sur le quatrième moyen :
13. Pris de la violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 15 de la Constitution et 46 du Code d'instruction criminelle, le moyen fait grief à l'arrêt de décider que la visite domiciliaire dans les parties communes de l'immeuble du demandeur était régulière, pour avoir été autorisée par le Centre public d'action sociale d'Anderlecht et la société de gestion de l'immeuble, alors que ces personnes morales ne pouvaient être considérées comme le « chef de maison » au sens de la dernière des dispositions dont le moyen accuse la méconnaissance.
14. Dirigé contre un motif surabondant de l'arrêt, le moyen est dépourvu d'intérêt et, partant, irrecevable.
Le contrôle d'office
15. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante-sept euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.