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17/12/2019 | BELGIQUE | N°P.19.1232.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 décembre 2019, P.19.1232.N


N° P.19.1232.N
S. K.,
personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
Mes Violette Kerkhofs et Luk Delbrouck, avocats au barreau du Limbourg.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 décembre 2019 par la cour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR


Sur le moyen pris dans son ensemble :
1. Le moyen, en sa première branche, est pris de la vi...

N° P.19.1232.N
S. K.,
personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
Mes Violette Kerkhofs et Luk Delbrouck, avocats au barreau du Limbourg.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 3 décembre 2019 par la cour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
L'avocat général Marc Timperman a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen pris dans son ensemble :
1. Le moyen, en sa première branche, est pris de la violation de l'article 5, § 4, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : à tort, l'arrêt déclare inapplicable l'article 5, § 4, de la Convention ; en effet, cette disposition ne fait pas de distinction entre la phase préventive et la phase exécutoire de la détention.
Le moyen, en sa deuxième branche, est pris de la violation des articles 10,11 de la Constitution et 5, § 4, de la Convention : l'arrêt considère, à tort, que la chambre des mises en accusation n'est pas dotée du pouvoir de juridiction et que la jurisprudence citée par le demandeur est sans pertinence parce qu'elle concerne des personnes dont l'extradition n'a pas encore été examinée ; le demandeur qui se trouve dans le cas de figure visé à l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen est, comme dans la situation visée à l'article 20, §§ 2, 3 et 4, de cette loi, dans l'incertitude quant à sa situation de détention ; la demande visant à obtenir le jugement étranger et le certificat n'est soumise à aucun délai, de sorte que le demandeur n'a aucune garantie que la décision sera rendue en temps utile ; comme dans le cadre de la loi du 15 mars 1874 sur les extraditions, le pouvoir exécutif n'est pas seul compétent pour statuer sur le maintien de la privation de liberté ; par conséquent, il est incontestable qu'une personne qui se trouve à la disposition du pouvoir exécutif doit avoir la possibilité de demander sa libération.
Le moyen, en sa troisième branche, est pris de la violation des articles 5, § 4, et 6, § 1er, de la Convention : le refus opposé à l'extradition du demandeur vers la Grèce n'a pas pour effet qu'il doive nécessairement purger la peine privative de liberté de huit ans fixée par le jugement définitif grec ; il s'agit encore d'examiner s'il y a lieu de procéder à l'adaptation de la durée de l'emprisonnement du demandeur, conformément à l'article 18, § 1er, de la loi du 15 mai 2012 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un État membre de l'Union européenne ; le demandeur est déjà en détention depuis plus de quatre mois, sans qu'une décision définitive ait encore été rendue sur la durée de sa peine d'emprisonnement ; la traduction du jugement étranger et du certificat n'a pas encore été transmise et la décision sur l'éventuelle réduction de peine n'est soumise à aucun délai, alors que la loi du 15 mai 2012 prévoit la possibilité de contester cette décision.
2. Le moyen ne précise pas comment et en quoi l'arrêt viole l'article 6, § 1er, de la Convention.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable, à défaut de précision.
3. L'article 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012 dispose : « Lorsque la chambre du conseil fait application de l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen, sa décision emporte la reconnaissance et l'exécution de la peine ou mesure privative de liberté visée dans la décision judiciaire faisant l'objet du mandat d'arrêt européen. La condamnation est ensuite exécutée conformément aux dispositions de la présente loi. Le procureur du Roi territorialement compétent exige de l'autorité d'émission du mandat d'arrêt européen le jugement, accompagné du certificat, et procède si nécessaire à l'adaptation de la peine conformément à l'article 18 ».
4. Il résulte de cette disposition que, si la juridiction d'instruction refuse d'exécuter le mandat d'arrêt européen sur la base de l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003, la peine prononcée à l'étranger est directement et immédiatement exécutoire en Belgique et doit effectivement être mise à exécution par les autorités du pouvoir exécutif.
5. Selon l'article 5, § 1er, a), de la Convention, une privation de liberté est autorisée lorsque l'intéressé est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent. L'article 5, § 4, de la Convention dispose que toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
6. L'article 5, § 4, de la Convention ne s'applique pas à une détention ordonnée à la suite d'une condamnation judiciaire.
7. Par conséquent, la juridiction d'instruction ne peut déduire de cette disposition conventionnelle son pouvoir juridictionnel pour connaître d'une demande de mise en liberté formulée par une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen qui a été émis à des fins d'exécution d'une peine et dont l'exécution a été rejetée sur la base de l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003, cette personne se trouvant, de ce fait, au stade de l'exécution de sa peine en application de l'article 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012.
8. La circonstance que, en application de l'article 38, § 1er, dernière phrase, de la loi du 15 mai 2012, le procureur du Roi territorialement compétent doit exiger de l'autorité d'émission le jugement, accompagné du certificat, et procéder si nécessaire à l'adaptation de la peine conformément à l'article 18 de la même loi, et que la durée de la peine soit relativement incertaine, n'empêche pas que l'intéressé se trouve au stade de l'exécution de sa peine et qu'il puisse, par conséquent, invoquer l'article 5, § 4 de la Convention.
9. La situation juridique d'une personne qui, après application du motif de refus prévu à l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003, se trouve définitivement au stade de l'exécution de sa peine, conformément à l'article 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012, alors qu'il n'y a pas encore de certitude absolue quant à la durée de cette peine, ne peut être comparée à celle d'une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen déclaré exécutoire par la Belgique et dont l'exécution a été suspendue ou différée par le procureur général sur la base des articles 23 et 24 de la loi du 19 décembre 2003. Dans le premier cas, la demande de l'autorité émettrice a fait l'objet d'une décision définitive et il ne sera pas procédé à la remise. Dans le second cas, la personne est toujours sous le coup d'un mandat d'arrêt européen et fera l'objet d'une remise dès que les motifs de la suspension ou du report seront levés.
10. Dans la mesure où il procède d'autres prémisses juridiques, le moyen manque en droit.
Le contrôle d'office
11. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi.
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de président, Peter Hoet, Antoine Lievens, Erwin Francis et Eric Van Dooren, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-sept décembre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Filip Van Volsem, en présence de l'avocat général Marc Timperman, avec l'assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.


