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24/12/2019 | BELGIQUE | N°P.19.1281.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 décembre 2019, P.19.1281.N


N° P.19.1281.N
D. V.,
inculpé,
demandeur en cassation,
Me Eline Tritsmans, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général délégué Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles

7, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, 23...

N° P.19.1281.N
D. V.,
inculpé,
demandeur en cassation,
Me Eline Tritsmans, avocat au barreau de Gand.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
L'avocat général délégué Bart De Smet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 7, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 14, 23 de la Constitution, 16, § 1er, et 35, §§ 1, 2 et 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive : l'arrêt, qui confirme la condition de « n'exercer aucune activité commerciale, ni de manière directe ni de manière indirecte (par des intermédiaires) » à laquelle la mise en liberté provisoire du demandeur a été subordonnée, n'impose pas de condition mais prononce une peine sans que sa culpabilité ait été établie du chef d'une quelconque infraction ; la loi du 20 juillet 1990, qui permet d'imposer certaines conditions, ne prévoit pas la possibilité de prononcer une interdiction professionnelle ; le droit au travail et le libre choix d'une activité professionnelle, consacrés à l'article 23 de la Constitution, sont uniquement soumis aux restrictions prévues par la loi.
2. Selon l'article 35, §§ 1 et 5, de la loi du 20 juillet 1990, les juridictions d'instruction peuvent laisser l'inculpé en liberté en lui imposant de respecter une ou plusieurs conditions, pendant le temps qu'elles déterminent et pour un maximum de trois mois. Conformément à l'article 35, § 3, de ladite loi, ces conditions doivent viser l'une des raisons énoncées à l'article 16, § 1er, alinéa 4, et être adaptées à cette raison, compte tenu des circonstances de la cause. Il s'agit en l'occurrence de l'existence de sérieuses raisons de craindre que l'inculpé, s'il était laissé en liberté, commette de nouveaux crimes ou délits, se soustraie à l'action de la justice, tente de faire disparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers.
3. Il ressort du texte et des travaux préparatoires de cette disposition que le législateur n'a pas défini de catégorie limitative de conditions, mais a laissé au juge le soin de déterminer les conditions qui se rapportent et sont adaptées aux raisons des risques de récidive, de fuite, de collusion ou de dissimulation de preuves, dont l'article 16, § 1, alinéa 4, de la loi du 20 juillet 1990 fait mention. Les conditions à déterminer par le juge peuvent impliquer une restriction de droits fondamentaux, tels le droit au travail et le libre choix d'une activité professionnelle consacrés à l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution, pour autant que le juge établisse l'absolue nécessité d'une telle restriction. Dès lors, sur la base de l'article 35, § 3, de la de la loi du 20 juillet 1990 et sans qu'un fondement juridique supplémentaire soit nécessaire, le juge peut subordonner la mise en liberté de l'inculpé à la condition qu'il n'exerce aucune activité commerciale, que ce soit de manière directe ou indirecte.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
4. Le juge qui, sur la base de l'article 35, § 3, de la loi du 20 juillet 1990, impose à l'inculpé la condition de ne pas exercer d'activité commerciale, que ce soit de manière directe ou indirecte, ne prononce pas une peine. Il s'agit d'une mesure nécessairement limitée dans le temps (de trois mois au maximum, mais renouvelable), dont le seul but est d'éviter ou de réduire les risques de récidive, de fuite, de collusion ou de dissimulation de preuves, et dont l'inobservation n'est pas sanctionnée pénalement. La circonstance que cette condition puisse produire pour l'inculpé les mêmes effets que la peine d'interdiction professionnelle prévue à l'article 1bis de l'arrêté royal n° 22 du 24 octobre 1934 relatif à l'interdiction judiciaire faite à certains condamnés et aux faillis d'exercer certaines fonctions, professions ou activités, que le juge peut prononcer, après condamnation du chef de certaines infractions, pour une période de trois à dix ans et dont l'inobservation est sanctionnée pénalement, ne permet pas de statuer autrement.
Dans la mesure où il procède d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
5. En ce qui concerne la condition critiquée par le moyen, l'arrêt considère qu'au vu des éléments de fait qu'il énonce, celle-ci est strictement nécessaire afin de prévenir le risque de récidive. Ainsi, il justifie légalement la décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d'office
6. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président chevalier Jean de Codt, président, Filip Van Volsem, Erwin Francis, Ilse Couwenberg et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-quatre décembre deux mille dix-neuf par le président chevalier Jean de Codt, en présence de l'avocat général délégué Bart De Smet, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
Traduction établie sous le contrôle du président de section Benoît Dejemeppe et transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.1281.N
Date de la décision : 24/12/2019
Type d'affaire : Droit pénal - Droit constitutionnel

Analyses

Les conditions auxquelles le juge subordonne la mise en liberté provisoire peuvent impliquer une restriction de droits fondamentaux, tels le droit au travail et le libre choix d'une activité professionnelle consacrés à l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution, pour autant que le juge établisse l'absolue nécessité d'une telle restriction et que les conditions se rapportent et soient adaptées aux raisons des risques de récidive, de fuite, de collusion ou de dissimulation de preuves, dont l'article 16, § 1er, alinéa 4, de la loi du 20 juillet 1990 fait mention.

DETENTION PREVENTIVE - (MISE EN) LIBERTE SOUS CONDITIONS - Interdiction d'exercer une quelconque activité commerciale - Portée [notice1]

Le juge qui, dans le cadre de la liberté sous conditions, impose à l'inculpé de ne pas exercer d'activité commerciale, que ce soit de manière directe ou indirecte, ne prononce pas une peine mais prend une mesure nécessairement limitée dans le temps (de trois mois au maximum, mais renouvelable), dont le seul but est d'éviter ou de réduire les risques de récidive, de fuite, de collusion ou de dissimulation de preuves, et dont l'inobservation n'est pas sanctionnée pénalement; la circonstance que cette condition puisse produire pour l'inculpé les mêmes effets qu'une peine d'interdiction professionnelle, ne permet pas de statuer autrement.

CONSTITUTION - CONSTITUTION 1994 (ART. 1 A 99) - Article 23 - Droit au libre choix d'une activité professionnelle - Détention préventive - Liberté sous conditions - Effet [notice2]


Références :

[notice1]

Constitution 1994 - 17-02-1994 - Art. 23, al. 3, 1° - 30 / No pub 1994021048 ;

Loi relative à la détention préventive - 20-07-1990 - Art. 16 et 35 - 35 / No pub 1990099963

[notice2]

Constitution 1994 - 17-02-1994 - Art. 23, al. 3, 1° - 30 / No pub 1994021048 ;

Loi relative à la détention préventive - 20-07-1990 - Art. 16 et 35 - 35 / No pub 1990099963 ;

Arrêté Royal numéroté - 22 - 24-10-1934 - Art. 1bis - 01 / No pub 1934102450 ;

Loi - 02-06-1998 - modifié par l'art. 4 - 48 / No pub 1998009646


Composition du Tribunal
Président : DE CODT JEAN
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : DE SMET BART
Assesseurs : VAN VOLSEM FILIP, ROGGEN FRANCOISE, FRANCIS ERWIN, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-12-24;p.19.1281.n ?

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