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11/12/2019 | BELGIQUE | N°P.19.1157.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 décembre 2019, P.19.1157.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.1157.F
M D. S.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Patrick Huget, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux griefs et quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de

Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier grief :
La demandeur soutient qu'en...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.1157.F
M D. S.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Patrick Huget, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 12 novembre 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux griefs et quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier grief :
La demandeur soutient qu'en application de l'article 31, § 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, la Cour est tenue de se prononcer dans les quinze jours à compter du pourvoi formé contre la décision qui statue sur la légalité du titre de rétention d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, et qu'elle aurait ainsi dû statuer au plus tard le 28 novembre 2019.
Le grief n'est donc pas dirigé contre l'arrêt attaqué. Il dénonce une circonstance non imputable à la juridiction qui l'a rendu et sur laquelle il ne lui appartient pas de statuer.
Le grief est, partant, irrecevable.
Le demandeur fait valoir que la Cour ne peut persister dans sa jurisprudence sans poser, au préalable, une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.
La question se rattache à un grief dont l'irrecevabilité est encourue pour un motif étranger à celui qui est invoqué à l'appui de la demande de renvoi préjudiciel.
L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 13 et 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ne soulèvent aucune question d'interprétation ou de validité en relation avec la règle, tirée des articles 608 du Code judiciaire et 418 du Code d'instruction criminelle, suivant laquelle le pourvoi en cassation n'a d'autre objet que de déférer à la Cour les décisions des cours et tribunaux rendues en dernier ressort.
Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner le renvoi préjudiciel sollicité par le demandeur.
Sur le second grief :
Le demandeur a été informé de la date de l'audience par un courrier du 21 novembre 2019 et le mémoire a été remis au greffe le 25 novembre 2019, soit quinze jours francs avant l'audience.
Le mémoire étant recevable, le grief relatif à la tardiveté tant du dépôt de cet acte que de l'information concernant la fixation à l'audience est dénué d'intérêt et, partant, irrecevable.
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 39/57, alinéas 2 et 3, 39/82 et 39/78 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.
Le moyen critique la considération de l'arrêt sur l'étendue du contrôle, par la juridiction administrative, d'une mesure d'éloignement assortie d'une privation de liberté.
Dirigé contre un motif surabondant de l'arrêt, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.
Sur le deuxième moyen :
Pris de la violation de l'article 15.6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (directive retour), le moyen soutient que l'Office des étrangers ne pouvait pas prendre une nouvelle mesure de rétention en raison du refus du demandeur de coopérer à son retour, mais seulement prolonger la mesure initiale.
L'article 15 de la directive retour dispose :
« [...]
5. La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu'il est nécessaire de garantir que l'éloignement puisse être mené à bien. Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois.
6. Les États membres ne peuvent pas prolonger la période visée au paragraphe 5, sauf pour une période déterminée n'excédant pas douze mois supplémentaires, conformément au droit national, lorsque, malgré tous leurs efforts raisonnables, il est probable que l'opération d'éloignement dure plus longtemps en raison :
a) du manque de coopération du ressortissant concerné d'un pays tiers, ou
b) des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires. »
Il ne se déduit pas de l'article 15.6 que cette disposition est incompatible avec une nouvelle mesure de rétention prise à l'égard de l'étranger qui refuse de coopérer à son éloignement, laquelle, si elle constitue un titre distinct de la décision antérieure en vertu de la loi nationale, a pour effet de prolonger la période de rétention au sens de la directive retour.
A cet égard, le moyen manque en droit.
A défaut de constater la violation alléguée, le demandeur invite la Cour à interroger la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel sur le point de savoir si le droit européen et notamment l'article 15.5 de la directive retour, exigeant notamment une prolongation de la rétention en cas de manque de coopération, doivent s'interpréter comme s'opposant à une pratique nationale telle celle visée à l'article 27, § 3, de la loi du 15 décembre 1980 et à ce qu'un nouveau titre de rétention soit pris en lieu et place d'une prolongation de ladite rétention.
Dès lors que l'interprétation correcte de cette disposition communautaire s'impose avec une évidence telle qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, la question préjudicielle proposée par le demandeur ne doit pas être posée à la Cour de justice de l'Union européenne.
Le demandeur soutient également que la contestation devant les juridictions d'instruction de la légalité de sa rétention justifiait le refus de coopérer à un éloignement sous la contrainte, en raison du droit à un recours effectif garanti par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux et les articles 13 et 15 de la directive retour. Il déduit de la légitimité de cette opposition à son éloignement qu'aucune mesure coercitive nouvelle ne pouvait être prise contre lui.
Soulevé pour la première fois devant la Cour et exigeant, pour son examen, une vérification d'éléments de fait, le moyen est, dans cette mesure, irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris d'une contradiction des motifs de l'arrêt et de la violation de l'article 72 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.
Le demandeur reproche à la cour d'appel de s'être contredite en procédant à un contrôle en opportunité de la mesure de réécrou, après avoir considéré qu'elle n'était tenue qu'à un contrôle de légalité de ce titre de rétention.
L'arrêt rappelle que la juridiction d'instruction examine, dans le cadre de son contrôle de légalité, si la décision est indemne d'erreur de fait ou d'erreur manifeste d'appréciation.
En relevant les divers éléments liés à la vie de famille invoquée par le demandeur pour vérifier le respect de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont il accusait la violation, la chambre des mises en accusation a procédé à un contrôle qui ressortit à la légalité du titre de rétention.
Ainsi, sans verser dans la contradiction, l'arrêt motive régulièrement et justifie légalement sa décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Pris de la violation des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 13 de la directive retour qui consacre le droit à un recours effectif, le moyen fait valoir qu'il n'y aurait pas lieu de dire que le pourvoi deviendrait sans objet à la suite de l'éloignement du demandeur ou à la délivrance d'un nouveau titre autonome de privation de liberté.
Reposant sur une hypothèse, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.
Le contrôle d'office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante-sept euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Formation : Chambre 2f - deuxième chambre
Numéro d'arrêt : P.19.1157.F
Date de la décision : 11/12/2019
Type d'affaire : Droit administratif

Analyses

Il ne se déduit pas de l'article 15.6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (directive retour) que cette disposition est incompatible avec une nouvelle mesure de rétention (1) prise à l'égard de l'étranger qui refuse de coopérer à son éloignement, laquelle, si elle constitue un titre distinct de la décision antérieure en vertu de la loi nationale, a pour effet de prolonger la période de rétention au sens de la directive retour (2). (1) En l'espèce, un réquisitoire de réécrou décerné sur pied de l'art. 27, §3, de la loi du 15 décembre 1980. (2) Cass. 27 mai 2015, RG P.15.0647.F, Pas. 2015, n° 347.

ETRANGERS - Directive 2008/115/CE "retour" - Rétention - Refus de coopérer à l'éloignement - Nouvelle mesure de rétention - Compatibilité avec la directive [notice1]


Références :

[notice1]

Directive CE - 16-12-2008 - Art. 15.6 ;

Loi - 15-12-1980 - Art. 27 - 30 / No pub 1980121550


Composition du Tribunal
Président : DEJEMEPPE BENOIT
Greffier : GOBERT FABIENNE
Ministère public : NOLET DE BRAUWERE MICHEL
Assesseurs : ROGGEN FRANCOISE, DE FORMANOIR DE LA CAZERIE ERIC, KONSEK TAMARA, STEVENART MEEUS FRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-12-11;p.19.1157.f ?

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