Synthèse
Formation : Chambre 2n - tweede kamer
Numéro d'arrêt : P.19.1232.N
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Droit pénal - Droit international public

Analyses

Il résulte de l'article 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un État membre de l'Union européenne que, si la juridiction d'instruction refuse d'exécuter le mandat d'arrêt européen sur la base de l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen, la peine prononcée à l'étranger est directement et immédiatement exécutoire en Belgique et doit effectivement être mise à exécution par les autorités du pouvoir exécutif (1). (1) Cass. 12 juin 2018, RG P.18.0579.N, Pas. 2018, n° 381.

MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Refus de l'exécution du mandat d'arrêt européen par la juridiction d'instruction - Peine prononcée à l'étranger - Conséquence - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - Mandat d'arrêt européen - Refus de l'exécution par la juridiction d'instruction - Peine prononcée à l'étranger - Conséquence - APPLICATION DES PEINES [notice1]

L'article 5, § 4, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne s'applique pas à une détention ordonnée à la suite d'une condamnation judiciaire, de sorte que la juridiction d'instruction ne peut déduire de cette disposition conventionnelle son pouvoir juridictionnel pour connaître d'une demande de mise en liberté formulée par une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen qui a été émis à des fins d'exécution d'une peine et dont l'exécution a été rejetée sur la base de l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen, cette personne se trouvant, de ce fait, au stade de l'exécution de sa peine en application de l'article 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un État membre de l'Union européenne.

DROITS DE L'HOMME - CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 5 - Article 5, § 4 - Champ d'application - Conséquence - JURIDICTIONS D'INSTRUCTION - Mandat d'arrêt européen émis à l'étranger à des fins d'exécution d'une peine - Demande de mise en liberté - Recevabilité - MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Mandat d'arrêt européen émis à l'étranger à des fins d'exécution d'une peine - Juridictions d'instruction - Demande de mise en liberté - Recevabilité [notice4]


Références :

[notice1]

Loi - 15-05-2012 - Art. 38, § 1er - 03 / No pub 2012009226 ;

Loi - 19-12-2003 - Art. 6, 4° - 32 / No pub 2003009950

[notice4]

Traité ou Convention internationale - 04-11-1950 - Art. 5, § 4 - 30 / Lien DB Justel 19501104-30 ;

Loi - 15-05-2012 - Art. 38, § 1er - 03 / No pub 2012009226 ;

Loi - 19-12-2003 - Art. 6, 4° - 32 / No pub 2003009950


Composition du Tribunal
Président : VAN VOLSEM FILIP
Greffier : VANDEN BOSSCHE KRISTEL
Ministère public : TIMPERMAN MARC
Assesseurs : HOET PETER, LIEVENS ANTOINE, FRANCIS ERWIN, COUWENBERG ILSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-12-17;p.19.1232.n ?

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